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CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 7 février 2012

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 7 février 2012
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 2e ch.
Demande : 10/05121
Date : 7/02/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/08/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3614

CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 7 février 2012 : RG n° 10/05121 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, alors que le site internet proposé était destiné à promouvoir l'activité d'éleveur bovin de monsieur X., il ne saurait dès lors être contesté que les contrats proposés avaient bien un rapport direct avec l'activité exercée par lui. Il ne peut donc invoquer ces dispositions du code de la consommation pour obtenir la nullité des contrats de fourniture et de location. »

2/ « Pour solliciter la résiliation des contrats aux torts de la société Cortix, monsieur X. invoque les dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation selon lesquelles : […] ; Ces dispositions ne trouvent à s'appliquer entre professionnels que dans le cadre de la concurrence déloyale puisqu'elles réglementent le régime de la publicité trompeuse devenue pratique commerciale trompeuse, répréhensible pénalement. Or, en l'espèce, il ne s'agit pas d'un acte de concurrence déloyale qui est reproché par monsieur X. mais d'une démarche commerciale agressive pour obtenir la formation d'un contrat. La résiliation des contrats litigieux ne peut donc être prononcée sur ce fondement. »

3/ « Le paiement des échéances impayées comme celle restant à courir jusqu'à la fin du contrat ne peut être considéré comme une clause pénale comme le prétend monsieur X. dès lors qu'il s'agit d'une stricte application des clauses contractuelles qu'il a librement acceptées et qui ne constitue pas un enrichissement injuste pour le bailleur. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/05121. Rédacteur : Madame Caroline Faure, Vice-président placé. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 avril 2010 (R.G. n° 2009F01541) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 août 2010.

 

APPELANTS :

SA CORTIX,

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse]

SELARL MALMEZAT-PRAT ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SA CORTIX

[adresse]

Maître SAUTAREL ès-qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SA CORTIX

demeurant [adresse]

représentés par la SCP FOURNIER, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions le 31 décembre 2011, assistés de Maître Fabien DUCOS-ADER de la SCP BENOIT DUCOS ADER - FABIEN DUCOS ADER - ARNAUD DUPIN, avocats au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP TOUTON PINEAU ET FIGEROU, avoués à la Cour assisté de Maître Emilie LE BORGNE de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 décembre 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline Faure, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Christine ROUGER, Conseiller, Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé Goudot

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Société CORTIX exerce l'activité de fourniture de prestations et solutions informatiques, création de sites Internet, hébergement, conception graphique et multimédia.

Monsieur X. exerce quant à lui une activité d'élevage de vaches laitières.

Le 2 octobre 2008, monsieur X. a commandé à la société CORTIX la conception, l'hébergement, la mise en ligne et l'administration d'un site Internet sur 4 pages avec module d'actualité, l'ensemble des prestations étant facturé et financé moyennant le versement de 48 mensualités de 135 euros et des frais d'adhésion de 150 euros. Un contrat de licence d'exploitation correspondant au bon de commande a été signé entre les mêmes parties le même jour avec faculté pour la société Cortix de céder le contrat à un organisme financier.

Toujours le 2 octobre 2008, monsieur X. et la société Cortix ont signé un procès-verbal de réception du site « www.clients-cortix.com/[élevage].com ».

Le 6 octobre 2008, monsieur X. a écrit à la société Cortix pour résilier le contrat.

Le 10 octobre 2008, la société Parfip France a établi sa facture échéancier à l'adresse de monsieur X.

Le 22 octobre 2008, la société Cortix a indiqué à monsieur X. que le contrat ne pouvait être résilié.

Le 27 octobre 2008, monsieur X. a écrit à la société Parfip France pour résilier le contrat qui lui a répondu le 17 novembre 2008 que le contrat était ferme et irrévocable.

Le 6 mars 2009, par la voie d'une société de recouvrement, la société Cortix a demandé le paiement à monsieur X. de la somme de 9.300,09 euros et des mises en demeure ont été réitérées le 14 mai 2009 et le 4 juin 2009.

Par acte d'huissier du 17 septembre 2009, monsieur X. a assigné la société Cortix devant le tribunal de commerce de Bordeaux afin de voir constater et à défaut prononcer la résiliation du contrat.

 

Par jugement du 16 avril 2010, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- dit résolus les contrats, objets du litige,

- condamné la SA Cortix à payer à monsieur X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a relevé que monsieur X. agissait en dehors de sa sphère habituelle de compétence et qu'il se trouvait dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur ; qu'en sa qualité de non commerçant, les dispositions protectrices des articles L. 121-22 à L. 121-28 du code de la consommation devaient trouver à s'appliquer et que la nullité était donc encourue en l'absence de faculté de rétractation et de délais de livraison.

La SA Cortix a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde du tribunal de commerce de Bordeaux le 3 mars 2010.

La SA Cortix a interjeté appel le 11 août 2010.

 

Les conclusions de la SA Cortix, de la Selarl Malmezat-Prat, mandataire judiciaire et de Maître Gilles Sautarel, administrateur du 10 juin 2011 tendent à :

- voir réformer le jugement entrepris,

- voir débouter monsieur X. de ses demandes,

- voir dire et juger que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables à l'espèce,

- voir dire et juger que la cession du contrat de prestations informatiques entre les sociétés Parfip et Cortix est valide,

- voir constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de monsieur X., ce dernier n'ayant pas respecté ses engagements,

- voir condamner monsieur X. à payer à la société Cortix la somme en principal de 7.750,08 euros et 1.550,01 euros au titre des indemnités contractuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2009, date de la première mise en demeure,

- voir condamner monsieur X. à payer à la société Cortix la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Les conclusions de monsieur X. du 12 avril 2011 tendent à :

- voir confirmer le jugement entrepris,

- voir débouter la société Cortix de ses demandes,

subsidiairement :

- voir prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Cortix, en application de l'article L. 121-1 du code de la consommation et pour manquement au devoir de conseil,

- voir condamner la société Cortix à payer à monsieur X. la somme de 9.500 euros à titre de dommages-intérêts,

très subsidiairement :

- voir réduire la clause pénale correspondant aux sommes réclamées à 1 euro,

- voir condamner la société Cortix au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Vu l'ordonnance de clôture du 29 novembre 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'application des dispositions de l'article L. 121-21 et suivants du code de la consommation :

Monsieur X. invoque le non-respect des dispositions de l'article L. 121-21 alinéa 1er du code de la consommation selon lesquelles :

« Est soumis aux dispositions de la présente section, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ».

Cependant, selon les dispositions de l'article L. 121-22 4° du même code :

« ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les ventes, locations ou locations-ventes ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».

En l'espèce, alors que le site internet proposé était destiné à promouvoir l'activité d'éleveur bovin de monsieur X., il ne saurait dès lors être contesté que les contrats proposés avaient bien un rapport direct avec l'activité exercée par lui. Il ne peut donc invoquer ces dispositions du code de la consommation pour obtenir la nullité des contrats de fourniture et de location.

Dès lors, le jugement déféré sera réformé en ce que les premiers juges ont estimé que les contrats conclus entre monsieur X. et la S.A. CORTIX étaient « résolus » pour violation de ces textes.

 

Sur l'application des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation :

Pour solliciter la résiliation des contrats aux torts de la société Cortix, monsieur X. invoque les dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation selon lesquelles :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service » ...

Ces dispositions ne trouvent à s'appliquer entre professionnels que dans le cadre de la concurrence déloyale puisqu'elles réglementent le régime de la publicité trompeuse devenue pratique commerciale trompeuse, répréhensible pénalement. Or, en l'espèce, il ne s'agit pas d'un acte de concurrence déloyale qui est reproché par monsieur X. mais d'une démarche commerciale agressive pour obtenir la formation d'un contrat.

La résiliation des contrats litigieux ne peut donc être prononcée sur ce fondement.

 

Sur le manquement au devoir de conseil :

Monsieur X. reproche à la société Cortix de ne pas avoir tenu compte de la spécificité de l'activité de monsieur X. qui est réglementée et contingentée et pour laquelle la recherche de nouveaux clients est actuellement impossible rendant le site Internet inadapté.

Monsieur X. en tant que professionnel, ne peut reprocher à la société Cortix l'incompréhension de celle-ci sur son activité d'éleveur, différente de celle de marchand de bovins alors qu'il était le mieux placé pour lui expliquer son activité et ses attentes.

De manière incidente, monsieur X. sollicite la somme de 9.500 euros à titre de dommages et intérêts en estimant que la responsabilité de la société Cortix est engagée du fait de la mauvaise réalisation du site qui lui cause un préjudice puisqu'il est harcelé par des acheteurs de bovins. Il ne démontre cependant pas de faute à cet effet dans l'exécution du contrat par la société Cortix dès lors qu'il n'a fait aucune observation lorsque le site lui a été présenté et qu'il avait sollicité la résiliation du contrat dès le 6 octobre 2008, soit quatre jours après la formation du contrat empêchant ainsi son cocontractant de réaliser sa prestation dans son intégralité par défaut de collaboration.

La responsabilité de la société Cortix n'étant pas engagée de ce chef, monsieur X. sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.

 

Sur la clause pénale :

La société Cortix sollicite la résiliation du contrat du fait du défaut de paiement des échéances par monsieur X. et l'application de la clause prévue à l'article 16.3 du contrat qui prévoit le paiement en cas de résiliation d'une somme égale au montant des échéances impayées au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard et une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 % sans préjudice de tous dommages et intérêts que le client pourrait devoir au prestataire du fait de la résiliation.

Le paiement des échéances impayées comme celle restant à courir jusqu'à la fin du contrat ne peut être considéré comme une clause pénale comme le prétend monsieur X. dès lors qu'il s'agit d'une stricte application des clauses contractuelles qu'il a librement acceptées et qui ne constitue pas un enrichissement injuste pour le bailleur.

Il est constant que monsieur X. n'a payé aucun loyer depuis la formation du contrat le 2 octobre 2008. La totalité des loyers impayés et restant à courir jusqu'à la fin du contrat s'élève à 7.750,08 euros.

Toutefois, il convient de relever que la société Cortix, pour obtenir immédiatement le financement complet de sa prestation, avait cédé le contrat de location à la société Parfip comme prévu au bon de commande et à ce contrat ; du fait de la défaillance de monsieur X., elle a racheté le contrat de location à la société Parfip et celle-ci lui a délivré le 18 septembre 2009 une quittance subrogative à hauteur de la somme de 4.922,41 euros TTC. En conséquence, la société Cortix n'est pas fondée à solliciter une somme supérieure aux droits que lui a concédés la société Parfip.

Monsieur X. sera donc condamné à payer une somme limitée à 4.922,11 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 17 septembre 2009, dès lors qu'à la date de la mise en demeure du 14 mai 2009 adressée par la société Cortix, celle-ci n'était pas encore subrogée dans les droits de la société Parfip.

L'équité ne commande pas d'allouer à la société Cortix une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur X. succombant, sera condamné aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Condamne monsieur X. à payer à la SA Cortix la somme de 4.922,41 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2009,

Déboute la société Cortix du surplus de sa demande,

Déboute monsieur X. de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Jean-François Bancal, conseiller faisant fonction de président et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.