CASS. CIV. 1re, 14 juin 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 2806
CASS. CIV. 1re, 14 juin 2007 : pourvoi n° 05-12048 ; arrêt n° 793
Publication : Bull. civ. I, n° 235
Extraits : 1/ « Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, d'une part, que, pour entrer dans le champ d'application des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, le prêt doit être destiné à financer notamment la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et, d'autre part, que les parts acquises étaient des parts de la SCPI, sociétés civiles qualifiées par l'article L. 214-1 du code monétaire et financier d'organismes de placement collectif et que la détention de parts de telles sociétés ne donne nullement vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un local à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, mais seulement à la perception des revenus locatifs encaissés par la SCPI dans le cadre de la gestion des immeubles dont elle est propriétaire, en a justement déduit que l'acquéreur de parts d'une société de cette nature ne pouvait prétendre bénéficier, pour le prêt souscrit aux fins de cette acquisition, des dispositions protectrices du code de la consommation ».
2/ « Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et hors la dénaturation alléguée que la cour d'appel a estimé que n'était pas établie la volonté clairement exprimée et expressément partagée des deux parties de voir le code de la consommation régir une situation à laquelle il ne s'appliquait pas de plein droit »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 JUIN 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 05-12.048. Arrêt n° 793.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X. veuve Y.
DÉFENDEUR à la cassation : Société générale
M. Ancel, président. Mme Richard, conseiller rapporteur. Maître Blondel, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s).
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le 31 mars 1990, Mme X. et son époux M. Y., ont souscrit auprès de la Société générale un prêt destiné à l'acquisition de parts d'une SCPI ; que les échéances étant impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et a assigné les emprunteurs en paiement ; que par jugement en date du 18 décembre 2003, le tribunal de grande instance de Castres a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêteur pour non-respect des dispositions des articles L. 312-2 et suivants du code de la consommation ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2004), d'avoir dit que le prêt consenti par la Société générale à M. et Mme Y. le 31 mars 1990 ne relevait pas des dispositions du code de la consommation, dit n'y avoir lieu en conséquence de l'annuler ni de déchoir l'établissement prêteur de son droit à percevoir les intérêts convenus, et d'avoir ainsi violé l'article L. 311-2 du code de la consommation et l'article L. 214-50 du code monétaire et financier, alors, que les dispositions protectrices du consommateur en matière de crédit immobilier s'appliquent, nonobstant toute clause contraire, aux prêts consentis en vue de financer la souscription ou l'achat de parts ou actions des sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'immeubles à usage d'habitation, ou à usage professionnel et d'habitation, sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre les opérations destinées à l'habitation effective et celles effectuées dans un but d'investissement ; qu'elles s'appliquent donc aux prêts destinés à financer l'achat de parts de sociétés civiles de placement immobilier, ces sociétés ayant pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, d'une part, que, pour entrer dans le champ d'application des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, le prêt doit être destiné à financer notamment la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et, d'autre part, que les parts acquises étaient des parts de la SCPI, sociétés civiles qualifiées par l'article L. 214-1 du code monétaire et financier d'organismes de placement collectif et que la détention de parts de telles sociétés ne donne nullement vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un local à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, mais seulement à la perception des revenus locatifs encaissés par la SCPI dans le cadre de la gestion des immeubles dont elle est propriétaire, en a justement déduit que l'acquéreur de parts d'une société de cette nature ne pouvait prétendre bénéficier, pour le prêt souscrit aux fins de cette acquisition, des dispositions protectrices du code de la consommation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches, qui est subsidiaire :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et hors la dénaturation alléguée que la cour d'appel a estimé que n'était pas établie la volonté clairement exprimée et expressément partagée des deux parties de voir le code de la consommation régir une situation à laquelle il ne s'appliquait pas de plein droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X., veuve Y., aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille sept.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître Blondel, avocat aux Conseils pour Mme X., veuve Y.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le prêt consenti par la SOCIETE GENERALE à Monsieur et Madame Y. le 31 mars 1990 ne relevait pas des dispositions du Code de la consommation, dit n'y avoir lieu en conséquence de l'annuler ni de déchoir l'établissement prêteur de son droit à percevoir les intérêts convenus, ensemble d'avoir condamné Madame X. veuve Y. à payer diverses sommes au titre du remboursement dudit prêt;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE le crédit litigieux visant à financer un investissement dans le secteur de l'immobilier, il est susceptible à ce titre de relever des articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation, peu important son montant, qui n'est pris en considération que pour les prêts affectés à la réalisation de travaux ; que cependant, pour entrer dans le champ d'application de ces articles du Code, un prêt doit être destiné à financer l'acquisition en propriété ou en jouissance d'un immeuble d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, ou encore la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de tels locaux ; que les parts acquises étaient des parts de SCPI, sociétés civiles autorisées par exception à la règle à faire appel public à l'épargne et qualifiées par l'article L. 214-1 du Code monétaire et financier d'organismes de placement collectif ; que la détention de parts de telles sociétés ne donne nullement vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un local à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, mais seulement à la perception des revenus locatifs encaissés par la SCPI dans le cadre de la gestion des immeubles dont elle est propriétaire ; qu'il résulte donc de la confrontation des définitions légales du crédit immobilier selon le Code de la consommation et des SCPI selon le Code monétaire et financier que l'acquéreur de parts d'une société de cette nature ne peut prétendre bénéficier, pour le prêt souscrit aux fins de cette acquisition, des dispositions protectrices du Code de la consommation ; qu'il est d'ailleurs compréhensible que le législateur n'ait pas eu le souci de protéger de façon particulière un investisseur désireux non pas de loger sa famille, mais d'optimiser sa situation fiscale, sans amputer ses revenus courants puisque les revenus des parts devaient couvrir le service des intérêts du prêt, tout en se donnant les moyens de réaliser à terme une plus-value telle qu'une fois le principal du prêt remboursé, il dispose encore d'un capital à réinvestir ; que dès lors, la Cour rejettera les moyens de nullité tirés du défaut d'application des règles impératives contenues dans le Code de la consommation ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE les dispositions protectrices du consommateur en matière de crédit immobilier s'appliquent, nonobstant toute clause contraire, aux prêts consentis en vue de financer la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'immeubles à usage d'habitation, ou à usage professionnel et d'habitation, sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre les opérations destinées à l'habitation effective et celles effectuées dans un but d'investissement; qu'elles s'appliquent donc aux prêts destinés à financer l'achat de parts de sociétés civiles de placement immobilier, ces sociétés ayant pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif ; qu'en décidant le contraire, la Cour viole l'article L. 311-2 du Code de la consommation et l'article L. 214-50 du Code monétaire et financier.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le prêt consenti par la SOCIETE GENERALE à Monsieur et Madame Y. le 31 mars 1990 ne relevait pas des dispositions du Code de la consommation, dit n'y avoir lieu en conséquence de l'annuler ni de déchoir l'établissement prêteur de son droit à percevoir les intérêts convenus, ensemble d'avoir condamné Madame X. veuve Y. à payer diverses sommes au titre du remboursement dudit prêt;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l'offre de prêt initiale exclut expressément l'application des textes pris pour la protection des consommateurs, et la simple référence à ces textes en tête de l'avenant relatif à la révision du taux d'intérêt, qui stipule par ailleurs qu'il n'emporte pas novation, les autres dispositions du contrat initial demeurant inchangées, relève d'une maladresse de la banque et non d'une volonté clairement exprimée et expressément partagée des deux parties de voir le Code de la consommation régir une situation à laquelle il ne s'appliquait pas de plein droit ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D'UNE PART, quand bien même une opération de crédit ne relèverait pas des dispositions protectrices du Code de la consommation, les parties peuvent toujours se soumettre aux dispositions du dispositif protecteur ou encore à certaines d'entre elles ; qu'en l'espèce, comme le rappelait Madame Y. dans ses conclusions d'appel (concl., p. 6), l'avenant modificatif stipulait expressément : « l'emprunteur ou la caution ne peut accepter l'offre modificative que dix jours après l'avoir reçue, c'est-à-dire au plus tôt le onzième jour suivant la date de réception par la Poste » ; qu'en ne s'expliquant sur cette clause, qui était pourtant de nature à faire preuve de la volonté des protagonistes de soumettre l'opération de crédit, sinon à l'ensemble du dispositif protecteur, du moins à la règle ménageant au profit de l'emprunteur un délai de réflexion de dix jours, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, de même en ne s'expliquant pas sur l'énonciation figurant dans l'exposé de l'avenant du 23 mars 1994 qualifiant expressément « d'offre de prêt immobilier », l'offre initiale du 20 mars 1990, la Cour d'appel ne justifie toujours pas légalement sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS QUE, DE DERNIERE PART, l'offre modificative stipulait : « toutes les conditions tant générales que particulières de l'offre de prêt initiale, autres que celles figurant dans la présente offre modificative (...) demeurent inchangées et continuent de s'appliquer sans novation » ; qu'il résulte de cette clause claire et précise que les stipulations de l'offre initiale excluant l'application du droit de la consommation n'avaient pu survivre aux stipulations contraires de l'offre modificative, qui plaçaient expressément le prêt litigieux sous le régime de la protection du consommateur et rappelaient en toutes lettres la nécessité de respecter un délai de réflexion de dix jours francs ; qu'en décidant le contraire, la Cour statue au prix d'une dénaturation de la clause de l'offre modificative ci-dessus reproduite, violant l'article 1134 du Code civil.