CA ORLÉANS, 12 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3298
CA ORLÉANS, 12 septembre 2011 : RG n° 10/01686
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que, quels que soient les termes employés dans le contrat de crédit-bail, celui-ci trouve sa cause exclusive dans la livraison, aux locataires, du navire neuf acquis par CGL auprès de GRANVIL'EOLE, puisque la délivrance par le bailleur du bien loué est la seule cause du paiement de loyers par les locataires ;
Que le contrat prévoyait, en son article 8b que « L'obligation de délivrance du bailleur est exécutée par le vendeur sous le contrôle du locataire » ; Qu'il est constant que la société GRANVIL'EOLE, chargée d'opérer délivrance pour le compte du bailleur, n'a pas rempli son obligation contractuelle puisqu'elle n'a jamais remis le bateau aux locataires ; Que l'absence de livraison du bien loué entraîne nécessairement la résolution du contrat de crédit-bail en raison du non respect, par le bailleur, de son obligation de délivrance et qu'il convient d'infirmer la décision entreprise et de prononcer cette résolution ; Que celle-ci ayant un effet rétroactif, la société CGL devra procéder au remboursement de l'intégralité des loyers qui lui ont été versés par Monsieur et Madame X. ;
Attendu que la résolution du contrat de crédit-bail rend sans fondement la demande en paiement présentée par CGL en application de l'article D de ce contrat ».
Extrait (argument des intimés) : « Ils affirment par ailleurs que le contrat contient des clauses abusives, notamment en ce qu'il met à la charge du locataire une obligation de résultat de livraison qui revient à faire peser sur lui l'obligation de délivrance incombant à la seule bailleresse... »
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/01686. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MONTARGIS en date du 21 avril 2010.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
La SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'ÉQUIPEMENTS « CGL »
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, représentée par la SCP D. D., avoués à la Cour, ayant pour avocat Maître Patrick G., du barreau de PARIS, D'UNE PART
INTIMÉS :
Monsieur X.
Madame Y. épouse X.
représentés par la SCP L. L., avoués à la Cour, ayant pour avocat Maître F. J., du barreau de VERSAILLES
Maître Éric G.
mandataire judiciaire pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société GRANVIL'EOLE, représenté par Maître Elisabeth B., avoué à la Cour, ayant pour avocat Maître Olivier A., du barreau de VERSAILLES
PARTIES INTERVENANTES :
Monsieur J.
Monsieur M.
représentés par Maître Jean-Michel D., avoué à la Cour, ayant pour avocat la SCP C. E.-W.-D., du barreau de NICE, substituée par la SCP C. V. - V., du barreau de MONTARGIS, D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 1er juin 2010
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 mai 2011
Lors des débats, du délibéré : Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre, Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.
Greffier : Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors des débats.
DÉBATS : A l'audience publique du 30 MAI 2011, à laquelle ont été entendus Madame Elisabeth HOURS, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 12 SEPTEMBRE 2011 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Monsieur X. et son épouse, Madame Y., propriétaires d'un bateau de plaisance dénommé CATHY II, ont souhaité le remplacer en acquérant, le 17 septembre 2005, auprès de la SARL GRANVIL'EOLE, moyennant le prix de 195.000 euros, un nouveau bateau devant être construit en Espagne et livré en mars 2006. Les époux X., qui ont versé un acompte de 5.000 euros, prévoyaient avec le vendeur que le prix serait payé à hauteur de 110.000 euros au moyen d'un financement sous forme de crédit-bail consenti le 26 septembre 2005 par la société CG MER, filiale de la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements (la société CGL ou CGL) et à hauteur de 80.000 euros par la vente du CATHY II, confié en dépôt vente à la SARL GRANVIL'EOLE.
Le CATHY II a été acquis le 4 mai 2006 par Monsieur J. et [Monsieur] M. et le solde du prix de vente a été remis à GRANVIL'EOLE par CGL sur la foi d'un procès-verbal de réception du nouveau navire signé par Madame X. et par le vendeur mais il n'est pas contesté que le bateau commandé par les époux X. n'a en réalité jamais été livré avant que la SARL GRANVIL'EOLE soit placée en liquidation judiciaire et Maître G. désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Le premier août 2007, CGL a assigné Monsieur et Madame X. devant le tribunal de grande instance de Montargis afin d'obtenir paiement de la somme de 115.260 euros au titre du financement non remboursé.
Le 21 décembre 2007, Monsieur et Madame X., qui ont déclaré à la liquidation judiciaire de GRANVIL'EOLE, une créance de 85.000 euros, ont assigné Maître G. en intervention forcée afin de voir prononcer la résolution de la vente conclue avec la société liquidée. Ils ont en outre assigné Messieurs M. et J. aux fins de voir prononcer la nullité de la vente du CATHY II et le juge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures.
Par jugement en date du 21 avril 2010, le tribunal a débouté CGL de l'ensemble de ses demandes, débouté les époux X. de « leur demande en résolution du contrat », et de leurs demandes formées à l'encontre de Messieurs J. et M. et de Maître G. et s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par CGL envers la SARL GRANVIL'EOLE au profit du juge commissaire à la liquidation de la liquidation de cette partie, seul compétent pour fixer une créance à compter de la publication du jugement de liquidation judiciaire. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que, si les époux X. ont commis une faute en signant le procès-verbal de réception en l'absence de livraison, le déblocage des fonds au profit de GRANVIL'EOLE ne résulte que des seules fautes de l'établissement de crédit qui a proposé un financement inadapté à un bateau à construire, n'a pas précisé que le bien serait acquis sous forme de location assortie d'une promesse de vente en violation de l'article 4f de son propre contrat et a débloqué les fonds sans respecter ses propres exigences d'un dossier complet et conforme puisqu'il n'a pas attendu d'être destinataire de l'acte de francisation et du livret d'immatriculation du bateau. Le tribunal a fait application des dispositions de l'article IV des conditions générales du contrat de location vente prévoyant que les obligations du locataire à l'égard du bailleur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien en retenant qu'il n'était pas contesté que le bateau commandé n'avait jamais été livré.
CGL a relevé appel de cette décision par déclaration en date du premier juin 2010.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 11 avril 2011 par CGL,
- le 22 avril 2011 par les époux X.,
- le 15 avril 2011 par Messieurs J. et M.,
- le 11 avril 2011 par Maître G.
La société CGL, qui conclut à l'infirmation de la décision déférée, demande à la cour de condamner solidairement Monsieur et Madame X. à lui verser 115.260 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2006. A titre subsidiaire, si la cour prononçait la résolution des contrats de vente et de location avec option d'achat, elle demande qu'il soit constaté que Monsieur et Madame X. ont commis une faute en signant un procès-verbal de livraison-réception de complaisance et de dire qu'elle sera en conséquence autorisée à conserver par-devers elle les loyers réglés ainsi qu'à obtenir paiement de la somme de 115.260 euros correspondant au solde du financement accordé. A titre infiniment subsidiaire et si la cour ne retenait pas la responsabilité des époux X., elle sollicite la condamnation de ceux-ci au paiement de la somme de 99.970 euros correspondant au paiement qu'elle a effectué entre les mains de GRANVIL'EOLE en application de l'article D du contrat prévoyant que le locataire est tenu solidairement avec le vendeur de toutes les sommes qui pourraient être dues par celui-ci au bailleur. En toutes hypothèses, elle réclame versement, par Monsieur et Madame X., d'une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L'appelante fait valoir que les dispositions contractuelles retenues par le tribunal ne peuvent être appliquées à l'espèce, l'article IV ne visant que les conventions régies par les articles L 311-1 et suivants du code de la consommation alors que le montant du contrat dépasse le seuil fixé par décret pour l'application de ces dispositions législatives. Elle souligne que l'article B de la convention énonce que le point de départ de la location est fixé à la date du procès-verbal de livraison-réception et que l'article D précise que le locataire, ayant choisi et commandé au vendeur le bien objet de la location tant pour son propre compte que pour celui du bailleur, est tenu d'une obligation de résultat envers le bailleur en ce qui concerne la livraison d'un bien conforme et est tenu solidairement avec le vendeur de toutes les sommes qui pourraient être dues par celui-ci au bailleur. Elle prétend que, dans son courrier adressé à Monsieur et Madame X. le 7 octobre 2005, elle n'a fait qu'indiquer aux locataires qu'elle leur renvoyait le procès-verbal de réception que ces derniers avaient laissé joint aux documents du contrat en précisant que ce procès-verbal devait être daté et signé par eux avant d'être envoyé à GRANVIL'EOLE mais qu'elle ne leur a en aucun cas demandé de procéder immédiatement à cette signature.
La société CGL, qui souligne que le tribunal a, à tort, retenu que GRANVIL'EOLE était sa mandataire, précise que la transmission de l'acte de francisation et du livret d'immatriculation du bateau n'est pas un préalable contractuel à la remise des fonds et demande à la cour de faire application de l'article D du contrat en précisant que, si Maître G. indique que sa créance sur la société GRANVIL'EOLE est discutée, il ne conteste pas qu'elle a bien été inscrite au passif de cette société.
Monsieur et Madame X. concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté CGL de l'ensemble de ses demandes et sollicitent, en application du mandat d'ester au nom de cette société que leur octroie le contrat de crédit-bail, la résiliation de la vente intervenue entre GRANVIL'EOLE et CGL et, en conséquence, la résiliation du contrat de crédit-bail, le rejet des demandes formées à leur encontre et le remboursement des loyers déjà versés. Ils réclament en outre condamnation sous astreinte de Messieurs J. et M. à leur restituer le CATHY II, ou à défaut à leur verser une somme de 80.000 euros. Ils demandent enfin condamnation in solidum de CGL et des acquéreurs du CATHY II à leur verser une indemnité de procédure de 3.000 euros. A titre subsidiaire, ils soulignent que l'indemnité de résiliation qui leur est réclamée par l'appelante a le caractère d'une clause pénale et demandent à la cour de la modérer à un euro.
Les locataires soutiennent que c'est bien CG MER qui leur a demandé de signer immédiatement le procès-verbal de réception dont ils soulignent qu'il a été visé par Madame X. seulement, la signature portée sous le nom de Monsieur X. étant un faux grossier. Ils prétendent que les dispositions contractuelles exigeant la livraison effective du bateau avant versement des fonds priment sur toutes les autres, ce qui doit conduire la cour à constater l'absence de cause du contrat de crédit bail après avoir prononcé la résolution du contrat de vente conclu avec GRANVIL'EOLE. Ils affirment par ailleurs que le contrat contient des clauses abusives, notamment en ce qu'il met à la charge du locataire une obligation de résultat de livraison qui revient à faire peser sur lui l'obligation de délivrance incombant à la seule bailleresse et font par ailleurs valoir que cette dernière, qui n'a pas respecté son obligation de mise en garde et d'information, n'a pas déclaré sa créance à la liquidation de GRANVIL'EOLE et les prive ainsi de tout recours envers elle.
Monsieur et Madame X. concluent également à la nullité de la vente du CATHY II au motif que les acquéreurs ne pouvaient acquérir ce bateau en contractant avec son dépositaire et prétendent que la mauvaise foi de Messieurs J. et M. résulte notamment de ce que l'acte de vente qu'ils ont signé indique que toutes les parties étaient présentes lors de la signature, ce qui n'était pas le cas.
Messieurs J. et M. concluent à la confirmation des dispositions les concernant du jugement déféré. Si la cour déclarait cependant inopposable aux époux X. l'acte de vente du CATHY II en date du 20 janvier 2006, ils lui demandent de juger qu'ils sont possesseurs de bonne foi de ce bateau qui a été remis volontairement par ses propriétaires à la SARL GRANVIL'EOLE pour le vendre et de débouter Monsieur et Madame X. de leurs demandes tendant à la restitution ou au versement de sommes en retenant qu'ils n'ont commis aucune faute. En tout état de cause, ils sollicitent paiement, par Monsieur et Madame X., d'une indemnité de procédure d'appel de 5.000 euros.
Maître G. demande à la cour de constater que CGL ne forme aucune demande à son encontre, de confirmer en tous points la décision déférée et de condamner l'appelante à lui verser 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. Il fait valoir que le présent litige ayant donné lieu à une première assignation du premier août 2007 alors que la liquidation judiciaire était ouverte depuis le 18 octobre 2006, seul le juge commissaire est compétent pour inscrire la créance au passif. Il souligne que CGL indique avoir déclaré sa créance au passif de la société GRANVIL'EOLE le 19 décembre 2006 mais que lui-même n'a pas connaissance d'une telle déclaration qui ne figure pas sur l'état définitif des créances de la société en liquidation. Il soutient par ailleurs que les époux X., qui ne sont pas les acquéreurs du bateau, ne peuvent réclamer la résolution de la vente en soutenant être les mandataires de CGL, partie au litige qui s'oppose à cette résolution.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ETANT EXPOSÉ, LA COUR :
- Sur la vente du bateau CATHY II :
Attendu que Messieurs J. et M. versent aux débats l'acte de vente de ce navire en date du 20 janvier 2006 qui porte une signature étant indiquée comme étant celle de Monsieur X. ;
Que ce dernier soutient cependant qu'il s'agit d'un faux puisqu'il n'a signé aucun acte de vente lorsqu'il a confié son bateau à la société GRANVIL'EOLE et prétend que celle-ci a excédé son mandat en percevant le prix de vente ;
Mais attendu que, lorsqu'il a déposé plainte pour escroquerie à l'encontre de la SARL GRANVIL'EOLE, Monsieur X. a lui-même déclaré aux services de gendarmerie : « Nous possédions un bateau que nous avons fait reprendre par un professionnel lorsque nous avons passé une commande pour le rachat d'un bateau neuf. (...) Au début du mois de janvier 2006, nous avons été contactés par le nouveau propriétaire de notre bateau qui se trouve sur la région de Marseille. Cet homme était embêté pour naviguer avec le bateau car il ne pouvait avoir un carnet de francisation car nous n'avions pas payé la taxe pour avoir le droit de naviguer sur les eaux françaises. C'est à ce moment là que nous avons appris que notre bateau avait été vendu par Monsieur V. (gérant de la SARL GRANVIL'EOLE). Nous avons reçu la taxe pour payer à notre nom mais je l'ai renvoyée à Monsieur V., car je n'étais plus propriétaire du bateau, afin qu'il fasse le nécessaire pour que le nouveau propriétaire puisse avoir ses papiers » ;
Qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder à une vérification de signature puisque ces déclarations établissent sans la moindre ambiguïté que Monsieur et Madame X. ont expressément consenti à confier la vente du CATHY II à la SARL GRANVIL'EOLE en la considérant comme le « repreneur de ce navire » et en acceptant qu'elle fasse son affaire de la recherche d'acquéreurs et de la perception du prix de vente et qu'ils ont considéré Messieurs J. et M. acquéreurs réguliers de leur bateau puisqu'ils ont fait le nécessaire pour qu'ils puissent l'utiliser ;
Attendu par ailleurs que Monsieur et Madame X. ne peuvent exciper de la mauvaise foi de Messieurs J. et M. au motif qu'ils ont signé un document mentionnant inexactement la présence de toutes les parties à la vente puisque l'acte de vente indique seulement « en foi de quoi, les parties étant d'accord, le présent acte a été clos et signé après lecture par chacune des parties », ce qui ne mentionne nullement la présence de Monsieur X. lors de la signature par les acquéreurs ;
Que ces derniers, en signant un document qui leur était présenté comme ayant été préalablement visé par le propriétaire du bateau, ne pouvaient ni connaître la date de cette signature ni soupçonner qu'elle n'émanait pas de Monsieur X. ou que ce dernier l'avait apposée sans avoir lu le contrat ;
Que Messieurs J. et M. démontrent que le prix de 80.000 euros a été payé le 2 janvier 2006 entre les mains de la société GRANVIL'EOLE à hauteur de 8.000 euros comptant et grâce à un prêt obtenu de CETELEM à hauteur de 72.000 euros ;
Qu'ils ne sont responsables ni de la déconfiture de la société GRANVIL'EOLE ni de l'absence d'imputation par elle du montant prix de vente sur le prix d'achat d'un nouveau navire commandé par les époux X. qui ne peuvent reprocher aux acquéreurs du CATHY II d'avoir réglé le prix entre les mains de leur propre mandataire ;
Que les demandes tendant à voir constater la nullité de la vente du CATHY II ou obtenir paiement de dommages et intérêts ont été à bon droit rejetées par les premiers juges et qu'il sera ajouté à la décision déférée condamnation des appelants à verser à Messiers J. et M. une indemnité pour la procédure d'appel ;
- Sur la résolution du contrat de vente conclu entre GRANVIL'EOLE et CGL :
Attendu que les époux X., qui ne sont pas parties à cette vente, soutiennent cependant qu'ils peuvent en réclamer la résolution en application de l'article D des conditions générales du contrat de crédit-bail ;
Mais attendu que cet article indique uniquement : « L'action visant à résoudre la vente ne pourra être exercée par le locataire qu'en qualité de mandataire du bailleur et pour le compte de ce dernier » ;
Qu'en l'espèce, le bailleur, partie au litige, conclut expressément à la validité du contrat de vente et s'est opposé à sa résolution et que les époux X. ne peuvent à l'évidence exciper d'un mandat qui leur aurait été confié par lui pour solliciter cette résolution ;
Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de déclarer irrecevable la demande formée de ce chef par les appelants ;
- Sur la résolution du contrat de crédit-bail conclu entre CGL et les époux X. :
Attendu que, quels que soient les termes employés dans le contrat de crédit-bail, celui-ci trouve sa cause exclusive dans la livraison, aux locataires, du navire neuf acquis par CGL auprès de GRANVIL'EOLE, puisque la délivrance par le bailleur du bien loué est la seule cause du paiement de loyers par les locataires ;
Que le contrat prévoyait, en son article 8b que « L'obligation de délivrance du bailleur est exécutée par le vendeur sous le contrôle du locataire » ;
Qu'il est constant que la société GRANVIL'EOLE, chargée d'opérer délivrance pour le compte du bailleur, n'a pas rempli son obligation contractuelle puisqu'elle n'a jamais remis le bateau aux locataires ;
Que l'absence de livraison du bien loué entraîne nécessairement la résolution du contrat de crédit-bail en raison du non respect, par le bailleur, de son obligation de délivrance et qu'il convient d'infirmer la décision entreprise et de prononcer cette résolution ;
Que celle-ci ayant un effet rétroactif, la société CGL devra procéder au remboursement de l'intégralité des loyers qui lui ont été versés par Monsieur et Madame X. ;
Attendu que la résolution du contrat de crédit-bail rend sans fondement la demande en paiement présentée par CGL en application de l'article D de ce contrat ;
- Sur la demande indemnitaire formée par la société CGL en raison de fautes commises par Monsieur et Madame X. :
Attendu que la bailleresse fait valoir que les époux X. ont fautivement signé le document attestant que le bateau commandé leur avait bien été livré, qu'il avait été procédé à sa mise à l'eau et à des essais satisfaisants, ce qui l'a amenée à verser le montant du prix de vente à la SARL GRANVIL'EOLE ;
Qu'elle affirme que cette faute est seule à l'origine du préjudice qu'elle subit en ayant payé un prix indu sans pouvoir prétendre, en raison de la résolution du contrat de crédit-bail, à la perception de loyers ;
Mais attendu qu'il ressort des pièces versées par les deux parties, qu'après avoir signé le contrat de crédit-bail, Monsieur et Madame X. l'ont retourné à leur cocontractante en y laissant joint le procès-verbal de livraison non rempli et non signé ;
Que CGL leur a naturellement renvoyé ce document le 7 octobre 2005 en y joignant une carte manuscrite rédigée en ces termes : « Monsieur et Madame X. : Avons bien reçu les documents signés. Cependant, je vous renvois (sic) le procès-verbal de livraison car il manque le lieu, la date et votre signature. Une fois signé, merci d'envoyer ce document à GRANVIL EOLE. » ;
Attendu que, sans contester que ce courrier est pour le moins très maladroitement rédigé, CGL soutient cependant que les époux X. ne pouvaient se méprendre sur sa portée puisque le contrat les informait clairement de l'importance et de la portée du procès-verbal de livraison-réception ;
Mais attendu que cette information figure uniquement au sein d'un paragraphe de 12 lignes sans renvois à la ligne, en ces termes :
« Sauf stipulation contraire du contrat de vente, les risques et périls de la livraison demeurent à la charge du locataire. Lors de la livraison du bien, le locataire s'engage à signer avec le vendeur ou son mandataire un procès-verbal contradictoire de livraison-réception constatant la conformité du bien aux spécifications du bon de commande et à celles du contrat de location. L'attention du locataire est particulièrement attirée sur l'importance de l'établissement et de la signature du procès-verbal de livraison-réception qui a pour conséquence de constater la bonne exécution de l'obligation de délivrance du bailleur, de le dégager de toute obligation de garantie et de lui permettre de payer le prix du bien sans restriction ni réserve ».
et qu'il est certain que Monsieur et Madame X. n'ont pu être éclairés par la lecture de ces dispositions contractuelles non mises en évidence et peu aisées à comprendre pour un consommateur non juriste ;
Attendu que CGL, tenue en sa qualité de professionnelle à une obligation de conseil et d'information envers ses cocontractants a violé cette obligation en adressant, le 7 octobre 2008 aux époux X. un courrier dont les termes ne pouvaient que les induire en erreur puisqu'il semblait demander à ses correspondants de renvoyer immédiatement au vendeur le procès-verbal de livraison après l'avoir signé ;
Que c'est bien cette faute de CGL qui a conduit, de bonne foi et alors même qu'ils n'y avaient aucun intérêt, les locataires à signer ce procès-verbal et à l'adresser à la venderesse ;
Que cette dernière a conservé ce document quelques mois puis, connaissant manifestement des difficultés financières qui ont conduit à sa liquidation, l'a elle-même signé et rempli avant de le renvoyer à CGL pour pouvoir bénéficier du versement du prix du bateau commandé ;
Que le préjudice subi par CGL résultant exclusivement de sa propre faute, qui a permis à GRANVIL'EOLE de réclamer malhonnêtement paiement d'un bien qui n'avait pas été livré, le crédit-bailleur ne peut qu'être débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de Monsieur et Madame X. ;
Attendu qu'il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce que le tribunal a débouté Monsieur X. et son épouse, Madame Y., de leurs demandes formées à l'encontre de Messieurs J. et M. et de Maître G. et s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par CGL envers la SARL GRANVIL'EOLE au profit du juge commissaire à la liquidation de la liquidation de cette partie,
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT À NOUVEAU,
DÉCLARE irrecevable la demande formée par Monsieur X. et son épouse, Madame Y., tendant à voir prononcer la résolution de la vente conclue entre la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements et la SARL GRANVIL'EOLE,
PRONONCE la résolution du contrat de crédit-bail conclu le 26 septembre 2005entre Monsieur X. et son épouse, Madame Y., d'une part et la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements d'autre part,
ORDONNE en conséquence le remboursement par la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements entre les mains de Monsieur X. et de son épouse, Madame Y., de l'intégralité des loyers versés en exécution de ce contrat,
DEBOUTE la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur X. et de son épouse, Madame Y.,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE in solidum Monsieur X. et son épouse, Madame Y., à verser à Messieurs Jacques J. et Etienne M., ensemble, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements à payer d'une part à Monsieur X. et son épouse, Madame Y., ensemble, d'autre part à Maître G., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société GRANVIL'EOLE la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société anonyme Compagnie générale de location d'équipements aux dépens d'appel,
ACCORDE aux avoués de la cause, hormis la SCP'D.-D., le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur Bernard BUREAU, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.