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CA PARIS (5e ch. sect. C), 13 octobre 1994

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. C), 13 octobre 1994
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. C
Demande : 94/2309
Date : 13/10/1994
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Recueil Dalloz
Décision antérieure : T. COM. PARIS (10e ch.), 5 novembre 1993
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1296

CA PARIS (5e ch. sect. C), 13 octobre 1994 : RG n° 94/2309

Publication : D. 1995. p. 264, note Y. Dagorne-Labbe

 

Extrait : « Considérant que la Rayonnante invoque en vain la nullité de la clause sur la base de l'art. 35 de la loi du 10 janv. 1978 ; que ce texte en effet, qui vise la protection du consommateur, ne trouve pas son application à propos d'un contrat conclu entre deux professionnels, ce qui est le cas du contrat litigieux, la Société la Rayonnante ne pouvant valablement soutenir qu'elle devrait être considérée comme un simple particulier vis-à-vis d'un professionnel de l'affacturage ; qu'il s'agit d'une importante société qui doit recouvrer chaque année un nombre très important de factures, que c'est en vue de ce recouvrement qu'elle a signé le contrat litigieux en faisant état d'une facturation annuelle minimum de 250.000 KF ; qu'on se trouve donc bien en présence de puissances économiques de même ordre et non d'un particulier qui subit le joug d'un partenaire susceptible de lui dicter sa loi ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION C

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° répertoire général : 94/2309. Sur appel d’un jugement du Tb. de Commerce de Paris (10ème chambre) du 5 novembre 1993. Président : M. PICARD. RG n° 92/040834. Date de l’ordonnance de clôture : 15 septembre 2004.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) LA SOCIÉTÉ LA RAYONNANTE,

Société à Responsabilité limitée dont le siège social est à [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, APPELANTE, Représentée par la SCP NARRAT PEYTAVI, Avoués, Assistée de Maître MESSAGER, Avocat, du barreau de LILLE,

 

2°) LA SOCIETE SLIFAC, (SOCIETE LYONNAISE D'AFFACTURAGE), SA

ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, INTIMÉE, Représentée par la SCP BOMMART FORSTER, Avoués, Assistée de Maître MAUSSER, Avocat, substituant Maître JOURDE, Avocat, du barreau de PARIS,

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur COUDERETTE, (loi du 7 janvier 1988) – Conseillers : Madame CABAT et Monsieur BETCH.

GREFFIER : Madame ARDES, lors des débats et au prononcé de l'arrêt.

DÉBATS : A L'Audience publique du JEUDI 15 SEPTEMBRE 1994, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement à l'audience du JEUDI 13 OCTOBRE 1994 par Monsieur le Président COUDERETTE qui a signé la minute avec Madame ARDES, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 29 mai 1991 la Société LA RAYONNANTE signait avec la SLIFAC un contrat d'affacturage aux termes duquel elle transférait au factor la totalité des factures qu'elle émettait, la SLIFAC les lui payait par inscription au crédit d'un compte-courant et pouvait dans certain cas se les faire rembourser par la RAYONNANTE par inscription au débit du compte-courant. Le contrat était conclu pour un an à compter du 31 mai 1991 et renouvelable par tacite reconduction. La SLIFAC était rémunérée par une commission de 1% des factures prises en charge avec un minimum forfaitaire de 1.750.000 Francs par an.

Le 30 septembre 1991 la RAYONNANTE a notifié à la SLIFAC la résiliation du contrat et la SLIFAC a inscrit au débit du compte-courant une somme de 1.312.500 Francs correspondant à la différence entre la rémunération minimale annuelle de 1.750.000 Francs et les commissions effectivement perçues entre le 31 mai et le 30 septembre 1991.

[minute page 3] Le 3 décembre 1991 LA RAYONNANTE a fait sommation à la SLIFAC de lui rembourser la somme de 1.312.500 Francs et par exploit du 14 mai 1992 l'a faite assigner en paiement de la dite somme avec intérêts au taux légal à compter de la sommation, 150.000 Francs à titre de dommages-intérêts et 25.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SLIFAC a répondu en s’opposant à la demande qui lui était faite et en soutenant que la responsabilité de la rupture du contrat incombait à LA RAYONNANTE. Elle a formé une demande reconventionnelle en paiement de 2 Millions de francs à titre de dommages-intérêts pour le manque à gagner subi et de 10.000 Francs en application de l'article 700.

Par jugement du 5 Novembre 1993 le Tribunal de commerce de PARIS a condamné LA RAYONNANTE à verser à la SLIFAC en deniers ou quittances la somme de 1.750.000 Francs outre une indemnité de 10.000 Francs au titre de l'article 700 et rejeté le surplus des demandes réciproques.

La Société LA RAYONNANTE a régulièrement en la forme interjeté appel principal de cette décision.

Elle invoque la nullité de la clause contractuelle fixant une commission forfaitaire annuelle ou à tout le moins son caractère excessif; et conclut au remboursement de la somme de 1.312.000 Francs (sic) avec intérêts à compter de la mise en demeure du 3 décembre 1991 et au paiement de 150.000 Francs à titre de dommages-intérêts.

A titre subsidiaire, invoquant une faute de sa cocontractante qui aurait tiré des conséquences hâtives et brutales de son intention de rompre le contrat, elle demande en réparation du dommage qui lui aurait été causé par cette faute 850.000 Francs de dommages-intérêts.

En toute hypothèse elle sollicite une indemnité de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700.

La Société SLIFAC conclut à la confirmation du jugement sauf à demander aux termes d'un appel incident une indemnité supplémentaire de 15.000 Francs au titre de l'article 700, en reprenant les fins de sa demande reconventionnelle en paiement de 2 Millions de francs pour le manque à gagner qu'elle aurait subi du fait de la rupture anticipée du contrat par LA RAYONNANTE.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] Considérant, sur la nullité de la clause contractuelle en vertu de laquelle la SLIFAC a inscrit une somme de 1.312.500 Francs au débit du compte courant de LA RAYONNANTE, que contrairement à l'affirmation de celle-ci cette clause n'est pas dépourvue de cause ou de toute contrepartie.

Qu'en effet la perception d'une commission par le factor n'est pas seulement liée à l'encaissement des factures, mais à un accord général aux termes duquel le factor assure la gestion des comptes clients et le risque d'insolvabilité des acheteurs, ce qui implique une organisation et un engagement de capitaux préalables qui ne seraient pas rémunérés en cas de résolution anticipée du contrat, alors que le pourcentage de 1 % a été calculé sur la base d'une facturation annuelle minimum de 250.000 KF répartie sur 1.000 comptes générant une valeur moyenne de facture de 7.000 Francs environ. Et que, le contrat étant conclu pour un an, la fixation par les parties d'un minimum forfaitaire annuel de la commission du factor est pleinement justifiée.

Considérant que LA RAYONNANTE invoque en vain la nullité de la clause sur la base de l'article 35 de la loi du 10 Janvier 1978.

Que ce texte en effet, qui vise la protection du consommateur, ne trouve pas son application à propos d'un contrat conclu entre deux professionnels, ce qui est le cas du contrat litigieux, la Société LA RAYONNANTE ne pouvant valablement soutenir qu'elle devrait être considérée comme un simple particulier vis à vis d'un professionnel de l'affacturage. Qu'il s'agit d'une importante société qui doit recouvrer chaque année un nombre très important de factures, que c'est en vue de ce recouvrement qu'elle a signé le contrat litigieux en faisant état d'une facturation annuelle minimum de 250.000 KF. Qu'on se trouve donc bien en présence de puissances économiques de même ordre et non d'un particulier qui subit le joug d'un partenaire susceptible de lui dicter sa loi.

Considérant que la Société LA RAYONNANTE soutient que la perception d'une commission annuelle minimum revêtirait les caractères d'une clause pénale et serait comme telle réductible par le juge comme manifestement excessive ou comme ne correspondant pas à l'intérêt qu'une exécution partielle aurait procuré au créancier.

[minute page 5] Mais que, ainsi que l'ont dit à bon droit les premiers juges, le minimum forfaitaire contesté ne peut être assimilé à une clause pénale.

Que le contrat était basé sur une rémunération de 1 % calculée sur une facturation annuelle de 250.000 KF, ce qui laissait prévoir pour le factor une rentrée d'argent de l'ordre de 2.500.000 Francs en fonction de laquelle il a engagé son activité pour le compte de LA RAYONNANTE. Qu'il était dans ces conditions normal de fixer pour sa rémunération un minimum annuel qui, défini à 1.750.000 Francs, représente une moyenne entre ce qui était prévu – 2.500.000 Francs – et ce qui a été effectivement réalisé pendant l'exécution du contrat – 437.500 Francs sur 4 Mois correspondant à 1.312.500 Francs sur un an.

Qu'au surplus, à supposer que le minimum forfaitaire puisse être assimilé à une clause pénale, le chiffre fixé n'apparaît au vu de ce qui vient d'être dit nullement excessif.

Considérant que la demande principale de LA RAYONNANTE tendant à se faire rembourser la somme de 1.312.500 Francs que la SLIFAC a prélevée d'office sur son compte-courant à la rupture du contrat n'est donc pas fondée et qu'elle en sera déboutée, le jugement qui a condamné LA RAYONNANTE à payer à la SLIFAC 1.750.000 Francs devant être réformé.

Que par voie de conséquence la demande de LA RAYONNANTE en paiement de 150.000 Francs de dommages-intérêts pour le préjudice causé par la retenue indue de la somme de 1.312.500 Francs n'est pas davantage fondée.

Considérant qu'à titre subsidiaire la Société LA RAYONNANTE prétend à 850.000 Francs de dommages-intérêts en invoquant une faute de la SLIFAC considérant le contrat comme résilié par elle le 30 septembre 1991, en soutenant que sa lettre n'exprimait qu'une intention alors qu'une résiliation amiable du contrat était envisagée.

Mais que les termes de cette lettre sont sans ambiguïté : LA RAYONNANTE résilie le contrat d'affacturage suite à une rencontre du 26 septembre et demande les propositions de sa partenaire relativement aux modalités financières de la résiliation.

Que sans doute LA RAYONNANTE invoque un accord de la SLIFAC, mais ne verse au débat aucune justification de pareil accord.

[minute page 6] Qu'au contraire dans un courrier du 8 octobre la SLIFAC conteste avoir donné l'autorisation invoquée et prend acte de la résiliation par LA RAYONNANTE en déclarant appliquer la clause contractuelle relative au minimum de la commission annuelle exigible en pareil cas.

Qu'il se déduit donc de ces éléments que la résiliation du contrat avant l'échéance fixée a été le fait de la seule Société LA RAYONNANTE et que celle-ci ne peut invoquer un préjudice qui lui aurait été causé par la faute de son partenaire qui a simplement pris acte de sa décision sans tirer de conclusions hâtives et brutales de son courrier du 30 septembre.

Considérant sur la demande reconventionnelle de la Société SLIFAC, que celle-ci invoque du fait de la résiliation anticipée du contrat un manque à gagner de 2 Millions de francs, en relevant qu'aux termes des accords elle pouvait légitimement espérer 2.500.000 Francs de commissions alors qu'elle n'en a perçu que 437.500 Francs.

Qu'il convient cependant de considérer que les parties ont convenu d'un minimum annuel de 1.750.000 Francs et que la SLIFAC ne peut invoquer la prévision de 2.500.000 Francs.

Que surtout le manque à gagner, qui n'aurait été que de 1.312.500 Francs, se trouve compensé par l'inscription au débit du compte-courant de LA RAYONNANTE d'une somme correspondante le compensant.

Que la SLIFAC ne peut donc prétendre à recevoir davantage et doit être déboutée de sa demande reconventionnelle.

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SLIFAC les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en raison de la procédure qui lui a été faite. Qu'à bon droit les premiers juges lui ont alloué en compensation une indemnité de 10.000 Francs. Mais que les frais dont s'agit ont été accrus en raison de l'appel infondé de LA RAYONNANTE et qu'une indemnité supplémentaire de 10.000 Francs lui sera accordée au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

[minute page 7] Que la Société LA RAYONNANTE, qui succombe dans son recours et sera condamnée aux dépens, ne peut prétendre à une indemnité du même chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Reçoit les appels principal et incident réguliers en la forme,

Infirme le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 5 novembre 1993 et, statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la Société LA RAYONNANTE des fins de sa demande principale et la Société SLIFAC de celles de sa demande reconventionnelle.

Condamne LA RAYONNANTE à verser à la SLIFAC en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile une indemnité de 10.000 Francs au titre des frais irrépétibles de première instance et une autre de même montant en compensation de ceux d'appel.

Condamne LA RAYONNANTE aux dépens de première instance et d'appel et en ce qui concerne ces derniers autorise la SCP BOMMART-FORSTER, titulaire d'un office d'avoué, à poursuivre le recouvrement de ceux qu'elle a exposés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.