6311 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Distributeur de boissons (mise à disposition)
- 5712 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Obligation de mise en cause dans les contrats liés
- 5918 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : autres matériels à destination de la clientèle
- 5929 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Mise à disposition d’un distributeur de boissons
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6311 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT
DISTRIBUTEUR DE BOISSONS (CONTRAT DE MISE À DISPOSITION)
Présentation. Certaines des décisions recensées examinent l’application de la protection contre les clauses abusives à des contrats de mise à disposition de matériels distributeurs de boissons : machines à café, distributeurs automatiques, fontaines à eau. Ce genre d’opérations comprend la fourniture des matériels, leur entretien et la fourniture des consommables. Les parties peuvent conclure soit un seul contrat, soit deux contrats, l’un de prestation de services avec fourniture (entretien, réapprovisionnement) et l’autre de location (le plus souvent une location financière de longue durée sans option d’achat).
Ces contrats sont en tout état de cause toujours conclus à l’occasion d’une activité professionnelle au bénéfice des salariés et/ou des clients (entreprise ou comité d’entreprise, professions libérales, etc.).
Avant l’ordonnance du 14 mars 2016, une conception stricte du domaine d’application de la protection contre les clauses abusives, notamment du rapport direct avec l’activité, a conduit à l’exclusion de ces contrats du domaine d’application de la protection contre les clauses abusives ou contre le démarchage (V. Cerclab n° 5929), a fortiori lorsque le contrat vise à adjoindre une activité supplémentaire (distributeurs mis en place dans des magasins, tels que des épiceries, bureaux de tabac ou station-services ; V. Cerclab n° 5918). Les décisions décrites ci-dessous ont adopté la position inverse en estimant que le contrat n’avait pas de caractère professionnel (spécialement en référence avec son activité spécifique), quel que soit le critère utilisé (rapport direct, compétence, besoins de l’activité), ce qui implique dès lors que le contrat a été conclu par un « non-professionnel » au sens de l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
Après l’ordonnance du 14 mars 2016, l’application de la protection contre les clauses abusives à professionnel ou un non-professionnel n’est pas exclue, soit lorsque l’activité professionnelle ne fait pas partie des cinq prévues par l’article liminaire, al. 2 et 3, soit lorsque le contrat n’a pas été conclu à des fins entrant dans le cadre d’une de ces activités, seconde solution qui n’est pas nécessairement exclue pour un distributeur de boissons.
N.B. Les contrats de mise à disposition de ce type de matériels ont suscité un contentieux très abondant, décrit pour l’essentiel lors de l’examen du domaine de la protection contre les clauses abusives, un très grand nombre de « petits » professionnels ayant revendiqué le bénéfice de cette protection (V. Cerclab n° 5929). La liquidation judiciaire d’un des acteurs du secteur (« Fontex ») a notamment provoqué un nombre important de procédures, liées à l’existence d’un contrat de location financière sans option d’achat, conclu pour une durée irrévocable et stipulé divisible par rapport au contrat matériel de fourniture des consommables. L’examen de ces décisions (non reportées ici) permet d’attester des nombreux abus ayant eu lieu en la matière : dissimulation de la possibilité de financiariser l’opération, opacité de cette financiarisation (notamment quant au prix du matériel largement surévalué), ventilation entre le coût des prestations et de la location absente ou susceptible de varier selon la seule volonté du bailleur, possibilité de mettre fin à la transmission des actions en cas de dysfonctionnements, etc. La Cour de cassation avait pourtant fixé des limites aux clauses de divisibilité, lorsque la location n’avait de sens que s’il y avait fourniture du service et a fini par imposer leur caractère non écrit (arrêts de Chambre mixte, Cerclab n° 6392). § Sur la nécessité de mettre en cause le prestataire, même en liquidation judiciaire, pour contester cette divisibilité conventionnelle, V. Cerclab n° 5712.
A. OBLIGATIONS DE L’UTILISATEUR
Clause de consommation minimale. N’est pas abusive la clause d’un contrat de mise à disposition d’un distributeur de boissons, obligeant l’utilisateur à verser une indemnité si le montant des consommations est inférieur au minimum contractuel prévu, dès lors que cette stipulation ne procure pas un « avantage excessif » au professionnel puisqu'elle est la contrepartie de la charge qui lui est imposée d'entretenir gratuitement le matériel mis à la disposition. CA Paris (25e ch. A), 9 décembre 1997 : RG n° 96/07218 ; arrêt n° 258 ; Cerclab n° 1107 ; Juris-Data n° 024347 (clause n’apparaissant pas non plus imposée au consommateur par un abus de puissance économique puisque le gestionnaire, qui n'est pas dans la localité concernée le seul distributeur de café, a agi dans une situation de libre concurrence), sur appel de T. com. Bobigny (7e ch.), 31 mars 1995 : RG n° 02966/95 ; jugt n° 3431/95 ; Cerclab n° 1617 (problème non abordé).
Clause d’exclusivité en cours de contrat. Est abusive la clause d’exclusivité d’un contrat de gestion d’un distributeur de boisson chaudes ne comportant strictement aucune contrepartie ni avantage pour le contractant qui en est le débiteur, et qui en fait, pour une durée de cinq ans, un client captif pour la distribution de boissons chaudes dans ses locaux. CA Besançon (2e ch. com.), 15 mai 2007 : RG n° 06/00217 ; arrêt n° 363 ; Cerclab n° 958 ; Juris-Data n° 335947 (conséquence : absence de manquement de l’utilisateur et résiliation injustifiée par le gestionnaire, entraînant le rejet de sa demande de dommages et intérêts et l’imputation de la rupture à ses torts), infirmant T. com. Lons-le-Saunier, 21 octobre 2005 : RG n° 2004/00042 ; Dnd, arrêt cassé par Cass. civ. 1re, 11 décembre 2008 : pourvoi n° 07-18128 ; Cerclab n° 2832 (l’ancien art. L. 132-1 C. consom. ne s’applique pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales).
En sens inverse : l'exclusivité et la durée du contrat sont, en l'espèce, la contrepartie du prix minoré des boissons ; l'indemnité réclamée n'est prévue par le contrat qu'en cas de rupture du fait du client, mais cette clause n’entraîne un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties que si elle est supérieure au préjudice réel subi par le fournisseur. CA Lyon (1re ch. civ.), 23 juin 2005 : RG n° 04/02598 ; arrêt n° 3607 (?) ; Legifrance ; Site CCA ; Cerclab n° 1128 ; Lamyline (clause jugée non abusive, le mode de calcul correspondant au préjudice subi par le fournisseur du fait de l’installation de distributeurs concurrents dans les locaux du comité d’entreprise), sur appel de TGI Villefranche-sur-Saône, 2 avril 2004 : RG n° 04/00051 ; jugt n° 04/137 ; Cerclab n° 530 (problème non examiné).
B. OBLIGATIONS DES PRESTATAIRE ET BAILLEUR
Durée du contrat : durée irrévocable. Ne sont pas abusives les clauses prévoyant une durée du contrat de 48 mois et, en cas de résiliation anticipée, une indemnité égale aux loyers impayés, dès lors que la durée de ce type de contrat et la faculté de résiliation doivent être appréciées eu égard au mode de financement du matériel et à la difficulté de le céder à un tiers en cas de résiliation anticipée. CA Paris (25e ch. B), 13 octobre 2006 : RG n° 05/01183 ; Cerclab n° 2466 (location financière), sur appel de TGI Créteil (3e ch.), 26 octobre 2004 : RG n° 03/02795 ; Dnd.
Comp., dans le cadre d’un contrat de gestion unique, pour l’éviction de l’interdiction d’une faculté de résiliation unilatérale par l’utilisateur, en raison du caractère abusif de la clause offrant sans réciprocité cette faculté au gestionnaire : CA Dijon (ch. civ. B), 8 novembre 2001 : résumé infra.
Indépendance des contrats de fourniture et de location ; exonération du bailleur des obligations « techniques » et transmission des actions. Absence de caractère abusif de la clause consacrant l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur et de la clause dérogatoire à l'art. 1721 C. civ., par laquelle le locataire prend l'engagement de maintenir le matériel en parfait état de fonctionnement, d'entretien et de conformité aux règlements, dans la mesure où le prestataire de services n'est pas imposé par l'organisme financier mais est choisi par le locataire, où les dispositions légales relatives à l'entretien de la chose louée ont un caractère supplétif et où le bailleur a transmis au locataire la totalité des recours qu'il tient du contrat de vente. CA Colmar (1re ch. civ. A), 26 septembre 2006 : RG n° 05/06013 ; Cerclab n° 1396 ; Juris-Data n° 315764 (fontaine à eau ; arrêt notant également qu’il n'est pas démontré que les prestations fournies par la société prestataire auraient été d'une complexité telle que celle-ci aurait été la seule à être en mesure de les assumer, alors que le bailleur a suggéré à sa cliente de prendre attache avec une autre société pour la reprise des services assurés par le fournisseur défaillant, circonstance démontrant l’absence d’interdépendance des divers contrats ; N.B. le contrat semblait distinguer, en l’espèce, le coût de l’entretien et des fournitures, du coût de la location), sur appel de TGI Saverne (ch. com.), 2 novembre 2004 : RG n° 03/00180 ; Cerclab n° 519 (problème non abordé ; solution identique mais dans le cadre du droit commun).
Pour un arrêt estimant de façon laconique qu’aucune des clauses du contrat de location d’une fontaine à eau n'a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors que l’utilisateur a pu s'adjoindre tout prestataire de son choix après la défaillance de la société prestataire. CA Paris (25e ch. B), 7 avril 2006 : RG n° 04/18655 ; Cerclab n° 2464 (exclusion du démarchage en raison de la qualité de personne morale ; clauses apparemment visées : indépendance de la location et de la fourniture, cessibilité du contrat de mise à disposition du matériel, refus de diminution des loyers en cas de cessation de l’approvisionnement en consommable ; N.B. l’absence de répartition de la redevance entre location du matériel et coût des fournitures est examiné sous l’angle du dol), sur appel de T. com. Paris (5e ch.), 25 juin 2004 : RG n° 03/63139 ; Dnd.
V. cependant en sens contraire : compte tenu l’indivisibilité ou de l’interdépendance des contrats de maintenance et de location, résultant de différentes clauses du contrat, nonobstant celle stipulant explicitement le contraire, la clause du contrat de location, interdisant au locataire de se prévaloir d'un dysfonctionnement du matériel livré auprès du loueur, est abusive au regard de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., dès lors qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties en ayant pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du non-professionnel vis-à-vis du professionnel en cas d'inexécution défectueuse par le professionnel de l'une quelconque de ses obligations contractuelles. CA Metz (3e ch.), 7 avril 2011 : RG n° 09/02519 ; Cerclab n° 3206 (distributeur de boissons mis à disposition d’une association sportive ; éléments établissant l’indivisibilité : conclusion des deux contrats le même jour, montant de la redevance mensuelle comprenant le coût de la location et celui de la prestation assurée par le gestionnaire, mais perçue en totalité par le bailleur), sur appel de TI Hayange, 7 septembre 2007 : Dnd.
C. RÉSILIATION DU CONTRAT
Résiliation du contrat par le consommateur : dysfonctionnements. V. dans le cadre d’un contrat de gestion unique (sans location financière) : présente un caractère abusif la clause de résiliation permettant au professionnel de résilier le contrat de façon discrétionnaire, pour des motifs laissés à sa seule appréciation (« raisons jugées par lui impératives »), sans laisser au consommateur la même faculté. TGI Valence (1re ch.), 1er juillet 2008 : RG n° 06/03621 ; Cerclab n° 4178 (clause pénale particulièrement élevée, sans lien apparent, ni avec le montant des prestations fixées par la convention, ni avec l'éventuel préjudice pouvant découler de la rupture des relations contractuelles ; défaut de paiement justifié par les dysfonctionnements), sur appel CA Grenoble (1re ch. civ.), 11 octobre 2010 : RG n° 08/03506 ; Cerclab n° 2929 (caractère abusif non examiné ; rupture anticipée du contrat étant imputable au gestionnaire, celui-ci ne peut réclamer l'application de la clause d’indemnité de résiliation prévue en cas de rupture du fait du dépositaire). § Pour les opérations incluant un bailleur financier, V. ci-dessus.
Résiliation aux torts du consommateur : cessation des paiements. Ne sont pas abusives les clauses prévoyant une durée du contrat de 48 mois et, en cas de résiliation anticipée, une indemnité égale aux loyers impayés, dès lors que la durée de ce type de contrat et la faculté de résiliation doivent être appréciées eu égard au mode de financement du matériel et à la difficulté de le céder à un tiers en cas de résiliation anticipée. CA Paris (25e ch. B), 13 octobre 2006 : RG n° 05/01183 ; Cerclab n° 2466 (location financière), sur appel de TGI Créteil (3e ch.), 26 octobre 2004 : RG n° 03/02795 ; Dnd. § V. aussi : n’est pas abusive la clause d’un contrat de location de distributeur de boissons prévoyant la possibilité de résiliation en cas de résolution de la vente du matériel ou, au choix du seul bailleur, en cas de défaillance du locataire, la clause de résiliation n’étant pas discrétionnaire mais liée à des faits extérieurs au bailleur. T. com. Paris (7e ch.), 12 mars 2002 : RG n° 2000/046116 ; Cerclab n° 309 ; Juris-Data n° 176650 (contrat comportant les clauses classiques des contrats de location financière ; refus de la résiliation amiable demandée par l’utilisateur et condamnation de ce dernier au paiement de l’indemnité de résiliation, réduite).
Résiliation du contrat par le professionnel : rentabilité insuffisante. S'il est légitime que le gestionnaire d’un distributeur de boissons ait la faculté de retirer son matériel s’il n'obtient pas un bon équilibre entre le coût de la prestation et les recettes obtenues, est abusive la clause d’un contrat de dépôt et de gestion de distributeurs automatiques, à durée déterminée, qui ne définit pas cet équilibre et autorise ainsi le gestionnaire à résilier le contrat selon sa seule volonté, alors que cette possibilité n’est pas offerte à l’utilisateur. CA Dijon (ch. civ. B), 8 novembre 2001 : RG n° 00/00311 ; arrêt n° 708 B ; Cerclab n° 629 ; Juris-Data n° 180799 (conséquence : caractère abusif de la clause conduisant la cour à requalifier le contrat à durée indéterminée, avec faculté pour l’utilisateur de le résilier unilatéralement ; condamnation de l’utilisateur à verser des dommages et intérêts au gestionnaire, une rupture brutale, sans préavis ni indemnité supposant la preuve d’une faute du gestionnaire qui n’a pas été rapportée), sur appel de TGI Châlons-sur-Saône (ch. civ.), 4 janvier 2000 : RG n° 98/2398 ; Cerclab n° 348 (problème non abordé).