CA LYON (3e ch. A), 4 novembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3388
CA LYON (3e ch. A), 4 novembre 2011 : RG n° 10/03606
Publication : Jurica
Extrait : « La demande reconventionnelle de Maître REVERDY es qualité ne peut être accueillie dès lors que la rupture brutale du contrat alléguée n'est pas démontrée, que la remise anticipée des chèques à la banque ne peut être directement à l'origine de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire postérieure de plus de quinze mois, ni à l'origine de la résiliation du bail commercial ainsi que le soutient la partie appelante et dès lors que contrairement à ce qui est prétendu, le contrat dont s'agit, bien que contre garanti à hauteur de 12.500 euros par Mme X. n'a pas créé un déséquilibre significatif entre les parties mais, consenti à un professionnel qui devait évaluer lui-même ses objectifs commerciaux, lui a permis de bénéficier en contrepartie du contrat d'achat exclusif de boissons d'une avance sur ristourne apportant de la trésorerie et d'un cautionnement permettant de crédibiliser sa demande de financement bancaire et par suite le démarrage de l'activité économique qu'il souhaitait. »
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G : 10/03606. Décision du Tribunal de Commerce de LYON, au fond, du 27 avril 2010 : RG n° 2008j2004.
APPELANTE :
SNC FRANCE BOISSONS RHONE-ALPES
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour, assistée de Maître Gilles DUMONT-LATOUR, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Maître Jean-Philippe REVERDY, mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL B.S. TEIX
représenté par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour, assisté de Maître Marc PELLET, avocat au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 6 septembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 septembre 2011
Date de mise à disposition : 4 novembre 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Françoise CUNY, président - Alain MAUNIER, conseiller - Guilaine GRASSET, conseiller, assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier
A l'audience, Guilaine GRASSET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Françoise CUNY, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Saisi par la Société France BOISSONS RHONE ALPES, le tribunal de Commerce de LYON, par jugement du 27 avril 2010, a :
- ordonné la jonction des trois instances opposant successivement la demanderesse à la société BS TEIX SARL ayant pour enseigne « LE BISTROT M. », puis à Maître REVERDY Mandataire judiciaire de la société BS TEIX SARL et à Maître Eric BAULAND, administrateur judiciaire de cette société, puis à Maître REVERDY es qualité de liquidateur judiciaire de la même société,
- mis hors de cause Maître BAULAND es qualité d'administrateur judiciaire de la société BS TEIX,
- Jugé que la résiliation du contrat est le fait de la société France BOISSONS RHONE ALPES à ses torts exclusifs,
- Fixé la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au titre des factures impayées à la somme de 993,20 euros qui sera inscrite à titre chirographaire au passif de la société B.S TEIX,
- Débouté la société France BOISSONS RHONE ALPES de sa demande de paiement d'une indemnité de rupture de 29.034,04 euros,
- Débouté la société France BOISSONS RHONE ALPES de sa demande de paiement d'une somme de 2.020,77 euros au titre du matériel non amorti,
- Fixé la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au titre de la restitution de l'avance sur ristourne à la somme de 1.679, 28 euros TTC qui sera inscrite à titre privilégié au passif de la société B.S TEIX,
- Ordonné la restitution à la société France BOISSONS RHONE ALPES si elle en maintient la demande, de la machine à café mise à disposition par contrat du 22 mai 2006,
- Condamné la société France BOISSONS RHONE ALPES à payer à Maître REVERDY es qualité de mandataire liquidateur de la société B.S TEIX la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Débouté la société France BOISSONS RHONE ALPES de sa demande d'exécution provisoire,
- Condamné la société France BOISSONS RHONE ALPES à payer à Maître REVERDY es qualité de mandataire liquidateur de la société B.S TEIX, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
Par acte du 18 mai 2010 la société France BOISSONS RHONE ALPES a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de conclusions signifiées le 3 juin 2011, elle demande à la Cour, au visa des articles 1134 et 1382 du code civil, 1315 et 1376 du même code de :
1) confirmer le jugement du 27 avril 2010, en ce qu'il a :
- fixé la créance de la société France BOISSONS au titre des factures impayées à la somme de 993, 20 euros qui sera inscrite à titre chirographaire au passif de la société BS TEIX,
- fixé la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au titre de la restitution de l'avance sur ristourne à la somme de 1.679,28 euros TTC qui sera inscrite à titre privilégié au passif de la société B.S TEIX,
- ordonné la restitution à la société France BOISSONS RHONE ALPES si elle en maintient la demande, de la machine à café mise à disposition par contrat du 22 mars 2006,
2) infirmer ce jugement, en ce qu'il a :
- jugé que la résiliation du contrat est le fait de la société France BOISSONS RHONE ALPES, à ses torts exclusifs,
- débouté la société France BOISSONS RHONE ALPES de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture de 29.034,04 euros,
- débouté la société France BOISSONS RHONE ALPES de sa demande en paiement d'une somme de 2.020,77 euros au titre du matériel non amorti,
- condamné la société France BOISSONS RHONE ALPES à payer à Maître REVERDY, es qualité de mandataire liquidateur de la société B.S. TEIX la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société France BOISSONS RHONE ALPES à payer à Maître REVERDY, es qualité la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
3) statuant à nouveau :
- prononcer la résiliation de la convention d'achat exclusif du 29 mars 2006 aux torts exclusifs de la société BS TEIX,
- fixer la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au passif de la liquidation judiciaire de la société BS TEIX à la somme de 29.034,04 euros au titre de l'indemnité de rupture de la convention d'achat exclusif du 29 mars 2006,
- fixer la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au passif de la liquidation judiciaire de la société B.S. TEIX à la somme de 2.020,77 euros au titre de la valeur non amortie du matériel,
- en tant que de besoins, ordonner à Maître REVERDY es qualité de liquidateur judiciaire, l'inscription des sommes de 29.034,04 euros et 2.020,77 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société B.S. TEIX,
- débouter Maître REVERDY es qualités de sa demande de condamnation de la société France BOISSONS RHONE ALPES au titre de dommages et intérêts,
- condamner Maître REVERDY es qualité de liquidateur judiciaire de la société BS TEIX à payer à la société France BOISSONS la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens distraits au bénéfice de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avoués.
Aux termes de conclusions signifiées le 3 mars 2011, Maître Jean-Philippe REVERDY, es qualité de liquidateur judiciaire de la société BS TEIX SARL demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1152 du code civil, L. 442-6 du Code de Commerce, de :
- confirmer la décision entreprise notamment en ce qu'elle a prononcé la rupture du contrat aux torts exclusifs de la société France BOISSONS,
- condamner la société France BOISSONS à payer à Maître REVERDY, es qualité, la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses manquements,
- fixer la créance de la société France BOISSONS au passif de la liquidation judiciaire de la société BS TEIX à la somme de 993,20 euros au titre des factures impayées,
- débouter la société France BOISSONS du surplus de ses réclamations,
- condamner la société France BOISSONS au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre infiniment subsidiaire, juger la clause pénale manifestement excessive et en conséquence la réduire à de plus justes proportions,
condamner la société France BOISSONS aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP DUTRIEVOZ.
Selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La SARL BS TEIX au capital initial de 8.000 euros immatriculée au RCS LYON le 15 mars 2006 a signé avec la société France BOISSONS RHONE ALPES le 22 mars 2006 un contrat de fourniture de café à hauteur de 300 kg par an et de mise à disposition d'une machine à café d'un montant de 2.727,60 euros TTC moyennant paiement mensuel de la somme de 73,72 euros à compter du 10 avril 2006 ; le 29 mars 2006 elle a signé un contrat d'achat exclusif de boissons en contrepartie de quoi la société France BOISSONS RHONE ALPES a accordé une avance sur ristourne d'un montant de 4.400 euros en fonction d'un chiffre d'affaire prévisionnel annuel de 50.000 euros, la participation de la société France BOISSONS RHONE ALPES devant s'amortir à raison de 5 % par an sur le chiffre d'affaire d'achat de marchandises hors taxes et hors droits ; le même jour Mme X., gérante de la SARL BS TEIX a signé un engagement de caution solidaire concernant les factures qui resteraient impayées dans la limite de 12.500 euros TTC.
Pour financer son activité, la société BS TEIX a bénéficié le 6 juin 2006 d'un prêt du CREDIT INDUSTRIEL D’ALSACE ET DE LORRAINE d'un montant de 25.250 euros cautionné à 50 % par la SAS HEINEKEN ENTREPRISE selon cautionnement intra-groupe de la société HEINEKEN par la société France BOISSONS auquel fait référence le contrat d'achat exclusif sus mentionné dans son article 1.
Il est constant qu'à la suite de difficultés financières de la société BS TEIX, la société France BOISSONS a accepté un échéancier fin 2006 qui selon ses propres écritures (page 19) devait permettre de différer aux 10 janvier et 1er février 2007 l'encaissement de deux des quatre chèques remis par la Société BS TEIX ; nonobstant cet engagement, la société France BOISSONS a remis à l'encaissement fin décembre 2006 deux chèques qu'elle ne devait encaisser qu'aux dates précédemment mentionnées déclenchant ainsi une interdiction d'émettre des chèques à l'encontre de la société BS TEIX.
Il est établi que la société BS TEIX a régularisé ses impayés en juillet 2007 et qu'elle a de nouveau cessé de régler ses factures en septembre 2007 ce qui a conduit la société France BOISSONS à la mettre en demeure de payer la somme de 2.140,50 euros le 12 février 2008.
Aucune des pièces produites n'établit une réponse de la société BS TEIX à cette mise en demeure et dès lors elle est mal fondée à soutenir que « début 2008 la société France BOISSONS a, sans le moindre avertissement, cessé de livrer les marchandises commandées par la société BS TEIX ».
La multiplicité des incidents relatifs au refus de reprises des consignes alléguée par la société BS TEIX n'est établie par aucune des pièces produites.
Par suite, dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve du lien de causalité direct entre la remise des chèques à l'encaissement en violation de l'accord des parties et le non paiement de marchandises postérieurement au terme de l'accord, la résiliation de la convention d'achat exclusif du 29 mars 2006 doit être prononcée au torts exclusifs de la société BS TEIX.
Concernant le solde dû sur ces factures après paiement de l'acompte par la société France BOISSONS le 26 janvier 2009 avant son placement en redressement judiciaire le 21 avril 2009 puis en liquidation judiciaire le 8 juillet 2009, il convient de retenir que les parties s'accordent sur le montant de la créance de 993,20 euros que le tribunal de commerce a fixé et de confirmer le jugement de ce chef.
Concernant la créance au titre de l'avance sur ristourne fixée à 1.679,28 euros TTC par le premier juge, la rupture du contrat aux torts exclusifs de l'intimée, la réalité de l’avance de 4.400 euros amortissable à hauteur de 5 % par an et la déclaration de créance du 22 juillet 2009 à titre privilégié en vertu du nantissement pris sur le fonds de commerce le 7 avril 2006 conduisent à confirmer de ce chef, le jugement entrepris.
Concernant le matériel, la société France BOISSONS RHONE ALPES justifie de la mise à disposition de la machine à café selon le contrat sus analysé et il convient également de confirmer le tribunal de commerce en ce qu'il a ordonné la restitution à la société France BOISSONS RHONE ALPES de la machine à café mise à disposition par contrat du 22 mars 2006.
La société France BOISSONS RHONE ALPES justifie également par la production du bon de mise à disposition signé le 22 mai 2006 et revêtu du tampon humide « BISTROT M. » (nom commercial de la société BS TEIX) suivi de son adresse, son fax et son numéro RCS, avoir mis à disposition à cette date une installation pression d'une valeur de 494,89 euros TTC, une enseigne d'une valeur de 2.406,67 euros TTC et un moulin à café d'une valeur de 142,26 euros TTC alors qu'à l'inverse la société BS TEIX qui ne conteste pas avoir signé le bon dont s'agit ne démontre pas ses allégations en produisant une facture de CASTORAMA sans lien avec le matériel mis à disposition ; en conséquence, la créance de l'appelante déclarée le 22 juillet 2009 doit être fixée à la somme de 2.020,77 euros correspondant à la valeur du matériel non amorti au prorata temporis conformément au contrat liant les parties.
La demande reconventionnelle de Maître REVERDY es qualité ne peut être accueillie dès lors que la rupture brutale du contrat alléguée n'est pas démontrée, que la remise anticipée des chèques à la banque ne peut être directement à l'origine de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire postérieure de plus de quinze mois, ni à l'origine de la résiliation du bail commercial ainsi que le soutient la partie appelante et dès lors que contrairement à ce qui est prétendu, le contrat dont s'agit, bien que contre garanti à hauteur de 12.500 euros par Mme X. n'a pas créé un déséquilibre significatif entre les parties mais, consenti à un professionnel qui devait évaluer lui-même ses objectifs commerciaux, lui a permis de bénéficier en contrepartie du contrat d'achat exclusif de boissons d'une avance sur ristourne apportant de la trésorerie et d'un cautionnement permettant de crédibiliser sa demande de financement bancaire et par suite le démarrage de l'activité économique qu'il souhaitait.
Concernant l'application de la clause pénale stipulée à l'article 7 alinéa 2 du contrat lequel mentionne l'exception de force majeure au bénéfice de chaque partie et la suspension des clauses du contrat en cas de fermeture provisoire de l'Etablissement et ainsi ne créé pas le déséquilibre allégué, il convient cependant de retenir que le paiement d'une indemnité forfaitaire de 20 % du chiffre d'affaires à réaliser jusqu'au terme normal du contrat est manifestement excessif dès lors que le préjudice de la société France BOISSONS RHONE ALPES est limité à la perte de marge espérée et que la société BS TEIX, débiteur de bonne foi admis d'abord au redressement judiciaire avant d'être soumis à la procédure de liquidation judiciaire a versé encore un acompte sur sa dette en janvier 2009 alors que la présente instance était pendante devant le tribunal de commerce depuis plusieurs mois ; par suite, l'indemnité de résiliation constituant une clause pénale sera réduite à la somme de 18.000 euros.
Succombant pour l'essentiel, Maître REVERDY, es qualité de liquidateur de la société BS TEIX sera condamné aux dépens lesquels seront distraits au bénéfice des avoués de la cause.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la société France BOISSONS au titre des factures impayées à la somme de 993,20 euros qui sera inscrite à titre chirographaire au passif de la société BS TEIX, fixé la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au titre de la restitution de l'avance sur ristourne à la somme de 1.679,28 euros TTC qui sera inscrite à titre privilégié au passif de la société B.S TEIX, en ce qu'il a ordonné la restitution à la société France BOISSONS RHONE ALPES de la machine à café mise à disposition par contrat du 22 mars 2006.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation de la convention d'achat exclusif du 29 mars 2006 aux torts exclusifs de la société BS TEIX.
Fixe la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au passif de la liquidation judiciaire de la société BS TEIX à la somme de 2.020,77 euros correspondant à la valeur non amortie du matériel,
Fixe la créance de la société France BOISSONS RHONE ALPES au passif de la liquidation judiciaire de la société BS TEIX à la somme 18.000 euros au titre de la clause pénale.
Déboute Maître REVERDY en qualité de liquidateur de la société BS TEIX de sa demande de dommages intérêts.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Maître REVERDY en qualité de liquidateur de la société BS TEIX
aux dépens et dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code civil.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT