CE (3e et 8e sous-sect.), 26 mai 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 3787
CONSEIL D’ÉTAT (3e et 8e ch.), 26 mai 2010 : requête n° 325623
Publication : Legifrance ; Tabl. Rec. Lebon
Extrait : « Considérant que, si les modifications successives des dispositions de l’article 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, codifié par l’ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce à l’article L. 442-6 de ce code, ont élargi et précisé le champ des pratiques restrictives de concurrence susceptibles de faire l’objet d’une action contentieuse devant les juridictions civiles ou commerciales compétentes et ont prévu la possibilité pour le ministre chargé de l’économie de présenter au juge, dans le cadre de cette action, des demandes tendant à ce que soit ordonnée la cessation de ces pratiques, à ce que soit constatée la nullité des clauses et contrats illicites, à ce que l’indu soit remboursé, à ce qu’une amende civile soit prononcée et à ce que les préjudices subis soient réparés, elles n’ont toutefois pas eu pour effet de changer la nature et l’objet de l’action prévue à cet article ; que le renvoi opéré par l’article 1er du décret du 12 mars 1987 à l’action prévue à l’article 36 de l’ordonnance susvisée doit ainsi s’entendre comme un renvoi à ces dispositions dans leur rédaction résultant de leur codification à l’article L. 442-6 du code du commerce et des modifications qui y ont été apportées ; que ce décret autorise donc le ministre chargé de l’économie à déléguer sa signature aux fonctionnaires qu’il mentionne pour l’ensemble des actes relatifs à l’action prévue à l’article L. 442-6 modifié du code de commerce ; que, par suite, l’arrêté litigieux du 25 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie déléguant la signature de ce ministre pour ces actes n’est pas entaché d’illégalité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 25 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie portant délégation de signature est entaché d’illégalité ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CONSEIL D’ÉTAT
TROISIÈME ET HUITIÈME CHAMBRE RÉUNIES
ARRÊT DU 26 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Requête n° 325623.
DEMANDEUR : SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE
DÉFENDEUR : Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
M. Vigouroux, président. Mme Emilie Bokdam, rapporteur. M. Geffray Edouard, rapporteur public. SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocat(s)
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la requête, enregistrée le 26 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE, dont le siège est [adresse], représentée par son président directeur général en exercice, agissant en exécution d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009 ; la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE demande au Conseil d’État de déclarer que l’arrêté du 25 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie portant délégation de signature est entaché d’illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 26 mars et 1er avril 2010, présentées pour la SOCIÉTÉ ANONYME SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE ;
Vu le code de commerce ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le décret n° 87-163 du 12 mars 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 28 janvier 2009, la cour d’appel de Paris a sursis à statuer sur les demandes présentées devant elle par la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE jusqu’à ce que le Conseil d’État se soit prononcé sur la légalité de l’arrêté du 25 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie portant délégation de signature, sur le fondement duquel Mme X., directrice départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Paris représente ce ministre dans l’instance qui l’oppose à la société requérante ; que la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE demande au Conseil d’État de déclarer que cet arrêté est entaché d’illégalité ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 12 mars 1987 autorisant le ministre chargé de l’économie, des finances et de la privatisation à déléguer par arrêté sa signature dans le cadre de l’article 36 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 : « Le ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de la privatisation peut, par arrêté, donner délégation pour signer les actes relatifs à l’action prévue à l’article 36 de l’ordonnance susvisée, aux fonctionnaires appartenant au cadre A des services extérieurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes » ; que l’arrêté litigieux du 25 juillet 2005 a donné délégation permanente à certains fonctionnaires appartenant au cadre A des services extérieurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à l’effet de signer, dans la limite de leurs attributions et de leur compétence territoriale, au nom du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, les actes relatifs à l’action prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce susvisé, devant les juridictions de première instance et d’appel ;
que l’article L. 442-6 du code de commerce est issu de l’article 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, désormais codifiée dans le code du commerce, aux termes duquel, dans sa rédaction en vigueur au 12 décembre 1987 : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : / 1. De pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; / 2. De refuser de satisfaire aux demandes des acheteurs de produits ou aux demandes de prestations de service, lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal... ; / 3. De subordonner la vente d’un produit ou la prestation d’un service soit à l’achat concomitant d’autres produits, soit à l’achat d’une quantité imposée, soit à la prestation d’un autre service. / L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le parquet, par le ministre chargé de l’économie ou par le président du Conseil de la concurrence, lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. / Le président de la juridiction saisie peut, en référé, enjoindre la cessation des agissements en cause ou ordonner toute autre mesure provisoire » ;
que le I de l’article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date d’édiction de l’arrêté du 25 juillet 2005 dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : / 1° De pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; / 2° a) D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné... ; / b) D’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d’achat ou de vente... ; / 3° D’obtenir ou de tenter d’obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l’assortir d’un engagement écrit sur un volume d’achat proportionné... ; / 4° D’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ; / 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale... ; / 6° De participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau... ; 7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement manifestement abusives... ; qu’aux termes du III de cet article : L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. / Lors de cette action, le ministre chargé de l’économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l’indu et le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d’euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée » ;
Considérant que, si les modifications successives des dispositions de l’article 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, codifié par l’ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce à l’article L. 442-6 de ce code, ont élargi et précisé le champ des pratiques restrictives de concurrence susceptibles de faire l’objet d’une action contentieuse devant les juridictions civiles ou commerciales compétentes et ont prévu la possibilité pour le ministre chargé de l’économie de présenter au juge, dans le cadre de cette action, des demandes tendant à ce que soit ordonnée la cessation de ces pratiques, à ce que soit constatée la nullité des clauses et contrats illicites, à ce que l’indu soit remboursé, à ce qu’une amende civile soit prononcée et à ce que les préjudices subis soient réparés, elles n’ont toutefois pas eu pour effet de changer la nature et l’objet de l’action prévue à cet article ; que le renvoi opéré par l’article 1er du décret du 12 mars 1987 à l’action prévue à l’article 36 de l’ordonnance susvisée doit ainsi s’entendre comme un renvoi à ces dispositions dans leur rédaction résultant de leur codification à l’article L. 442-6 du code du commerce et des modifications qui y ont été apportées ; que ce décret autorise donc le ministre chargé de l’économie à déléguer sa signature aux fonctionnaires qu’il mentionne pour l’ensemble des actes relatifs à l’action prévue à l’article L. 442-6 modifié du code de commerce ; que, par suite, l’arrêté litigieux du 25 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie déléguant la signature de ce ministre pour ces actes n’est pas entaché d’illégalité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 25 juillet 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie portant délégation de signature est entaché d’illégalité ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE et non compris dans les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE et au Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Une copie en sera adressée pour information au président de la cour d’appel de Paris.