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TGI CHALON SUR SAÔNE (ch. civ.), 4 janvier 2000

Nature : Décision
Titre : TGI CHALON SUR SAÔNE (ch. civ.), 4 janvier 2000
Pays : France
Juridiction : TGI Chalons sur saone. ch. civ
Demande : 98/2398
Date : 4/01/2000
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 4/12/1998
Décision antérieure : CA DIJON (9e ch. sect. 1), 8 novembre 2001
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 348

TGI CHALON SUR SAÔNE (ch. civ.), 4 janvier 2000 : RG n° 98/2398

(sur appel CA Dijon (ch. civ. B), 8 novembre 2001 : RG n° 00/00311 ; arrêt n° 708 B)

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CHALON SUR SAÔNE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 4 JANVIER 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 98/2398.

 

DEMANDERESSE :

La Société BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE (BDA)

dont le siège est [adresse], Représentée par la SCP HOPGOOD-DEMONT, avocats inscrits au barreau de CHALON SUR SAÔNE, substituée à l'audience par Maître COUILLEROT, avocat au même barreau

 

DÉFENDEUR :

Le Comité d'Entreprise du Groupe C.

pris en la personne de son représentant légal dont le siège est [adresse], Représenté par Maître LABORDERIE, avocat inscrit au barreau de CHALON SUR SAÔNE, ayant pour avocat plaidant Maître CUSSAC avocat inscrit au barreau de PARIS, substitué à l'audience par Maître LABORDERIE

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré : M. LIOTARD, Vice-Président, Mme JAILLET et Mme DABILLY, Juges

Lors du prononcé : M. LIOTARD, Vice-Président, M. SEGOND et Mme JAILLET, Juges

Greffier : Melle TETU

DÉBATS : A l'audience publique du 9 novembre 1999

JUGEMENT : contradictoire, prononcé publiquement, en premier ressort, signé par M. LIOTARD, Vice-Président, et Melle TETU., Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte sous seings privés en date du 17 juin 1996, la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE a conclu avec le Comité d'entreprise du groupe C. une convention de dépôt et de gestion de distributeurs automatiques de boissons chaudes et froides, sandwiches, confiseries et viennoiseries.

Il était prévu à l'article 10 du contrat une prise d'effet le jour même et pour une période ininterrompue de 4 années, pouvant faire l'objet d'un renouvellement par tacite reconduction pour des périodes de deux ans, sauf résiliation par lettre recommandée 3 mois avant l'expiration du contrat.

Par courrier avec accusé de réception en date du 5 décembre 1997, renouvelé le 9 janvier 1998, le Comité d'entreprise du groupe C. a demandé à la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE de retirer le matériel en dépôt en raison d'un mauvais approvisionnement des appareils, ainsi que d'un défaut d'entretien.

Le 9 janvier 1998, Maître A., huissier de justice, a dressé procès-verbal du déplacement et du stockage du matériel dans un local du groupe C., dans l'attente d'une reprise.

Par exploit en date du 4 décembre 1998, la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE a fait assigner le Comité d'entreprise du groupe C. devant le tribunal de grande instance de CHALON SUR SAÔNE aux fins de voir :

- constater que le Comité d'entreprise a rompu de manière abusive et anticipée la convention à durée déterminée conclue avec la société,

- condamner le Comité à lui verser la somme de 125.734 Francs hors taxe correspondant au manque à gagner sur deux années,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner le Comité à lui payer la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE a fait valoir que par courrier en date des 12 décembre 1997 et 9 janvier 1998, elle avait contesté les griefs allégués par le comité d'entreprise, proposé certaines adaptations ou améliorations et refusé [minute page 3] catégoriquement de reprendre les machines.

S'appuyant sur les dispositions de l'article 13 de la convention qui prévoient que « le dépositaire devra informer le gestionnaire du mauvais entretien du matériel, de la mauvaise qualité des produits offerts afin que celui-ci puisse prendre toutes dispositions nécessaires », la société a argué de ce que le Comité d'entreprise ne l'avait jamais informée des problèmes rencontrés et de ce que, sans mise en demeure préalable d'avoir à y remédier, elle avait exigé le retrait immédiat des machines.

En réponse, le Comité d'entreprise du groupe C. a exposé qu'en application de l'article 13 du contrat, il avait prévenu à plusieurs reprises la société distributrice des difficultés rencontrées et que c'était à bon droit qu'il avait procédé à la résiliation du contrat pour inexécution des obligations découlant de ses articles 4, 6 et 7, savoir : défaut d'approvisionnement régulier des distributeurs en produits de qualité, dans des quantités nécessaires au service, absence d'intervention en cas de dérangement des appareils dès que possible, et manquements dans le maintien de propreté et d'hygiène intérieures des machines.

Reprenant les constatations de Maître A. sur le mauvais fonctionnement des appareils, il a dénoncé les conditions de salubrité douteuse du travail de la société distributrice (matériel insuffisant et rudimentaire destiné à la préparation des sandwiches) ainsi que le dépassement de la température de conservation des aliments à l'intérieur de l'appareil (8° au lieu de 3° requis).

De façon reconventionnelle, le Comité d'entreprise du groupe C. a soulevé l'irrecevabilité de la demande fondée sur l'article 10 du contrat, qu'il qualifie de clause abusive devant être réputée non écrite, au motif que ledit article avait pour effet de prévoir un engagement ferme du consommateur alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté.

Il a également sollicité du tribunal qu'il constate que la résiliation intervenue est la conséquence de l'inexécution par la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE de ses obligations et condamne cette dernière à lui verser une somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts outre celle de 10.000 Francs au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières écritures, la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE a remarqué que les seules observations effectuées par l'huissier ne suffisaient pas à démontrer en quoi ses obligations n'auraient pas été exécutées, étant précisé que la propreté extérieure des machines et de ses [minute page 4] abords était à la charge du dépositaire.

Elle a ensuite expliqué que le nettoyage intérieur ne pouvait être permanent ou quotidien, pas plus que l'approvisionnement, mais devait seulement être exercé « régulièrement ». Elle s'est indignée des attestations fournies par Messieurs B. et C., anciens employés de leur établissement, qu'elle estime être de pure complaisance.

Enfin, elle a fait état de ce que le Comité d'entreprise du groupe C. ne pouvait se prévaloir du bénéfice du code de la consommation, faute de posséder la qualité de consommateur, et en tout état de cause de ce que l'article 10 de la convention n'était nullement abusif puisque ni le groupe C. ni leur société n'étaient autorisées à résilier le contrat pendant le délai de 4 années.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 1999.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Attendu que la convention de dépôt signée entre les parties le 17 juin 1996 prévoyait qu'elle prendrait effet pour une période ininterrompue de quatre années, avec renouvellement biennal par tacite reconduction ;

Qu'elle stipulait également dans son article 13 que le dépositaire devait « informer le gestionnaire du mauvais entretien du matériel, de la mauvaise qualité des produits offerts afin que celui-ci puisse prendre toutes dispositions nécessaires » ;

Que dès lors, il convient de déterminer si la société distributrice a ou non satisfait à ses engagements au regard des obligations fixées par ladite convention, étant souligné que selon l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques et qu'il est inutile de statuer sur la validité de la clause insérée à l'article 10 de la convention ;

Attendu d'une part, que les termes du courrier adressé le 9 janvier 1998 par le Comité d'entreprise du groupe C. à la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE sont forts imprécis et se limitent à une [minute page 5] référence à un précédent courrier, non produit, en date du 5 décembre 1997;

Que le dépositaire ne justifie nullement avoir fait part à son cocontractant de son mécontentement sur le service rendu antérieurement à ces lettres ; qu'il n'est pas plus justifié de la teneur des griefs invoqués ;

Qu'en tout cas, la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE a, dès le 12 décembre 1997, fait valoir ses observations et émis des propositions en réponse à cette demande de retrait pur et simple des appareils installés ;

Attendu d'autre part, que la réalité des dysfonctionnements allégués ne découle que du procès-verbal dressé par Maître A. le 9 janvier 1998, soit à la date même du courrier signifiant au distributeur la résiliation du contrat ;

Que si l'huissier a constaté un défaut de propreté des machines : traces de graisses sur les parois du distributeur à boisson de l'atelier, traces de coulure de café sur le réceptacle et sur les parois de la machine à sandwiches du vestiaire ..., ou encore pénurie de certains produits (pas de boissons disponibles dans le distributeur du bureau), il n'en demeure pas moins que ces désordres ne constituent pas un manquement aux obligations contractuelles du gestionnaire ;

Qu'il y a lieu en effet de se référer aux articles 4, 6 et 7 de la convention qui prévoient que « la propreté extérieure des machines, des abords et des poubelles éventuellement mises à disposition par le gestionnaire est à la charge du dépositaire » et que « le gestionnaire approvisionnera régulièrement les distributeurs en produits de qualité, dans des quantités nécessaires au service » ;

Qu'ainsi, les dysfonctionnements n'ont pas lieu d'être imputés à la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE, s'agissant tant de la saleté présente sur les parois des machines que de la carence, seulement passagère, de certains produits, puisqu'elle n'avait pas contractuellement à en assumer la charge ;

Attendu enfin, que l'attestation de Monsieur D., membre du Comité d'entreprise du groupe C., de même que les propos de Messieurs B. et C., ex-employés de la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE et associés d'une société PRODIST ayant pour objet social la distribution automatique de produits, rapportés dans le procès-verbal d'huissier, sont dénués de valeur probante compte tenu des liens unissant leurs auteurs aux parties ;

[minute page 6] Attendu, en conséquence, que la résiliation unilatérale de la convention, sans mise en demeure préalable d'avoir à remédier à des désordres suffisamment détaillés et sans justification valable d'une quelconque mauvaise exécution ou inexécution des obligations contractuelles, doit être considérée comme abusive et prématurée ;

Attendu s'agissant de l'indemnisation du préjudice, que la demanderesse prétend que sa marge commerciale serait de 58,51 % en moyenne, ce qui est paraît très excessif et en tous cas supérieur à ce qu'elle a alléguée dans une autre procédure à laquelle elle fait elle-même allusion ; que le tribunal possède les éléments d'appréciation suffisants pour lui allouer une indemnité réparatrice de 80.000 Francs HT avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1998 ;

Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté de la créance commandent d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu qu'il est équitable de contraindre le Comité d'entreprise du groupe C. à supporter, à concurrence de 4.000 francs, les frais déboursés par la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE non compris dans les dépens ;

Attendu que le Comité d'entreprise du groupe C. succombe ; qu'il devra assumer les entiers dépens de l'instance ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Condamne le Comité d'entreprise du groupe C. à payer à la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION AUTOMATIQUE 80.000 Francs HT à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1998,

Ordonne l'exécution provisoire de cette condamnation,

Condamne le Comité d'entreprise du groupe C. à payer à la SARL BOURGOGNE DISTRIBUTION SERVICE 4.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

[minute page 7] Déboute les parties de tous autres chefs de demande,

Condamne le Comité d'Entreprise du Groupe C. aux entiers dépens, avec faculté de recouvrement au profit de la SCP d'avocats HOPGOOD-­DEMONT.

Le Greffier                               Le Président

Magistrat rédacteur : Madame DABILLY.