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CASS. CIV. 1re, 22 mai 2008

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 22 mai 2008
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 06-13562
Date : 22/05/2008
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Numéro de la décision : 576
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2823

CASS. CIV. 1re, 22 mai 2008 : pourvoi n° 06-13562 ; arrêt n° 576

 

Extraits : 1/ « Attendu que la cour d'appel s'est bornée à constater l'absence de remise en compte, pour en déduire que la défaillance dans le remboursement des sommes utilisées justifiait la résiliation de la convention d'ouverture de crédit, sans se référer, à cet égard, à la clause de domiciliation des salaires et revenus ; qu'aucun des griefs n'est donc fondé ».

2/ « Attendu que pour rejeter la demande de Mme X. en déchéance pour le Crédit maritime du droit aux intérêts conventionnels, faute d'avoir respecté l'obligation d'information à l'occasion de chaque reconduction annuelle de la convention d'ouverture de crédit, l'arrêt énonce que cette disposition étant destinée à permettre à l'emprunteur de refuser des modifications, l'absence d'envoi d'une lettre d'information des conditions de reconduction du contrat ne saurait être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation d'information édictée par le texte susvisé s'impose pour toutes les reconductions du contrat d'ouverture de crédit, la cour d'appel a violé [l'article L. 311-9, alinéa 2, du code de la consommation] par refus d'application ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 MAI 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 06-13562. Arrêt n° 576.

DEMANDEUR à la cassation : Madame X., épouse Y.

DÉFENDEUR à la cassation : Caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral de la Manche

Président : M. Bargue.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, sur offre préalable, acceptée le 22 juin 2001, la caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral de la Manche (le Crédit maritime) a consenti à Mme X. une ouverture de crédit par découvert en compte, utilisable par fractions, d'une durée d'un an, renouvelable ; que, faisant valoir qu'après résiliation de cette convention, Mme X. demeurait débitrice à son égard d'une somme d'argent, le Crédit maritime l'a assignée en paiement ; que la cour d'appel, devant laquelle Mme X. avait formé une demande reconventionnelle en déchéance du droit aux intérêts conventionnels et en paiement de dommages-intérêts, a accueilli la demande principale et rejeté la demande reconventionnelle ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE ET RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la cour d'appel s'est bornée à constater l'absence de remise en compte, pour en déduire que la défaillance dans le remboursement des sommes utilisées justifiait la résiliation de la convention d'ouverture de crédit, sans se référer, à cet égard, à la clause de domiciliation des salaires et revenus ; qu'aucun des griefs n'est donc fondé ;

 

Mais sur le deuxième moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 311-9, alinéa 2, du code de la consommation ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour rejeter la demande de Mme X. en déchéance pour le Crédit maritime du droit aux intérêts conventionnels, faute d'avoir respecté l'obligation d'information à l'occasion de chaque reconduction annuelle de la convention d'ouverture de crédit, l'arrêt énonce que cette disposition étant destinée à permettre à l'emprunteur de refuser des modifications, l'absence d'envoi d'une lettre d'information des conditions de reconduction du contrat ne saurait être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation d'information édictée par le texte susvisé s'impose pour toutes les reconductions du contrat d'ouverture de crédit, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;

 

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article 1147 du code civil ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour écarter la demande en paiement de dommages-intérêts de Mme X. qui recherchait la responsabilité du Crédit maritime en faisant valoir que lors de l'octroi de l'ouverture du crédit elle ne disposait d'aucun revenu et n'avait vocation qu'à recevoir, à échéance de plusieurs années en raison de dissensions entre héritiers, une succession de faible valeur, l'arrêt énonce que Mme X. ne peut valablement reprocher à la banque de lui avoir accordé un crédit qu'elle avait elle-même demandé, qu'il n'apparaît pas que la banque ait eu ou dû avoir sur la situation financière de Mme X., actuelle ou prévisible lors de l'octroi du crédit, des informations qu'elle-même aurait ignorées, qu'au surplus le Crédit maritime fait valoir que Mme X. était en attente du règlement de la succession de sa mère, qu'elle devait apparemment percevoir une part du produit d'un immeuble et que ce n'est qu'après l'octroi du crédit que le Crédit maritime a su que les époux X. avaient fait don de leur bien immobilier à leurs enfants ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu'en se déterminant par de tels motifs quand il lui incombait de rechercher si Mme X. était, ou non, avertie, et, dans la négative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel il était tenu à son égard lors de la conclusion du contrat d'ouverture de crédit, le Crédit maritime justifiait avoir satisfait à cette obligation en considération des capacités financières de Mme X. et des risques de l'endettement né de l'octroi de l'ouverture de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;

Condamne la caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral de la Manche aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral de la Manche à payer à Mme X. la somme de 2.500 euros ; rejette la demande de la caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral de la Manche ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille huit.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par Maître Foussard, Avocat aux Conseils, pour Mme Y.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, prenant le contre-pied de la décision des premiers juges, décidé que la banque avait pu résilier les deux conventions - convention de compte-chèques et convention d'ouverture de crédit - par sa lettre du 26 février 2003 et a en conséquence condamné Mme X. à payer à la banque une somme de 12.776,67 € avec intérêts au taux de 12,92 % à compter du 28 juin 2002 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QU' « une clause « garanties » stipulait : «Vous devez obligatoirement domicilier vos salaires et revenus sur votre compte précité au CRÉDIT MARITIME » ; que cette clause n'est pas abusive au moins en ce qu'elle ne concerne pas la totalité des salaires et revenus mais une part suffisante, en relation avec l'autorisation de découvert, pour faire fonctionner le compte normalement ; qu'une ouverture de crédit par découvert en compte ne saurait fonctionner sans aucune remise au crédit; que cela serait contraire à la nature même de la convention de compte ; que l'article 5 2 de la convention de compte prévoit que le compte doit être alimenté ; que Mme X. n'a jamais fait aucune remise ; que l'offre de crédit stipulait qu'elle était consentie pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation trois mois avant l'échéance ; que, d'autre part, en exécution de l'article 4 du contrat de crédit, la banque pouvait exiger le remboursement immédiat, en cas de défaillance dans le remboursement ; qu'après deux demandes de régularisation les 29 juin 2002 et 7 juillet 2002, le solde dépassant l'autorisation, la banque a dénoncé la convention d'ouverture de crédit par découvert en compte ; que l'intention de dénoncer la convention de crédit est clairement exprimée ; que les deux erreurs matérielles, la référence à l'article 4 IV de l'offre au lieu de l'article 4 a) est ans conséquence, de même que l'erreur de date de conclusion du contrat, 23 juin au lieu de 22 juin ; que la banque était en droit de résilier le contrat à deux titres : le non-renouvellement, notifié plus de trois mois avant le 22 juin 2003 avec effet à cette date et la défaillance dans le remboursement, le dépassement étant d'un faible montant mais persistant et sans qu'aucune remise ne laisse espérer que le crédit puisse fonctionner normalement; que le remboursement du crédit est bien exigible, conformément à ce qu'a jugé le Tribunal, au moins depuis le 29 juin 2003, deux ans et sept jours après la conclusion du contrat de crédit (...) » (arrêt, p. 2 in fine et p. 3, § 1 et 2) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, premièrement le chapitre III intitulé « GARANTIES » du contrat d'ouverture de crédit portait une clause rédigée comme suit : « vous devez obligatoirement domicilier vos salaires ou revenus sur votre compte précité au CRÉDIT MARITIME » ; qu'en énonçant que cette clause ne visait pas la totalité des salaires ou revenus de l'emprunteur mais une part suffisante de ceux-ci en relation avec l'autorisation de découvert pour faire fonctionner le compte, quand cette clause était claire et précise et ne prévoyait aucune restriction à l'obligation pour l'emprunteur de domicilier ses salaires ou revenus sur le compte-chèques, les juges du fond l'ont dénaturée et partant violé l'article 1134 du Code civil :

ALORS QUE, deuxièmement revêt un caractère abusif et doit être réputée non écrite, dans les contrats entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, la clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas de la clause de domiciliation de revenus ou salaires précitée, dès lors que cette dernière ne souffre pas de restriction et ne s'accompagne pas d'une contrepartie individualisable pour l'emprunteur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé, par fausse application, l'article 1134 du Code civil et par refus d'application, l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Et ALORS QUE, troisièmement et en toute hypothèse, avant de retenir que la banque pouvait résilier les conventions pour manquement de son client à ses obligations - et notamment absence de remise de sommes sur le compte-chèques -, les juges du fond devaient rechercher, comme le demandait Mme X., si, sachant que l'obligation portait sur les salaires et les revenus de Mme X. comme le relève expressément l'arrêt attaqué, cette dernière avait bénéficié de salaires ou revenus susceptibles d'être déposés sur le compte (conclusions du 7 novembre 2005, p. 6, § 2 à 7) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et des règles régissant le droit de résiliation unilatérale ouvert aux cocontractants.

 

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné Mme X. à payer des intérêts au taux de 12,92 % à compter du 28 juin 2002 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE « sur les intérêts que l'offre mentionne, conformément à l'article L. 311-9 du Code de la consommation, que le prêteur informerait l'emprunteur trois mois au moins avant l'échéance des conditions de reconduction du contrat ; que les conditions n'ayant pas changé et cette disposition étant destinée à permettre à l'emprunteur de refuser des modifications, l'absence d'envoi d'une lettre d'information des conditions de reconduction du contrat ne saurait être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts (...) » (arrêt, p. 4, § 1er) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QU'en application de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, l'emprunteur doit être impérativement informé des conditions de reconduction du contrat ; qu'en l'absence d'information, aucun intérêt contractuel ne peut être appliqué, peu important que le banquier ait entendu reconduire le taux d'intérêts retenu s'agissant du contrat applicable avant reconduction ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 311-9 du Code de la consommation.

 

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande tendant à obtenir la condamnation à dommages et intérêts du CRÉDIT MARITIME ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE « Mme X. ne peut valablement reprocher à la banque de lui avoir accordé un crédit qu'elle avait elle-même demandé ; qu'il n'apparaît pas que la banque ait eu ou dû avoir sur la situation financière de Mme X., actuelle ou prévisible lors de l'octroi du crédit, des informations qu'elle-même aurait ignorées ; qu'au surplus, le CRÉDIT MARITIME fait valoir que Mme X. était en attente du règlement de la succession de sa mère ; qu'elle devait apparemment percevoir une part du produit d'un immeuble ; que ce n'est qu'après l'octroi du crédit que le CRÉDIT MARITIME a su que les époux X. avaient fait don de leur bien immobilier à leurs enfants ; que la responsabilité de la banque ne peut être retenue (...) » (arrêt, p. 3, avant-dernier §) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, premièrement les juges du fond se devaient de rechercher si Mme X. était un emprunteur profane et si, partant, la banque avait satisfait à son devoir de mise en garde eu égard aux obligations pouvant découler du prêt et à sa situation personnelle ; que faute de s'être prononcés sur ces points (conclusions du 7 novembre 2005, p. 12 et 13), ils ont entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Et ALORS QUE, deuxièmement il était indifférent que Mme X. ait sollicité le prêt, que le prêteur et l'emprunteur aient disposé des mêmes informations, ou encore qu'il y ait eu un espoir successoral de vente d'un immeuble et qu'après l'octroi du crédit, le banquier ait pu apprendre que l'immeuble avait été donné aux enfants ; qu'en se fondant sur des motifs impropre à justifier leur décision, les juges du fond ont violé l'article 1147 du Code civil