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CA ORLÉANS, 22 janvier 2009

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS, 22 janvier 2009
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA)
Demande : 08/00687
Date : 22/01/2009
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/02/2008
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 6 janvier 2011
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3628

CA ORLÉANS, 22 janvier 2009 : RG n° 08/00687 

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 6 janvier 2011 : pourvoi n° 09-70651)

 

Extrait : « Attendu que si, aux termes de l’article L. 311-3 du Code de la consommation, sont exclus du champ d'application de la réglementation en matière de crédit à la consommation les prêts, contrats et opérations de crédit destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, la destination professionnelle d'un crédit dû au fonctionnement d'un compte en ligne débitrice ne peut résulter que d'une stipulation expresse, ou d'éléments propres à caractériser l'existence d'un compte courant ;

Qu'en l'espèce, il ressort du dossier d'entrée en relations communiqué que le compte ouvert le 29 juillet 2000 à Madame X. l'a été sous le nom commercial « S. » figurant après le nom patronymique de l'intéressée qui venait d'être immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BLOIS pour son activité de « commerce non sédentaire d'objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante » ; qu'au surplus l'examen des extraits de compte fait apparaître des remises d'espèces importantes et des règlements d'achats auprès de commissaires-priseurs, correspondant à l'activité professionnelle de l'intéressé, peu important que le compte ait été accessoirement utilisé pour les dépenses personnelles de la titulaire ; que, surtout, les relevés trimestriels d'intérêts et de commissions sont relatifs à « votre compte courant » et comportent des commissions de découvert et de mouvement que seuls supportent les comptes professionnels, au vu des plaquettes de conditions tarifaires de la banque ;

Que la commune intention des parties étant donc de s'engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement du compte à découvert, les dispositions relatives au crédit à la consommation ne peuvent s'appliquer à une convention de compte courant ; que le jugement mérite donc confirmation de ce chef et sur la compétence de la juridiction commerciale ».

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

ARRÊT DU 22 JANVIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/00687. DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 4 janvier 2008.

 

APPELANTE :

Madame X.,

demeurant [adresse], représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour, ayant pour avocat Maître Isabelle LE GUEN, du barreau de BLOIS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2008/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLÉANS), D'UNE PART

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [adresse], représentée par Maître Jean-Michel DAUDÉ, avoué à la Cour, ayant pour avocat la SCP PIOUX-POTIER, du barreau d'ORLÉANS, D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 28 février 2008

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 18 décembre 2008, devant Monsieur Alain GARNIER, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier : Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats,

PRONONCÉ publiquement le 22 janvier 2009 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame X. était titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la Banque Nationale de Paris, devenue BNP PARIBAS, qui a présenté des soldes débiteurs permanents. Après dénonciation des concours et mise en demeure, l'établissement de crédit l'a assignée, par acte du 9 mars 2005, en remboursement des sommes restant dues, tandis que la cliente a opposé l'incompétence du tribunal saisi en raison du caractère privé du compte et a invoqué la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de conseil.

Par jugement du 4 janvier 2008, le Tribunal de commerce de BLOIS s'est déclaré compétent et a condamné Madame X. à payer à la BNP PARIBAS la somme de 10.559,78 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2005 sur celle de 9.733,22 Euros, outre celle de 800 Euros à titre d'indemnité de procédure.

Madame X. a relevé appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 24 novembre 2008, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, elle fait valoir que la destination professionnelle d'un compte ne peut résulter que d'une stipulation expresse lors de l'ouverture, et qu'à défaut, le Tribunal de commerce de BLOIS était incompétent au profit du Tribunal d'instance de VENDOME, mais qu'il appartient néanmoins à la Cour de statuer au titre de l’article 79 du Code de procédure civile. Elle affirme le caractère privé du compte qui enregistrait l'ensemble de ses dépenses courantes. Elle ajoute que la banque a engagé sa responsabilité pour avoir manqué à son devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti en lui accordant des lignes de crédit sans fixer de limites et de conditions d'utilisation. Elle demande, en conséquence, l'allocation de dommages et intérêts équivalents aux sommes réclamées, avec compensation des créances réciproques. Subsidiairement, elle soutient qu'à défaut d'offre préalable de crédit, la BNP PARIBAS est déchue du droit aux intérêts par application de l’article L. 311-33 du Code de la consommation, et qu'en tout état de cause, il n'a pas été stipulé de taux d'intérêt entre les parties, de sorte que la banque doit restituer une somme de 4.068,37 Euros à titre d'intérêts et de commissions indus. Elle sollicite, enfin, les plus larges délais de paiement.

Par ses dernières écritures du 20 novembre 2008, la BNP PARIBAS réplique que le caractère professionnel du compte est déterminé par le document d'entrée en relations qui fait figurer la mention « S. » comme enseigne professionnelle de Madame X. dans son activité de commerçante en antiquités également renseignée sur la fiche. Elle souligne que le compte a fonctionné pour les besoins de l'entreprise, puisque l'on peut constater des remises importantes d'espèces propres à l'activité d'antiquaire et des paiements par chèques à l'ordre de commissaires-priseurs. Elle dénie toute responsabilité dans la gestion du compte de la cliente en faisant observer que celle-ci n'a jamais émis de contestation à réception des relevés de compte qui l'informaient du taux des intérêts et des différents frais et commissions. Elle s'oppose à l'octroi de délais de paiement et conclut à la confirmation du jugement et à la capitalisation des intérêts.

A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 22 janvier 2009, par sa mise à disposition au greffe de la Cour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Sur la compétence du tribunal de commerce et la nature du compte :

Attendu que si, aux termes de l’article L. 311-3 du Code de la consommation, sont exclus du champ d'application de la réglementation en matière de crédit à la consommation les prêts, contrats et opérations de crédit destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, la destination professionnelle d'un crédit dû au fonctionnement d'un compte en ligne débitrice ne peut résulter que d'une stipulation expresse, ou d'éléments propres à caractériser l'existence d'un compte courant ;

Qu'en l'espèce, il ressort du dossier d'entrée en relations communiqué que le compte ouvert le 29 juillet 2000 à Madame X. l'a été sous le nom commercial « S. » figurant après le nom patronymique de l'intéressée qui venait d'être immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BLOIS pour son activité de « commerce non sédentaire d'objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante » ; qu'au surplus l'examen des extraits de compte fait apparaître des remises d'espèces importantes et des règlements d'achats auprès de commissaires-priseurs, correspondant à l'activité professionnelle de l'intéressé, peu important que le compte ait été accessoirement utilisé pour les dépenses personnelles de la titulaire ; que, surtout, les relevés trimestriels d'intérêts et de commissions sont relatifs à « votre compte courant » et comportent des commissions de découvert et de mouvement que seuls supportent les comptes professionnels, au vu des plaquettes de conditions tarifaires de la banque ;

Que la commune intention des parties étant donc de s'engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement du compte à découvert, les dispositions relatives au crédit à la consommation ne peuvent s'appliquer à une convention de compte courant ; que le jugement mérite donc confirmation de ce chef et sur la compétence de la juridiction commerciale ;

 

Sur la responsabilité alléguée de la banque :

Attendu que le compte de Madame X. est resté débiteur de façon permanente, sans autorisation formelle de découvert, pendant l'année 2001 jusqu'à la dénonciation du concours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 janvier 2002, étant observé que la détérioration de la situation s'est accomplie rapidement entre janvier et avril 2001 ; qu'il ne saurait être soutenu que la BNP PARIBAS a accordé un crédit par caisse abusif dès lors que les dépassements dont Madame X. a pu profiter pendant cette période et qu'elle s'est elle-même octroyés ne reflétaient que ses débordements unilatéraux et ne constituaient que des concours occasionnels tolérés par la banque qui les subissait, étant observé que seuls des rejets de chèques ou d'autres valeurs auraient pu mettre un terme à cette situation de façon anticipée, ce que l'appelante n'aurait pas manqué de reprocher à son banquier ; que, dès lors, la demande en dommages et intérêts est mal fondée et le jugement sera confirmé à ce titre ;

 

Sur les intérêts et commissions :

Attendu qu'eu égard à l'inapplicabilité des dispositions du Code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue, la banque n'étant pas tenue de présenter une offre de crédit formalisée ;

Attendu qu'en cas d'ouverture de crédit en compte courant, l'obligation de payer des agios conventionnels par application du taux effectif global (TEG) exige non seulement que ce taux soit porté à titre indicatif sur un document écrit préalable, mais également que le taux appliqué soit porté sur les relevés périodiques reçus par l'emprunteur sans protestation ni réserve ; qu'à défaut de la première exigence, comme en la cause, les agios ne sont dus qu'à compter de l'information régulièrement reçue, valant seulement pour l'avenir ; que la banque produit toutes les facturations d'arrêté de compte trimestriel depuis l'origine, adressées à la cliente, laissant apparaître un taux effectif global variant entre 17,85 % et 13,93 %, ce dont il résulte qu'à défaut de protestation ou réserve de Madame X. à leur réception, le TEG porté sur ces documents valaient pour l'avenir jusqu'à notification d'un nouveau TEG et que seuls les agios au taux conventionnel de la première période, soit 4 Euros, peuvent être considérés comme un trop perçu par rapport au taux d'intérêt légal qui doit s'y substituer, dans la mesure où la commission de mouvement et les frais de gestion constituent le prix de services, distincts du crédit, qui consistent, soit à tenir les comptes du client, soit à rémunérer le service de caisse assuré par le banquier, et n'étant pas la contrepartie du crédit, n'ont pas à être restitués ; que la créance de la BNP PARIBAS sera donc diminuée de 4 Euros, sans qu'il y ait lieu de calculer le véritable montant de la restitution, faute d'indication du taux légal de la période ;

Attendu, enfin, qu'à supposer que la banque ait omis de porter à la connaissance de Madame X. lors de l'ouverture du compte, les conditions d'utilisation et le prix de ses différents services, elle n'est pas déchue du droit de percevoir le prix de ses prestations et les frais y afférents, dès lors qu'elle a, a posteriori, recueilli l'accord de la cliente sur son droit à leur perception et sur leur montant, résultant de leur inscription dans un relevé d'opérations dont la réception par cette dernière n'a été suivie d'aucune protestation ou réserve de sa part ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement sera confirmé sur le montant de la condamnation, sauf à réduire de 4 Euros le montant de la créance de la banque ;

Que la capitalisation des intérêts, judiciairement demandée depuis le 27 octobre 2008 et conforme aux dispositions de l’article 1154 du Code civil, sera également ordonnée ;

 

Sur les demandes accessoires :

Attendu que Madame X. a déjà bénéficié, par le déroulement normal de la procédure et l'exercice des voies de recours, de délais de paiement et qu'il ne saurait lui en être accordé de nouveaux ;

Que Madame X. supportera les dépens d'appel, mais sans indemnité de procédure ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris, sauf à réduire à 10.555,78 Euros le montant de la condamnation ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code civil, à compter du 27 octobre 2008 ;

Déboute Madame X. de sa demande de délais de grâce ;

Condamne Madame X. aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'Aide juridictionnelle ;

Rejette les demandes des parties tendant à l'allocation de sommes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Accorde à Maître DAUDE, Avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même code ;

Arrêt signé par Monsieur Jean Pierre REMERY, Président de Chambre et Madame Nadia FERNANDEZ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT