CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 9 avril 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 3441
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 9 avril 2010 : RG n° 07/16801 ; arrêt n° 129
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que les deux textes sont différents en ce qui concerne les frais, le premier texte pouvant laisser penser qu'ils seront supportés en totalité par la société CR, quelle que soit l'issue de la procédure alors que le second dit clairement que ces débours seront remboursés à l'intimée en cas de succès de la procédure de recherche et de paiement de la part héréditaire ;
Considérant toutefois que l'appelant ne justifie pas de ce qu'il a signé cinq semaines plus tard après la réception de la lettre du 5 janvier, le 17 février, un texte obscur dont il n'a pas pu comprendre la portée et pour lequel il n'aurait pas eu le temps d'obtenir des compléments d'information en raison des termes du courrier initial ;
Considérant dès lors qu'il convient de juger qu'il n'a pu se méprendre sur le mérite de son engagement peu important la qualité de sa compréhension de la langue anglaise en provenance de la France dès lors qu'il a pu se faire obtenir pas la traduction et que son niveau de culture juridique lui permettait nécessairement d'appréhender le sens du contrat de révélation de succession ».
2/ « Considérant que l'appelant se réfère à la recommandation de la CCA n°96-03 du 20 septembre 1996 laquelle indique dans son deuxième paragraphe que les contrats dans lesquels le généalogiste ne précise pas son droit à remboursement des frais engagés, ne donne aucune indication sur son importance ou sur la manière de les calculer, et ne permet donc pas au consommateur de mesurer la portée de son engagement et est donc susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; Considérant que cette recommandation propose ainsi d'écarter des contrats toute clause laissant penser que : - les bases de calcul de la rémunération du généalogiste sont impérativement fixées par la loi, - les frais ne donneront pas lieu à remboursement et ne sont pas précisés pour ceux qui ont déjà été engagés au moment de la proposition de contrat ;
Considérant, en l'espèce, que l'appelant ne justifie pas cependant que le montant des frais déjà engagés ne lui a pas été communiqué et que si cela avait été le cas, il n'aurait pas contracté ;
Considérant que dans ces conditions, en l'absence d'une erreur démontrée par l'appelant sur l'engagement initial, le généalogiste CR était donc fondé à demander sa rétribution au taux de 10 % de la révélation de succession ce qui a été acquitté par M. X. ainsi que ses frais dès lors que ces derniers, justifiés par les documents produits représentent des dépenses réelles et nécessaires, non disproportionnées avec l'objet même du contrat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 9 AVRIL 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/16801. Arrêt n°129 (7 pages). Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juillet 2007 - Tribunal de grande instance de PARIS - 4ème chambre 1ère section : R.G. n° 05/01627.
APPELANT AU PRINCIPAL et INTIMÉ INCIDENT :
M. X.
[adresse], représenté par la SCP ALAIN & VINCENT RIBAUT, avoué à la Cour, assisté de Maître Marcel AZENCOT, avocat au barreau de PARIS, toque A 297
INTIMÉE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE :
S.A. C.-R.,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [adresse], représentée par Maître Pascale BETTINGER, avoué à la Cour, assistée de Maître Xavier RISSELET, avocat au barreau de PARIS, toque D 1680
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a été préalablement entendu en son rapport
M. Bernard SCHNEIDER a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Fabrice JACOMET, Président, M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller, M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller.
Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
ARRÊT : Contradictoire. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Signé par M. Fabrice JACOMET, Président, et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 17 février 2000, M. X. a accepté de signer un contrat de révélation de succession avec la société C.-R. (ci-après société CR).
Un litige est intervenu entre eux portant sur le paiement de débours réclamés par la société CR à hauteur 130 415,18 euros.
Le tribunal de grande instance de Paris saisi par la société CR, par jugement prononcé le 10 juillet 2007, a condamné M. X., avec exécution provisoire, à lui payer la somme demandée s'élevant à 130.415,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2004, date de réception de la mise en demeure ainsi que 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. X. ayant relevé appel de la décision le 2 juillet 2007, par dernières conclusions signifiées le 3 décembre 2009, au visa de l’article 1134 du Code civil et du contrat du 17 février 2000 demande :
- l'infirmation du jugement au motif que la société CR doit conserver à sa charge la totalité des frais et débours antérieurs et postérieurs à la signature du contrat ;
- à titre très subsidiaire, au visa des articles L. 132-1 (notamment les alinéas 1 et 6) à L. 132-5 du code de la consommation, dire non écrites comme abusives les clauses du contrat invoquées par la demanderesse qui auraient pour effet ou pour objet de créer à son détriment, en sa qualité de non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
À titre reconventionnel, il demande la restitution des sommes déjà perçues par l'intimée au titre de l'exécution provisoire, l'allocation de 20.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et pour immobilisation des fonds ainsi que le paiement de 15'000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Il demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'est reconnu débiteur de 4.255,64 euros au titre des dépenses pour l'immeuble ;
Par dernières conclusions signifiées le 11 décembre 2009, la société CR demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ;
Elle demande à titre additionnel le paiement à titre de remboursement d'une somme de 3.557,07 euros correspondant à des intérêts qu'elle a payés le 1er septembre 2008 pour le compte de l'appelant ;
Elle demande, en outre, le paiement de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant que l'appelant soutient tout d'abord que le contrat signé le 17 février 2000 doit être lu à la lumière de la lettre d'offre de contrat qui l'a précédé et qui lui a été adressée le 5 janvier 2000 ; qu'il en déduit qu'aux termes de ces deux documents, l'intimée s'est engagée à ne lui demander que le paiement d'une commission de 10 % sur le total de la succession lui revenant, qui lui serait effectivement payée après déduction des frais minorant celle-ci s'il obtenait la reconnaissance de ses droits ;
Considérant que selon lui, la société n'est donc pas fondée à lui réclamer les sommes qu'elle lui demande puisque la lettre du 5 janvier 2000 mentionne dans son troisième paragraphe : « nous proposons d'entreprendre toutes les démarches requises pour établir vos droits éventuels sur cette succession. Nous effectuerons le travail à cet effet à nos propres frais mais si nous parvenons à faire reconnaître vos droits sur cet héritage nous percevons un pourcentage de la somme nette qui vous reviendra. Dans le cas contraire vous ne devrez rien. » ;
Considérant qu'il ajoute également que la société CR lui a fait signer ce contrat en dissimulant le fait qu'elle avait déjà connaissance, à ce moment-là, de l'existence du testament déposé chez le notaire le 30 novembre 1992 et qu'il ne s'explique pas pourquoi dans toute cette période comprise entre 1992 et janvier 2000, il n'a pas été retrouvé par le notaire dépositaire ;
Considérant également que, selon lui, dès lors qu'il a été contacté par la société CR à un moment où elle connaissait déjà l'existence du testament en sa faveur, il ne saurait être question de débours et de coûts de recherches non déterminés au moment même de la signature du contrat, ces frais étant déjà connus de sorte qu'il a été l'objet d'une véritable dissimulation, l'intimée faisant état, en effet, de frais éventuels et non connus au jour de ce contrat ;
Considérant que la société CR conteste la portée donnée au courrier du 5 janvier 2000 en expliquant qu'elle ne constitue que de simples pourparlers ;
Considérant toutefois qu'ainsi que le relève l'appelant, il existe une différence manifeste entre le courrier du 5 janvier 2000 et le contrat faisant l'objet de la proposition contenue dans ce courrier puis signée le 17 février 2000 par M. X. ;
Considérant toutefois qu'il ne peut être soutenu qu'ils forment un tout indivisible et que le second n'est lisible qu'à la lumière du premier ;
Considérant en effet que le contrat signé le 17 février 2000 est ainsi conçu :
« § 3 : toutes les recherches seront faites et toutes les mesures seront prises aux risques et aux frais de la société CR,
§ 4 : en rémunération de ses services, la société CR recevra en paiement après déduction des impôts et taxes sur les successions : les débours et les coûts des recherches et une commission équivalant à 10 % avec un maximum de 400.000 F de la succession devant être payé à l'héritier » ;
Considérant que les deux textes sont différents en ce qui concerne les frais, le premier texte pouvant laisser penser qu'ils seront supportés en totalité par la société CR, quelle que soit l'issue de la procédure alors que le second dit clairement que ces débours seront remboursés à l'intimée en cas de succès de la procédure de recherche et de paiement de la part héréditaire ;
Considérant toutefois que l'appelant ne justifie pas de ce qu'il a signé cinq semaines plus tard après la réception de la lettre du 5 janvier, le 17 février, un texte obscur dont il n'a pas pu comprendre la portée et pour lequel il n'aurait pas eu le temps d'obtenir des compléments d'information en raison des termes du courrier initial ;
Considérant dès lors qu'il convient de juger qu'il n'a pu se méprendre sur le mérite de son engagement peu important la qualité de sa compréhension de la langue anglaise en provenance de la France dès lors qu'il a pu se faire obtenir pas la traduction et que son niveau de culture juridique lui permettait nécessairement d'appréhender le sens du contrat de révélation de succession ;
Considérant, par ailleurs, que le débat portant sur le moment où la société CR a une connaissance de sa qualité éventuelle d'héritier ne permet pas à l'appelant de tirer la conséquence que le contrat était dépourvu de cause ou d'objet ;
Considérant que le fait que la société CR avait eu connaissance de sa qualité d'héritier n'influe pas sur le fait que le service rendu résulte de ce que l'auteur de la révélation a agi pour rendre possible le contact entre l'héritier et le notaire alors même que ce contact aurait été très improbable pour ne pas dire impossible sans son intervention et que plus précisément rien n'interdit à la société de généalogie CR, bien au contraire, de s'adresser à un héritier en ayant connaissance de la réalité d'un héritage qu'il ne connaît pas, le contrat proposé ayant précisément pour objet de faire connaître l'ouverture d'une succession, l'aléa supporté par l'héritier étant soit d'avoir connaissance de la succession moyennant des honoraires soit de courir le risque de ne jamais être appelé à la succession sans cette intervention ;
Considérant qu'il appartient par conséquent à M. X. de démontrer que les recherches de la société CR ont été sans incidence sur la révélation de succession et qu'il aurait été de toute façon approché par le notaire de la succession ; que ce contrat aurait donc été sans cause ;
Considérant toutefois qu'il ne rapporte pas cette preuve et que le contrat en lui-même est régulier et valable ;
Sur le caractère abusif des clauses de frais contenues dans le contrat :
Considérant que l'appelant se réfère à la recommandation de la CCA n°96-03 du 20 septembre 1996 laquelle indique dans son deuxième paragraphe que les contrats dans lesquels le généalogiste ne précise pas son droit à remboursement des frais engagés, ne donne aucune indication sur son importance ou sur la manière de les calculer, et ne permet donc pas au consommateur de mesurer la portée de son engagement et est donc susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Considérant que cette recommandation propose ainsi d'écarter des contrats toute clause laissant penser que :
- les bases de calcul de la rémunération du généalogiste sont impérativement fixées par la loi,
- les frais ne donneront pas lieu à remboursement et ne sont pas précisés pour ceux qui ont déjà été engagés au moment de la proposition de contrat ;
Considérant, en l'espèce, que l'appelant ne justifie pas cependant que le montant des frais déjà engagés ne lui a pas été communiqué et que si cela avait été le cas, il n'aurait pas contracté ;
Considérant que dans ces conditions, en l'absence d'une erreur démontrée par l'appelant sur l'engagement initial, le généalogiste CR était donc fondé à demander sa rétribution au taux de 10 % de la révélation de succession ce qui a été acquitté par M. X. ainsi que ses frais dès lors que ces derniers, justifiés par les documents produits représentent des dépenses réelles et nécessaires, non disproportionnées avec l'objet même du contrat ;
Considérant, qu'en l'espèce, les frais engagés qui ne sont pas des frais de recherche mais, pour les postes principaux, « des frais de notaire » (49.274,02 euros), des honoraires d'avocat (65.412,58 euros) et des frais d'avoués et d'huissiers conformément à l'article 2 du contrat par lequel il était convenu que la société CR « représentera l'héritier dans le cadre de l'héritage et recouvrera les biens pour le compte de l'héritier » ;
Considérant plus précisément que le total des frais et débours dont il est ainsi demandé remboursement ne peut être considéré comme disproportionné au regard des sommes perçues par l'appelant en qualité d'héritier dont il ne démontre pas qu'il les aurait perçues autrement ;
Considérant qu'à titre subsidiaire, l'appelant conteste le paiement des sommes réclamées comme ne résultant pas de l'application du contrat ;
Mais considérant que la contestation opposée par le cohéritier, M. A., annoncée dès le 5 janvier 2000 (« je dois vous informer que la situation dans cette affaire est délicate compte tenu de la relation entre M. A. et son épouse, Mme B. de C., et il semble que nous devrons engager une action à son encontre ») a justifié le recours à un avocat ;
Considérant dès lors que les sommes demandées, à ce titre, en raison des frais de notaires pour le partage, justifie la demande en paiement de la somme demandée, comprenant également quelques frais liés à la restitution de l'immeuble, justifiés dans les pièces produites et non discutables sérieusement, tels EDF, serrurier, taxes foncières ;
Considérant qu'il convient de faire droit à la demande complémentaire en paiement de 3.557,07 euros laquelle représente le complément justifié de frais et d'huissier ;
Considérant que M. X. demande qu'il lui soit donné acte qu'il a donné son accord pour le paiement de 4.255,64 euros au titre des dépenses de l'immeuble ;
Mais considérant qu'une telle demande ne saurait avoir de portée pour la solution du présent litige ; qu'elle est sans objet ;
Considérant dès lors qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ces dispositions ;
Considérant que les conditions sont réunies pour qu'il soit fait droit à la demande de la société CR présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 6.000 euros, la demande sur le même fondement dans la procédure de première instance étant confirmée ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. X. à rembourser à la société C.-R. la somme de 3.557,07 euros avec intérêts au taux légal à compter des conclusions du 11 décembre 2009 ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. X. à payer à la société C.-R. la somme de 6.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre la procédure d'appel ;
Le condamne aux entiers dépens ;
Dit qu'il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président