CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 8 février 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2906
CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 8 février 2010 : RG n° 09/01248
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat litigieux contient la clause suivante : « 11. résiliation en cas de non-respect de l'une quelconque de ses obligations par le client, K PAR K pourra se prévaloir de la résolution du contrat de plein droit (...). Dans ce cas et dans le cas où le client annulerait unilatéralement le contrat après expiration du délai de réflexion prévu à l’article L. 121-25 du code de la consommation , K PAR K sera fondée à obtenir une indemnité au titre du préjudice subi, sans sommation, ni formalité, indemnité devant être retenue en tout ou partie sur les sommes déjà versées par le client à titre d'acompte. Cette indemnité sera équivalente à 5 % de la valeur TTC du contrat en cas d'annulation intervenant avant la passation de la commande par K PAR K à son fournisseur. (...) S'agissant de fabrication sur mesure, cette indemnité sera portée à 50 % du montant du contrat après lancement de la fabrication des produits. Réciproquement, au cas où K PAR K ne livrerait pas ou n'installerait pas les produits commandés, le client sera en droit d'obtenir une indemnité égale à 5 % du montant du contrat, sauf cas d'impossibilité technique (...). »
En application de l’article L. 132-1 du code de la consommation […], Ainsi, une clause qui impose au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé peut être considérée comme abusive.
Cependant, dès lors que la société K PAR K établit qu'elle avait commandé certaines des menuiseries dès le 31 juillet 2006 et que d'autres devaient lui être livrés le 4 septembre et le 23 octobre 2006, de sorte que la résiliation tardive du contrat par M. X. lui a causé un préjudice économique puisqu'elle était elle-même tenue de payer son fournisseur pour un matériel spécifique, conforme aux mesures stipulées au contrat, il y a lieu de dire que la clause n'est pas abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION 1
ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 09/01248. Jugement (N° 07/000702) rendu le 9 janvier 2009 par le Tribunal de Grande Instance de SAINT OMER.
APPELANTE :
SAS K PAR K venant aux droits de la société K PAR K NORD,
ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour, assistée de Maître Philippe YON, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur X.,
demeurant [adresse], représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour, ayant pour conseil Maître Jean-Sébastien DELOZIERE, avocat au barreau de SAINT OMER
DÉBATS : Audience publique du 10 décembre 2009 tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Joëlle DOAT, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 8 février 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 novembre 2009
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 24 juin 2006, M. X. a commandé auprès de la société K PAR K un ensemble de portes, fenêtres et volets pour le prix de 21.273 euros.
Par courrier en date du 18 août 2006, M. X. a écrit qu'il résiliait la commande.
La société K PAR K lui alors demandé de lui régler le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation, soit la somme de 9.785,50 euros.
Après une lettre de mise en demeure restée infructueuse, la société K PAR K, par acte d'huissier en date du 29 mai 2007, a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de SAINT-OMER en paiement de ladite somme.
Par jugement en date du 9 janvier 2009, le tribunal a :
- dit que le contrat en date du 24 juin 2006 n'était pas entaché de nullité,
- dit que la clause stipulant au paragraphe 11 des conditions générales du contrat que « s'agissant de fabrication sur mesure, cette indemnité sera portée à 50 % du montant du contrat après lancement de la fabrication des produits » est abusive et doit être réputée non écrite,
- condamné M. X. à payer à la société K PAR K l'indemnité de résiliation de 5 %, soit une somme de 1.063,65 euros, de laquelle il conviendra de déduire la somme de 851 euros versée lors de la conclusion du contrat,
- débouté la société K PAR K de sa demande additionnelle de dommages et intérêts,
- condamné M. X. à payer à la société K PAR K la somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société K PAR K NORD a interjeté appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la Cour le 18 février 2009.
Par conclusions du 16 juin 2009, la société K PAR K venant aux droits de la société K PAR K NORD demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré abusive et non écrite la clause contractuelle de résiliation à hauteur de 50 %,
- statuant à nouveau,
- de déclarer la clause litigieuse parfaitement licite,
- en conséquence, de condamner M. X. au paiement à son profit de la somme de 9.785,50 euros en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2007,
- de condamner M. X. au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement,
- de confirmer pour le surplus le jugement,
- de condamner M. X. au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
La société K PAR K explique qu'en même temps que la commande, M. X. a rempli une attestation de propriété et demandé l'octroi d'un prêt qui lui a été accordé le 3 juillet 2006, date à laquelle expirait le délai légal de rétractation.
Elle soutient que M. X. avait connaissance des conditions générales du contrat, qu'il a bénéficié du délai de rétractation de sept jours et que le contrat est régulier.
Elle considère que l'indemnité de 50 % est parfaitement légitime comme résultant de la volonté expresse des parties et d'une raison économique liée au coût des fabrications.
Elle rappelle que la commande passée par M. X. était déjà en cours de fabrication quand celui-ci l'a annulée tardivement et de manière abusive.
Elle ajoute que M. X. ne justifie pas de sa situation de locataire contraire à l'attestation qu'il avait signée le 24 juin 2006 et qu'il apparaît qu'il a fait rénover ses menuiseries extérieures par l'intermédiaire d'une société CALIMA PVC.
Dans ses conclusions en date du 17 septembre 2009, M. X. demande à la Cour :
- de réformer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat du 24 juin 2006 n'était pas entaché de nullité,
- statuant à nouveau, de constater la nullité de ce contrat,
- de débouter la société K PAR K de toutes ses demandes,
- de condamner la société K PAR K à lui restituer la somme de 851 euros qu'il avait versée à titre d'acompte,
à titre subsidiaire,
- de constater que l'article 11 des conditions générales de vente de la société K PAR K ne respecte pas les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a réputé non écrite la clause contenue dans l'article 11 du contrat,
- de débouter la société K PAR K de toutes ses demandes,
- de condamner la société K PAR K à lui restituer son acompte de 851 euros,
à titre infiniment subsidiaire,
- de constater que la société K PAR K ne justifie pas qu'elle avait déjà passé commande auprès de ses fournisseurs, lors de sa demande d'annulation du contrat,
- en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant de l'indemnisation sollicitée par la société K PAR K à 5 % du montant du contrat, soit 1.063,65 euros, dont il convient de déduire le montant de l'acompte déjà versé par lui, soit une somme de 212,65 euros,
- dans tous les cas, de condamner la société K PAR K au paiement d'une somme de 2.000 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile.
M. X. invoque les dispositions de l'article 1131 du Code civil selon lesquelles l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet en rappelant qu'au moment de la souscription du contrat, il était locataire du logement dans lequel les travaux devaient être effectués mais qu'il espérait acquérir la propriété de cet immeuble prochainement, qu'informé de cette situation, le vendeur a insisté pour obtenir tout de suite sa signature sur le bon de commande, ce qu'il a accepté, qu'il a coché la case « propriétaire » qui lui permettait de bénéficier d'une TVA à taux réduit à 5,5 %.
Il soutient que la condition déterminante de son engagement était bien l'acquisition de l'immeuble et que cela avait été porté à la connaissance du vendeur, que, n'ayant pu obtenir les prêts sollicités pour l'acquisition, l'obligation souscrite auprès de la société K PAR K était nécessairement dépourvue de cause, ce qui justifie que soit prononcée la nullité du contrat.
A titre subsidiaire, il fait valoir que l'article L. 132-1 du Code civil répute abusives les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, qui ont pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, qu'une indemnité correspondant à 50 % du montant du contrat ne peut qu'être considérée comme abusive, d'autant que le professionnel ne prévoit à aucun moment une indemnité équivalente au cas où il n'exécuterait pas le contrat.
Il ajoute que la société K PAR K ne justifie pas avoir passé commande des menuiseries antérieurement à la résiliation du contrat.
En dernier lieu, il affirme que, non seulement, la société K PAR K ne justifie d'aucun préjudice qui lui aurait été causé par son attitude, mais encore que sa mauvaise foi ne peut être alléguée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la nullité du contrat :
L'article 1131 du Code civil énonce que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.
Le contrat signé le 24 juin 2006 par M. X. comprend la description précise des menuiseries commandées, ainsi que le prix de la prestation.
M. X. a souscrit parallèlement une demande de prêt d'un montant de 20.422 euros, qui a été acceptée le 3 juillet 2006.
Le jour de l'acceptation de la commande, il a rempli et signé une attestation (qui équivaut à une déclaration sur l'honneur), aux termes de laquelle il indiquait être propriétaire de son domicile, afin de bénéficier d'une TVA à taux réduit sur les travaux d'installation.
En outre, le 18 juillet 2006, M. X. a signé un avenant au contrat du 24 juin 2006.
M. X. reconnaît que les conditions de forme du contrat telles que prescrites par les articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation ont bien été respectées et ne poursuit plus la nullité du contrat en cause d'appel que du chef de l'absence de cause.
Toutefois, aucun élément de preuve, compte-tenu des documents ci-dessus, ne vient corroborer les affirmations de ce dernier, selon lesquelles la réalisation des travaux était subordonnée à la condition qu'il obtienne un prêt lui permettant de devenir propriétaire de la maison, reconnaissant par là-même qu'il n'était que locataire, contrairement au contenu de l'attestation qu'il avait rédigée. Le contrat ne contient par ailleurs aucune condition suspensive, ni clause restrictive.
Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que le contrat n'était pas entaché de nullité.
Sur la clause de résiliation :
Le contrat litigieux contient la clause suivante :
« 11. résiliation « en cas de non-respect de l'une quelconque de ses obligations par le client, K PAR K pourra se prévaloir de la résolution du contrat de plein droit (...). Dans ce cas et dans le cas où le client annulerait unilatéralement le contrat après expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25 du Code de la consommation, K PAR K sera fondée à obtenir une indemnité au titre du préjudice subi, sans sommation, ni formalité, indemnité devant être retenue en tout ou partie sur les sommes déjà versées par le client à titre d'acompte. Cette indemnité sera équivalente à 5 % de la valeur TTC du contrat en cas d'annulation intervenant avant la passation de la commande par K PAR K à son fournisseur (...) S'agissant de fabrication sur mesure, cette indemnité sera portée à 50 % du montant du contrat après lancement de la fabrication des produits.
Réciproquement, au cas où K PAR K ne livrerait pas ou n'installerait pas les produits commandés, le client sera en droit d'obtenir une indemnité égale à 5 % du montant du contrat, sauf cas d'impossibilité technique (...) ».
En application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
Ainsi, une clause qui impose au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé peut être considérée comme abusive.
Cependant, dès lors que la société K PAR K établit qu'elle avait commandé certaines des menuiseries dès le 31 juillet 2006 et que d'autres devaient lui être livrés le 4 septembre et le 23 octobre 2006, de sorte que la résiliation tardive du contrat par M. X. lui a causé un préjudice économique puisqu'elle était elle-même tenue de payer son fournisseur pour un matériel spécifique, conforme aux mesures stipulées au contrat, il y a lieu de dire que la clause n'est pas abusive.
Le jugement doit être infirmé dans ses dispositions relatives à l'indemnité de résiliation et M. X. condamné à payer à cette indemnité dont il convient de déduire l'acompte versé à la commande. Il est donc dû 8.934,50 euros (9.785,50 euros - 851 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2007, date de la mise en demeure.
La société K PAR K demande en outre que M. X. soit condamné à lui payer des dommages et intérêts pour résistance abusive.
Elle ne justifie toutefois d'aucun préjudice indépendant de celui résultant du retard dans le paiement déjà réparé par les intérêts conformément à l'article 1153 du Code civil.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société K PAR K de sa demande en dommages et intérêts.
La société K PAR K étant accueillie en son appel, il y a lieu de mettre à la charge de M. X. les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer, à hauteur de 1.000 euros qui s'ajoutera à l'indemnité procédurale qui a été accordée par le premier juge.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a dit que la clause stipulant au paragraphe 11 des conditions générales du contrat que « s'agissant de fabrication sur mesure, cette indemnité sera portée à 50 % du montant du contrat après lancement de la fabrication des produits » est abusive et doit être réputée non écrite et limité la condamnation de M. X. à une indemnité de résiliation de 5 % ;
L'INFIRME de ces deux chefs ;
STATUANT A NOUVEAU,
DÉCLARE la clause litigieuse licite ;
EN CONSÉQUENCE, CONDAMNE M. X. à payer à la société K PAR K la somme de 8.934,50 euros à titre d'indemnité de résiliation, après déduction de l'acompte versé à la commande avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2007 ;
CONDAMNE M. X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP THERY-LAURENT, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
LE CONDAMNE à payer à la société K PAR K la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Nicole HERMANT Evelyne MERFELD