TGI TARBES (1re ch.), 19 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3426
TGI TARBES (1re ch.), 19 mars 2009 : RG n° 08/00700 ; jugt n° 188
(sur appel CA Pau (1re ch.), 22 juin 2010 : RG n° 09/01832 ; arrêt n° 2863/10)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 19 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/00700. Prononcé le 19 MARS 2009 par mise à disposition au Greffe.
ENTRE :
Société SIEMENS LEASE SERVICES,
demeurant [adresse], DEMANDERESSE représentée par Maître Denis CHARBONNEL, avocat au barreau de TARBES et plaidant par Maître Didier CAM, avocat au barreau de PARIS, D'UNE PART,
ET :
Madame X.,
demeurant [adresse], DÉFENDERESSE représentée par la SCP MONTAMAT CHEVALLIER FILLASTRE LARROZE GACHASSN, avocats au barreau de TARBES et plaidant par Maître Jean-Michel CAZENAVE, avocat au barreau de PARIS, D'AUTRE PART,
L'affaire a été appelée à l'audience publique du 15 janvier 2009, où étaient présentes Madame PAYAN-LOUBET, Juge statuant à Juge unique et Madame LAPOUTGE, greffier. Au cours de cette audience, les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé le 19 mars 2009 par sa mise à disposition au Greffe de la Juridiction. Il a été délibéré conformément à la loi.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte d'huissier du 31 mars 2008, la Société SIEMENS LEASE SERVICES assignait Madame X. devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES aux fins suivantes :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat conclu entre la demanderesse et la défenderesse le 1er juillet 2005,
- condamner Madame X. à lui restituer le matériel loué, un appareil SKIN STATION RADIANCY sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir,
- l'autoriser à appréhender le matériel en quelque endroit qu'il se trouve, au besoin avec l'assistance de la force publique,
- condamner Madame X. à lui payer une indemnité de jouissance de 1.156,48 € par mois à compter du 18 février 2008, date de la résiliation du contrat,
- la condamner à lui payer la somme de 59.564,19 € selon décompte figurant dans les motifs de l'assignation, outre les intérêts au taux conventionnel (1,5 %) à compter du 18 février 2008, date de la résiliation du contrat,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil et l'article 4-4 du contrat,
- lui donner acte qu'elle s'engage à rembourser à Madame X., au besoin par voie de compensation, une somme égale à 80 % du prix de revente HT de l'équipement, nette de tout frais en cas de paiement effectif par l'acquéreur du prix,
- la condamner à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens avec distraction à Maître Denis CHARBONNEL,
- le tout avec exécution provisoire sans constitution de garantie ;
A l'appui de ces demandes, la Société SIEMENS LEASE SERVICES reprenait tout d'abord la chronologie des faits :
Par acte sous-seing privé du 1er juillet 2005, la Société SIEMENS LEASE SERVICES concluait avec Madame X. un contrat de location d'une durée de 72 mois portant sur un appareil SKIN STATION RADIANCY (fonctions épilation, photorajeunissement, acné) pour un loyer mensuel de 1.156,46 € TVA et assurances comprises à compter du 1er juillet 2005 jusqu'au 1er juin 2011 ;
Après un an d'utilisation, Madame X. a cessé de régler les loyers au motif qu'elle ne parvenait pas à rentabiliser le matériel ;
La Société SIEMENS LEASE SERVICES souligne que le contrat a bien été conclu pour une durée irrévocable de 72 mois et qu'aucune résiliation ne pouvait intervenir à l'issue de la première année, ni la [minute page 3] proposition de partenariat, ni la charte de location de la Société CPL ne prévoient une telle possibilité ;
De plus, par courrier du 18 juillet 2006, la Société CPL a bien informé Madame X. de l'impossibilité de mettre fin au contrat de location avant l'expiration de la durée irrévocable prévue au contrat « sans solder le montant de l'encours restant dû au groupe financier » ;
En ce qui concerne l'éventualité de reprise du matériel par un confrère de la défenderesse auquel la Société CPF avait consenti (courrier du 6 octobre 2006), le demandeur indique qu'un tel changement de débiteur ne saurait lui être imposé, n'ayant pas accepté une telle modification, et ce, conformément aux dispositions de l'article 1165 du Code Civil ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2008, la SIEMENS LEASE SERVICES a donc informé Madame X. qu'elle se prévalait de la clause résolutoire contractuelle et la mettait en demeure de lui restituer le matériel et de payer les sommes dues en vertu du contrat ;
Dans des conclusions responsives et récapitulatives, Madame X. soulignait au préalable le caractère confus des demandes figurant dans l'assignation, notamment en ce qui concerne le jeu de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail et la condamnation à la restitution de l'appareil qui n'est pas explicitée dans les motifs
Madame X. relevait ensuite que le litige ne porte pas uniquement sur un problème de loyers impayés ; en effet, il y a lieu de considérer que le rapport contractuel concernait la défenderesse, le fournisseur du matériel CPL, la Société SIEMENS LEASE SERVICES qui lui a acheté ledit matériel afin de le louer à Madame X. ;
SIEMENS LEASE SERVICES est totalement lié à la personne qui lui a vendu ce matériel. Si cette personne n'a pas fourni un matériel, objet de l'intervention dudit bailleur, conforme à ce qu'il a promis, le locataire ne peut être tenu par son contrat de bail. Sa validité et donc la créance de cette société financière sur le Docteur X. sont totalement liées à la valeur de la prestation du fournisseur CPL ;
Les prestations de ces deux sociétés doivent être analysées ensemble. La preuve en est fournies par la pièce adverse n° 1, le contrat de location le bailleur passe commande au fournisseur du matériel CPL, d'un matériel prétendument choisi par le locataire ;
Or, le locataire n'a pas choisi de prendre bail chez SIEMENS LEASE SERVICES. En fait, CPL lui a fait une étude, soit-disant approfondie, pour lui vendre une prestation complète ; étude médicale et financière d'une prestation de service à rendre à ces clients, le matériel et les modalités financières de cette prestation et donc le choix du bailleur sont imposés par l'étude fournie. Ils font l'objet de « contrats d'adhésion » que le locataire ne peut discuter. La division de ces contrats ne correspond ni à une réalité économique, ni à une nécessité juridique ;
[minute page 4] La défenderesse constatait l'absence de formation et de tout entretien par CPL et relevait que ce défaut de respect par le bailleur constitue, par application des articles 1713 et 1719 du Code Civil, une cause d'annulation du contrat ;
La Société SIEMENS LEASE SERVICES se devait d'assurer l'entretien dévolu au propriétaire du matériel et assurer la jouissance paisible du locataire et ce d'autant plus que ce type de matériel à lumière intense peut se révéler dangereux dans son utilisation en l'absence d'une formation adaptée ;
Par ailleurs, la clause prévoyant le paiement de l'intégralité des loyers en cas de déchéance du terme constitue une clause pénale susceptible de modération par le juge en cas d'excès ;
De plus, SIEMENS LEASE SERVICES et CPL n'ont pas satisfait à leurs engagements ; dès lors, en application de l'article 1184 du Code Civil visant l'existence d'une condition résolutoire sous entendue dans les contrats synallagmatiques, Madame X. est donc fondée, compte tenu du fait que l'étude financière fournie par CPL n'était pas personnalisée et qu'aucune information n'a été donnée sur le plan scientifique concernant les risques d'utilisation, les contre-indications médicales et les limites curatives du matériel, à demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts ;
En effet, l'inexécution, même partielle, du contrat par le bailleur est d'une telle gravité qu'elle prive le locataire de toute possibilité d'utiliser le matériel loué, et ce, dès la délivrance dudit matériel ;
Madame X. rappelle qu'en sa qualité de médecin, elle est tenue par l'article 2-4 du code de déontologie de privilégier l'intérêt du malade par rapport à l'intérêt collectif, en l'espèce le maintien du contrat litigieux ;
La défenderesse demande en conséquence au tribunal de :
rejeter toutes les demandes de SIEMENS LEASE SERVICES,
prononcer la résolution judiciaire du contrat de leasing à compter du 27 juin 2006 et le remboursement d'un trop perçu de 7.517,12 €,
- condamner SIEMENS LEASE SERVICES au versement de la somme de 25.000 € de dommages et intérêts,
- condamner SIEMENS LEASE SERVICES à verser 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'a supporter les entiers dépens,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2009 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'à l'appui de sa demande de résolution judiciaire du contrat de leasing à compter du 27 juin 2006 (date de sa réclamation), Madame X. indique que le bailleur est lié au fournisseur du matériel loué et que les prestations des deux sociétés, SIEMENS LEASE SERVICES et CPL, résultent d'une seule et unique relation contractuelle ;
Attendu que l'acte sous-seing privé signé le 1er juillet 2005 par Madame X. et la Société SIEMENS LEASE SERVICES a pour objet un contrat de crédit-bail d'un appareil dénommé SKIN STATION RADIANCY pour une durée irrévocable de 72 mois, moyennant le paiement de 72 échéances mensuelles de 951,95 € + 17,95 € d'assurances, soit un total de 1.156,48 € ;
Attendu qu'il est constant que le choix de l'appareil par Madame X. a été effectué à la suite du démarchage effectué par un représentant de la Société CPL qui lui a fait parvenir en avril 2005 une « Proposition de partenariat » prévoyant la possibilité de louer l'appareil à raison d'un loyer de 1.160 € sur 63 mois, avec une formation sur site de deux jours, un contrat d'assistance et de maintenance et d'assurances ; qu'il convient de relever que cette proposition de la Société CPL ne s'est pas conclue par la signature d'un contrat avec la défenderesse ;
Attendu que le seul acte formalisé est le contrat de crédit-bail signé entre les seules parties au présent litige sur des bases différentes de l'offre faite par CPL, à savoir un loyer de 1.156,48 € payable sur 72 mois ;
Attendu que le procès-verbal de réception du 1er juillet 2005 ne mentionne aucune réserve relative à la durée du bail par Madame X. et que celle-ci n'a signalé aucun défaut ou manquement éventuel comme les articles 1-5 et 3 du contrat lui en donnaient la possibilité ;
Attendu que la Société SIEMENS ne saurait être tenue par les simples offres de prestations faites par la Société CPL et non formalisées par la signature d'un contrat correspondant, et ce, en application de l'article 1165 du Code Civil ;
Attendu au surplus que l'article 1er des conditions générales du contrat prévoit dans son paragraphe 1-2 que c'est le locataire qui choisit, pour ses besoins professionnels, sous sa seule responsabilité, l'équipement objet de la location (...). Le locataire a l'initiative du choix du fournisseur et de l'équipement ; il ne pourra opposer au bailleur la carence de l'un ou de l'autre (...) En aucun cas, il ne pourra se prévaloir des difficultés liées à l'équipement, à son utilisation ou ses performances pour arrêter le paiement des loyers. Le locataire décharge le bailleur de toute obligation d'entretien et de garantie de l'équipement (...), le présent contrat ne pouvant en aucune façon être affecté par le sort du contrat de prestation, d'entretien ou de maintenance
Attendu que l'article 6-2 précise que « le locataire devra en toutes circonstances assurer l'entretien et le bon état de fonctionnement de l'équipement (...) par dérogation aux articles 1719 et 1721 du Code Civil » ;
[minute page 6] Attendu qu'il ne résulte pas du contrat litigieux qu'il incombait à la Société SIEMENS LEASE SERVICES d'assurer la formation à l'utilisation de l'appareil, que ce type de prestation n'est pas conforme avec la finalité de cette société de location financière ; qu'il convient en outre de souligner que Madame X. n'établit pas l'absence d'une telle formation par la production d'un élément justificatif comme un courrier de réclamation ;
Attendu que l'article 13-1 précise, en son deuxième alinéa, que le locataire reconnaît l'indépendance juridique entre le contrat de location et le contrat de maintenance ou/et de prestations. Il s'interdit expressément en conséquence de suspendre ou refuser le paiement des loyers dus au titre du présent contrat pour une raison relative à l'exécution, l'inexécution, la fourniture de la maintenance et/ou des prestations sus-mentionnées ;
Attendu enfin que le défaut de rentabilité de l'appareil invoqué par la défenderesse ne constitue pas une cause d'annulation du contrat, sachant qu'il lui appartenait, eu égard à la spécificité de sa clientèle connue d'elle seule, d'estimer les perspectives d'utilisation de l'appareil
Attendu que Madame X. a réglé les échéances du 1er juillet 2005 jusqu'à celle de septembre 2006, qu'il ressort de son courrier du 12 septembre 2006 qu'elle ne peut honorer cette échéance en raison de difficultés financières liées entre autres à la situation économique régionale ;
Attendu qu'il y a lieu de débouter Madame X. de ses demandes de résolution judiciaire du contrat, de constater le jeu de la clause résolutoire contractuelle à la suite de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 février 2008 et d'en tirer toutes les conséquences de droit, conformément aux dispositions de l'article 1134 du Code Civil ;
Attendu que l'article 1152 alinéa 2 prévoit la possibilité pour le juge de modérer la peine qui avait été convenue contractuellement au motif qu'elle est manifestement excessive, que cette appréciation porte sur la disproportion manifeste existant entre l'importance du préjudice effectivement subi par le créancier et le montant conventionnellement fixé, que la défenderesse ne démontre pas en quoi les articles 10-2 et 4-4 du contrat prévoient des indemnisations excessives, qu'il convient en outre de relever que la locataire n'a honoré que 17 échéances, qu'elle aurait versé au terme des 72 échéances la somme de 83.266,56 € à la Société SIEMENS, alors qu'il lui reviendra, si la présente juridiction applique les dispositions contractuelles, la somme de 59.564,19 € arrêtée au 12 février 2008 outre le montant des 17 échéances payées (19.660,16 €), soit un total inférieur au produit escompté et qu'elle sera remboursé en cas de revente de l'appareil de 80 % de ce prix ; qu'il y a lieu de débouter Madame X. de sa demande de réduction de clause pénale ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner Madame X. à verser à la Société SIEMENS LEASE SERVICES les sommes suivantes :
- loyers impayés à la date de la résiliation Reliquat du loyer du 1er janvier 2007 : 1.110,90 €
- [minute page 7] du 1er février 2007 au 1er janvier 2008 (12 x 1.156,48 €) : 13.877,76 €
- prorata du loyer du 1er février 2008
(1er au 17 février 2008, soit 1.156,48/29 x 17) : 677,94 €
- intérêts de retard sur les loyers impayés arrêtés au 18 février 2008 : 1.710,78 €
- indemnités contractuelles sur impayés : 1.400,00 €
- loyers à échoir (hors taxes et hors assurances)
du 1er mars 2008 au 1er juin 2011 (40 x 951,95 €) : 38.078,00 €
- prorata du loyer du 1er février 2008 (du 18 au 29 février 2008) : 400,12 €
- indemnités de résiliation (6 % des loyers à échoir) : 2.308,69 €
Soit la somme totale de : 59.564,19 €
arrêtée au 18 février 2008, outre les intérêts au taux conventionnel à compter de cette date ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en matière civile et en premier ressort,
Reçoit la Société SIEMENS LEASE SERVICES en ses demandes,
Déboute Madame X. de l'ensemble de ses demandes,
Constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat du 1er juillet 2005 signé par les parties,
Condamne Madame X. à restituer l'appareil loué, à savoir l'appareil SKIN STATION RADIANCY,
Autorise la Société SIEMENS LEASE SERVICES à appréhender le matériel en quelque lieu qu'il se trouve et au besoin avec l'assistance de la force publique,
Condamne Madame X. à payer à la Société SIEMENS LEASE SERVICES une indemnité de jouissance de 1.156,48 € par mois à compter du 18 février 2008, date de résiliation du contrat,
[minute page 8] Condamne Madame X. à payer à la Société SIEMENS LEASE SERVICES la somme de 59.564,19 € outre les intérêts au taux conventionnel de 1,5 % à compter du 18 février 2008, date de la résiliation du contrat,
Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil et de l'article 4-4 du contrat,
Donne acte à la Société SIEMENS LEASE SERVICES de ce qu'elle s'engage à rembourser à Madame X., au besoin par voie de compensation, une somme égale à 80 % de revente HT de l'équipement, nette de tous frais, si l'équipement est revendu en cas de paiement effectif de la totalité du prix de revente par l'acquéreur,
Condamne Madame X. à payer à la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la Société SIEMENS LEASE SERVICES ainsi que les entiers dépens.
Le Greffier , Le Président
R. LAPOUTGE C PAYAN-LOUBET