CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. B), 20 mai 2010

CERCLAB - DOCUMENT N° 3885
CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. B), 20 mai 2010 : RG n° 09/20757 ; arrêt n° 2010/331
(cassation par Cass. civ. 1re, 12 avril 2012 : pourvoi n° 10-23023)
Publication : Jurica
Extrait : « Par application de l'article 35 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat membre d'origine, sauf pour des contrats d'assurances, des contrats conclus par des consommateurs ou pour certaines compétences spéciales. Ce n'est pas le cas en l'occurrence s'agissant d'un contrat portant sur la réalisation de travaux de rénovation immobilière par M. Y., entreprise Ligure Scavi, au profit de M. X. L'autorité française qui constate la force exécutoire de cette décision judiciaire italienne rendue en cette matière n'est pas autorisée à vérifier la compétence du juge italien. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 20 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/20757. Arrêt n° 2010/331. Décision déférée à la Cour : Déclaration de constatation de la force exécutoire rendue par le greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 21 octobre 2009 enregistrée au répertoire général sous le n° 09/185.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP GIACOMETTI - DESOMBRE, avoués à la Cour, plaidant par Maître David ALLOUCHE avocat au barreau de Nice
INTIMÉ :
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 avril 2010 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller, chargés du rapport. Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GROSJEAN, Président, Madame Martine ZENATI, Conseiller, Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 mai 2010.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mai 2010. Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS :
M. Y., entreprise de construction Ligure Scavi, à [adresse], a saisi le tribunal de San Remo (Italie) d'une demande de condamnation de M. X., demeurant à Nice. Par décision en date du 9 juin 2008, le tribunal de San Remo a condamné M. X. à payer une somme de 51.370 euros et des frais annexes.
Le 5 mai 2009, M. Y. a déposé une requête, fondée sur le règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de constatation de force exécutoire en France de la décision italienne du tribunal de San Remo du 9 juin 2008.
Par déclaration de constatation de la force exécutoire en date du 21 octobre 2009, le Greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice a constaté que la décision rendue le 9 juin 2008 par le tribunal de San Remo, Italie, entre M. Y. et M. X. avait acquis force exécutoire.
Par déclaration de la SCP GIACOMETTI et DESOMBRE, avoués, en date du 18 novembre 2009, M. X. a relevé appel.
L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 910 alinéa deux du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 16 avril 2010, M. X. demande à la cour d'appel de :
- au visa de l’article 58 du code de procédure civile, constater que M. Y. n'indique ni ses date et lieu de naissance, ni son domicile effectif dans sa requête aux fins de déclaration de force exécutoire, en conséquence déclarer la requête nulle et de nul effet, dire l'acte subséquent de déclaration de force exécutoire nul et de nul effet,
- au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile, constater que M. Y. n'indique ni ses date et lieu de naissance, ni son domicile effectif dans ses conclusions d'intimé, en conséquence, déclarer ses conclusions d'intimé irrecevables,
- au visa des articles 16 alinéa 1 et 26.1 du règlement européen du 22 décembre 2000, constater que l'ordonnance dont il est demandé l'exequatur a été rendue par une juridiction notoirement incompétente, dire que ce motif rend impossible l'exécution en France de la décision rendue par le tribunal de San Remo,
- au visa de l'article 34 du règlement européen du 22 décembre 2000 et de l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 14 décembre 2006, constater que l'ordonnance rendue par le tribunal de San Remo n'a jamais été notifiée à M. X. et n'a donc aucun caractère définitif, dire en conséquence que cette ordonnance ne peut pas donner lieu à une déclaration de constatation de force exécutoire, constater qu'aucun acte introductif d'instance n'a été délivré à M. X., constater que M. X. n'a jamais été en mesure de faire valoir ses droits en défense, constater que M. X. n'a jamais eu connaissance de l'existence d'un droit de recours ouvert à l'encontre de la décision du tribunal de San Remo, ni des modalités de mise en œuvre de ce dernier, en conséquence, infirmer la déclaration de constatation de force exécutoire rendue par le Greffier en chef près le tribunal de grande instance de Nice,
- au visa de l'adage « fraus omnia corrumpit », constater que la motivation de la requête aux fins d'exequatur déposée par M. Y. est intégralement erronée, en conséquence, infirmer la déclaration de constatation de la force exécutoire rendue par le Greffier en chef près le tribunal de grande instance de Nice le 21 octobre 2009,
- condamner M. Y. au paiement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SCP GIACOMETTI et DESOMBRE, avoués.
Par ses conclusions, déposées et notifiées le 19 mars 2010, M. Y. demande à la cour d'appel, au visa des articles 34, 35, 43, 44 et 45 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, de :
- dire que M. X. n'a pas la possibilité de soulever l'incompétence des juridictions italiennes au regard du règlement européen du 22 décembre 2000, dire que l'incompétence du juge d'origine ne peut être sanctionnée même sous couvert de l'ordre public et débouter M. X. de ce moyen,
- dire que la décision italienne rendue par le tribunal de San Remo le 9 juin 2008 a bien été notifiée par le greffe de la juridiction ayant rendu la décision, et ce conformément à l'article 14 du règlement CE n°1393/2007 du parlement européen et du conseil du 13 novembre 2007, et qu'en conséquence la décision du 9 juin 2008 est bien définitive, débouter M. X. de ce moyen,
- confirmer la déclaration constatant la force exécutoire rendue par le Greffier en chef près le tribunal de grande instance de Nice le 21 octobre 2009,
- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance,
- condamner M. X. au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X. aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP de SAINT-FERREOL et TOUBOUL, avoués.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
- Sur la régularité de la requête :
M. X. soulève, au visa de l’article 58 du code de procédure civile, l'irrégularité de la requête présentée par M. Y. devant le tribunal de grande instance de Nice au motif qu'elle n'indique ni ses date et lieu de naissance, ni son domicile effectif, mais un domicile élu chez un avocat.
Par application de l’article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, cette irrégularité formelle ne peut entraîner la nullité de l'acte qu'autant qu'il est justifié par celui qui l'invoque d'un grief à son égard.
M. X. ne prouve à cet égard aucun grief résultant de l'absence de mention des date et lieu de naissance de M. Y. dans sa requête, ni du fait que le domicile indiqué soit un domicile élu chez son avocat à San Remo.
- Sur la régularité des conclusions de M. Y. :
De la même manière, mais cette fois au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile M. X. soulève les mêmes moyens au niveau de la constitution d'avoué et des conclusions d'appel de M. Y.
Ce moyen est tout aussi inopérant au niveau de la constitution d'avoué et des conclusions en l'absence de justification d'un grief.
- Sur la compétence du juge italien :
Par application de l'article 35 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat membre d'origine, sauf pour des contrats d'assurances, des contrats conclus par des consommateurs ou pour certaines compétences spéciales.
Ce n'est pas le cas en l'occurrence s'agissant d'un contrat portant sur la réalisation de travaux de rénovation immobilière par M. Y., entreprise Ligure Scavi, au profit de M. X.
L'autorité française qui constate la force exécutoire de cette décision judiciaire italienne rendue en cette matière n'est pas autorisée à vérifier la compétence du juge italien.
- Sur le caractère exécutoire de la décision judiciaire italienne :
Par application de l'article 38 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.
Pour être exécutoire en France, la décision italienne litigieuse dont s'agit doit être exécutoire en Italie selon la procédure italienne.
La décision judiciaire italienne du 9 juin 2008 a fait l'objet d'une notification à M. X., demeurant [adresse], ainsi que l'établit le document intitulé « relata di notifica » rapport de notification établi par l'officier judiciaire près le bureau unique des notifications près le tribunal de San Remo du 16 octobre 2008.
Il y est mentionné qu'un courrier recommandé avec accusé de réception a été adressé le 21 juin 2008 à M. X., à son adresse en France ci-dessus rappelée.
Cette forme de notification est conforme à l'article 14 du règlement CE du 13 novembre 2007.
A la suite de cela une attestation du caractère exécutoire en Italie a été établie le 9 mars 2009 par « Il cancelliere » le greffier en chef du tribunal de San Remo et par le juge Gianfranco ROCCOLATE qui avait rendu la décision du 16 octobre 2008.
Cette décision exécutoire en Italie pouvait valablement faire l'objet d'une déclaration de constatation de force exécutoire en France.
- Sur la fraude :
M. X. estime que la décision italienne a été obtenue de manière frauduleuse et se trouve motivée sur des éléments erronés.
En application des dispositions du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000, les décisions judiciaires exécutoires rendues dans un Etat membre sont applicables dans tout autre Etat membre et l'entité saisie pour autoriser l'exequatur n'a pas se prononcer sur le fond.
Il n'appartient pas à l'autorité judiciaire française saisie de la demande d’exequatur d'apprécier le fond du litige à propos duquel a été rendue la décision dont l'exequatur est requis.
L'acte de déclaration de constatation de force exécutoire sera confirmé.
Pour avoir contraint M. Y. à exposer des dépens et des frais irrépétibles, M. X. sera condamné aux dépens et à indemniser M. Y. en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme l'acte de déclaration de constatation de la force exécutoire en date du 21 octobre 2009 du Greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice constatant que la décision rendue le 9 juin 2008 par le tribunal de San Remo, Italie, entre M. Y. et M. X. avait force exécutoire en France,
Condamne M. X. à payer à M. Y. la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens et autorise la SCP de SAINT FERREOL et TOUBOUL, avoués, à recouvrer directement sur lui, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT