T. COM. PARIS (2e ch. A), 18 juin 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 295
T. COM. PARIS (2e ch. A), 18 juin 1996 : RG n° 95/038492
(sur appel CA Paris (5e ch. C), 10 octobre 1997 : RG n° 96/016360)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
DEUXIÈME CHAMBRE A
JUGEMENT DU 18 JUIN 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 95/038492.
ENTRE :
M. X.
[adresse] - DEMANDEUR, assisté de Maître Mohamed LOUKIL, Avocat et comparant par Maître Sandra OHANA, avocat, 01050
ET :
1°) SOCIÉTÉ MINOLTA FRANCE
société anonyme [adresse] - DÉFENDERESSE, assistée de Maître DEUS, Avocat et comparant par Maître Alain GENOT, Avocat, PC172
2°) SOCIÉTÉ COMPAGNIE DU CRÉDIT UNIVERSEL
société anonyme siège social [adresse] - DÉFENDERESSE, assistée de Maître CONNAULT comparant par le Cabinet MONTA, D1721
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les Faits :
M. X. exploite un commerce alimentaire à [ville]. Il a commandé un copieur MINOLTA EP 2130 en location auprès du CRÉDIT UNIVERSEL moyennant un loyer mensuel de 381,54 Francs sur 60 mois, livraison du matériel effectuée le 14 janvier 1994.
Le 29 juin 1994 M. X. a commandé à MINOLTA un nouveau copieur référence EP 4250 avec location financière auprès du CRÉDIT UNIVERSEL, avec contrat d'entretien.
M. X. poursuit MINOLTA et le CRÉDIT UNIVERSEL estimant avoir été trompé par des manœuvres commerciales malhonnêtes ayant abouti à la signature du deuxième contrat, et demande au Tribunal de prononcer la nullité des contrats et le rétablissement du premier contrat à titre subsidiaire.
Procédure :
Par acte du 20 avril 1995 M. X. assigne la SA MINOLTA et le CRÉDIT UNIVERSEL et demande au Tribunal :
- de dire que MINOLTA a commis des manœuvres dolosives sans lesquelles M. X. n'aurait pas contracté ;
En conséquence,
- prononcer la nullité du contrat en date du 29 juin 1994 et du contrat de location ;
- prononcer la nullité du contrat d'entretien du copieur EP 4250 ;
- ordonner à MINOLTA de reprendre le photocopieur EP 4250 ;
- ordonner à MINOLTA de restituer à M. X. un copieur EP 2130 avec les mêmes conditions que celles du contrat du 11 janvier 1994 ;
- dire que M. X. n'est redevable d'aucune somme à l'égard de MINOLTA et du CRÉDIT UNIVERSEL à compter du 29 juin 1994 ;
- [minute page 2] dire que MINOLTA devra s'exécuter dans le mois qui suit la signification sous peine d'astreinte de 500,00 Francs par jour de retard ;
- condamner conjointement et solidairement la société MINOLTA et le CRÉDIT UNIVERSEL à verser à M. X. la somme de 5.000,00 Francs à titre de dommages et intérêts et la somme de 8.000,00 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- ordonner l'exécution provisoire ;
- condamner conjointement et solidairement la société MINOLTA et le CRÉDIT UNIVERSEL aux dépens.
Par conclusions en réponse reconventionnelles en date du 19 mars 1996 la société MINOLTA demande au Tribunal :
- de déclarer tant irrecevable et mal fondée la demande principale de M. X. contre la société MINOLTA ;
- condamner M. X. à payer 5.906,18 Francs avec intérêts au taux légal multiplié par 1,5 à compter de la mise en demeure du 15 septembre 1994 conformément aux conditions contractuelles du contrat global copies ;
- condamner M. X. à payer 886,00 Francs à titre de clause pénale ;
- condamner M. X. à payer 10.000,00 Francs de dommages et intérêts pour procédure abusive.
- condamner M. X. à payer 6.000,00 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les dépens étant requis.
Par conclusions en date du 27 février 1996 et du 19 mars 1996 le CRÉDIT UNIVERSEL demande au Tribunal de :
- débouter M. X. de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;
- constater que M. X. a signé un contrat de location financière d'une durée ferme et irrévocable de 5 ans prévoyant le règlement de 20 loyers trimestriels de 2.122,94 Francs hors taxes ;
- constater que le contrat fait la loi des parties, le matériel loué correspondant à celui qui a été choisi ;
Faisant droit à la seule demande reconventionnelle du CRÉDIT UNIVERSEL,
- condamner M. X. à payer la somme de 48.272,32 Francs au titre des loyers échus et impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation ;
- condamner M. X. à payer la somme de 6.000,00 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'exécution provisoire et les dépens étant requis.
Discussion :
Dires de M. X. :
M. X. exploite un petit commerce alimentaire. Démarché par un vendeur MINOLTA qui lui propose d'améliorer un chiffre d'affaires en offrant à sa clientèle un service photocopie il commande un photocopieur.
[minute page 3] Six mois plus tard le même agent commercial de MINOLTA propose à M. X. un photocopieur plus performant en lui disant qu'il est possible de résilier sans frais le contrat de location en cours.
Le contrat est signé avec un contrat d'entretien pour le nouvel appareil, avec reprise de l'ancien.
M. X. s'aperçoit qu'il a été trompé, et qu'il doit payer à la fois les loyers du premier contrat concernant le premier photocopieur retiré et les loyers du photocopieur mis en place après, auprès du CRÉDIT UNIVERSEL.
Le vendeur de MINOLTA a fait des manœuvres dolosives qui sont également opposables à l'établissement financier.
Les contrats de location conclus par M. X. n'ont pas de rapports avec sa profession et sont dès lors soumis à la réglementation applicable en matière de démarchage à domicile et encourent l'annulation.
La société MINOLTA et le CRÉDIT UNIVERSEL ont gravement failli à leurs obligations de renseignement vis à vis de M. X. qui n'aurait jamais signé le deuxième contrat s'il avait eu connaissance pleine et entière du premier.
M. X. est en droit de demander la nullité des deux contrats - avec le remboursement des sommes perçues par MINOLTA et le CRÉDIT UNIVERSEL - et, subsidiairement, compte tenu des manœuvres dolosives sus-évoquées prononcer la nullité du contrat du 29 juin 1994 et est en droit de demander le retrait du photocopieur afférent à ce contrat et son remplacement par le premier photocopieur - sans débours pour lui - et ce sous astreinte.
Dires du CRÉDIT UNIVERSEL :
M. X. ne pourra qu'être débouté de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre le CRÉDIT UNIVERSEL.
M. X. prétend que sa décision aurait été extorquée par le représentant de MINOLTA puisque d'après lui le premier contrat aurait été purement et simplement annulé par la souscription du second.
Or M. X. était parfaitement au courant des opérations, il est commerçant et il ne peut ignorer qu'un contrat de financement ou de location conclus pour une durée de 5 ans doivent à l'évidence faire l'objet d'un dédommagement financier lorsque la restitution intervient de façon anticipée, ce qui a été le cas pour la première location du premier photocopieur.
En fait M. X. ne paye pas les loyers du second photocopieur et les 60 échéances du premier.
Dans la mesure où le bon de commande du deuxième photocopieur stipulait « une reprise sur encours de 13.917,73 Francs » incluse dans le nouveau contrat M. X. en acceptant de régler durant 5 ans 20 loyers trimestriels de 2.122,94 Francs hors taxes avait pour contrepartie la [minute page 4] disposition du deuxième matériel et le règlement du premier dossier.
M. X. met en cause la façon dont l'opération lui aurait été présentée par la société MINOLTA et cette dernière aura à répondre des affirmations gratuites la concernant.
Au demeurant il n'est pas contestable sur le plan des documents écrits que le contrat de location signé le 29 juin 1994 :
- comporte l'engagement de payer les 20 loyers trimestriels,
- le bon de commande prévoyant la reprise de l'encours précédent pour lequel M. X. a émis une facture le 29 juin 1994 revêtue de son cachet.
Il y a lieu de faire droit à la demande reconventionnelle du CRÉDIT UNIVERSEL et de condamner M. X. à lui payer la somme de 48.272,32 Francs au titre des loyers échus et impayés et de l'indemnité de résiliation.
Dires de la société MINOLTA :
La demande de M. X. devra être écartée pour les motifs suivants
M. X. a loué en toute connaissance de cause un premier photocopieur puis a passé une deuxième commande avec une condition supplémentaire explicite sur le document de commande « avec reprise sur encours de 13.917,73 Francs ».
La société MINOLTA est de toute manière étrangère aux rapports contractuels entre M. X. et le CRÉDIT UNIVERSEL et doit le rester.
On ne voit pas en quoi quelqu'un aurait une « obligation de conseil » à l'égard de M. X.
Par contre MINOLTA FRANCE est bien fondée à se porter demanderesse reconventionnelle vis à vis de M. X.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce le Tribunal :
Attendu que M. X. a commandé un photocopieur MINOLTA par contrat du 11 janvier 1994 avec une location financière dans des conditions inhérentes à tout contrat de ce type.
Attendu que le représentant de MINOLTA FRANCE en date du 29 juin 1994 a proposé à M. X. un deuxième photocopieur dans des conditions financières peu explicites, avec des documents contractuels qui, en l'absence de tout autre document, ne fournissent pas un détail compréhensible de l'opération aux yeux d'un souscripteur non initié.
Attendu que de ce fait la société MINOLTA FRANCE en la personne de son représentant a manqué à son devoir de conseil vis à vis de son client à qui six mois après le premier contrat, elle souhaitait faire souscrire un deuxième contrat pour un matériel plus puissant, sans préciser de façon explicite quelles étaient les incidences financières liées à ce changement de photocopieur sur les documents contractuels.
Attendu que le CRÉDIT UNIVERSEL a soumis à la signature de M. X. un contrat de location financière dans les termes énoncés par MINOLTA et qu'il ne saurait lui [minute page 5] être reproché dans ces conditions le même manquement du devoir de conseil.
Attendu que M. X. a utilisé les photocopieurs soit pour le premier photocopieur du 14 janvier 1994 au 1er juillet 1994 et qu'il ne rapporte pas la preuve de la non utilisation du deuxième photocopieur jusqu'à la présente instance.
Il ne saurait demander la restitution des loyers payés au titre de ces deux contrats, ni leur nullité ainsi que celle du contrat d'entretien afférent au second contrat.
Attendu qu'à fortiori M. X. ne peut à la fois demander la nullité du contrat de location en date du 11 janvier 1994 correspondant au premier photocopieur et demander la restitution du matériel dans les mêmes conditions que le contrat sus-nommé.
Le Tribunal, en premier ressort et par jugement contradictoire :
- prononcera la résiliation du contrat du 29 juin 1994 à compter de la signification du présent jugement, à charge de la société MINOLTA FRANCE d'assumer les conséquences financières auprès du CRÉDIT UNIVERSEL ;
- ordonnera la restitution du matériel correspondant au contrat du 11 janvier 1994 dans les conditions et termes dudit contrat et ce sans débours pour M. X., cette restitution devant être opérée dans le mois qui suivra la signification du présent jugement sous peine d'astreinte de 100,00 Francs par jour de retard ;
- Déboutera les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Attendu que M. X. réclame une somme de 8.000,00 Francs ;
Attendu que M. X. a dû pour faire reconnaître ses droits exposer des frais, non compris dans les dépens, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;
Qu'il est justifié de lui allouer, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité de 8.000,00 Francs à la charge de la société MINOLTA FRANCE.
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que le Tribunal l'estime nécessaire, vu la nature de l'affaire, il y a lieu de l'ordonner dans les termes ci-après.
Sur les dépens :
Attendu que les dépens seront à la charge de la société MINOLTA FRANCE.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant en premier ressort et par jugement contradictoire,
Prononce la résiliation du contrat du 29 juin 1994 à compter de la signification du présent jugement, à charge par [minute page 6] la société MINOLTA FRANCE d'assumer les conséquences financières auprès de la société COMPAGNIE DU CRÉDIT UNIVERSEL.
Ordonne la restitution du matériel correspondant au contrat du 11 janvier 1994 dans les conditions et termes dudit contrat et ce sans débours pour M. X., cette restitution devant être opérée dans le mois qui suivra la signification du présent jugement sous peine d'astreinte de CENT FRANCS par jour de retard.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne la société MINOLTA FRANCE à payer à M. X. la somme de HUIT MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 279,85 Francs TTC (app. 5.25 ; aff. 42.00 ; émol. 184.80 ; TVA 47.80).
CONFIÉ, lors de l'audience du 27 février 1996 à Monsieur FILHOULAUD en qualité de juge rapporteur
MIS en délibéré le 19 mars 1996
DÉLIBÉRÉ par Messieurs COSTES, CHARTIER et FILHOULAUD et prononcé à l'audience publique où siégeaient : Monsieur de LA MORINERIE, PRÉSIDENT, Messieurs LAURENT, COSTES, CHARTIER, LEBOUCHARD, AMAR, FILHOULAUD, THIL et GINDRE, JUGES, les parties en ayant été avisées.
La Minute du jugement est signée par le Président du délibéré et par Madame VASSEUR, Greffier.
Monsieur FILHOULAUD
Juge-Rapporteur.