CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TGI MULHOUSE (1re ch. civ.), 14 mars 2003

Nature : Décision
Titre : TGI MULHOUSE (1re ch. civ.), 14 mars 2003
Pays : France
Juridiction : TGI Mulhouse. 1re ch. civ.
Demande : 01/01245
Date : 14/03/2003
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 8/10/2001
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 385

TGI MULHOUSE (1re ch. civ.), 14 mars 2003 : RG n° 01/01245

Publication : Lamyline

 

Extrait : « Le contrat de transport portant sur l'expédition d'échantillons de vin, étant en relation directe avec l'activité professionnelle du GAEC X., celui-ci ne pourrait bénéficier de la qualité de consommateur et par voie de conséquence de la législation sur les clauses abusives. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 14 MARS 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/01245.

PARTIE DEMANDERESSE :

GAEC X. ET FILS

[adresse], représentée par la SCP HAMEL et JANDER, avocats

 

PARTIE DÉFENDERESSE :

SA CHRONOPOST INTERNATIONAL

[adresse], représentée par la SCPA SCHWOB ET ASSOCIES, avocats

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Jean-Luc STOESSLE, Colette LOWENSTEIN, Vice-Présidents Christine STENGEL, Juge.

JUGEMENT CONTRADICTOIRE EN PREMIER RESSORT.

Après avoir à l'audience publique du 14 février 2003, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est constant que suivant bordereau de transport en date du 21 mars 2001, le GAEC X. a confié au bureau de poste de [ville A.] (Haut Rhin), un colis contenant deux bouteilles d'échantillon de vins à destination de Monsieur Y. à [ville] en THAILANDE, en vue d'une soumission pour un marché de vins.

Par acte introductif d'instance en date du 8 octobre 2001, le GAEC X. a fait assigné la SA CHRONOPOST INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal et en son établissement [adresse] aux fins, selon dernières conclusions du 23 octobre 2002 de :

« Déclarer la demande régulière, recevable et bien fondée, en conséquence :

Avant dire droit :

- Ordonner l'audition des témoins A., B., C. pouvant être respectivement convoqués à LA POSTE à [ville A.] pour la première et [ville B.] pour les autres.

- Dire et juger que les clauses limitatives de responsabilité et d'indemnité qui figurent dans les conditions générales de CHRONOPOST sont réputées non écrites en application de l'article 1131 du Code Civil.

Subsidiairement,

- Prononcer la résolution du contrat ayant lié les parties en date du 21 mars 2001 aux torts exclusif de la Société CHRONOPOST en raison de la faute lourde imputable à celle-ci.

Plus subsidiairement encore,

- Dire et juger que la Société CHRONOPOST a commis une faute dans l'exécution de ses engagements en s'abstenant de porter à la connaissance de son cocontractant les informations essentielles relatives au déroulement du contrat.

En toute hypothèse,

- Condamner la SA CHRONOPOST INTERNATIONAL à payer au GAEC X. la somme de 1.467.072 Francs HT (223.653,68 Euros HT) de dommages-intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2001, date de la réception de la mise en demeure.

- Condamner la SA CHRONOPOST INTERNATIONAL à payer au GAEC X. la somme de 50.000 Francs (7.622,45 Euros) de dommages-intérêts majorée des intérêts de droit pour résistance abusive.

Condamner la SA CHRONOPOST INTERNATIONAL, outre aux entiers frais et dépens, à payer au GAEC X. la somme de 25.000 Francs (3.811,23 Euros) au titre de l'article 700 du NCPC. »

Au soutien de sa demande, il expose notamment que :

- la compétence des juridictions civiles résulte de la qualité du GAEC, société civile,

- le marché envisagé constitue compte tenu de son caractère exceptionnel, un acte de commerce isolé,

- la clause attributive de compétence rédigée en caractère lilliputien lui est donc inopposable,

- le Tribunal saisi est ratione loci compétent en tant que siège du lieu de la succursale de la Société CHRONOPOST, à savoir [ville], par lequel a transité le colis et qui a commis une faute en ne réunissant pas tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- la Société CHRONOPOST lui a garanti une livraison pour le 23 mars 2001,

- le colis n'a pas pu être livré,

- la société CHRONOPOST a manqué à son obligation de délivrance et engage sa responsabilité contractuelle,

- l'absence de mise en demeure de livrer n'est pas exigée en matière d'envoi en express, en application de l'article 1146 du Code Civil,

- le GAEC disposait des plus grandes chances pour décrocher le marché,

- son préjudice doit s'apprécier en fonction de la marche brute qui aurait résulté de l'opération soit :

* chiffre d'affaires HT : 21.600 cartons de 12 bouteilles à 21 Francs HT l'unité = 5.483.200 Francs

* prix de revient de 259.200 bouteilles à 14,40 Francs = 3.732.480 + les frais de transport de 243.648 Francs

soit une perte de 1.467.072 Francs HT

 

La Société CHRONOPOST INTERNATIONAL a, aux termes de ses dernières conclusions du 29 novembre 2002 demandé au Tribunal de :

« Adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses conclusions précédemment prises.

Les reprenant en tant que de besoin.

Statuant sur la compétence :

- Au premier chef, se déclarer incompétent ratione materiae et sur le fondement de l'article 97 du Code de Procédure Civile, renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Commerce de PARIS.

Subsidiairement, se déclarer incompétent ratione loci et, sur le même fondement, renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE.

A titre subsidiaire : statuant sur le fond

- Dire et juger que le préjudice réclamé était imprévisible au sens de l'article 1150 du Code Civil,

- Plus subsidiairement, dire et juger que la réparation du dommage réclamé qui est immatériel et indirect est exclue par la convention des parties.

- Plus subsidiairement encore, dire et juger que seule la limitation de responsabilité réglementaire doit être appliquée et que le règlement qui en a été fait est satisfactoire.

- Très subsidiairement, dire et juger que le dommage réclamé n'est pas établi.

En conséquence, déclarer la société X. irrecevable, au moins mal fondée en sa demande.

L'en débouter.

Sur les frais et dépens.

En toute hypothèse, condamner la Société X. à payer à la concluante la somme de 7.622,45 Euros au titre de l'article 700 du NCPC.

La condamner en outre aux entiers dépens. »

Elle fait notamment valoir que :

- le contrat de transport comporte une clause attributive de juridiction du Tribunal de Commerce de PARIS, laquelle s'impose au GAEC dès lors que le marché litigieux constitue un acte de commerce et que le demandeur a accepté la clause attributive de compétence,

- la Société CHRONOPOST n'a pas de succursale dans le ressort du Tribunal de céans et ne possède à [ville] qu'une simple agence qui est de surcroît sans liaison avec le fait générateur du litige dès lors que le colis a été remis à la poste [ville A.] et que l'événement générateur en litige s'est produit à ROISSY,

- le dommage dès lors que le document de transport comportait l'indication : « échantillon sans valeur » était imprévisible pour le transporteur qui n'a donc pas commis une faute lourde au sens de l'article 1150 du Code Civil,

- les conditions du contrat de transport excluent la réparation « du préjudice immatériel ou indirect quelle qu'en soit la cause »,

- le dommage allégué constituant un retard, l'article 22-3 du contrat type ne permet l'indemnisation qu'à hauteur du prix du transport,

- aucune faute lourde de nature à écarter l'application de la limitation n'est établie à sa charge,

- la preuve du dommage allégué n'est pas démontrée ni en ce qui concerne le projet de marché ni en ce qui concerne le lien de causalité entre l'incident litigieux et la perte du marché.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 décembre 2002,

Vu les pièces de la procédure et les documents joints,

 

I) Sur la compétence :

- Sur l'opposabilité de la clause de compétence :

L'article 14 des conditions générales du contrat de transport intervenu le 31 mars 2001 entre le GAEC X. et la Société CHRONOPOST INTERNATIONAL stipule que : « tout litige relatif à l'exécution, à l'interprétation ou à la résiliation du présent contrat relève de la compétence exclusive du Tribunal de Commerce de PARIS, même en cas de pluralité de défendeurs ou d'appels en garantie ».

Cette clause vise donc à la fois la compétence d'attribution et la compétence territoriale.

S'il est vrai que cette clause figure au verso du contrat de transport, le demandeur qui d'ailleurs ne le conteste pas, l'a néanmoins acceptée dès lors qu'au recto et à l'endroit précis où il a apposé sa signature, figure la mention suivante : « l'expéditeur accepte les conditions générales inscrites au verso et ne contient pas d'articles faisant l'objet de restriction à la prise en charge et l'absence de toute matière dangereuse et/ou réglementée ».

Par ailleurs, la clause est libellée en caractère gras par rapport aux autres dispositions des conditions générales. Elle est donc suffisamment apparente et donc opposable au GAEC X.

 

- Sur la compétence d'attribution :

Dans les conventions de caractère civil pour partie et commercial pour l'autre, comme en l'espèce, la partie non commerçante peut valablement s'engager à n'assigner que devant la juridiction commerciale.

Lorsqu'une clause attributive de compétence au bénéfice du Tribunal de Commerce est stipulée, le demandeur non commerçant est réputé avoir renoncé au bénéfice de l'option dont il bénéficie en matière d'acte mixte.

Le contrat de transport portant sur l'expédition d'échantillons de vin, étant en relation directe avec l'activité professionnelle du GAEC X., celui-ci ne pourrait bénéficier de la qualité de consommateur et par voie de conséquence de la législation sur les clauses abusives.

Dans ces conditions, le litige relève de la compétence de la juridiction commerciale.

 

- Sur la compétence territoriale :

Aux termes des dispositions de l'article L. 323-3 du Code Rural, le GAEC est une société civile particulière.

Les activités agricoles définies à l'article L. 311-1 du Code Rural ont un caractère civil.

Cependant l'activité agricole peut être qualifiée de commerciale si elle répond à l'article L. 110-1 du Code de Commerce, notamment l'achat pour revendre et si cette activité est la principale source de revenus.

En l'espèce, il est constant que le contrat de transport litigieux s'inscrit dans le cadre d'un marché à intervenir en vue de la fourniture de vin auprès d'un client en THAILANDE.

Pour exécuter ce marché, le GAEC X. avait envisagé d'acheter les bouteilles destinées à son propre acheteur.

Si pareille achat destiné à la revente poursuit une finalité lucrative et constitue un acte de commerce au sens de l'article L. 110-1 du Code de Commerce, il ne suffit cependant pas à conférer au demandeur la qualité de commerçant, condition d'application de l'article de l'article 48 du NCPC, dès lors que d'une part l'opération s'est limitée à un simple appel d'offre auprès d'un tiers et que d'autre part il n'est nullement établi que de manière habituelle, l'activité spéculative poursuivie par le GAEC est supérieure à l'activité purement agricole, dans le chiffre d'affaires.

Dans ces conditions, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il a accompli à titre habituel et principal des actes de commerce, le GAEC n'a pas la qualité de commerçant.

Dès lors, la clause attributive de compétence valable en tant qu'elle vise la compétence d'attribution doit être réputée non écrite en ce qu'elle concerne la compétence territoriale.

Dans ces conditions, la compétence doit être déterminée selon les règles du droit commun définies par les articles 42 et 46 du NCPC.

A cet effet, la juridiction territorialement compétente est, outre celle du lieu où demeure le défendeur (article 42 du NCPC), en matière contractuelle celle du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu d'exécution de la prestation de service (article 46 du NCPC).

En matière de transport, le lieu d'exécution de la prestation de services correspond au lien de livraison effective de la marchandise à son destinataire, à savoir la THAILANDE.

Le lieu où demeure la personne morale est celui du siège social, à savoir ISSY LES MOLINEAUX (92795).

La personne morale peut cependant également être assignée devant la juridiction dans le ressort duquel elle dispose d'une succursale.

Mais l'application de cette solution est subordonnée à deux conditions, l'une relative à la qualification de la succursale, l'autre relative au rapport entre l'action et l'activité de la succursale.

La charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à celui qui s'en prévaut, à savoir le demandeur.

 

* Sur la qualification de la succursale :

L'établissement doit constituer une véritable succursale ayant le pouvoir de représenter la société pour traiter avec les tiers.

La Société CHRONOPOST INTERNATIONAL prétend que l'établissement de [ville] constitue non pas une succursale mais une simple agence n'ayant pas le pouvoir de la représenter.

Le GAEC X. produit à l'appui de sa demande, un extrait de l'annuaire téléphonique sur lequel figure, sous la rubrique « transports en messagerie-express, coursiers internationaux » la rubrique suivante : « CHRONOPOST INTERNATIONAL, livraisons express de vos envois en France et dans le monde entier. [adresse] [ville] [téléphone] ».

Ces seuls éléments ne sont pas de nature à renseigner sur l'étendue des pouvoirs dont sont dotés les agents qui dirigent cet établissement.

En l'absence de preuve suffisante, ce dernier ne répond pas à la notion de succursale.

 

* Sur le lien entre l'action et l'activité de la succursale :

Le GAEC X. prétend que le fait générateur du litige est imputable à l'agence de [ville] auprès de laquelle aurait transité le colis, à qui il aurait transmis une facture pro-forma et qui aurait commis « dans la retranscription informatique des informations » une faute en ne réunissant pas les éléments nécessaires au bon accomplissement de sa mission.

Or en l'espèce, il est constant que le contrat de transport est intervenu auprès du bureau de poste à [ville].

La fiche de synthèse établie par la Société CHRONOPOST INTERNATIONAL et plus particulièrement le suivi de production fait ressort que le colis parti le 21 mars 2001 [ville] a été acheminé à ROISSY le 23 mars 2001 après avoir transité par MULHOUSE.

Sous la rubrique « destinataire » il est indiqué comme adresse : « [adresse] » et sous la rubrique « pays « FRANCE.

Ces seuls éléments ne permettent cependant pas d'établir que l'erreur dans l'expédition procède d'une mauvaise saisine informatique imputable au bureau de [ville].

Il n'est même pas démontré, comme le prétend le demandeur que ce dernier est intervenu dans les opérations de transport.

Il est en effet produit à cet effet uniquement le "rapport d'activité du télécopieur, semble-t-il du demandeur, mentionnant parmi d'autres numéros, l'émission vers le numéro [téléphone], lequel document ne permet de déterminer ni l'identité du destinataire et encore moins le contenu du message envoyé.

Il est donc nullement démontré que la cause de l'action se rattache aux opérations traitées par l'activité du bureau d'ILLZACH.

La Société CHRONOPOST INTERNATIONAL ne peut dès lors être assignée au lieu de son établissement à ILLZACH.

Il convient en conséquence de se déclarer incompétent et de renvoyer la procédure devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE, juridiction du lien du siège social de la Société CHRONOPOST INTERNATIONAL.

 

II) Sur les dépens et les frais non répétibles :

Il y a lieu de réserver les dépens y compris les demandes respectives au titre de l'article 700 du NCPC.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Se DÉCLARE incompétent ratione materiae et ratione loci.

RENVOIE l'affaire devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE.

RÉSERVE les dépens y compris les demandes respectives au titre de l'article 700 du NCPC.