CA CHAMBÉRY (2e ch.), 22 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3730
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 22 mars 2012 : RG n° 11/00240
Publication : Jurica
Extrait (exposé des demandes) : « Monsieur X. conteste la validité de la clause selon laquelle l'emprunteur admet avoir reçu un bordereau de rétractation, il s'agirait là d'une clause abusive, nulle car dissimulée dans l'offre, et sans portée compte tenu des dispositions d'ordre public qu'elle paralyserait. Il demande le maintien des délais de paiement alors qu'il traverse une période difficile, avec une épouse au chômage et un enfant à charge qui a des problèmes de santé. »
Extrait (motifs) : « En application de l'article L. 311-15 du Code de la consommation, un formulaire détachable de rétractation doit être joint à l'offre préalable ; Ce bordereau ne figure pas sur l'exemplaire du contrat produit en original par la société CREDIPAR, qui constitue l'exemplaire prêteur. Mais Monsieur X. a accepté l'offre préalable en apposant sa signature sous une formule par laquelle il reconnaît « rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation », formule complétée par les modalités de rétractation stipulées au verso du contrat, en son article 2 ; Cette clause est effectivement pré-imprimée, mais, contrairement à ce qui est soutenu, elle ne peut passer inaperçue dans la mesure où elle se trouve dans un encadré et où il est demandé à l'emprunteur d'y apposer sa signature. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 22 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00240. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de BONNEVILLE en date du 12 janvier 2011 - R.G. n° 11-10-000543.
Appelante :
SA CREDIPAR,
dont le siège social est sis [adresse], prise en la personne de son Président Directeur Général, assistée de la SCP FILLARD/COCHET-BARBUAT, avocats postulants du barreau de CHAMBERY et de Maître Christian ASSIER, avocat plaidant du barreau d'ALBERTVILLE
Intimé :
M. X.,
demeurant [adresse], assisté de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats du barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 7 février 2012 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,
Et lors du délibéré, par : - Madame Elisabeth DE LA LANCE, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président - Madame Chantal MERTZ, Conseiller, - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller, qui a procédé au rapport
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société CREDIPAR a consenti le 18 avril 2008 à Monsieur X. un prêt accessoire à la vente d'un véhicule, pour un montant de 8.900 euros remboursable en 60 mensualités de 204,17 euros au taux nominal de 10,95 % l'an.
A la suite d'impayés, le Tribunal d'instance de Bonneville, saisi par le créancier, a le 12 janvier 2011 avec exécution provisoire,
- condamné Monsieur X. à payer à la société CREDIPAR la somme de 4.774,65 euros avec intérêt au taux légal à compter du 22 avril 2010 date de mise en demeure de payer, après déchéance du droit aux intérêts compte tenu de la non production du bordereau de rétractation,
- un euro à titre d'indemnité légale,
- l'a autorisé à se libérer de la dette par fractions mensuelles de 50 euros avant le 20 de chaque mois, avec imputation des paiements par priorité sur le capital,
- suspendu la restitution du véhicule financé Peugeot 206 et dit que le paiement de l'intégralité de la dette à l'issue des 24 mois, dispenserait de restitution,
- prévu une clause d'exigibilité immédiate des sommes avec restitution du véhicule à défaut de respect de l'échéancier.
La société CREDIPAR a fait appel de la décision par déclaration au greffe en date du 31 janvier 2011.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 25 août 2011, la société CREDIPAR demande à la Cour de :
- A TITRE PRINCIPAL
- constater que l'offre préalable de crédit de la SA CREDIPAR est régulière en ce qu'elle respecte les dispositions des articles L. 311-10, L. 311-15, R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation,
- juger que la déchéance des intérêts conventionnels n'est pas encourue, que l'indemnité de 8 % du capital restant dû n'est pas excessive,
- évaluer la créance de l'organisme prêteur à la somme de 7.581,48 euros selon décompte du 9 juillet 2010 que le débiteur sera condamné à payer avec intérêt conventionnel à compter de la mise en demeure du 21 avril 2010,
- confirmer la décision du juge de l'exécution en date du 12 mai 2010 et ordonner en conséquence la restitution du véhicule,
- A TITRE SUBSIDIAIRE
- si la Cour devait accorder des délais de paiement, dire qu'à défaut de paiement d'une échéance, la totalité des sommes restant dues serait immédiatement exigible avec restitution du véhicule,
- condamner Monsieur X. à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens, avec distraction au profit de la SCP FILLARD COCHET BARBUAT.
La société CREDIPAR soutient que le contrat signé est conforme aux exigences de l'article L. 311-15 du code de la consommation car l'exigence d'un bordereau de rétractation joint à l'offre ne concerne pas l'exemplaire du prêteur mais seulement celui de l'emprunteur et que les deux exemplaires de l'offre n'ont pas à être identiques. Il n'y aurait donc aucune présomption de non conformité de l'offre préalable. Au surplus, pour démontrer sa bonne volonté elle dit produire aux débats un exemplaire vierge, imprimé type, utilisé pour tous alors que Monsieur X. a reconnu rester en possession d'un formulaire détachable de rétractation. Il reviendrait donc à l'emprunteur de rapporter la preuve de l'inexactitude de la mention ou de l'irrégularité du bordereau en produisant son exemplaire.
La société CREDIPAR s'oppose à des délais de paiement compte tenu de la situation professionnelle et familiale de Monsieur X.
Toujours propriétaire du véhicule automobile dont la propriété n'est transférée qu'au paiement complet du prix elle demande sa restitution.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 28 juin 2011, Monsieur X. demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- dire et juger que la condamnation devra être prononcée en deniers et quittances car il verse régulièrement 50 euros par mois,
- condamner la Société CREDIPAR à régler à Monsieur X. la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile,
- condamner la Société CREDIPAR aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, Avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Sur le fondement de l'article L. 311-33 du code de la consommation, il soutient que l'offre préalable de prêt doit être établie selon un modèle type, en deux originaux identiques qui doit permettre l'exercice de la faculté de rétractation et comporter un formulaire détachable qui doit être joint à l'offre. La Société CREDIPAR ayant produit un exemplaire ne comportant pas de bordereau de rétractation ne permet pas de vérifier sa conformité à la loi et doit être déchue de son droit aux intérêts, car il lui revient de démontrer qu'elle a respecté ses obligations et remis à l'emprunteur une offre de crédit respectant les dispositions des articles L.311-8, L. 311-9, L. 311-9-1, L. 311-10 à L. 311-15 du code de la consommation. Il n'y aurait pas lieu d'inverser la charge de la preuve.
Monsieur X. conteste la validité de la clause selon laquelle l'emprunteur admet avoir reçu un bordereau de rétractation, il s'agirait là d'une clause abusive, nulle car dissimulée dans l'offre, et sans portée compte tenu des dispositions d'ordre public qu'elle paralyserait. Il demande le maintien des délais de paiement alors qu'il traverse une période difficile, avec une épouse au chômage et un enfant à charge qui a des problèmes de santé.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2012.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Sur la régularité de l'offre de prêt :
En application de l'article L. 311-15 du Code de la consommation, un formulaire détachable de rétractation doit être joint à l'offre préalable ;
Ce bordereau ne figure pas sur l'exemplaire du contrat produit en original par la société CREDIPAR, qui constitue l'exemplaire prêteur. Mais Monsieur X. a accepté l'offre préalable en apposant sa signature sous une formule par laquelle il reconnaît « rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation », formule complétée par les modalités de rétractation stipulées au verso du contrat, en son article 2 ;
Cette clause est effectivement pré-imprimée, mais, contrairement à ce qui est soutenu, elle ne peut passer inaperçue dans la mesure où elle se trouve dans un encadré et où il est demandé à l'emprunteur d'y apposer sa signature.
De plus, la société CREDIPAR produit un exemplaire vierge en original d'une offre préalable de crédit, édition juin 2007, utilisée à l'époque de la convention. Elle comporte un bordereau de rétractation conforme aux textes susvisés uniquement sur l'exemplaire de l'emprunteur et sur celui du co-emprunteur. L'exemplaire destiné au prêteur, au même emplacement intègre un espace en fin de page consacré à l'autorisation de prélèvement sur compte bancaire. L'examen de ces différents folios vient conforter la régularité du contrat. Il n'est pas imposé au prêteur de joindre à l'exemplaire qu'il conserve ce même bordereau qui lui est inutile et n'est nécessaire que pour le seul emprunteur ;
Cette formule approuvée et signée, ainsi que le rappel de ces modalités, l'examen d'une convention vierge conforme à la Loi, suffisent à établir la régularité de l'offre au regard des dispositions de l'article L. 311-15 précité et entraînent un renversement de la charge de la preuve quant à la conformité du bordereau avec les mentions obligatoires prévues par l'article R. 311-7 du Code de la consommation et sur le modèle type figurant à l'annexe 6, IV de ce Code ; il appartient, dans un tel cas, à l'emprunteur s'il invoque l'inexactitude d'une telle formule ou l'irrégularité du bordereau de rétractation de permettre à la juridiction saisie d'observer la discordance existante sur l'exemplaire resté en sa possession qu'il est le seul à détenir ;
Aucune irrégularité ne peut donc être retenue ; la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue par la société CREDIPAR ;
Sur les sommes dues :
A l'appui de sa demande en paiement, la société CREDIPAR produit le contrat de crédit, le tableau d'amortissement, la mise en demeure du 21 avril 2010, l'historique du compte et le décompte en date du 9 juillet 2010. Il ressort de l'ensemble de ces documents que la créance de la société CREDIPAR doit être fixée comme suit :
Echéances impayées : 1.425,13 euros
Capital restant dû : 5.978,41 euros
A déduire, acomptes du 15 décembre 2009 et du 28 décembre 2009 de 438,59 euros soit un solde de dette de 6.964,95 euros.
L'indemnité de 8 % sollicitée, qui ne peut être sollicitée que sur le capital restant dû et non sur les échéances impayées s'analyse en une clause pénale au sens de l'article 1152 du Code civil. Elle se révèle d'un montant manifestement excessif au regard du taux d'intérêt conventionnel appliqué et de la situation économique respective des parties et doit être réduite à zéro euros ;
Monsieur X. doit donc être condamné à payer à la société CREDIPAR la somme de 6.964,95 euros avec intérêts au taux de 10,95 % à compter du 21 avril 2010, date de la mise en demeure ;
Monsieur X. communique aux débats des photocopies difficilement lisibles de mandats postaux adressés à la SCP B à Bordeaux, pour un montant global de 2.320 euros entre le mois de juin 2010 et le mois d'octobre 2010, ces documents ne comportent aucune référence vérifiable, il conviendra aux parties d'actualiser le décompte et d'en référer au juge de l'exécution en cas de difficulté entre elles.
Il est équitable de laisser à la charge de la société CREDIPAR l'ensemble des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur la demande de délais :
Au vu des pièces produites, il apparaît que Monsieur X. dispose d'un revenu de 2.000 euros par mois. Il invoque une situation financière difficile en raison de la présence à son foyer d'une épouse au chômage et d'un enfant à charge. Il justifie de plusieurs versements à l'étude de l'huissier de justice chargé du dossier, Maître B, à Bordeaux.
Sa situation financière doit être retenue comme difficile ; sa bonne foi n'a pas lieu d'être mise en doute ; qu'il y a lieu de lui accorder des délais de paiement sur deux ans, en application de l'article 1244-1 du Code civil, selon les modalités fixées dans le dispositif et pendant ce délai de lui permettre de conserver le véhicule automobile financé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur X. à payer à la société CREDIPAR la somme de 6.964,95 euros avec intérêts au taux de 10.95 % à compter du 21 avril 2010,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Accorde des délais de paiement pendant 24 mois à Monsieur X. qui devra régler sa dette en 23 mensualités de 100 euros le 10 de chaque mois, à compter du 10 du mois suivant la signification du présent arrêt, la 24ème mensualité devant solder la dette avec une imputation des paiements par priorité sur le capital,
Suspend durant les délais de paiement, la restitution du véhicule Peugeot 206 numéro de série XX immatriculé XX,
Dit qu'à défaut de règlement d'une mensualité, la déchéance du terme sera acquise et le solde immédiatement exigible, avec restitution sans délai du véhicule,
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP FILLARD COCHET BARBUAT conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 22 mars 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Elisabeth DE LA LANCE, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.