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CA NANCY (2e ch. com.), 25 janvier 2012

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. com.), 25 janvier 2012
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. com.
Demande : 11/01322
Décision : 268/12
Date : 25/01/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 268
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3576

CA NANCY (2e ch. com.), 25 janvier 2012 : RG n° 11/01322 ; arrêt n° 268/12 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que la société CED, pour fonder sa demande, invoque dans son assignation tant l'article L. 420-2 que l'article L. 442-6 du code de commerce ; que la société Hypromat prétend que ces articles sont invoqués artificiellement pour justifier la compétence du Tribunal de commerce de Nancy ; Attendu cependant que le moyen soulevé par la société CED sur le fondement de l'article L. 420-2 du code de commerce n'est en rien artificiel, puisqu'il tend à faire juger que la société Hypromat poursuit l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouve en menaçant de rompre, par courrier du 5 novembre 2009, les contrats de franchise si elle ne retire pas les portiques de lavage acquis d'un autre fournisseur qu'elle a installés ;

Attendu que l'avis de l'Autorité de la concurrence du 15 avril 2010 statue sur la position de la société Hypromat alléguée de dominante sur le marché du lavage automobile et sur les pratiques dénoncées d'abus de position dominante ; qu'elle ne concerne pas les relations que la société Hypromat entretient avec la société CED ; qu'au surplus cet avis, s'il peut influer sur la décision qui sera prise sur le fond du litige, est sans influence sur la question de la compétence territoriale ;

Attendu que pareillement le moyen soulevé par la société CED sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce résulte des éléments de fait qu'elle a exposés, à savoir la menace de rupture des contrats de franchise au cas où la société CED ne répondrait pas à ses injonctions contenues dans le courrier du 5 novembre 2009 et la mise en demeure du 18 janvier 2010 ;

Attendu que la mise à exécution des menaces contenues dans cette lettre serait manifestement de nature à entraîner pour la société CED un préjudice, de sorte que l'instance introduite par celle-ci avait nécessairement pour objet de pallier ce risque ; que si la rupture des relations entre les parties n'a pas été consommée, l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce reste pertinente puisque celui-ci vise le cas où un partenaire commercial « soumet ou tente de soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ;

Attendu que la clause de compétence au profit du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, chambre commerciale, ne peut pas s'appliquer en raison du caractère d'ordre public que revêt l'attribution de compétence instituée par les articles L. 420-7 et L. 442-6, R. 420-3 et D. 442-3 du code de commerce ; qu'en effet le législateur a entendu conférer une compétence exclusive aux tribunaux spécialisés dans le contentieux des pratiques anticoncurrentielles ;

Attendu en outre que les infractions visées par l'article L. 442-6 du code de commerce relèvent de la responsabilité civile, de sorte que la clause contractuelle de compétence ne trouve pas à s'appliquer ;

Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy et de renvoyer l'affaire et les parties devant celui-ci pour qu'il soit statué sur le fond du litige ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 JANVIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/01322. Arrêt n° 268/12. En application des articles 80 et suivants du code procédure civile :

 

DEMANDERESSE au contredit :

SAS COMMERCE ET DISTRIBUTION (CED)

prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP WISNIEWSKI VAISSIER-CATARAME, avocats au barreau de NANCY, assistée de Maître Anne-Cécile BENOIT de la SCP THREAD-BOURGEON-MERESSE & Associés, avocats au barreau de PARIS, suivant contredit déposé au Tribunal de Commerce de Nancy le 16 mai 2011, suite à un jugement rendu le 2 mai 2011 (RG n° 10/2993) par ledit tribunal,

 

DÉFENDERESSE au contredit :

SAS HYPROMAT FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON, avoués à la Cour, assistée de Maître Bernard LEVY de la SCP ALEXANDRE-LEVY-KAHN, avocats au barreau de STRASBOURG, substitué à l'audience par Maître Patrick LAFFON, avocat au barreau de NANCY

 

Les parties ont été régulièrement convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception par le greffier.

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 novembre 2011, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Bernard CUNIN, Président de Chambre, qui a fait le rapport, Madame Muriel ZECCA-BISCHOFF, Conseiller, Monsieur Dominique BRUNEAU, Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier lors des débats : Madame Caroline HUSSON

A l'issue des débats, le Président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 25 janvier 2012.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Bernard CUNIN, Président, à l'audience publique du 25 Janvier 2012, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Bernard CUNIN, Président, et par Madame Caroline HUSSON, greffier présent lors du prononcé ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Commerce et Distribution (CED) exploite six centres de lavage automobile sous l'enseigne Eléphant Bleu en vertu de contrats de franchise signés avec la société Hypromat France, dont le siège social est situé à Hoerdt.

La société CED a installé dans ses centres des portiques de lavage haute pression qui n'ont pas reçu l'agrément de la société Hypromat, celle-ci prétendant qu'ils ne respectent pas le concept contractuel de la franchise.

La société CED a saisi le Tribunal de commerce de Nancy par acte d'huissier du 16 février 2010 pour obtenir la condamnation sous astreinte de la société Hypromat à poursuivre l'exécution loyale et de bonne foi des quatre contrats de franchise Eléphant Bleu signés le 2 décembre 2002 et le 21 janvier 2003.

La société Hypromat a soulevé l'exception d'incompétence du Tribunal de commerce de Nancy en raison d'une clause attributive de compétence qui désigne la juridiction de Strasbourg.

Par jugement en date du 2 mai 2011, le Tribunal de commerce de Nancy a constaté l'existence d'une clause attributive de compétence et a renvoyé la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, chambre commerciale.

La société CED a formé contredit contre cette décision et fait valoir que, son action étant fondée sur les dispositions des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce, la compétence de la juridiction pour connaître du litige est celle résultant des articles R. 420-3 et D. 442-3 du code de commerce, qui désigne le Tribunal de commerce de Nancy pour connaître des litiges survenus dans le ressort de la Cour d'appel de Colmar. Elle réclame une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Hypromat demande à la Cour de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy et de condamner la société CED à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle se prévaut de la clause attributive de compétence contenue dans les contrats de franchises pour prétendre que la juridiction compétente pour connaître du litige est le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, chambre commerciale.

Elle souligne que le fondement juridique invoqué par la société CED n'a pour but que de faire échec à cette clause attributive de compétence. Elle estime que l'instance a pour objet l'exécution du contrat de franchise et que les articles L. 442-6 et L. 420-2 du code de commerce invoqués artificiellement par la société CED ne sont pas applicables en l'espèce.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que les parties versent au dossier le contrat de franchise qui les lie et qui, en son article 17, énonce qu'en cas de difficultés survenant pour l'interprétation et l'exécution du contrat ou par suite de sa résiliation pour quelque cause que ce soit, même en cas de demande incidente ou en garantie ou de pluralité de défendeurs, le Tribunal de commerce de Strasbourg sera seul compétent ;

Attendu que la société CED fait valoir que son action est fondée sur les dispositions des articles L. 420-2 et L. 442-6-I-2° du code de commerce et que l'article L. 420-7 dispose que les litiges relatifs à l'application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 sont attribués aux tribunaux de grande instance ou aux tribunaux de commerce dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d'Etat ; que l'article R. 420-3 désigne, pour les litiges relevant des juridictions dépendant de la Cour d'appel de Colmar, le Tribunal de commerce de Nancy ; que pareillement l'article D. 442-3 du code de commerce désigne le Tribunal de commerce de Nancy pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

 

Le fondement de l'action de la société CED :

Attendu que, par acte d'huissier en date du 16 février 2019, la société CED a fait assigner la société Hypormat France pour la voir condamner sous astreinte à poursuivre l'exécution des quatre contrats de franchise Eléphant Bleu signés le 2 décembre 2002 entre les parties, ainsi que du contrat de franchise Eléphant Bleu en date du 21 janvier 2003 ; que, dans le dispositif de son assignation, étaient visés les articles 1134 du code civil et L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce ;

Attendu que, dans l'assignation, la société CED exposait que la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Nancy était imposée par les articles R. 420-3 et D. 442-3 du code de commerce ;

Attendu qu'elle a exposé que la société Hypormat l'a menacée le 5 novembre 2009 de résilier ses contrats de franchise si elle installait ses portiques haute pression au lieu des portiques Eléphant Bleu à rouleaux, alors qu'elle les avait précédemment acceptés ; qu'elle ajoute que la société Hypromat l'a mise en demeure le 18 janvier 2010 de retirer sous trente jours le portique de lavage qu'elle a installé à Dreux, sous la menace de résilier l'intégralité de ses contrats de franchise ;

Attendu que, pour solliciter la condamnation de la société Hypormat, la société CED s'est expressément fondée sur les dispositions des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce ;

 

La portée de la clause de compétence :

Attendu que l'article L. 420-7 du code de commerce dispose que les litiges relatifs à l'application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce et ceux dans lesquels ces dispositions sont invoquées sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d'Etat ; que pareillement l'article L. 442-6 du code de commerce dispose que les litiges relatifs à l'application de cet article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ;

Attendu que les articles R. 442-3 et D. 442-3 du code de commerce désignent le Tribunal de commerce de Nancy ;

Attendu que la société CED, pour fonder sa demande, invoque dans son assignation tant l'article L. 420-2 que l'article L. 442-6 du code de commerce ; que la société Hypromat prétend que ces articles sont invoqués artificiellement pour justifier la compétence du Tribunal de commerce de Nancy ;

Attendu cependant que le moyen soulevé par la société CED sur le fondement de l'article L. 420-2 du code de commerce n'est en rien artificiel, puisqu'il tend à faire juger que la société Hypromat poursuit l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouve en menaçant de rompre, par courrier du 5 novembre 2009, les contrats de franchise si elle ne retire pas les portiques de lavage acquis d'un autre fournisseur qu'elle a installés ;

Attendu que l'avis de l'Autorité de la concurrence du 15 avril 2010 statue sur la position de la société Hypromat alléguée de dominante sur le marché du lavage automobile et sur les pratiques dénoncées d'abus de position dominante ; qu'elle ne concerne pas les relations que la société Hypromat entretient avec la société CED ; qu'au surplus cet avis, s'il peut influer sur la décision qui sera prise sur le fond du litige, est sans influence sur la question de la compétence territoriale ;

Attendu que pareillement le moyen soulevé par la société CED sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce résulte des éléments de fait qu'elle a exposés, à savoir la menace de rupture des contrats de franchise au cas où la société CED ne répondrait pas à ses injonctions contenues dans le courrier du 5 novembre 2009 et la mise en demeure du 18 janvier 2010 ;

Attendu que la mise à exécution des menaces contenues dans cette lettre serait manifestement de nature à entraîner pour la société CED un préjudice, de sorte que l'instance introduite par celle-ci avait nécessairement pour objet de pallier ce risque ; que si la rupture des relations entre les parties n'a pas été consommée, l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce reste pertinente puisque celui-ci vise le cas où un partenaire commercial « soumet ou tente de soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ;

Attendu que la clause de compétence au profit du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, chambre commerciale, ne peut pas s'appliquer en raison du caractère d'ordre public que revêt l'attribution de compétence instituée par les articles L. 420-7 et L. 442-6, R. 420-3 et D. 442-3 du code de commerce ; qu'en effet le législateur a entendu conférer une compétence exclusive aux tribunaux spécialisés dans le contentieux des pratiques anticoncurrentielles ;

Attendu en outre que les infractions visées par l'article L. 442-6 du code de commerce relèvent de la responsabilité civile, de sorte que la clause contractuelle de compétence ne trouve pas à s'appliquer ;

Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy et de renvoyer l'affaire et les parties devant celui-ci pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;

Attendu que la société Hypromat, qui succombe, sera déboutée de ses demandes, notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée aux dépens d'appel ; qu'elle sera en outre condamnée à payer à la société CED la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en date du 2 mai 2011 du Tribunal de commerce de Nancy ;

Et, statuant à nouveau,

Déclare le Tribunal de commerce compétent pour statuer sur le litige ;

Renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Nancy pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;

Déboute la société Hypromat France de ses demandes, notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société CED du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Hypromat à payer à la société CED la somme de mille cinq cents euros (1.500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Hypromat aux frais du contredit.

L'arrêt a été prononcé à l'audience du vingt cinq janvier deux mille douze par Monsieur CUNIN, Président de la deuxième chambre commerciale à la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile, assisté de Madame HUSSON, greffier.

Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,

Minute en six pages.