CA ANGERS (1re ch. A), 6 septembre 1994
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 662
CA ANGERS (1re ch. A), 6 septembre 1994 : RG n° 09300823 ; arrêt 491
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 18 mars 1997 : pourvoi n° 94-20956)
Extraits : 1/ « La loi du 22 décembre 1972 dans son texte du 31 décembre 1989 applicable à l'espèce exclut de son domaine en vertu de l'article 8 e) les ventes ou locations de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Il n'est nullement précisé que le client professionnel ainsi visé doit en outre avoir des compétences dans le même domaine que le vendeur et il n'y a pas à ajouter au texte une condition qu'il ne comporte pas. Il y avait en l'espèce un rapport direct entre la profession de M. X. et le contrat qu'il souscrivait, destiné à lui procurer de la publicité. C'est en sa qualité d'assureur et avec son cachet d'agent d'assurance qu'il a souscrit pour ce journal lumineux, installé dans ses locaux. Il était d'ailleurs prévu dans le deuxième contrat que la publicité faite par Y. ne devait pas faire concurrence au propriétaire (bailleur) dudit appareil donc à M. X. lui-même. Il n'y a pas à présumer que M. X., agent d'assurance, était néophyte en matière de publicité ; les contrats qu'il signait lui étaient a priori profitables. Il faut d'ailleurs rappeler que la technique et le bon fonctionnement de l'appareil ne sont nullement en cause, seule la déconfiture de Y. ayant fait échouer l'opération, et que d'après le deuxième contrat le loueur s'engageait à veiller à la bonne marche de l'appareil et à son fonctionnement de 6 h à 23 h, ce qui implique que la chose était à la portée d'une personne non initiée à l'informatique. »
2/ « La loi du 10 janvier 1978 est étrangère à cette affaire car le contrat était une location simple ne faisant pas appel au crédit, outre qu'il était contracté pour une activité professionnelle. C'est donc mal à propos que l'article 23 de cette loi est invoqué ».
COUR D’APPEL D’ANGERS
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 1994
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09300823. Arrêt n° 491.
APPELANT :
NOM ou raison sociale : Monsieur X.
Lieu et date de naissance : [ville] le [date]
Adresse ou siège : [adresse]
Représenté par la SCP CHATTELEYN et GEORGE, avoués, Assisté de Maître SULTAN, substitué par Maître BOIZARD, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMÉS :
- NOM ou raison sociale : L'UNION FRANÇAISE DE BANQUES LOCABAIL
Adresse ou siège : [adresse]
- NOM ou raison sociale : Maître DUVAL mandataire liquidateur pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Y.
Adresse ou siège : [adresse]
Représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués Assistés de Maître HUVEY, avocat au barreau d'ANGERS
INTERVENANTE :
NOM ou raison sociale : SNC LOCA
Adresse ou siège : [adresse]
Représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués Assisté de Maître HUVEY, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme PANATARD, président de chambre a entendu seule les avocats en leurs plaidoiries, ceux-ci et les avoués ne s'y étant pas opposés, conformément aux articles 910 et 786 du nouveau code de procédure civile.
[minute page 2] GREFFIER : Mme BECKER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme PANATARD, président de chambre MM. CHESNEAU et JUTTEAU, conseillers
DÉBATS : à l'audience publique du 17 mai 1994
ARRÊT : contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 6 septembre 1994, date indiquée par le président à l'issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 2 janvier 1991 M. X., assureur, a signé un bon de commande auprès de « J.V.D. ELECTRONIC », nom commercial de Monsieur Y., concernant la location de deux journaux lumineux pendant une durée de 48 mois moyennant un loyer de 1656,66 Francs par mois. Le même jour il a signé, également sur papier à en-tête de J.V.D. ELECTRONIQUE un contrat de location d'espace publicitaire par lequel il acceptait de donner en location à J.V.D. ELECTRONIC une partie (soit 30%) de l'espace temps disponible sur l'appareil loué situé à son adresse, pour la même durée de 48 mois, et pour le loyer de 1.657 Francs.
Sur les imprimés J.V.D. figurait au dessous de cet en-tête la mention : partenaire SAYAG ELECTRONIC.
Ultérieurement la société SAYALOG adressait à M. X. le contrat de location qu'elle avait daté du 17 janvier 91. Il y était indiqué que le bailleur déléguait la convention de location et sa créance de loyers à une société LOCA SNC.
Dès avril 1991 Y. cessait de payer les loyers pour la location d'espace publicitaire et X. s'estimait fondé à cesser de payer ses propres loyers à LOCA, malgré les rappels de cette société faisant valoir que les deux contrats étaient indépendants.
Après avoir sommé X. le 31 juillet 1991 de payer l'arriéré, LOCA a considéré le contrat de location de matériel comme résilié en vertu de la clause résolutoire y figurant et réclamé l'indemnité de résiliation stipulée.
Par acte du 21 janvier 1992 une société UFB LOCABAIL a assigné Monsieur X. devant le tribunal de commerce d'ANGERS pour lui réclamer la somme de 96.211,35 Francs.
M. X. a déclaré sa propre créance à la liquidation judiciaire de Y. Il a assigné le liquidateur pour faire prononcer la résolution du contrat de location d'espace publicitaire.
Par jugement du 9 décembre 92 le tribunal a joint les dossiers, prononcé la résiliation du contrat de location d'espace publicitaire. Il a condamné M. X. à payer à la société UFB LOCABAIL la somme de 96.211,35 Francs due à LOCA SNC à la suite de la [minute page 3] résiliation du contrat de location daté du 17 janvier 91 avec les intérêts au taux légal à partir du 21 octobre 1991 et 1.000 Francs sur la base de l'article 700 du NCPC. Il a condamné Maître DUVAL ès qualités à verser sur la même base 1.500 Francs à M. X. Il a condamné M. X. aux dépens.
Monsieur X. fait appel.
Il soutient d'abord que la société UFB est irrecevable en son action car elle n'était pas partie à la convention et ne s'était jamais manifestée avant l'assignation ; d'ailleurs une nouvelle procédure a été engagée devant le tribunal par la société SNC LOCA.
Puis il développe les moyens soulevés devant le tribunal sur l'infraction à la loi du 22 décembre 72 et à la loi du 10 janvier 78, estimant que ces lois s'appliquent dès lors qu'il n'a aucune compétence en matière de publicité et d'électronique et que ces activités sont étrangères à sa profession.
Il considère qu'en tous cas le contrat avec SAYALOG devrait être résilié sans indemnité en raison de l'interdépendance des deux contrats : Y. a été son interlocuteur pour les deux contrats et se présentait comme le partenaire de SAYAG dans les deux cas ; il s'est conduit comme son mandataire ; SAYALOG avait fourni à J.V.D. des contrats préimprimés et il y avait au moins mandat apparent. Il prétend même que le contrat avec SAYALOG n'est que la conséquence du premier et en est l'accessoire, de sorte que la résiliation du contrat d'espace publicitaire entraîne celle du contrat de location du matériel pour absence de cause et d'objet.
Il déclare qu'il conviendrait d'appliquer l'article 23 de la loi du 10 janvier 78, la créance devant être limitée au prix d'acquisition du matériel sous déduction des acomptes versés.
Il réclame 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Maître DUVAL, mandataire liquidateur, s'étonne de ce que l'appel ait été dirigé contre lui alors que X. avait obtenu satisfaction sur la partie de la demande concernant Y.
La SNC LOCA intervient à la procédure pour dire que l'appelant sait très bien que UFB LOCABAIL a agi comme son mandataire. Elle conteste que les dispositions des lois de 1972 et 1978 soient applicables à l'espèce alors que le contrat a été signé à des fins professionnelles, et que X. espérait profiter de l'installation pendant 70% du temps sans qu'il lui en coûte un centime.
Elle soutient que les deux contrats étaient indépendants, n'étant pas conclus entre les mêmes parties et l'article 11 du contrat SAYALOG faisant même interdiction de sous-louer le matériel ; que la circonstance, que X. ait décidé de sous-louer ou de rétrocéder 30% de l'espace publicitaire à un tiers ne peut avoir aucune influence sur la validité du contrat de location simple.
[minute page 4] Elle demande que les condamnations soient prononcées à son nom et demande la capitalisation des intérêts et 5.000 Francs au titre des frais irrépétibles d'appel.
L'UFB LOCABAIL déclare donner adjonction à ces conclusions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
M. X. ne peut prétendre avoir été surpris par l'assignation de UFB LOCABAIL car toute la correspondance antérieure au procès qui lui était adressée au nom de LOCA portait comme en-tête UFB LOCABAIL, ce qui mettait en évidence que LOCA n'était qu'une société dépendant d'un groupe plus vaste. Il existe pour le moins une communauté d'intérêts étroite entre ces deux sociétés, justifiant la recevabilité de la demande. Cependant la Société LOCA est intervenue à titre personnel, ce qui met fin à toute ambiguïté. Cette intervention est recevable en vertu de l'article 554 du NCPC et aucune objection ne lui est opposée.
La loi du 22 décembre 1972 dans son texte du 31 décembre 1989 applicable à l'espèce exclut de son domaine en vertu de l'article 8 e) les ventes ou locations de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Il n'est nullement précisé que le client professionnel ainsi visé doit en outre avoir des compétences dans le même domaine que le vendeur et il n'y a pas à ajouter au texte une condition qu'il ne comporte pas.
Il y avait en l'espèce un rapport direct entre la profession de M. X. et le contrat qu'il souscrivait, destiné à lui procurer de la publicité. C'est en sa qualité d'assureur et avec son cachet d'agent d'assurance qu'il a souscrit pour ce journal lumineux, installé dans ses locaux. Il était d'ailleurs prévu dans le deuxième contrat que la publicité faite par Y. ne devait pas faire concurrence au propriétaire (bailleur) dudit appareil donc à M. X. lui-même. Il n'y a pas à présumer que M. X., agent d'assurance, était néophyte en matière de publicité ; les contrats qu'il signait lui étaient a priori profitables. Il faut d'ailleurs rappeler que la technique et le bon fonctionnement de l'appareil ne sont nullement en cause, seule la déconfiture de Y. ayant fait échouer l'opération, et que d'après le deuxième contrat le loueur s'engageait à veiller à la bonne marche de l'appareil et à son fonctionnement de 6 h à 23 h, ce qui implique que la chose était à la portée d'une personne non initiée à l'informatique.
La loi du 10 janvier 1978 est étrangère à cette affaire car le contrat était une location simple ne faisant pas appel au crédit, outre qu'il était contracté pour une activité professionnelle. C'est donc mal à propos que l'article 23 de cette loi est invoqué.
[minute page 5] Le tribunal a démontré par des motifs pertinents que les deux contrats étaient indépendants l'un de l'autre et que rien n'obligeait X., locataire, à se porter bailleur à son tour, ce qui le mettait même en infraction avec le contrat SAYALOG.
Pour essayer de prouver le contraire, Monsieur X. se livre à des raisonnements d'une extrême subtilité mais peu convaincants.
Il n'est pas exact que Y. ou ses employés se trouvaient en possession d'imprimés de SAYAG car les imprimés étaient au nom de J.V.D. Le contrat de location des journaux n'a pas été établi par Y. mais par le loueur qui l'a envoyé directement au locataire. Le contrat de location d'espace publicitaire était passé avec Y. J.V.D qui ne s'est jamais présenté dans ledit contrat comme contractant au nom de SAYAG. Il est évident que ce contrat ne pouvait s'appliquer que si l'appareil était effectivement livré conformément au bon de commande du même jour, et c'est donc la location de ce support qui était le premier contrat dont l'autre dépendait, et non l'inverse, même si dans l'esprit de X. le premier n'avait pas d'intérêt sans le second. Rien ne permet de penser que le loueur de l'appareil était au courant de ce second contrat qui ne le concernait pas, et X. lui-même a pu constater qu'il y avait deux actes distincts, soit le bon de commande laissant supposer que SAYAG était fournisseur et une location directement passée avec Y.
Ce moyen de défense de Monsieur X. est d'ailleurs quelque peu contraire à la lettre qu'il adressait à Y. le 21 novembre 91, produite par lui-même, faisant bien la distinction entre les deux contrats et les deux partenaires.
Il n'est au surplus pas démontré que l'espace publicitaire libéré par la défection de Y. ne pouvait pas être utilisé autrement.
Le jugement sera donc confirmé, sous réserve que la condamnation sera prononcée au bénéfice de la société LOCA.
Les conditions de la capitalisation des intérêts sont remplies.
L'indemnité pour frais irrépétibles sera fixée dans les conditions prévues au dispositif.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement, en précisant que les condamnations sont prononcées au profit de la société SNC LOCA,
Prononce la capitalisation des intérêts échus au 7 avril 1994,
[minute page 6] Condamne M. X. à verser à la société LOCA la somme de 3.000 Francs au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le condamne aux dépens d'appel.
Autorise la SCP GONTIER LANGLOIS à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
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