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CA AGEN (1re ch. civ.), 12 septembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 12 septembre 2011
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 10/01363
Décision : 853-11
Date : 12/09/2011
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 853
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3496

CA AGEN (1re ch. civ.), 12 septembre 2011 : RG n° 10/01363 ; arrêt n° 853-11

Publication : Jurica

 

Extrait : « En effet, les conditions générales applicables aux comptes de dépôt comportent une clause de compensation ainsi rédigée : « Les parties conviennent que les différentes conventions qui les lient, nées ou à naître, procèdent d'une relation économique globale qui vient créer entre les dettes réciproques des parties un lien de connexité. Par suite vous autorisez la banque à compenser, à tout moment y compris lors de la clôture du compte, tout solde débiteur apparu au présent compte avec tout autre compte ouvert à votre nom présentant une position créditrice et ce, sans formalité préalable. »

Mme X. n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu les conditions générales du compte dès lors qu'elle a signé les conditions particulières qui précisent que le titulaire reconnaît avoir reçu, pris connaissance et accepté les conditions générales du contrat.

La clause précitée n'autorisait pas la CRCAM à effectuer une compensation entre les sommes déposées sur le compte sur livret de Mme X. et le compte n° [...] ouvert au nom de l'EURL M. OPTIQUE qui est une entité juridique différente.

De même, contrairement à ce que soutient la banque, cette clause ne lui permettait pas d'opérer une compensation entre le compte joint et le compte de l'EURL M. OPTIQUE, cette dernière étant une personne morale juridiquement distincte de Mme X. et de M. Y. même si ce dernier en était le seul associé.

En revanche, la compensation était possible entre le crédit du compte sur livret de Mme X. et le compte joint ouvert à son nom et au nom de M. Y. à condition que ce compte présente un solde débiteur, l'autorisation de découvert dont se prévaut l'appelante n'étant pas de nature en elle-même, à défaut de stipulation contraire, à faire obstacle à cette possibilité. »

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/01363. Arrêt n° 853-11.

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le douze septembre deux mille onze, par Laurence FLISE, Premier Président, assistée de Nathalie CAILHETON, Greffier.

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

 

ENTRE :

Madame X.

née le [date] à [ville], représentée par Maître Jean Michel B., Avoué, assistée de Maître Anne Sophie B., Avocat, APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 2 juin 2010, D'une part,

 

ET :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PYRÉNÉES GASCOGNE,

prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, représentée par la SCP P. AL R. PH, Avoués, assistée de Maître Marie-Luce D'A., Avocat

Monsieur Y.

le [date] à [ville], de nationalité française

EURL M. OPTIQUE,

prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

Tous deux représentés par la SCP N. G., Avoués, et assistés de Maître Claudine A.-L., Avocat

INTIMÉS, D'autre part,

 

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 6 juin 2011, devant Laurence FLISE, Premier Président, Raymond MULLER, Conseiller et Chantal AUBER, Conseiller (laquelle, désignée par le Premier Président, a fait un rapport oral préalable), assistés de Nathalie CAILHETON, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme X. et M. Y. ont vécu en concubinage pendant 5 ans et se sont séparés en novembre 2007. Ils étaient titulaires d'un compte joint ouvert au mois de novembre 2003 auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) Pyrénées Gascogne, dont Mme X. s'est désolidarisée le 6 novembre 2008.

Mme X. était en outre titulaire, auprès de la CRCAM Pyrénées Gascogne, d'un compte sur livret ouvert le 11 octobre 2006 et clôturé le 9 janvier 2008.

Indiquant s'être aperçue que la banque avait prélevé des sommes sur son livret personnel pour alimenter le compte joint et les reverser immédiatement sur le compte professionnel de M. Y. ouvert au nom de l'EURL M. OPTIQUE, Mme X., par acte d'huissier du 27 février 2009, a fait assigner la CRCAM Pyrénées Gascogne, M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE pour obtenir leur condamnation solidaire au remboursement de la somme de 27.200 euros outre le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 2 juin 2010, le Tribunal de grande instance d'AUCH a :

- débouté Mme X. de ses demandes de condamnation formées contre la CRCAM Pyrénées Gascogne, M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE,

- condamné Mme X. à payer à la CRCAM Pyrénées Gascogne la somme de 500 euros et à M. Y. et à l'EURL M. OPTIQUE la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Mme X. a relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2011.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme X. demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et :

- de dire que les clauses insérées dans les conditions générales des conventions de compte de dépôt et de compte sur livret concernant le délai de contestation des relevés de compte de la CRCAM Pyrénées Gascogne sont abusives et seront réputées non écrites ;

- de condamner conjointement et solidairement la société M. OPTIQUE, M. Y. et la CRCAM Pyrénées Gascogne de M. à lui payer :

* la somme de 27.200 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

* la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel,

* la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient :

1) sur le fondement des demandes de condamnation dirigées contre M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE :

- que le premier juge a violé l'article 16 du code de procédure civile en n'invitant pas les parties à s'expliquer sur les moyens de droit qu'elle invoquait ;

- que ses demandes contre M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE sont fondées sur l'article 1376 du code civil car son action tend à récupérer les sommes indûment prélevées par M. Y. sur son compte sur livret et non sur le compte joint.

2) s'agissant des virements effectués à partir de son compte personnel vers le compte joint :

- qu'elle n'a pas reçu les conditions générales de la convention de compte de dépôt qui comporte une clause générale de compensation ;

- que même si elle en avait été destinataire, les deux conditions qui étaient nécessaires pour permettre la compensation n'étaient pas remplies :

* d'une part, le compte devait présenter un découvert ; or la banque ne prouve pas que le compte joint était débiteur dans la mesure où M. Y. et elle avaient ouvert un « compte service liberté » leur donnant un droit à découvert de 1.800 euros et que ce découvert n'a jamais été dépassé ; de plus, le compte joint présentait régulièrement un solde créditeur et les sommes virées de son compte sur livret sur le compte joint ont toujours été supérieures au découvert, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une simple compensation, que de plus, la compensation n'avait aucune utilité puisque les sommes prélevées sur son compte étaient immédiatement reversées sur le compte de l'EURL M. OPTIQUE ;

* d'autre part, la clause ne pouvait s'appliquer qu'entre deux comptes ouverts à son nom ; or le compte joint était ouvert au nom de Mme X. et M. Y. et le compte sur livret à son seul nom ; ainsi, il ne s'agissait pas de la même entité juridique ;

- que selon l'article 8 des conditions générales du compte sur livret, chaque virement devait faire l'objet d'une demande expresse du titulaire ; or elle a donné un ordre de virement le 30 janvier 2007 mais aucun ordre téléphonique ; la banque a donc violé les conditions générales de la convention de compte de dépôt.

3) s'agissant des virements effectués du compte joint vers le compte de l'EURL M. OPTIQUE :

- que la banque a fait transiter sur le compte joint les sommes destinées au compte professionnel de M. Y. pour se dégager de toute responsabilité ; qu'ainsi, du 30 janvier 2007 au 26 juin 2007, six opérations ont été réalisées sans son accord pour un total de 27.200 euros ; que dès lors la banque a commis une faute ;

- que la compensation ne pouvait pas intervenir entre le compte joint et le compte de l'EURL M. OPTIQUE car le titulaire des comptes n'était pas la même personne ; qu'en outre, il s'agissait d'un compte de particulier et d'un compte professionnel ;

- que selon la convention de compte, chaque co-titulaire du compte joint devait informer le co-titulaire des opérations qu'il initiait ; que M. Y. ne l'a pas prévenue préalablement à chaque opération et que sans son autorisation, il a vidé son compte sur livret pour alimenter son compte professionnel et que, pour cette raison, il doit être condamné solidairement avec la banque à lui restituer la somme de 27.200 euros outre les intérêts au taux légal.

4°) concernant la responsabilité de la banque :

- que la CRCAM ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'elle n'aurait pas contesté ses relevés de compte dans les délais impartis car les clauses concernant le délai de contestation des relevés sont contraires aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, qu'elles sont abusives et doivent être réputées non écrites ;

- qu'au surplus, elle n'a jamais eu connaissance des relevés de compte avant sa séparation ;

- que la CRCAM a commis une faute en vidant son compte sur livret pour approvisionner le compte joint du couple sans son autorisation.

* * *

La Caisse de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne conclut, au visa des articles 1147 et suivants du code civil, au débouté de Mme X. de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle se prévaut d'abord de l'absence de faute de sa part et soutient :

- que les virements effectués à partir du compte personnel de Mme X. vers le compte joint sont justifiés dès lors que les virements contestés ont été effectués conformément aux dispositions de l'article 8 des conditions générales du compte sur livret, sur demande expresse de Mme X. qui a signé un ordre de virement le 30 janvier 2007, puis a passé des ordres téléphoniques et qu'ils ont été faits au profit d'un compte d'X., certes joint, mais dont elle était titulaire au même titre que M. Y. ;

- que les virements effectués à partir du compte joint vers le compte de l'EURL M. OPTIQUE sont justifiés puisque la spécificité d'un compte joint est qu'il fonctionne indifféremment sous la signature de l'un quelconque des co-titulaires, que Mme X. ne peut donc lui reprocher les virements effectués par Y. au débit de leur compte joint et au crédit de son compte professionnel ouvert sous le nom de M. OPTIQUE, que les co-titulaires ont entre eux une obligation d'information des opérations et ordres effectués et que si cette obligation n'a pas été respectée par M. Y., ce n'est pas imputable à la banque qui n'avait pas à s'immiscer dans la gestion financière du couple.

La banque invoque par ailleurs des causes d'exonération de sa responsabilité. Elle fait valoir à ce titre :

- que toutes les conventions de compte souscrites par Mme X. comportent une clause générale de compensation autorisant la banque à compenser tout solde débiteur avec tout autre compte présentant une position créditrice ;

- qu'aux termes des conditions particulières de la convention de compte à vue du 21 novembre 2003, Mme X. a reconnu avoir pris connaissance et accepté les conditions générales du contrat ;

- que les conditions de la compensation étaient réunies en l'espèce en présence d'un solde débiteur des comptes ;

- que les virements effectués du compte joint vers le compte de l'EURL M. OPTIQUE ont été effectués conformément à ces clauses contractuelles puisqu'ils ont permis de compenser le solde débiteur du compte de l'EURL M. OPTIQUE dont le seul associé est M. Y. grâce au crédit de son compte joint, que les sommes virées n'ont pas été supérieures au découvert et qu'une autorisation de découvert n'est pas susceptible de faire obstacle à la clause de compensation ;

- que selon les conditions générales des comptes, l'absence de contestation des relevés de compte vaut acceptation des écritures qui y sont portées, dans le délai d'un mois pour le compte sur livret de Mme X. et dans le délai de trois mois pour le compte joint, que Mme X. ne conteste pas que les relevés lui ont été adressés et que l'article L. 132-1 du code de la consommation invoqué par cette dernière concerne le cas où le client n'aurait pu connaître l'inexactitude des écritures et opérations qu'au delà du délai qui lui était alloué pour les contester ;

- que l'absence de contrôle par Mme X. des relevés de comptes constitue une négligence fautive contribuant au dommage, que si M. Y. gérait seul les comptes du couple, elle en est responsable et que si elle a subi un préjudice, elle ne doit s'adresser qu'à M. Y.

* * *

M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme X. de ses demandes à leur encontre et en ce qu'il l'a condamnée à leur payer la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils sollicitent en outre sur ce fondement le paiement d'une indemnité de 3.000 euros.

Ils font valoir :

- que les conditions prévues par l'article 1376 du code civil pour exercer l'action en répétition de l'indu ne sont pas remplies :

* d'une part, il n'y a pas de paiement indu au profit de M. Y. puisqu'en matière de compte joint chaque co-titulaire est autorisé à le faire fonctionner sous sa seule signature et, donc, à demander à la banque le paiement de tout ou partie du solde ; que M. Y. n'avait donc nul besoin de l'autorisation de Mme X. pour opérer les virements litigieux ;

* d'autre part, aucune erreur n'a été commise, les virements litigieux ayant été effectués en connaissance de cause à partir du compte sur livret de Mme X. pour alimenter le compte joint, eu égard à la réglementation des comptes joints, aux conventions avec le Crédit Agricole et aux accords des parties à une époque où Mme X. vivait avec M. Y. sans participer aux charges du ménage et sans financer l'acquisition de la maison ; qu'en conséquence, Mme X. ne peut lui reprocher les virements effectués par lui au débit de leur compte joint et au crédit de son compte professionnel ouvert au nom de M. OPTIQUE ;

- qu'il est étranger aux virements opérés du compte sur livret de Mme X. sur le compte joint, ces virements ayant été effectués par Mme X. ou sur son ordre.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur les demandes dirigées contre M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE :

Dans son assignation et dans le dispositif de ses dernières conclusions signifiées en première instance, Mme X. faisait référence à l'article1147 du code civil, aux articles 1235 et 1376 du code civil et à l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Or les premiers juges n'ont évoqué sa demande que sur le fondement de la responsabilité contractuelle et l'en ont déboutée après avoir relevé qu'elle n'était liée par aucun contrat avec M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE. Ce faisant, le tribunal n'a pas violé l'article 16 du code de procédure civile, mais a omis d'examiner la demande de Mme X. au regard des dispositions des articles 1235 et 1376 du code civil.

Devant la cour, Mme X. précise que ses demandes contre M. Y. et l'EURL M. OPTIQUE sont fondées sur l'article 1376 du code civil car son action tend à récupérer les sommes indûment prélevées par M. Y. sur son compte sur livret.

L'application de l'article 1376 du code civil suppose l'existence d'un paiement indu reçu par erreur ou sciemment.

Les relevés du compte sur livret n° [...] de Mme X. portent la mention de retraits et de virements effectués vers le compte de dépôt n° [...] qui était le compte joint de M. Y. et Melle X.

Aucun élément de preuve n'établit que ces virements correspondent à des prélèvements indus de M. Y. ou de l'EURL M. OPTIQUE et il est constant qu'aucun virement n'a été effectué directement à partir du compte sur livret personnel de Mme X. vers le compte ouvert au nom de l'EURL M. OPTIQUE. L'existence d'un paiement indu effectué en faveur de M. Y. ou de l'EURL OPTIQUE M. n'est donc pas démontrée.

Il ressort en réalité des explications de Mme X. qu'elle reproche aux intimés d'avoir fait transiter sur le compte joint des sommes qui étaient destinées au compte professionnel de M. Y.

Cependant, M. Y., co-titulaire du compte joint ouvert à son nom et au nom de Mme X., était en droit de faire procéder à des virements à partir du compte joint au profit du compte n° [...] de l'EURL M. OPTIQUE dont il était le gérant. Au surplus, rien n'établit que les opérations incriminées, qui ont été effectuées au cours de la vie commune de Y. et X., ont été réalisées à l'insu et sans l'accord de cette dernière. Dès lors, les paiements ainsi opérés à partir du compte joint ne présentent aucun caractère indu.

En conséquence, par ces motifs que la cour substitue à ceux des premiers juges, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de ses demandes formées à l'encontre de M. Y. et de l'EURL M. OPTIQUE.

 

- Sur la responsabilité de la CRCAM Pyrénées Gascogne :

Il convient tout d'abord de préciser que la clause contenue dans les conditions générales des comptes ouverts auprès du Crédit Agricole, relative aux relevés, qui stipule que le titulaire d'un compte dispose d'un délai, de trois mois pour les comptes de dépôt ou d'un mois pour les comptes sur livret, à compter de la date du relevé pour contester une opération et que passé ce délai, les relevés de compte sont réputés approuvés sauf preuve contraire, n'est pas de nature à faire obstacle à l'exercice d'une action en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations. Aucune cause d'exonération de responsabilité de la banque fondée sur cette stipulation ne peut donc être retenue.

Mme X. recherche la responsabilité de banque à raison des virements effectués à partir de son compte personnel vers le compte joint, suivis de virements du compte joint vers le compte de l'EURL M. OPTIQUE.

Mme X. était titulaire, à son seul nom, d'un compte sur livret n° [...]. L'article 8 des conditions générales applicables à ce compte sur livret indique que les opérations autorisées sont les versements ou retraits au profit du titulaire et les virements de son compte - chèques ou vers son compte - chèques.

Cet article précise : « chaque virement vers le compte - chèques doit faire l'objet d'une demande expresse de la part du titulaire. »

En l'espèce, la banque se prévaut d'un ordre de virement signé par Mme X. le 30 janvier 2007 et indique que les ordres suivants ont été téléphoniques. Mme X. ne reconnaît avoir donné que l'ordre de virement du 30 janvier 2007 et conteste les virements suivants. Dès lors, l'existence d'une seule demande expresse de virement ne pouvant pas autoriser la banque à pratiquer les virements suivants, ceux-ci ont été effectués en violation de l'article 8 des conditions générales.

Toutefois, la CRCAM disposait, dans certains cas, de la possibilité de procéder à une compensation entre les comptes d'un titulaire.

En effet, les conditions générales applicables aux comptes de dépôt comportent une clause de compensation ainsi rédigée :

« Les parties conviennent que les différentes conventions qui les lient, nées ou à naître, procèdent d'une relation économique globale qui vient créer entre les dettes réciproques des parties un lien de connexité.

Par suite vous autorisez la banque à compenser, à tout moment y compris lors de la clôture du compte, tout solde débiteur apparu au présent compte avec tout autre compte ouvert à votre nom présentant une position créditrice et ce, sans formalité préalable. »

Mme X. n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu les conditions générales du compte dès lors qu'elle a signé les conditions particulières qui précisent que le titulaire reconnaît avoir reçu, pris connaissance et accepté les conditions générales du contrat.

La clause précitée n'autorisait pas la CRCAM à effectuer une compensation entre les sommes déposées sur le compte sur livret de Mme X. et le compte n° [...] ouvert au nom de l'EURL M. OPTIQUE qui est une entité juridique différente.

De même, contrairement à ce que soutient la banque, cette clause ne lui permettait pas d'opérer une compensation entre le compte joint et le compte de l'EURL M. OPTIQUE, cette dernière étant une personne morale juridiquement distincte de Mme X. et de M. Y. même si ce dernier en était le seul associé.

En revanche, la compensation était possible entre le crédit du compte sur livret de Mme X. et le compte joint ouvert à son nom et au nom de M. Y. à condition que ce compte présente un solde débiteur, l'autorisation de découvert dont se prévaut l'appelante n'étant pas de nature en elle-même, à défaut de stipulation contraire, à faire obstacle à cette possibilité.

Mme X. reproche à la CRCAM plusieurs opérations réalisées sans son accord, du 30 janvier 2007 au 26 juin 2007, pour un montant total de 27.200 euros.

L'examen des relevés de compte fait apparaître que pendant cette période, le compte sur livret de Mme X. n° [...] a fait l'objet des virements suivants au profit du compte joint n° [...] :

- le 30 janvier 2007 : 7.000 euros

- le 1er février 2007 : 5.000 euros

- le 30 mars 2007 : 2.000 euros

- le 2 mai 2007 : 10.000 euros

- le 26 juin 2007 : 3.200 euros

Mme X. reconnaissant avoir donné un ordre de virement le 30 janvier 2007, il n'y a pas lieu de tenir compte du premier virement de 7.000 euros pour rechercher une faute éventuelle de la banque, mais il convient d'examiner les virements suivants :

- le virement de 5.000 euros du 1er février 2007 a été porté au crédit du compte joint dont le solde était alors débiteur de 1.174,16 euros et cette opération a été suivie d'un virement de 5.000 euros effectué le même jour au profit du compte n° [...] de l'EURL M. OPTIQUE, de sorte qu'à cette date le compte joint était de nouveau débiteur de 1.174,16 euros.

- le virement de 2.000 euros du 30 mars 2007 a été porté au crédit du compte joint qui avait, au 22 mars précédent, un solde débiteur de 1.620,30 euros.

- le virement du 2 mai 2007 de 10.000 euros a été effectué alors que le compte joint avait une position débitrice de 2.891,25 euros et le même jour, un virement de 7.000 euros a été fait au profit du compte M. OPTIQUE

- le virement du 26 juin 2007 de 3.200 euros a été fait au profit du compte joint, alors en position débitrice de 1.483,26 euros et le même jour, un virement de 3.200 euros a été fait au profit du compte de l'EURL M. OPTIQUE.

Il résulte de cet examen qu'à l'exception du virement du 30 mars 2007 de 2.000 euros, les autres virements provenant du compte sur livret de Mme X. ont été effectués pour des montants sensiblement supérieurs au montant du découvert du compte joint et qu'ayant été immédiatement suivis de virements vers le compte de l'EURL M. OPTIQUE, ils n'ont pas servi à réaliser une compensation entre les deux comptes dont Mme X. était titulaire, à savoir son compte sur livret et le compte joint ouvert à son nom et au nom de M. Y.

Ainsi, les virements réalisés à partir du compte sur livret de Mme X., en date du 1er février 2007 de 5.000 euros, du 2 mai 2007 de 10.000 euros et du 26 juin 2007 de 3.200 euros ont été effectués, à la fois, sans demande expresse de Mme X. contrairement à l'article 8 des conditions générales du compte et sans avoir pour objet effectif d'opérer la compensation prévue par les conditions générales de la convention de compte.

Il s'ensuit qu'au titre de ces virements, d'un montant total de 18.200 euros, la preuve d'un comportement fautif de la CRCAM est établie.

Il y a lieu cependant de relever que Mme X. aurait pu avoir connaissance des virements incriminés en consultant régulièrement ses relevés de compte, particulièrement les relevés du compte sur livret dont elle était seule titulaire, et être ainsi en mesure de mettre un terme à ces mouvements de fonds. Il apparaît donc qu'en s'abstenant de toute vérification élémentaire de ses relevés, elle a fait preuve d'une négligence fautive qui a contribué à la réalisation du préjudice dont elle demande réparation.

Dès lors, si la CRCAM est responsable pour partie du préjudice résultant des retraits opérés fautivement sur le compte sur livret de Mme X., cette dernière en est également responsable dans la même proportion.

En conséquence, la responsabilité du préjudice étant partagée entre elles par moitié, il y a lieu de condamner la CRCAM Pyrénées Gascogne à payer à Mme X. la somme de 9.100 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme X. ne démontrant pas avoir subi un préjudice matériel supplémentaire ni un préjudice moral, elle doit être déboutée du surplus de ses demandes.

Eu égard aux circonstances de la cause, il n'apparaît pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient donc de rejeter l'ensemble des demandes présentées sur ce fondement.

Mme X. et la CRCAM Pyrénées Gascogne, qui succombent partiellement dans leurs prétentions, seront condamnées aux dépens chacune pour moitié.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 2 juin 2010 par le Tribunal de grande instance d'AUCH en ce qu'il a débouté Mme X. de ses demandes formées à l'encontre de M. Y. et de l'EURL M. OPTIQUE,

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à payer à Mme X. la somme de 9.100 euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute Mme X. du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Mme X. et par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, chacune pour la moitié,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Laurence FLISE, Premier Président, et par Nathalie CAILHETON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le Président,

Nathalie CAILHETON        Laurence FLISE