CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 26 janvier 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3571
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 26 janvier 2012 : RG n° 10/04857
Publication : Jurica
Extrait : « En l'espèce, la clause 3 du contrat stipule « en cas de pluralité de preneurs, ces derniers seront tenus solidairement et indivisiblement aux obligations du présent contrat de location et de celles résultants de ces reconductions successives. Il en résulte notamment qu'à peine de nullité, tout congé donné au bailleur devra faire l'objet d'une notification conjointe de l'ensemble des cotitulaires du présent contrat de location. En cas de congé donné par un seul des colocataires, celui-ci restera tenu avec ses coobligés du paiement des loyers et accessoires ainsi que de l'exécution du présent contrat pendant toute la durée du contrat de location et de ses reconductions successives ».
La cour considère que cette stipulation contractuelle n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation précité. En effet, le bailleur assoit sa décision de contracter avec plusieurs personnes physiques au regard de l'ensemble de leurs revenus. Or, le départ de l'une d'entre elles porte atteinte à cet équilibre financier. La clause attaquée vise à assurer une garantie de paiement des loyers au bailleur en cas de départ des lieux loués d'un des colocataires, alors que ces lieux ne sont pas redevenus disponibles à la location du fait du maintien des autres colocataires. Ainsi, chacun des colocataires n'est pas contraint dans sa liberté de mouvement mais il reste tenu en contrepartie des obligations du bail.
La cour relève par ailleurs que dès la page de garde du contrat, il est indiqué que M. X. et Mme Y. agissent « conjointement et solidairement, sans bénéfice de division ou de discussion » et qu'ils vont occuper les lieux avec leurs deux enfants communs. Dès lors, M. X. ne peut prétendre non plus à l'absence de contrepartie dès lors que les loyers dont il lui est demandé paiement concernent le logement occupé par ses propres enfants ! »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 26 JANVIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/04857. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE COMPIÈGNE DU 21 OCTOBRE 2010.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par la SCP S.-B. ET A., avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître S. du barreau de COMPIÈGNE
ET :
INTIMÉES :
Madame Y.
Représentée par la SCP T.-M. ET DE S., avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître M. du barreau de COMPIÈGNE, Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS
SOCIÉTÉ DES NOUVELLES RÉSIDENCES
Représentée par Maître Jacques C., avoué à la Cour et ayant pour avocat Maître O. du barreau de PARIS
DÉBATS : A l'audience publique du 10 novembre 2011 devant Mme BELFORT, Présidente et Mme PIET, Conseillère, magistrats rapporteurs siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 janvier 2012.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme La Présidente et Mme La Conseillère en ont rendu compte à la Cour composée de : Mme BELFORT, Présidente, Mme PIET et Mme LORPHELIN, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 26 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme BELFORT, Présidente, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Vu le jugement du 21 octobre 2010 du tribunal d'instance de Compiègne qui a :
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail dont l'objet est un immeuble sis à [adresse] sont réunies à la date du 22 mars 2009,
- dit que M. X. et Mmes Y. devront quitter et rendre libre de toute occupation les lieux loués dans cet immeuble en satisfaisant aux obligations des locataires sortants à savoir la remise des clés,
- ordonné l'expulsion des consorts X. Y. ainsi que de tous occupants de leur chef dans les deux mois de la signification d'un commandement de quitter les lieux avec si besoin est, le concours de la force publique ;
- dit que le sort des meubles et objets garnissant les lieux loués sont régis par les dispositions des articles 65 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, 200 à 209 du décret du 31 juillet 1992, aux frais, risques et périls des expulsés,
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société des Nouvelles Résidences la somme de 9.366,74 euros représentant le montant de leur dette locative au mois d'août 2010, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné M. X. et Mme Y. à payer à la société des Nouvelles Résidences une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui aurait été dû en l'absence de résiliation du bail à compter du mois de septembre 2010 et jusqu'à la libération effective des lieux, ainsi qu'une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes et condamné les consorts X. Y. aux dépens qui comprendront le coût du commandement et de l'assignation ;
Vu la déclaration d'appel déposée le 16 novembre 2010 par M. X.,
Vu les dernières conclusions du 4 octobre 2011 de M. X. qui, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de :
* dire que la clause de solidarité insérée au bail (article 3) est abusive et réputée non écrite et à titre subsidiaire qu'il ne lui est pas opposable s'agissant de l'indemnité de procédure due par Mme Y. à compter du 22 mars 2009 ;
* dire qu'il ne saurait être tenu au-delà de l'arriéré locatif de 9.105,90 euros au 31 octobre 2008 par jugement du 8 décembre 2008,
* condamner la société SNR à lui payer une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de la SCP S.-B. & A. ;
Vu les dernières conclusions du 5 juillet 2011 de Mme Y. qui, formant appel incident demande à la cour de constater qu'un jugement ordonnant l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel a été rendu le 5 mars 2010 et interdit à la SNR de lui réclamer l'arriéré de loyers et ce faisant de débouter cette dernière de sa demande d'expulsion et de la condamner à lui payer une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit de la SCP T.-M. et de S., dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
Vu les dernières conclusions du 3 novembre 2011 de la société Nouvelles Résidences qui demande à la cour la confirmation de la décision et la condamnation de M. X. à lui payer une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens avec distraction au profit de Maître C. ;
Vu l'ordonnance de clôture du 9 novembre 2011 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
* Sur la clause de solidarité :
- Sur sa validité :
M. X. prétend que la clause de solidarité (article 3 du bail liant les consorts X. Y. à la société SNR) est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle crée un engagement solidaire sans limitation de durée et après son départ sans aucune contrepartie pour lui-même ; qu'en l'espèce il avait prévenu son bailleur de son départ par lettre du 5 décembre 2005, Mme Y. ayant reconnu être seule responsable de la dette locative et ayant confirmé son départ en juillet 2001.
La société SNR réplique qu'en acceptant les termes du jugement rendu le 18 décembre 2008 qui avait appliqué la clause de solidarité pour le condamner solidairement avec Mme Y. au paiement de loyers restant dus, M. X. ne peut plus la critiquer ; que le libellé de la clause acceptée par les cocontractants s'oppose à ce que M. X. revienne sur son engagement ; que la lettre du 5 septembre 2005 ne peut être considérée comme étant un congé ainsi que l'a dit le premier juge ; que de surcroît la clause de solidarité souscrite vise toute obligations nées du contrat, y compris le paiement d'une indemnité d'occupation prévue à l'article 15-2 des conditions générales du bail.
L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, la clause 3 du contrat stipule « en cas de pluralité de preneurs, ces derniers seront tenus solidairement et indivisiblement aux obligations du présent contrat de location et de celles résultants de ces reconductions successives. Il en résulte notamment qu'à peine de nullité, tout congé donné au bailleur devra faire l'objet d'une notification conjointe de l'ensemble des cotitulaires du présent contrat de location. En cas de congé donné par un seul des colocataires, celui-ci restera tenu avec ses coobligés du paiement des loyers et accessoires ainsi que de l'exécution du présent contrat pendant toute la durée du contrat de location et de ses reconductions successives ».
La cour considère que cette stipulation contractuelle n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation précité.
En effet, le bailleur assoit sa décision de contracter avec plusieurs personnes physiques au regard de l'ensemble de leurs revenus. Or, le départ de l'une d'entre elles porte atteinte à cet équilibre financier. La clause attaquée vise à assurer une garantie de paiement des loyers au bailleur en cas de départ des lieux loués d'un des colocataires, alors que ces lieux ne sont pas redevenus disponibles à la location du fait du maintien des autres colocataires. Ainsi, chacun des colocataires n'est pas contraint dans sa liberté de mouvement mais il reste tenu en contrepartie des obligations du bail.
La cour relève par ailleurs que dès la page de garde du contrat, il est indiqué que M. X. et Mme Y. agissent « conjointement et solidairement, sans bénéfice de division ou de discussion » et qu'ils vont occuper les lieux avec leurs deux enfants communs.
Dès lors, M. X. ne peut prétendre non plus à l'absence de contrepartie dès lors que les loyers dont il lui est demandé paiement concernent le logement occupé par ses propres enfants !
- Sur l'étendue de la clause de solidarité :
Il est constant que dès lors que le bail stipulant la solidarité des copreneurs prévoit une indemnité d'occupation en cas d'application de la clause résolutoire pour non-paiement du loyer, les indemnités d'occupation sont dues par les ex-preneurs.
Dès lors, M. X. est mal-fondé à prétendre limiter son engagement de solidarité à la période antérieure à la mise en œuvre de la clause résolutoire, une stipulation expresse prévoyant la mise en œuvre d'indemnité d'occupation (clause 15-2).
* Sur les demandes de Mme Y. :
Il est constant que l'ouverture d'une procédure de redressement personnel n'empêche pas les créanciers d'obtenir un titre exécutoire pour le recouvrement de leur créance.
Dès lors, la condamnation de Mme Y. au paiement des loyers et indemnités d'occupation restant dus, qui n'est pas contestée en son montant est confirmé.
Si la clôture de la procédure de redressement personnel de Mme Y. pour insuffisance d'actif, non démontrée en l'état, empêchera la SNR de recouvrer le montant de cette condamnation à l'encontre de cette débitrice, il n'en reste pas moins que cette procédure n'empêche pas l'expulsion de Mme Y. dont le contrat de bail est résolu au 22 mars 2009, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure précitée intervenu le 5 mars 2010. Mme Y. est devenue dès lors une occupante sans droit ni titre et peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion.
Le jugement est en conséquence confirmé.
* Sur les autres demandes :
Dès lors que M. X. succombe en son appel, sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive devient sans objet.
M. X. est condamné à payer à la société SNR une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
la Cour,
statuant après débats publics, contradictoirement, en dernier ressort et par décision mise à disposition du public au greffe,
Confirme le jugement rendu le 21 octobre 2010 par le tribunal d'instance de Compiègne entre les mêmes parties,
Y ajoutant,
Rejette la demande de M. X. en dommages et intérêts,
Condamne M. X. à payer à la société Nouvelles Résidence une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés pour ceux afférents à l'instance de Mme Y. conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,
Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à Maître C., avoué, pour la part des dépens d'appel dont il a fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision.
Le Greffier, Le Président,
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6396 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (4) - Obligations du locataire : garanties accordées au bailleur