CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 5 novembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2990
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 5 novembre 2010 : RG n° 08/07095
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant enfin que la Cour ne saurait apprécier la nature abusive d'une clause dont la teneur ne lui est pas communiquée ni d'en tirer la seule conséquence juridique possible, la nullité subséquente, qui n'est pas sollicitée ».
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.X. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/07095. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS , 9ème Chambre 2ème section – R.G. n° 07/12688.
APPELANT :
Monsieur X.,
demeurant [adresse], représenté par la SCP MIRA - BETTAN, avoué à la Cour, assisté de Maître Jean-Luc GUETTA, avocat au barreau de PARIS, toque C 1184
INTIMÉE :
SA BNP PARIBAS,
prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par la SCP GUIZARD, avoué à la Cour, assistée de Maître Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0680
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 septembre 2010, en audience publique et les avocats ne s'y étant pas opposés devant Madame Françoise CHANDELON, Conseiller.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Claude APELLE, Président, Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller, Madame Françoise CHANDELON, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT : Contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Monsieur Sébastien PARESY, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.X. : Mention ne figurant pas sur l’original)
M. X., titulaire d'un compte dans les livres de la société BNP Paribas a obtenu de la banque les concours suivants :
- le 21 octobre 2010, une facilité de caisse d'un montant de 5.000 Francs,
- Le 23 février 2000 un crédit reconstituable, d'un montant de 17.000 Francs dit « Crédit Provisio »,
- le 14 septembre 2004 un prêt personnel de 15.000 euros au taux de 6,04 %, d'une durée de cinq ans, remboursable par mensualités de 290,27 euros,
- le 21 juillet 2005, un second prêt de même nature, montant et durée, au taux de 7,626 % l'an, remboursable par mensualités de 310,22 euros.,
Le solde débiteur du compte courant ne permettant plus le remboursement des échéances des deux prêts à compter du mois de janvier 2006, la société BNP Paribas, après avoir mis en demeure M. X. de régulariser la situation par courriers recommandés des 24 janvier, 1er, 8 et 23 février, 1er mars 2006, a procédé, le 2 mai 2006, à la clôture du compte et résilié, par courriers séparés du même jour, les contrats de prêts.
Après avoir sollicité, par courriers de son conseil en date du 16 mai 2006, un délai de deux mois pour rembourser les sommes dues puis réclamé sans succès la réouverture de son compte le 20 juillet suivant, M. X. a engagé la présente procédure par exploit du 11 septembre 2006.
Par jugement du 20 février 2008, le tribunal de grande instance de Paris l'a débouté de ses demandes et condamné au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 8 avril 2008, M. X. a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du Code de procédure civile, déposées le 23 juillet 2010, M. X. demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner la société BNP Paribas à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation des fautes commises dans la gestion de ses comptes et pour rupture abusive par la banque de ses engagements,
- enjoindre la société BNP Paribas sous astreinte à déclarer l'annulation voire la mainlevée de l'inscription au fichier FICP,
- condamner la société BNP Paribas à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du Code de procédure civile, déposées le 18 août 2010, la société BNP Paribas demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner M. X. à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience, M. X. a demandé le rejet des pièces et conclusions signifiées le 17 août 2010.
L'incident sur les conclusions et pièces a été joint au fond.
MOTIFS (justification de la décision) (N.X. : Mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ETANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Sur la procédure :
Considérant que M. X. n'ayant pas conclu au soutien de son appel, la société BNP Paribas a pris l'initiative de lui faire signifier un premier jeu d'écritures le 16 octobre 2008 ;
Que M. X. a conclu pour la première fois le 14 juin 2010, jour initialement fixé pour la clôture, entraînant le report de la date de clôture et de plaidoiries fixée par le Conseiller de la mise en état ;
Considérant que les conclusions signifiées par la société BNP Paribas le 17 août 2010 ont été déposées en réplique au deuxième jeu de conclusions de M. X. signifié le 23 juillet 2010 ; que la clôture ayant été fixée à l'audience de plaidoirie, M. X. disposait d'un délai de plus de quinze jours pour répondre à ces conclusions ; que le principe du contradictoire est donc respecté ;
Que, par ailleurs, ces conclusions ne soulèvent aucun moyen nouveau ou aucune prétention nouvelle, de telle sorte qu'elles n'apportent aucune atteinte au principe du respect du contradictoire ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande de M. X. tendant à voir écarter ces conclusions sera rejetée ;
Qu'il en sera de même de sa demande concernant les pièces qui ont été portées à la connaissance de M. X. pour la plupart à la date à laquelle elles ont été éditées et sur lesquelles il disposait du temps nécessaire pour conclure notamment en ce qui concerne les nouvelles pièces ;
Sur le fondement juridique des demandes :
Considérant que les fautes reprochées à la banque, rupture abusive et faute dans la gestion des comptes, s'inscrivent dans le cadre de l'exécution du contrat et ne peuvent être indemnisées sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil ;
Que le principe du non cumul des responsabilités s'oppose, par ailleurs, comme le rappelle encore l'intimée, à ce que M. X. invoque en parallèle les articles régissant la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle;
Que la Cour précisera ainsi ne retenir que le fondement contractuel posé par les articles 1134 et suivants du Code civil ;
Sur les fautes commises par la banque :
Considérant que M. X. soutient que la société BNP Paribas devait veiller à l'approvisionnement de son compte courant qu'autorisaient les conventions intervenues non résiliées à la date de sa clôture lui permettant de faire face à ses différentes échéances ;
Qu'il analyse la clôture du compte par la banque comme un abus de droit, soutient qu'il devait bénéficier d'un préavis de 60 jours et ajoute que les frais de clôture ne peuvent lui être facturés ;
Qu'il reproche à la Banque également un manquement à ses devoirs de conseil, d'information et de loyauté du fait de ces agissements et de la disproportion des crédits alors qu'il se serait engagé à régulariser la situation, outre la dénonciation à la Banque de France des incidents de paiement relevés ;
Qu'il fait enfin allusion à une clause abusive ;
Considérant qu'il convient de rappeler d'une part que le banquier tient le compte courant de son client mais ne le gère pas, d'autre part qu'une convention de compte courant peut, comme tout contrat à durée indéterminée, être librement résilié par la banque sous les seules réserves qu'elle respecte le formalisme légal l'y autorisant et ne commette pas d'abus de droit, qu'enfin le préavis de 60 jours invoqué par l'appelant est, aux termes de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier, réservé aux crédits à entreprise, ce qui n'est pas l'hypothèse de l'espèce ;
Considérant que les pièces produites démontrent les anomalies de fonctionnement du compte de M. X. ;
Qu'il apparaît ainsi que le crédit reconstituable par débit en compte n° [...] dit « Provisio » souscrit le 23 février 2000 n'était à l'origine que de 17.000 Francs et stipulé remboursable par mensualités variables en fonction de l'utilisation et prélevées directement sur le compte courant ;
Qu'il résulte des relevés de compte produits que de mars à juillet 2000, M. X. a utilisé cette « réserve » à hauteur de près de 40.000 Francs en début d'année 2001 et que son compte n° [...] n'a pas cessé de fonctionner avec une ligne débitrice :
- 6.548,07 euros le 25 janvier 2002,
- 5.672,68 euros le 25 juillet 2002,
- 6.394,33 euros le 25 janvier 2003,
- 5.556,11 euros le 25 juillet 2003,
- 4.819,01 euros le 25 janvier 2004,
- 4.157,04 euros le 25 juillet 2004,
- 6.369,01 euros le 25 janvier 2005,
- 6.707,76 euros les 25 juillet 2005 et 25 janvier 2006,
- 6.533,06 euros le 25 février 2006 ;
Considérant que l'ouverture de crédit, d'un montant de 5.000 F soit 762 euros était dépassé depuis le 15 décembre 2005, le compte courant n° [...] présentant à compter de cette date un découvert de 821,31 euros porté à 3.180,57 euros le 28 février 2006 ;
Considérant que « l'amélioration » de la situation à compter de cette date, que suggèrent les écritures du débiteur, résulte :
- de l'annulation, à compter du 7 mars 2006, de tous prélèvements, qu'il s'agisse de ceux afférents aux mensualités de remboursement du Crédit Provisio, d'un montant de 228 euros à cette date, des deux mensualités précitées des prêts personnels ou de prélèvements de créanciers extérieurs (Orange),
- du virement les 8, 13 et 15 mars 2003, sur le compte n° [...] du solde d'autres comptes ouverts par M. X. au sein du même établissement ;
Considérant ainsi que M. X. ne saurait exciper du solde créditeur de 411,10 euros à la date du 9 juin 2006 pour soutenir qu'avec la facilité de caisse de 720 euros, il pouvait faire face à ses engagements alors que restaient impayées à cette date et depuis plusieurs mois, trois mensualités de remboursement afférentes aux prêts personnels et Crédit Provisio ;
Qu'il ne saurait davantage suggérer que la banque aurait pu encore augmenter son concours au titre du Crédit Provisio, alors qu'il ne pouvait manifestement pas assumer les crédits en cours et que la clôture de son compte ne peut dans un tel contexte être qualifiée d'abusive et qu'elle engendre des frais prévus dans les conditions générales ;
Considérant que le seul fait pour la banque d'avoir consenti un crédit revolving à M. X. ne saurait suffire à considérer que la banque a manqué à son devoir de conseil ou d'information ;
Que M. X. ne justifie ni n'allègue que la banque lui aurait imposé ce type de crédit et encore moins que celui-ci aurait été inadapté à sa situation puisque les amortissements sont fonction de l'utilisation de la réserve consentie et qu'elle n'aurait été que d'environ 120 euros mensuels s'il était resté dans les prévisions d'origine d'un concours de 14.000 Francs ;
Considérant encore que même en additionnant la dernière mensualité exigible de 228 euros aux deux mensualités de prêts de montants respectifs de 290,27 euros et 310,22 euros, on obtient un total de 828,50 euros qui ne peut être considéré comme disproportionné au regard du salaire qu'il déclare d'un montant de 2.500 euros et que de ce fait la banque n'était redevable d'aucun devoir de conseil ;
Considérant que M. X. ne saurait encore soutenir qu'il a promis, par l'intermédiaire de son conseil, une régularisation de la situation ;
Que dans le courrier du 16 mai 2006, son avocat se borne en effet à solliciter un délai de 60 jours pour rembourser le Crédit Provisio tandis que le courrier du 20 juillet 2006 ne s'accompagne d'aucun règlement mais sollicite la réouverture du compte courant, annonçant à défaut une demande judiciaire de délais sur le fondement de l’article 1244-1 du Code civil ;
Considérant que l’article L. 333-4 alinéa 2 du Code de la consommation impose aux établissements de crédit de déclarer à la Banque de France les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels ;
Considérant que l'incapacité pour M. X. de faire face aux échéances de trois prêts et d'un crédit pendant plus de trois mois s'analyse comme un « incident caractérisé » et que c'est à bon droit que la société BNP Paribas a procédé à la déclaration critiquée, qu'il n'y a pas lieu d'annuler ni davantage, en l'absence de règlement des sommes dues, de lever;
Considérant enfin que la Cour ne saurait apprécier la nature abusive d'une clause dont la teneur ne lui est pas communiquée ni d'en tirer la seule conséquence juridique possible, la nullité subséquente, qui n'est pas sollicitée ;
Considérant que M. X. sera débouté de ses prétentions et le jugement confirmé ;
Considérant qu'il apparaît équitable d'allouer à la société BNP Paribas la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, la somme retenue par les premiers juges au titre des frais irrépétibles exposés en première instance étant par ailleurs confirmée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.X. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Déboute M. X. de sa demande tendant à voir rejeter les pièces et conclusions signifiées le 17 août 2010.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne M. X. à payer à la société BNP Paribas la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Condamne M. X. aux dépens avec distraction au profit de la SCP Michel Guizard dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT