CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 8 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3670
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 8 mars 2012 : RG n° 10/02584
Publication : Jurica
Extrait : « M. et Mme X. ne peuvent, ainsi que l'a justement souligné le premier juge, se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives qui ne concernent que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, dès lors que le contrat litigieux est conclu entre non professionnels.
Les dispositions applicables sont celles édictées à l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 qui n'inclut pas dans les clauses réputées non écrites les clauses pénales. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 8 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/02584. ORIGINE : DÉCISION en date du 5 JUILLET 2010 du Tribunal d'Instance de LISIEUX : R.G. n° 11-10-0004.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville],
Madame X.
née le [date] à [ville], représentés par la SCP GRAMMAGNAC - YGOUF BALAVOINE ET LEVASSEUR, avocats au barreau de CAEN, assistés de Maître Hélène SZUBERLA, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], représenté par la SCP MOSQUET MIALON D OLIVEIRA LECONTE, avocats au barreau de CAEN, assisté de la SCP DOREL-LECOMTE-MASURE-MARGUERIE, avocats au barreau de CAEN,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, Président, Madame BEUVE, Conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, rédacteur,
DÉBATS : A l'audience publique du 26 janvier 2012. Rapport oral de M. CHRISTIEN, Président,
GREFFIER : Madame MALLARD, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 8 mars 2012 et signé par M. CHRISTIEN, Président, et Mme LE GALL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. et Mme X. sont appelants du jugement rendu le 5 juillet 2010 par le Tribunal d'instance de Lisieux qui a déclaré licites les clauses pénales prévues au contrat de bail liant les époux X. et M. Y., les a condamnés en deniers ou quittances à payer à M. Y. la somme de 6.224,45 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation, et la somme de 272,38 euros au titre des charges et de la taxe sur les ordures ménagères avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2009 sur la somme de 6.331,48 euros, a condamné M. Y. à leur payer la somme de 2.160 euros au titre du dépôt de garantie avec intérêt au taux légal à compter du 30 juin 2009, les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et les a condamnés à verser à M. Y. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 7 septembre 2011, M. et Mme X. demandent à la Cour :
- à titre principal, de déclarer les clauses pénales insérées au bail abusives et en conséquence, non écrites ;
- à titre subsidiaire, en application de l'article 1152 du code de procédure civile de fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer, de dire que la clause pénale concernant le taux de 15 % ne peut recevoir application, de faire droit à l'apurement des charges dues et juger que M. Y. est redevable de la somme de 669 euros.
Ils sollicitent également la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 3 octobre 2011, M. Y. demande à la Cour de confirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il l'a débouté du surplus de sa demande en paiement au titre de l'arriéré de charges locatives.
Et, statuant à nouveau, de débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner à lui payer la somme de 337,57 euros, d'ordonner la compensation et de condamner les époux X. au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Par acte sous seing privé du 17 août 2006, M. Y. a donné à bail à M. et Mme X. une maison située [adresse] moyennant un loyer de 12.960 euros par an, soit 1.080 euros par mois, outre 45 euros de charges locatives.
Le contrat stipule en page 3 sous un paragraphe intitulé « clause résolutoire et clauses pénales », entre autres dispositions les deux clauses pénales suivantes :
- tout retard dans le paiement du loyer ou de ses accessoires entraînera une majoration de plein droit de 15 % sur le montant des sommes dues en dédommagement du préjudice subi par le bailleur, et ce sans qu'aucune mise en demeure soit nécessaire en dérogation à l'article 1230 du code civil ;
- si le locataire déchu de tout droit d'occupation ne libère pas les lieux, résiste à une ordonnance d'expulsion ou obtient des délais pour son départ, il devra verser par jour de retard, outre les charges, une indemnité conventionnelle d'occupation égale à deux fois le loyer quotidien ceci jusqu'à complet déménagement et restitution des clés. Cette indemnité est destinée à dédommager le bailleur du préjudice provoqué par l'occupation abusive des lieux loués faisant obstacle à l'exercice des droits du bailleur.
Les époux X. ont versé un dépôt de garantie de 2.160 euros.
Par lettre recommandée du 22 octobre 2008, M. et Mme X. ont notifié un congé au bailleur pour le 22 janvier 2009.
Par courrier recommandé du 21 janvier 2009, ils ont annulé leur congé.
Par lettre recommandée du 27 janvier 2009, M. Y. leur a fait savoir qu'ils ne pouvaient sans son accord annuler de leur propre initiative le congé et qu'il entendait faire application des clauses pénales insérées au bail.
Par courrier recommandé du 26 mars 2009, M. et Mme X. ont indiqué à M. Y. qu'ils quitteraient les lieux le 30 avril 2009.
Un état des lieux de sortie a été établi à cette date.
Par acte d'huissier des 7 et 16 juillet 2009, M. Y. a fait assigner M. et Mme X. devant le Tribunal d'instance de Lisieux aux fins de les entendre condamner à lui régler la somme de 6.982,21 euros avec intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2009, outre 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La somme réclamée comprenait les sommes dues au titre des loyers des clauses pénales et des arriérés de charges locatives.
M. et Mme X. se sont opposés aux demandes. Ils ont demandé au Tribunal de déclarer les clauses pénales abusives ; subsidiairement, de fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer, et ils ont sollicité la restitution du dépôt de garantie et le rejet de la demande au titre de l'arriéré de charges.
C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.
En cause d'appel, les parties reprennent pour l'essentiel la même argumentation qu'en première instance.
M. et Mme X. ne peuvent, ainsi que l'a justement souligné le premier juge, se prévaloir des dispositions de l'article L 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives qui ne concernent que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, dès lors que le contrat litigieux est conclu entre non professionnels.
Les dispositions applicables sont celles édictées à l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 qui n'inclut pas dans les clauses réputées non écrites les clauses pénales.
En application de l'article 1152 du code civil, le juge dispose cependant du pouvoir de modérer la peine convenue contractuellement si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En l'espèce, la clause pénale prévoyant une majoration de 15 % du montant du loyer et de ses accessoires en cas de retard dans le paiement des loyers n'apparaît pas excessive au regard de son objet qui est d'obtenir à bonne date le paiement des sommes dues en exécution du bail.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à M. Y. une indemnité de 290,08 euros de ce chef au titre de la majoration des loyers de décembre 2008 et janvier 2009, indûment retenus par les époux X.
S'agissant de l'indemnité d'occupation pour la période du 23 janvier 2009 au 30 avril 2009, M. Y. sollicite le règlement d'une somme de 7.443,63 euros en faisant application de la seconde clause pénale insérée au bail qui prévoit que cette indemnité est égale à deux fois le montant du loyer.
Cette indemnité paraît manifestement excessive au regard de son objet qui est, outre d'indemniser le bailleur du préjudice résultant de l'occupation des lieux, d'inciter les occupants du logement qui n'ont plus de titre à le libérer rapidement.
Au regard de ce double objet, l'indemnité sollicitée par M. Y. sera réduite à la somme de 4.000 euros.
S'agissant des charges locatives, M. Y. justifie par les factures qu'il produit aux débats des sommes dues par les époux X. au titre de la consommation d'eau pour la période d'occupation des lieux.
La somme de 1.945,42 euros, qui tient compte de la consommation de 599 m³ relevée au compteur lors de l'état des lieux de sortie, sera donc retenue.
Concernant les taxes d'ordures ménagères, les époux X. ont réglé la somme de 323,05 euros au titre de la taxe de l'année 2007 dont l'avis leur a été adressé par M. Y. le 16 juin 2008.
Il n'est par ailleurs pas contesté qu'ils sont restés dans les lieux jusqu'au 30 avril 2009 ; ils sont en conséquence redevables du prorata de la taxe d'ordures ménagères sur cette année, qui compte-tenu du pourcentage prévu au bail, sera sur la base de la taxe de l'année 2008, arrêté à la somme de 105,52 euros.
Compte-tenu de ces éléments, M. et Mme X. sont redevables au titre des loyers et clauses pénales de la somme de 5.092,82 euros, sur laquelle ils ont réglé la somme de 2.312 euros de sorte qu'ils restent débiteurs du solde soit 2.780,82 euros.
S'agissant de l'arriéré de charges, ils sont redevables de la somme de 2.690,55 euros sur laquelle ils ont réglé une provision de 1.989,60 euros, de sorte qu'ils restent débiteurs de la somme de 700,95 euros.
M. Y. est, quant à lui, débiteur du dépôt de garantie de 2.160 euros.
M. et Mme X. seront en conséquence condamnés à payer en deniers ou quittances, à M. Y., la somme de :
3.481,77 euros - 2.160,00 euros = 1.321,77 euros
qui sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 avril 2009.
En équité, il sera alloué une somme complémentaire de 1.500 euros à M. Y. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront mis à la charge de M. et Mme X. dès lors que le litige a pour origine le fait qu'ils n'ont pas respecté le congé qu'ils avaient délivré au bailleur pour le 22 janvier 2009.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé la somme due à M. Y. au titre des loyers et indemnités d'occupation à 6.224,25 euros et celle due au titre des charges et de la taxe sur les ordures ménagères à 272,38 euros ;
Et statuant à nouveau,
- Fixe le montant des sommes dues par les époux X. à M. Y. au titre des loyers et indemnités d'occupation à 2.780,82 euros et celle due au titre des charges à 700,95 euros ;
- Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties ;
- Condamne en conséquence M. et Mme X. à payer en deniers ou quittances à M. Y. la somme de 1.321,77 euros avec intérêt au taux légal à compter du 25 avril 2009 ;
- Condamne M. et Mme X. à payer à M. Y. une indemnité complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. et Mme X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N. LE GALL J. CHRISTIEN