CA ROUEN (ch. proxim.), 7 avril 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3028
CA ROUEN (ch. proxim.), 7 avril 2011 : RG n° 10/03913
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'en affirmant ne pas faire l'objet d'une telle surveillance alors qu'il était soigné tant pour un diabète que pour une hyperthyroïdie, Monsieur X. a fait une fausse déclaration à l'assurance ;
que peu importe que les affections dont il souffrait lors de la souscription d'assurance n'aient pas été à l'origine de son décès, le fait de ne pas donner à l'assurance les renseignements sollicités ne lui a pas permis d'apprécier le risque garanti ; que cette omission constitue une fausse déclaration intentionnelle dont la constatation est sanctionnée par la nullité du contrat.
Attendu que Madame X. estime alors que la rédaction de la disposition médicale ne pouvait être comprise, les termes généraux tels que « maladie » ou « traitement médical » ne leur avaient pas été explicités de façon très précise dans les documents qui leur avaient été remis avant leur adhésion ; mais attendu au contraire que les termes utilisés tels que « maladie » et « traitement médical » sont ceux du langage courant et aucune explication scientifique n'avait à être apportée à ces termes ; qui plus est, aucun questionnaire médical n'a été soumis à la signature de Monsieur et Madame X. en raison de ce qu'ils avaient affirmé ne souffrir justement d'aucune maladie et n'être soumis à aucun traitement médical ».
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 7 AVRIL 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 10/03913. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du tribunal d'instance du HAVRE du 30 juin 2010
APPELANTE :
Société O.
représentée par la SCP D. B., avoués à la Cour, assistée de Maître Patricia R.-S., avocat au barreau du HAVRE
INTIMÉE :
Madame Y. épouse X.
représentée par Maître Marie-Christine C., avoué à la Cour, assistée de Maître Marie C., avocat au barreau du HAVRE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 mars 2011 sans opposition des avocats devant Madame PRUDHOMME, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame PLANCHON, Président, Madame PRUDHOMME, Conseiller, Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mademoiselle ROUET, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 17 mars 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 avril 2011
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé publiquement le 7 avril 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 16 août 2006, Monsieur et Madame X. ont souscrit auprès de la banque ACCORD un contrat de crédit consistant en un découvert autorisé renouvelable par fractions, au fur et à mesure des utilisations. Concomitamment à cette souscription, ils ont contracté une assurance décès avec la société O., société de droit irlandais ayant son siège social à DUBLIN.
Le 11 septembre 2008, Monsieur X. est décédé d'un cancer.
Par exploit d'huissier de justice en date du 7 mai 2009, Madame Y. veuve X., a fait délivrer assignation à la SA AON et COURTAGE prise en la personne de son représentant légal, pour obtenir la garantie de celle-ci, ès-qualité d'assureur, quant aux causes du prêt souscrit le 16 août 2006 par elle et son époux.
Par jugement contradictoire du 30 juin 2010, le tribunal d'instance du HAVRE a :
- dit et jugé Madame X. bien-fondée en sa demande ;
- pris acte de l'intervention volontaire aux débats de la société O. ;
- dit et jugé que la société O., dont le siège est à DUBLIN, prise en la personne de son représentant légal, est tenue en sa qualité d'assureur du risque décès, de prendre en charge le montant total, en capital, frais et intérêts, du prêt souscrit le 16 août 2006 par Monsieur et Madame X. auprès de la banque ACCORD ;
- condamné la société O., prise en la personne de son représentant légal, à garantir Madame veuve X., du montant de ce prêt tel que ci-dessus défini et à payer en outre à cette dernière une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société O. aux entiers dépens.
Le 27 août 2010, la société O. a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 6 janvier 2011 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des moyens et des prétentions soulevés, la société O. demande à la cour de :
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a accueilli la demande de Madame X.,
- la confirmer en ce qu'elle a mis hors de cause la société AON COURTAGE ;
- débouter Madame X. de ses demandes ;
- condamner Madame X. à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
À l'appui de ses demandes, la société O. fait valoir que :
- la SA AON et COURTAGE n'a aucun lien contractuel avec Madame X. laquelle n'est tenue à aucune garantie envers celle-ci de sorte que cette société doit être mise hors de cause ;
- Monsieur X. a présenté le 20 novembre 2007 les premiers symptômes de l'infection entraînant sa mort le 11 septembre 2008 ; or, ses traitements pour diabète et hyper-thyroïdie ont débuté trois ans et demi avant son décès de sorte qu'il ne pouvait être sans incidence sur la souscription du contrat d'assurance puisqu'ils n'ont pas cessé ;
- dans ces conditions, la fausse déclaration intentionnelle doit être prise en compte sans qu'il y soit besoin que celle-ci n'ait eu d'incidence sur le décès compte tenu du l'appréciation erronée du risque pris en charge par l'assureur ; en effet, dans l'hypothèse où Monsieur X. avait indiqué suivre un traitement médical, l'assureur aurait refusé de le prendre en charge dans le cadre de ce contrat ;
- le décès de Monsieur X. est dû à une maladie pour laquelle il suivait un traitement médical depuis janvier 2003 ; en effet, le diabète est une maladie entraînant des complications médicales importantes et dont le traitement se fait sur le long terme ;
- l'assureur a appris, après le décès de l'époux de l'intimée, qu'il était sous surveillance médicale au cours des douze derniers mois précédant la souscription et l'était encore lors de la signature du contrat ; ainsi, le contrat d'assurance est nul conformément aux dispositions de l’article L. 113-8 du code des assurances ;
- la déclaration du risque doit être effectuée avec loyauté et sincérité par le souscripteur en vertu de l'obligation de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle ;
- la jurisprudence concernant la sollicitation de manière volontaire, active et réfléchie à un questionnaire médical précis appelant des réponses précises n'est pas applicable au cas de l'espèce ni même celle sur les clauses abusives des questionnaires médicaux puisque Monsieur X. n'a rempli aucun questionnaire, s'étant déclaré en bonne santé et n'avoir aucun suivi médical particulier.
Dans ses dernières écritures en réponse signifiées le 16 décembre 2010 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens en réponse de l'intimée, Madame Y. réclame la confirmation du jugement entrepris et sollicite de la cour de :
- dire et juger que la société O. doit sa garantie au titre du contrat signé le 16 août 2006 par les époux X. ;
- en conséquence, condamner la société O. à prendre en charge le montant total dû en capital, frais et intérêts, au titre du prêt souscrit par Monsieur et Madame X. auprès de la société ACCORD le 16 août 2006 ;
- condamner la société O. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Madame Y. veuve X. expose au soutien de ses demandes que :
- la société O. ne peut pas justifier que les traitements se sont poursuivis postérieurement à janvier 2003, de sorte que la preuve de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré n'est pas rapportée ;
- la déclaration de bonne santé est rédigée en des termes généraux et aucun questionnaire précis n'accompagnait la demande d'adhésion ;
- la commission des clauses abusives considère que les clauses employant des notions ou des termes généraux peuvent être comprises différemment par des personnes de culture, de sensibilité et d'âge différents ; cette commission recommande que les questions posées ou les déclarations d'état de santé fassent référence à des faits précis explicitant le sens de maladie ou encore de traitement médical dans les documents remis au consommateur avant son adhésion ;
- il n'est pas établi que la déclaration d'un suivi pour diabète en 2003 aurait modifié l'opinion de la compagnie d'assurances concernant le risque à assurer ;
- le refus de la société O. de prendre en charge le montant du capital dû a entraîné de graves conséquences financières pour l'intimée ;
- ses revenus ne permettent plus d'honorer le paiement des mensualités.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Attendu que le 16 août 2006, Monsieur X. a signé un contrat d'adhésion au titre de l'assurance garantie par la société AXA FRANCE VIE auprès de la banque ACCORD au titre du crédit de 12.000 euros souscrit e même jour ; qu'aux termes de cet engagement, Monsieur X. et son épouse Madame X. ont demandé à être assurés et ont déclaré :
- avoir pris connaissance de la notice d'information du contrat d'assurance incluse dans cette offre et en avoir accepté tous les termes, désignant la banque ACCORD comme bénéficiaire irrévocable à concurrence des sommes lui restant dû pour l'ensemble des garanties,
- ne pas être âgé de plus de 70 ans,
- ne pas être actuellement en arrêt de travail totale ou partielle pour maladie ou accident ou sous surveillance médicale particulière et ne pas l'avoir été plus de 30 jours consécutifs au cours des 12 derniers mois, ne pas avoir subi au cours des 11 derniers mois ni ne devoir subir à leur connaissance intervention chirurgicale au cours des 12 mois prochains ;
Qu'à défaut de pouvoir attester aux déclarations ci-dessus, il était indiqué aux souscripteurs qu'ils ne pouvaient être admis à l'assurance ;
qu'il était enfin rappelé que toute fausse déclaration intentionnelle ou de mauvaise foi entraînait la nullité de l'assurance en application des dispositions de l’article L. 113-8 du code des assurances.
Attendu que l'assurance estime que Monsieur X. a fait une fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription de son contrat en raison de son état de santé connu par lui.
Attendu que pour en justifier, l'assurance produit le questionnaire médical établi à la suite du décès de ce souscripteur, par son médecin traitant ; qu'il y est mentionné que X. a présenté le 20 novembre 2007 les premiers symptômes de l'affection qui ont entraîné sa mort le 11 septembre 2008 ; que cependant, cette date du 20 novembre 2007 est postérieure de plus de 12 mois à la date de souscription du contrat et ne peut être retenue contre Monsieur X.
Attendu que néanmoins, le médecin traitant de Monsieur X. a également attesté que ce patient avait fait l'objet d'une surveillance médicale particulière pour d'autres affections en précisant qu'il lui avait été diagnostiqué en janvier 2003 un diabète non insulino-dépendant ainsi qu'une hyperthyroïdie qui n'avaient pas nécessité d'arrêt de travail mais qui avaient entraîné des traitements médicaux à partir de janvier 2003 ; que dès le 11 décembre 2008, l'assureur refusait de couvrir le risque au motif que Monsieur X. avait déclaré « ne pas être sous surveillance médicale particulière » alors qu'il l'était et que cette déclaration avait faussé son opinion sur la nature du risque qui lui était soumis.
Attendu que le premier juge a estimé que le questionnaire rempli par le médecin traitant indiquait que les affections dont avait souffert Monsieur X. avaient nécessité des traitements limités au seul mois de janvier 2003, soit à une date antérieure de plus de trois ans à celle de la souscription du contrat litigieux, pour décider que Monsieur X. s'était montré de bonne foi dans la souscription de la convention d'assurance ;
Mais attendu que le médecin a précisé que son patient faisait l'objet d'une surveillance médicale particulière pour ces deux maladies, celles-ci ayant été diagnostiquées en janvier 2003 ; que compte tenu de la nature des maladies dont souffrait Monsieur X., tant le diabète que l'hyperthyroïdie, celles-ci n'avaient pu être prises en charge seulement en janvier 2003 comme l'a jugé le tribunal d'instance du HAVRE ; qu'en effet, s'agissant d'affections de longue durée et chroniques, la surveillance médicale de ce patient était constante et se poursuivait jusqu'à la date de son décès ; qu'en cas contraire, le médecin traitant n'en aurait pas fait mention ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a décidé qu'il n'était pas justifié que Monsieur X. faisait l'objet d'une surveillance médicale particulière lors de la souscription du contrat d'assurance du 16 août 2006.
Attendu qu'en affirmant ne pas faire l'objet d'une telle surveillance alors qu'il était soigné tant pour un diabète que pour une hyperthyroïdie, Monsieur X. a fait une fausse déclaration à l'assurance ;
que peu importe que les affections dont il souffrait lors de la souscription d'assurance n'aient pas été à l'origine de son décès, le fait de ne pas donner à l'assurance les renseignements sollicités ne lui a pas permis d'apprécier le risque garanti ; que cette omission constitue une fausse déclaration intentionnelle dont la constatation est sanctionnée par la nullité du contrat.
Attendu que Madame X. estime alors que la rédaction de la disposition médicale ne pouvait être comprise, les termes généraux tels que « maladie » ou « traitement médical » ne leur avaient pas été explicités de façon très précise dans les documents qui leur avaient été remis avant leur adhésion ; mais attendu au contraire que les termes utilisés tels que « maladie » et « traitement médical » sont ceux du langage courant et aucune explication scientifique n'avait à être apportée à ces termes ; qui plus est, aucun questionnaire médical n'a été soumis à la signature de Monsieur et Madame X. en raison de ce qu'ils avaient affirmé ne souffrir justement d'aucune maladie et n'être soumis à aucun traitement médical ;
Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Madame X. de l'ensemble de ses demandes.
Attendu qu'il y a lieu de lui laisser la charge des dépens de première instance et d'appel.
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société O. la charge de ses frais irrépétibles exposés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement rendu le 30 juin 2010 par le tribunal d'instance du HAVRE.
Déboute Madame X. de l'ensemble de ses réclamations à l'encontre de la société O.,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et aux règles présidant à l'aide juridictionnelle.
Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société O.
Le Greffier Le Président