TGI LE MANS (1re ch.), 19 octobre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 370
TGI LE MANS (1re ch.), 19 octobre 2004 : RG n° 04/01730
(sur appel CA Angers (1re ch. A), 22 novembre 2005 : RG n° 04/02794 ; arrêt n° 423)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU MANS
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 19 OCTOBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 04/01730.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par Maître GRUNBERG, avocat au barreau du MANS
DÉFENDERESSES :
- SARL MICHEL GLINCHE
dont le siège social est sis [adresse], représentée par SCP PAVET VILLENEUVE DAVETTE BENOIST, avocats au barreau du MANS
- Société ICARE SERVICE
dont le siège social est sis [adresse], représentée par SCP MEMIN PIGEAU, avocats au barreau du MANS, postulant et plaidant par Maître KALANTARIAN, avocat au barreau de PARIS.
- Société ICARE ASSURANCE - intervenante volontaire
dont le siège social est [adresse], représentée par SCP MEMIN PIGEAU, avocats au barreau du MANS postulant et plaidant par Maître KALANTARIAN, avocat au barreau de PARIS.
- SA AUTOMOBILES CITROEN
dont le siège social est [adresse], représenté par Maître BOUCHERON, avocat au barreau du MANS
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : Madame Laurence FUSE,
ASSESSEURS : Madame BATONNEAU, Juge Monsieur BLANCHARD, Juge
GREFFIER présent à l'appel des causes : Mlle Magali GOUBET
DÉBATS : A l'audience publique du : 15 septembre 2004. A l'issue de celle-ci, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu à l'audience du 19 octobre 2004
Jugement du 19 octobre 2004 - prononcé publiquement à cette audience par Madame FUSE - en premier ressort – contradictoire - signé par le Président et Magali GOUBET Greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 31 août 2000, Monsieur X. a acheté à la SARL Michel GLINCHE un véhicule d'occasion de type CITROEN EVASION, totalisant 48.372 kilomètres, pour le prix de 144.290 Francs et a souscrit un contrat de prolongation de garantie auprès de la société ICARE.
Le 18 avril 2003, le véhicule est tombé en panne moteur et a été pris en charge par les établissements GLINCHE alors qu'il totalisait 92.510 kilomètres.
Une expertise amiable effectuée le 12 juin 2003 par le cabinet BCA, à la demande de Monsieur X., concluait à l'existence d'un vice d'origine constructeur résultant d'un défaut de maintien des obturateurs des chambres de précombustion, ces dernières ayant pivoté dans leur logement, ce qui était d'ailleurs confirmé le 10 juillet 2003 par Monsieur A., expert diligenté par la compagnie d'assurance ICARE.
Monsieur X. a assigné la SARL Michel GLINCHE et la SAS ICARE SERVICE devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance du MANS afin de solliciter une expertise judiciaire.
Par ordonnance en date du 10 octobre 2003, le juge des référés a désigné Monsieur B. en qualité d'expert judiciaire.
L'expertise a été rendue commune à la SA AUTOMOBILES CITROEN, constructeur du véhicule, par ordonnance du 24 octobre 2003.
Dans son rapport déposé le 20 février 2004, l'expert judiciaire conclut comme l'expert privé que le véhicule était atteint d'un vice caché d'origine constructeur et qu'aucun défaut d'entretien ne se trouve à l'origine de l'incident.
Par ordonnance sur requête de Madame la Présidente du Tribunal de Grande Instance du MANS en date du 24 mars 2004, Monsieur X. a été autorisé à assigner à jour fixe.
Par acte d'huissier en date du 1er avril 2004, il a assigné la SARL Michel GLINCHE et la SAS ICARE SERVICES devant le Tribunal de Grande Instance du MANS.
[minute page 4] Autorisée par ordonnance sur requête en date du 7 mai 2004, la SARL Michel GLINCHE a fait délivrer assignation à jour fixe à la SA AUTOMOBILES CITROEN, par acte d'huissier en date du 12 mai 2004, afin de l'appeler en la cause.
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Dans ses dernières conclusions en date du 27 mai 2004, Monsieur X. sollicite, à titre principal, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, la condamnation solidaire de la SARL Michel GLINCHE, de la SAS ICARE SERVICES et de la SA ICARE ASSURANCES à lui payer, avec exécution provisoire, les sommes suivantes :
- 6.190,10 Euros pour la remise en état du véhicule,
- 668,00 Euros en remboursement des factures de réparation directement liées à l'incident moteur,
- 99,80 Euros en remboursement de la location du véhicule lors de la panne,
- 680,00 Euros en remboursement des honoraires de l'expert amiable,
- 1.216,24 Euros en remboursement du coût de l'assurance,
- 21.000,00 Euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance,
- 1.525,00 Euros au titre de son préjudice moral,
- 3.048,98 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- outre les dépens qui comprendront également les frais d'assignation, de signification et les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître GRUNBERG conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
Il demande également la prolongation de la garantie contractuelle souscrite auprès de la société ICARE pendant 18 mois, soit jusqu'au 5 avril 2007.
A titre subsidiaire, il sollicite les mêmes condamnations solidaires à l'égard des mêmes sociétés mais sur le fondement des articles 1147 et 1610 du Code civil.
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En défense, la SARL Michel GLINCHE s'en rapporte sur la demande de Monsieur X. tendant à obtenir la réparation du véhicule mais conclut au rejet des autres demandes.
[minute page 5] Elle conteste l'importance du préjudice de jouissance allégué par Monsieur X.
Elle demande en cas de condamnation à être garantie par la SA AUTOMOBILES CITROEN.
Elle estime irrecevables comme tardives les conclusions de la SA AUTOMOBILES CITROEN.
Elle réclame l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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En défense, la société ICARE SERVICE sollicite sa mise hors de cause, n'étant que gestionnaire du contrat souscrit, le risque étant assuré par la société ICARE ASSURANCE, qui intervient volontairement en ses lieu et place.
Sur le fond, ces deux sociétés soutiennent :
- que le rapport de l'expert judiciaire ne leur est pas opposable ;
- que leur garantie se trouve exclue en raison d'un défaut d'entretien du véhicule.
Elles rappellent enfin que n'ayant pas vendu le véhicule, elles ne peuvent voir leur responsabilité recherchée sur le fondement de l'article 1641 du Code civil.
Elles estiment, par ailleurs, exagéré le montant des demandes.
Elles sollicitent la garantie de la SARL Michel GLINCHE pour le cas où une condamnation serait prononcée contre elles.
Elles réclament l'application en leur faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.
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La SA AUTOMOBILES CITROEN soulève la nullité de l'assignation en garantie qui lui a été délivrée par la SARL Michel GLINCHE aux motifs que d'une part, contrairement aux dispositions de l'article 56 du NCPC, elle ne vise aucun moyen de droit et que d'autre part, aucune copie de l'assignation principale délivrée par Monsieur X. ne lui a été laissée, ne lui permettant pas de pouvoir assurer normalement sa défense.
[minute page 6] A titre subsidiaire, elle fait valoir, sur le fond, que la SARL Michel GLINCHE n'a pas produit aux débats le compte-rendu du contrôle technique obligatoire subi par le véhicule, et demande par conséquent qu'il soit sursis à statuer pour production de ce document, qui lui paraît utile à sa défense.
A l'audience du 15 septembre 2004, toutes les parties comparaissent.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1° Sur la jonction :
En application de l'article 367 du Nouveau Code de procédure civile, les deux instances présentant un lien de connexité, il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les joindre.
2° Sur la mise hors de cause de la société ICARE SERVICE :
Il résulte de l'article 1 du contrat de prolongation de garantie souscrit le 31 août 2000 par Monsieur X., que ce contrat est souscrit auprès de la Société ICARE FRANCE ASSURANCE, dont la nouvelle dénomination est ICARE ASSURANCE, la société ICARE SERVICE n'étant que sa gestionnaire.
Il convient, par conséquent, de mettre hors de cause la société ICARE SERVICE et de constater l'intervention volontaire en ses lieu et place de la société ICARE ASSURANCE.
3° Sur les demandes de Monsieur X. :
Sur la responsabilité :
Les demandes se trouvent fondées, à titre principal, sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil, qui fait peser sur le vendeur une obligation de garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine.
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que l'incident moteur subi par le véhicule de Monsieur X. provient d'un mouvement de rotation des obturateurs des chambres de précombustion et plus spécialement sur le cylindre n° 4, ce qui a provoqué la surchauffe du piston correspondant, le segment de feu étant visible, généré une pression dans le carter inférieur et une auto-alimentation par le circuit de recyclage d'huile.
[minute page 7] L'expert conclut que l'incident est dû à un défaut de conception du moteur d'origine constructeur et aucunement à un défaut d'entretien.
Il précise que ce défaut présente toutes les spécificités du vice caché et qu'il n'était pas décelable.
Ces éléments démontrent que l'avarie moteur du véhicule concerné trouve son origine dans un vice interne du moteur d'origine, donc préexistant à la vente et le rendant impropre à sa destination.
En conséquence, la SARL Michel GLINCHE, vendeur du véhicule se trouve tenue à garantie envers Monsieur X.
Aucune condamnation ne peut, au contraire, être prononcée contre la Société ICARE ASSURANCE qui n'a pas la qualité de vendeur.
Sur le préjudice :
En vertu de l'article 1644 du Code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.
En l'espèce, Monsieur X. souhaite conserver son véhicule et obtenir la remise en état de ce dernier et exerce donc une action estimatoire.
Il résulte du rapport d'expertise que seul un échange standard du moteur peut permettre de remettre le véhicule en circulation, que le coût de sa remise en état est évalué à la somme de 6.190,10 Euros, non contestée par la SARL Michel GLINCHE, au paiement de laquelle elle sera condamnée;
L'expert convient également que certaines réparations effectuées en décembre 2002 sont directement liées à l'incident moteur survenu en avril 2003 et doivent à ce titre être remboursées à Monsieur X. pour la somme de 668,00 Euros.
Aux termes de l'article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, la SARL Michel GLINCHE, en sa qualité de vendeur professionnel ne pouvait ignorer le vice de la chose vendue et sera, en conséquence, tenu des dommages et intérêts dus à Monsieur X.
[minute page 8] Ce dernier ayant dû faire appel à un expert privé pour établir l'origine du vice affectant son véhicule, la SARL Michel GLINCHE sera condamnée à lui verser la somme de 680,00 Euros correspondant au coût de ladite expertise.
Par ailleurs, Monsieur X. sollicite le remboursement de la location d'un véhicule le jour de l'accident, la facture produite, à l'appui, de cette demande étant datée du 11 avril 2003, soit 7 jours avant l'incident, cette demande sera rejetée.
Toutefois, le véhicule de Monsieur X. est immobilisé depuis le 18 avril 2003, il subit un préjudice de jouissance au titre duquel il lui sera alloué la somme de 10.000 Euros.
Il ne sera pas fait droit à sa demande de remboursement de prime d'assurance, dont le paiement aurait pu être suspendu.
Compte tenu de la nature de l'affaire, l'existence d'un préjudice moral s'ajoutant au préjudice matériel n'apparaît pas établie ;
L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la SARL Michel GLINCHE.
4° Sur l'appel en garantie de la SA AUTOMOBILES CITROEN :
Sur la recevabilité des conclusions déposées par la SA AUTOMOBILES CITROEN :
Les conclusions signifiées le 14 septembre 2004 par La SA AUTOMOBILES CITROEN seront déclarées recevables, la SARL Michel GLINCHE ayant eu matériellement le temps d'y répondre et le principe du contradictoire étant ainsi respecté.
Sur la nullité de l'assignation en garantie :
L'article 56 alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile mentionne, en substance, que l'assignation contient à peine de nullité l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ainsi que l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
[minute page 9] En l'espèce, l'assignation de la SARL Michel GLINCHE est un appel en garantie de la SA AUTOMOBILES CITROEN, dans le cadre d'une action fondée sur la garantie des vices cachés, ce qui ressort clairement de la motivation de ladite l'assignation ;
De plus, si la SA AUTOMOBILES CITROEN ne s'est pas vu remettre la copie de l'assignation initiale délivrée, elle a été informée des demandes qu'elle contenait, celles-ci ayant été précisément reprises dans l'assignation qui lui a été remise. Elle ne peut donc invoquer aujourd'hui l'impossibilité d'avoir pu préparer sa défense et ce d'autant qu'elle a suivi l'intégralité de la procédure ayant été représentée lors des opérations d'expertise judiciaire.
Par conséquent, la SA AUTOMOBILES CITROEN n'ayant subi aucun grief, les exceptions de nullités soulevées seront rejetées et l'assignation en garantie sera déclarée recevable.
Sur le fond :
Les conclusions de l'expert judiciaire, aux opérations duquel a participé la société SA AUTOMOBILES CITROEN, ne se trouvent ni contredites par l'avis d'un autre homme de l'art, ni même précisément critiquées.
Le compte-rendu de contrôle technique réclamé en défense n'apparaît pas, au vu de ces conclusions, utile à la solution du litige.
En présence d'un vice constructeur, la société SA AUTOMOBILES CITROEN doit sa garantie à la SARL Michel GLINCHE, simple vendeur du véhicule.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile en faveur de la SARL Michel GLINCHE.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les n° 04/02320 et n° 04/01730 et dit qu'elles porteront désormais le n° 04/02320 ;
DONNE ACTE à la SA ICARE ASSURANCE de son intervention volontaire aux lieu et place de la SA ICARE SERVICE, qui est mise hors de cause ;
[minute page 10] CONDAMNE la SARL Michel GLINCHE à payer à Monsieur X. la somme de 17.538,10 Euros (dix sept mille cinq cent trente huit euros et dix centimes), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
ORDONNE l'exécution provisoire de ce chef ;
CONDAMNE la SA AUTOMOBILES CITROEN à garantir et à relever la SARL Michel GLINCHE de la totalité des condamnations prononcées à son encontre, en principal, accessoires et dépens ;
CONDAMNE la SARL Michel GLINCHE à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA AUTOMOBILES CITROEN à payer à la SARL Michel GLINCHE une indemnité de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la SARL Michel GLINCHE aux dépens de l'instance principale comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit de Maîtres GRUNBERG et MEMIN et condamne la SA AUTOMOBILES CITROEN aux dépens de l'appel en garantie avec distraction au profit de Maître PAVET ;
Et le présent jugement a été signé par le Président et par le Greffier.
Le Greffier Le Président