CASS. CIV. 1re, 6 janvier 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3050
CASS. CIV. 1re, 6 janvier 2011 : pourvoi n° 09-70651
Publication : Bull. civ.
Extrait : « Mais attendu que si la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, ce dernier eût-il fonctionné à découvert ; que la cour d’appel a relevé, par motifs adoptés, que Mme X. s’était présentée à la banque comme une commerçante exploitant sous l’enseigne S. et a précisé, par motifs propres, qu’il ressortait du dossier d’entrée en relations que le compte litigieux avait été ouvert sous ce nom commercial, figurant après le nom patronymique de l’intéressée qui venait d’être immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour son activité de « commerce non sédentaire d’objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante » ; qu’ayant en outre constaté que la commune intention des parties avait été de s’engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement à découvert du compte, qualifié de compte courant sur les relevés trimestriels d’intérêts et de commissions, et ayant enregistré des remises d’espèces importantes ainsi que des règlements d’achats auprès de commissaires-priseurs, correspondant à l’activité professionnelle de Mme X., elle en a exactement déduit que cette convention ne relevait pas des règles applicables au crédit à la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 JANVIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 09-70651.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : BNP Paribas
M. Charruault (président), président. SCP Vincent et Ohl, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société BNP Paribas (la banque) ayant assigné Mme X. en paiement d’une certaine somme au titre du solde débiteur du compte ouvert en son nom dans ses livres, celle-ci a invoqué les dispositions applicables au crédit à la consommation et mis en cause la responsabilité de la banque ; que la cour d’appel a fait droit à la demande de l’établissement de crédit et a débouté Mme X. de ses prétentions ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de statuer ainsi alors, selon le moyen :
1°/ que la destination professionnelle d’un crédit ne peut résulter que d’une stipulation expresse ; qu’en décidant d’écarter les règles du crédit à la consommation au motif que le compte ouvert par Mme X. aurait une destination professionnelle sans constater que cette destination résultait d’une stipulation contractuelle expresse, la cour d’appel a violé l’article L. 311-3 du code de la consommation ;
2°/ que la commune intention des parties de s’engager dans une opération complexe ne peut résulter que d’une convention expresse de compte courant spécifiant qu’il peut fonctionner en position débitrice ; qu’à défaut de constater une telle convention, la cour d’appel ne pouvait décider que les parties s’étaient engagées dans une opération complexe autorisant le fonctionnement du compte à découvert, peu important que la banque ait unilatéralement adressé trimestriellement à Mme X. des relevés d’intérêts et de commissions relatifs à « votre compte courant » comportant des commissions de découvert et de mouvement ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l’article L. 311-2 du code de la consommation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que si la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, ce dernier eût-il fonctionné à découvert ; que la cour d’appel a relevé, par motifs adoptés, que Mme X. s’était présentée à la banque comme une commerçante exploitant sous l’enseigne S. et a précisé, par motifs propres, qu’il ressortait du dossier d’entrée en relations que le compte litigieux avait été ouvert sous ce nom commercial, figurant après le nom patronymique de l’intéressée qui venait d’être immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour son activité de « commerce non sédentaire d’objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante » ; qu’ayant en outre constaté que la commune intention des parties avait été de s’engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement à découvert du compte, qualifié de compte courant sur les relevés trimestriels d’intérêts et de commissions, et ayant enregistré des remises d’espèces importantes ainsi que des règlements d’achats auprès de commissaires-priseurs, correspondant à l’activité professionnelle de Mme X., elle en a exactement déduit que cette convention ne relevait pas des règles applicables au crédit à la consommation ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1147 du code civil ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour écarter la responsabilité de la banque l’arrêt attaqué retient qu’il ne saurait être soutenu que la BNP Paribas a accordé un crédit par caisse abusif dès lors que les dépassements dont Mme X. a pu profiter ne reflétaient que ses débordements unilatéraux et ne constituaient que des concours occasionnels tolérés par l’établissement de crédit qui les subissait tout en relevant que seuls des rejets de chèques ou d’autres valeurs auraient pu mettre un terme à cette situation de façon anticipée, ce que l’intéressée n’aurait pas manqué de reprocher à la banque ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en se déterminant ainsi sans préciser si Mme X. avait la qualité d’emprunteur non averti et, dans l’affirmative, si conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard, la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard de ses capacités financières et des risques de l’endettement nés du découvert litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté Mme X. de ses demandes, l’arrêt rendu le 22 janvier 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes tant de la SCP Waquet, avocat de Mme X. que de la BNP Paribas ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille onze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt :
Moyens produits par de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour Mme X. ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’AVOIR condamné Madame X. à payer à la banque la somme de 10.555,78 € avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code civil à compter du 27 octobre 2008 et de l’AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts et de déchéance du droit aux intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la destination professionnelle d’un crédit dû au fonctionnement d’un compte en ligne débitrice peut résulter d’une stipulation expresse ou d’éléments propres à caractériser l’existence d’un compte courant ; qu’il ressort du dossier d’entrée en relations communiqué que le compte ouvert le 29 juillet 2000 pour Madame X. l’a été sous le nom commercial de S. figurant après le nom patronymique de l’intéressée qui venait d’être immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Blois pour activité de « commerce non sédentaire d’objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante » ; qu’au surplus l’examen des extraits de compte fait apparaître des remises d’espèces importantes et des règlements d’achats auprès de commissaires-priseurs, correspondant à l’activité professionnelle de l’intéressée, peu important que le compte ait été accessoirement utilisé pour les dépenses personnelles de la titulaire ; que surtout les relevés trimestriels d’intérêts et de commissions sont relatifs à « votre compte courant » et comportent des commissions de découvert et de mouvement que seuls supportent les comptes professionnels, au vu des plaquettes de conditions tarifaires de la banque ; que la commune intention des parties était donc de s’engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement du compte à découvert, les dispositions relatives au crédit à la consommation ne pouvant s’appliquer à une convention de compte courant ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D’UNE PART, QUE la destination professionnelle d’un crédit ne peut résulter que d’une stipulation expresse ; qu’en décidant d’écarter les règles du crédit à la consommation au motif que le compte ouvert par Madame X. aurait une destination professionnelle sans constater que cette destination résultait d’une stipulation contractuelle expresse, la Cour d’appel a violé l’article L. 311-3 du Code de la Consommation ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE la commune intention des parties de s’engager dans une opération complexe ne peut résulter que d’une convention expresse de compte courant spécifiant qu’il peut fonctionner en position débitrice ; qu’à défaut de constater une telle convention, la Cour d’appel ne pouvait décider que les parties s’étaient engagées dans une opération complexe autorisant le fonctionnement du compte à découvert, peu important que la banque ait unilatéralement adressé trimestriellement à Madame X. des relevés d’intérêts et de commissions relatifs à «votre compte courant» comportant des commissions de découvert et de mouvement ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l’article L. 311-2 du Code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’AVOIR débouté Madame X. de sa demande de dommages et intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE le compte de Madame X. est resté débiteur de façon permanente, sans autorisation formelle de découvert, pendant l’année 2001, jusqu’à la dénonciation du concours par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 janvier 2002, étant observé que la dégradation de la situation s’est accomplie rapidement entre janvier et avril 2001 ; qu’il ne saurait être soutenu que la BNP Paribas a accordé un crédit de caisse abusif dès lors que les dépassements dont Madame X. a pu profiter pendant cette période et qu’elle s’est elle-même octroyés ne reflétaient que ses débordements unilatéraux et ne constituaient que des concours occasionnels tolérés par la banque qui les subissait, étant observé que seuls des rejets de chèques ou d’autres valeurs auraient pu mettre un terme à cette situation de façon anticipée, ce que l’appelante n’aurait pas manqué de reprocher à son banquier ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Madame X. est purement et simplement défaillante dans l’administration de la preuve qu’elle souhaitait rapporter visant à engager la responsabilité de la société BNP Paribas pour défaut de conseil ; qu’il apparaît que la société BNP Paribas a ouvert un compte à Madame X., celle-ci s’étant présentée comme une commerçante exploitant sous l’enseigne « S. », que l’on voit mal quelles précautions particulières la société BNP Paribas aurait dû prendre avant d’autoriser Madame X. à ouvrir ce compte ; que la banque disposait des informations lui permettant raisonnablement d’ouvrir le contrat litigieux ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D’UNE PART, QUE l’établissement bancaire qui consent un crédit à un emprunteur non averti, professionnel ou non, est tenu à un devoir de mise en garde consistant à alerter le client au regard de ses capacités financières et de son endettement ; qu’en déboutant Madame X. de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la banque, sans rechercher si elle pouvait ou non être regardée comme un emprunteur non avertie et si, dans l’affirmative, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard, la banque avait vérifié ses capacités financières avant de lui apporter son concours de façon permanente pendant plus d’un an et l’avait alertée sur les risques de l’endettement né de l’octroi des crédits par découverts en compte, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’établissement bancaire supporte la charge de la preuve du respect de son devoir de mise en garde auquel il est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti, que celui-ci soit professionnel ou non ; qu’en déboutant Madame X. de sa demande de dommages et intérêts au motif qu’elle était défaillante dans l’administration de la preuve du manquement de la société BNP Paribas, la Cour d’appel a violé les articles 1147 et 1315 du Code civil.