CASS. COM., 27 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3853
CASS. COM., 27 mars 2012 : pourvoi n° 11-11275
Publication : Legifrance
Extrait : « Attendu que pour débouter M. X. de ses demandes, le jugement retient que, s’il est pas contestable que M. X. pensait avoir acheté un titre unique de musique, […], il résulte des pièces produites par les parties, notamment les conditions générales de souscription à MusicMe, que l’achat isolé d’un titre de musique n’était pas envisageable, cet achat s’inscrivant dans une formule à la carte qui obligeait nécessairement l’acheteur à commander d’autres titres jusqu’au plafond de la formule choisie ; […] ;
Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, dès lors qu’elle avait relevé que la carte avait été utilisée pour souscrire un abonnement payable mensuellement, si la contestation formulée par le titulaire de la carte ne valait pas révocation pour l’avenir du mandat ainsi donné, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 27 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 11-11275.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Crédit industriel et commercial
Mme Favre (président), président. Maître Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1134 du code civil ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X., titulaire d’un compte ouvert dans les livres du Crédit industriel et commercial (la banque), et détenteur d’une carte de crédit, s’est connecté le 7 juin 2009 sur le site internet « MusicMe » pour y faire, selon ses déclarations, l’achat d’un titre unique de musique au prix de 0,99 euro ; qu’il a reçu à l’issue de cet achat un message électronique de confirmation lui indiquant « confirmation de votre abonnement sur MusicMe » au prix de 9,99 euros par mois ; qu’à réception de son relevé bancaire mensuel mentionnant un prélèvement de 9,99 euros effectué le 8 juillet 2009, M. X. a adressé le 11 juillet 2009 un courrier électronique à la banque, demandant l’annulation de l’opération et qu’il soit mis fin à l’abonnement ; que, les prélèvements s’étant poursuivis, M. X. a recherché la responsabilité de la banque ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour débouter M. X. de ses demandes, le jugement retient que, s’il est pas contestable que M. X. pensait avoir acheté un titre unique de musique, et en avoir réglé le prix, il résulte des pièces produites par les parties, notamment les conditions générales de souscription à MusicMe, que l’achat isolé d’un titre de musique n’était pas envisageable, cet achat s’inscrivant dans une formule à la carte qui obligeait nécessairement l’acheteur à commander d’autres titres jusqu’au plafond de la formule choisie ; qu’il relève encore que M. X. s’est manifestement trompé et qu’il ne peut contester a posteriori son engagement de paiement, qui est irrévocable ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, dès lors qu’elle avait relevé que la carte avait été utilisée pour souscrire un abonnement payable mensuellement, si la contestation formulée par le titulaire de la carte ne valait pas révocation pour l’avenir du mandat ainsi donné, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 octobre 2010, entre les parties, par la juridiction de proximité de Paris 9e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Paris 8e ;
Condamne le Crédit industriel et commercial aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, à l’audience publique du vingt-sept mars deux mille douze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché au jugement attaqué d’avoir débouté M. X. de ses demandes :
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que l’opération litigieuse est initiée par M. X. à l’aide de sa carte bancaire, le 7 juin 2009, prélevée sur son compte bancaire, le 8 juillet 2009, contestée par lui-même, le 11 juillet 2009, de sorte que les dispositions nouvelles, à savoir les articles L. 133-18 et suivants, issus de l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, s’agissant de la contestation et de la responsabilité en cas d’opérations de paiement non autorisées et de défaut d’information ne sont pas applicables au présent litige, le contrat de vente entre M. X. et le prestataire, ayant été conclu antérieurement à la loi nouvelle ; que l’article L. 132-2 dispose que l’ordre ou l’engagement de payer donné au moyen d’une carte de paiement est irrévocable. Il ne peut être fait opposition au paiement qu’en cas de perte, de vol ou d’utilisation frauduleuse de la carte et des données liées à son utilisation, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire ; que la société Music Me propose sur son site internet, l’achat de titres musicaux et ce, selon différentes formules et prix de vente et ou, le téléchargement illimité renouvelable par tacite reconduction ; qu’il n’est pas contestable que M. X. pense avoir acheté un titre de musique et en règle le prix auprès du fournisseur ; Qu’il résulte des pièces versées au débat, que l’achat isolé d’un titre de musique n’est pas envisageable, mais que cet achat s’inscrit dans une formule à la carte qui oblige nécessairement l’acheteur de commander d’autres titres jusqu’au plafond de la formule qu’il choisit ; que manifestement, M. X. s’est trompé ; que M. X. reçoit par courriel, confirmation de son inscription ; que celui-ci ne peut contester a posteriori avoir autorisé l’opération de paiement et ce, au regard des dispositions susvisées, « l’engagement de payer donné au moyen d’une carie de paiement est irrévocable » ; que la thèse de M. X. selon laquelle, il y aurait eu « une utilisation frauduleuse de sa carte bancaire » ne peut davantage prospérer, celle-ci n’étant pas faite à son insu et qu’il est établi, par un échange de courriels avec le CIC, des 23 et 28 octobre 2009, qu’à aucun moment, il n’ait eu l’intention de faire opposition, conformément à l’article L. 132-2 du Code Monétaire et Financier ; que M. X. ne peut valablement réclamer au CIC, le remboursement des prélèvements mensuels et en conséquence, il doit être débouté de ses prétentions ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors d’une part que, selon les articles L. 132-4 et L. 132-6 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 applicable jusqu’au 1er novembre 2009, la responsabilité du titulaire d’une carte de paiement n’est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte ; que la négligence du titulaire n’est pas de nature à décharger l’émetteur de son obligation de recréditer le montant d’une opération qui a été contestée dans le délai de soixante-dix jours, ou dans celui contractuellement prolongé dans la limite de cent vingt jours ; qu’il résulte des constatations du jugement attaqué que, dès qu’il avait été avisé de l’existence d’un prélèvement mensuel non conforme à l’ordre donné, M. X. avait informé la banque de sa contestation ; que dès lors la banque n’était pas fondée à opérer les prélèvements mensuels litigieux, et qu’en statuant comme elle l’a fait, la Juridiction de proximité a violé les articles L. 132-4 et L. 132-6 dans leur rédaction issue de la loi n° 2001-1162 applicable jusqu’au 1er novembre 2009 ;
Alors d’autre part, pour les prélèvements opérés après le 1er novembre 2009, que, selon le nouvel article L. 133-18 du Code monétaire et financier, issu de l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, applicable à partir du 1er novembre 2009 : « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de service de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. Le payeur et son prestataire de services peuvent décider contractuellement d’une indemnité complémentaire » ; qu’en refusant de faire application de ces dispositions, qui étaient applicables dès le 1er novembre 2009 aux prélèvements pratiqués après cette date, même si la convention de compte lui était antérieure, le juge de proximité a violé l’article 19 ;
Alors enfin qu’en se déterminant par les motifs précités, impropres à établir que M. X., qui n’avait communiqué à distance les données figurant sur sa carte bancaire que pour faire l’achat d’un titre unique de musique, et non pour prendre un abonnement, avait donné un mandat de payer un tel abonnement, à défaut duquel la banque était tenue de restituer la somme débitée, la Juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil.