CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 9 novembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2931
CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 9 novembre 2010 : RG n° 08/03243
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'aux termes de l'article L. 112-4 du Code des assurances, les clauses de police édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; Qu'en l'espèce, la clause litigieuse est imprimée en gras dans un encadré ; Qu'elle est rédigée de façon claire et précise ; Qu'il ne peut être reproché à l'assureur de ne pas avoir spécifié les normes du taux d'alcoolémie en vigueur lesquelles peuvent à tous moments être modifiées ; Que le simple rappel de la nécessité de respecter le taux en vigueur est suffisamment précis, formel et limité ; Qu'ainsi, monsieur X. était parfaitement en mesure de connaître l'étendue exacte de sa garantie ;
Attendu toutefois que l'article 211-6 du même code précise « est réputée non écrite toute clause stipulant la déchéance de la garantie de l'assuré en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique ou pour conduite après usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants » ; Que le contrat d'assurance automobile obligatoire ne peut pas prévoir que, dans certains cas et en particulier dans celui où le conducteur du véhicule était en état d'ivresse, l'assureur n'est pas tenu d'indemniser les dommages corporels et matériels causés à des tiers par le véhicule assuré ;
Qu'en revanche, le contrat d'assurance obligatoire peut prévoir que dans de telles hypothèses, l'assureur disposera d'une action récursoire contre l'assuré ; Qu'en l'espèce, le contrat litigieux ne stipule à aucun moment que dans le cadre de la clause d'exclusion litigieuse, l'assureur entend se réserver une action récursoire contre l'assuré, conducteur en état d'ivresse ».
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/03243. Appel d'un Jugement (R.G. n° 11-07-0084) rendu par le Tribunal d'Instance de GAP en date du 24 juin 2008 suivant déclaration d'appel du 23 juillet 2008.
APPELANTE :
Société EUROSFIL,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour
INTIMÉ :
Monsieur X.,
représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour, assisté de Maître PHILIP, avocat au barreau de GAP
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame A.M. DURAND, Président, Monsieur J.M. ALLAIS, Conseiller, Madame J. BLATRY, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 20 septembre 2010, Madame DURAND, Président a été entendue en son rapport. Madame DURAND, Président chargée d'instruire l'affaire, en présence de M. ALLAIS, Conseiller, assistés de S. SAMBITO, Greffier, a entendu les avoués et l’avocat en leurs conclusions et plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Le 27 juillet 2000, monsieur X. a souscrit auprès de la société Eurosfil un contrat d'assurance automobile pour garantir son véhicule automobile Renault prima aux conditions tous risques.
Le 25 juillet 2005, le véhicule automobile de monsieur X. a été impliqué dans un accident de la circulation.
Entendant se prévaloir d'une déchéance de la garantie dommages accidentels pour cause de conduite sous alcoolémie de l'assuré, la société Eurosfil a fait citer monsieur X., par acte d'huissier en date du 14 mars 2007 devant le tribunal d'instance de Gap à l'effet de le voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire à lui payer les sommes de :
* 8.268,94 euros outre intérêts légal à compter de la sommation de payer du 30 novembre 2006 au titre des sommes par elles réglées au titre de l'indemnisation des dommages de la victime de l'accident,
* 700,00 euros pour résistance illégitime,
* 1.000,00 euros d'indemnité de procédure.
Par jugement du 24 juin 2008, le tribunal d'instance de Gap a débouté la société Eurosfil de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à monsieur X. la somme de 500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 23 juillet 2008, la société Eurosfil a relevé appel de cette décision.
Au dernier état de ses écritures en date du 19 mars 2010, la société Eurosfil reprend ses demandes initiales majorant sa demande au titre des dommages intérêts pour résistance abusive à la somme de 2.000,00 euros et en indemnité de procédure à la somme de 4.000,00 euros.
Elle expose que les conditions générales du contrat excluent les dommages survenus alors que le conducteur présente un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal ou refuse de se soumettre au contrôle d'alcoolémie (page 7) et que dans un tel cas, elle indemnise la victime à charge pour leur assuré de rembourser les sommes versées ainsi que le montant des franchises qui seront à défaut retenues sur les indemnités lui revenant (page 14).
Elle relève que monsieur X. présentait un taux d'alcoolémie de 0,97, supérieur au taux légal.
Elle soutient que la preuve est rapportée que monsieur X. qui a signé les conditions particulières du contrat lesquelles visaient expressément les conditions générales, les a bien reçues et estime qu'elles lui sont en conséquence opposables.
Elle souligne que la clause d'exclusion d'une rédaction particulièrement claire et précise, apparaît en caractère gras, très apparents.
Elle conteste le caractère non écrit de cette clause d'exclusion ainsi que le prétend à tort son adversaire puisque cette clause ne refuse pas d'indemniser la victime du conducteur en état d'ébriété mais vise uniquement l'existence pour l'assureur d'une action récursoire contre son assuré.
Elle affirme que la conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal constitue une faute intentionnelle de la part du conducteur dont les dommages ne sont pas à la charge de l'assureur conformément aux dispositions de l'article L. 113-11 du Code des assurances et précise à cet égard, que monsieur X. a fait l'objet d'une condamnation pénale.
Sur la contestation de monsieur X. du rapport d'expertise fondant sa demande de remboursement, elle explique que celui-ci est particulièrement explicite sur le coût des opérations à opérer et prouve comptablement que c'est bien la somme de 8.268,94 euros qui a été réglée.
A titre subsidiaire, si l'on devait suivre l'argumentation de monsieur X. selon laquelle il n'a signé que la page 3 des conditions particulières du contrat, il devra être jugé qu'en ce cas là, monsieur X. n'a droit à aucune prise en charge du sinistre, que la somme versée à la victime de monsieur X. n'a pas à l'être et de condamner monsieur X. à leur rembourser cette somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Par conclusions récapitulatives du 9 juin 2009, monsieur X. sollicite la confirmation du jugement déféré, le rejet de l'ensemble des prétentions adverses et de condamner la société Eurosfil à lui verser la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir que la clause invoquée ne figure pas dans les conditions personnelles qui constituent le dossier remis et signé par l'assureur et qu'il n'a pas signé ni reçu les conditions générales qui ne lui sont pas opposables.
Il prétend que cette clause d'exclusion est nulle et non écrite en tant que clause abusive dans les rapports entre professionnels et non professionnels de l'assurance dont la notion a été élargie par le Code de la consommation.
Il soutient que par application de l'article L. 113-1 du Code des assurances, la validité de la clause est subordonnée à son caractère formel et limité ce qui n'est pas le cas ladite clause ne permettant pas de déterminer immédiatement et clairement le taux d'imprégnation alcoolique à partir duquel la garantie est exclue.
Il affirme que le fait de rouler en état d'imprégnation alcoolique ne constitue pas une faute intentionnelle.
Il relève qu'en l'absence de production de la facture visée par le rapport d'expertise lequel n'est pas contradictoire, il n'y a pas lieu de faire droit aux prétentions de la compagnie d'assurance.
La clôture de la procédure est intervenue le 25 mai 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu qu'il n'est pas contesté que monsieur X. a conduit sous l'empire d'un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal, au moment de l'accident dans lequel son véhicule automobile a été impliqué le 25 juillet 2005 ;
1/ Sur l'opposabilité des conditions générales :
Attendu qu'au soutien de ses prétentions, la société Eurosfil produit aux débats un document intitulé « vos conditions personnelles d'assurance automobile », concernant le véhicule automobile Renault R21 immatriculé XX et signé par monsieur X. le 27 juillet 2000 ;
Qu'il stipule en première page que le contrat d'assurance automobile se compose des conditions générales, de leurs annexes défense juridiques et assistance et du dit document qui constitue les conditions particulières ;
Attendu que les conditions générales prévoient en page 7 à la rubrique « ce qui est exclu » : les dommages survenus alors que le conducteur présente un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal ou refuse de se soumettre au contrôle d'alcoolémie ;
Que par voie de conséquence, les conditions générales expressément visées dans les conditions particulières signées par monsieur X., lui sont opposables ;
2/ Sur la validité de la clause de déchéance de garantie :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 112-4 du Code des assurances, les clauses de police édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ;
Qu'en l'espèce, la clause litigieuse est imprimée en gras dans un encadré ;
Qu'elle est rédigée de façon claire et précise ;
Qu'il ne peut être reproché à l'assureur de ne pas avoir spécifié les normes du taux d'alcoolémie en vigueur lesquelles peuvent à tous moments être modifiées ;
Que le simple rappel de la nécessité de respecter le taux en vigueur est suffisamment précis, formel et limité ;
Qu'ainsi, monsieur X. était parfaitement en mesure de connaître l'étendue exacte de sa garantie ;
Attendu toutefois que l'article 211-6 du même Code précise « est réputée non écrite toute clause stipulant la déchéance de la garantie de l'assuré en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique ou pour conduite après usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants » ;
Que le contrat d'assurance automobile obligatoire ne peut pas prévoir que, dans certains cas et en particulier dans celui où le conducteur du véhicule était en état d'ivresse, l'assureur n'est pas tenu d'indemniser les dommages corporels et matériels causés à des tiers par le véhicule assuré ;
Qu'en revanche, le contrat d'assurance obligatoire peut prévoir que dans de telles hypothèses, l'assureur disposera d'une action récursoire contre l'assuré ;
Qu'en l'espèce, le contrat litigieux ne stipule à aucun moment que dans le cadre de la clause d'exclusion litigieuse, l'assureur entend se réserver une action récursoire contre l'assuré, conducteur en état d'ivresse ;
Que dès lors et par application des dispositions de l’article 1134 du Code civil, c'est à bon droit que le premier juge a débouté la société Eurosfil de ses prétentions ;
Attendu par voie de conséquence que le jugement déféré, sera confirmé en toutes ses dispositions ;
3/ Sur les mesures accessoires :
Attendu que la cour estime ne pas devoir faire application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la société Eurosfil sera enfin condamnée aux entiers dépens qui seront recouvrés par l'avoué de son adversaire, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme le jugement rendu le 24 juin 2008 par le tribunal d'instance de Gap,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Eurosfil aux entiers dépens qui seront recouvrés par l'avoué de son adversaire, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;
Signé par Madame Anne-Marie DURAND, Président, et par Monsieur Salvatore SAMBITO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,