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CASS. CIV. 1re, 12 avril 2012

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 12 avril 2012
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 10-23023
Date : 12/04/2012
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. B), 20 mai 2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3886

CASS. CIV. 1re, 12 avril 2012 : pourvoi n° 10-23023

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu les articles 15, 16, 35 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles 1) ; Attendu que, pour refuser de contrôler la compétence de la juridiction de l’Etat membre d’origine, l’arrêt retient qu’en application de l’article 35 du Règlement (CE) n° 44/2001, ce contrôle ne peut être exercé « sauf pour des contrats d’assurance, des contrats conclus par des consommateurs, ou pour certaines compétences spéciales, et que ce n’est pas le cas en l’occurrence s’agissant d’un contrat portant sur la réalisation de travaux de rénovation immobilière » ;

Qu’en se déterminant par de tels motifs qui ne suffisent pas à expliquer en quoi la réalisation de ces travaux au bénéfice de M. Y. était exclusive de la reconnaissance de la qualité de consommateur de celui-ci, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 AVRIL 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 10-23023.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur Y.

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.

M. Charruault (président), président. Maître Balat, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :  

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X. qui dirige une entreprise ayant son siège en Italie, a saisi le tribunal de San Remo (Italie), par requête unilatérale, selon la procédure italienne du « ricorso per decreto ingiuntivo », d’une demande de condamnation de M. Y., domicilié en France, en paiement du solde d’une facture de travaux de rénovation de sa villa à Nice ; que la requête a été accueillie par une décision du 9 juin 2008 du tribunal de San Remo, laquelle a fait l’objet d’une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 21 juin 2008 à M. Y., à son adresse à Nice et qu’une attestation du caractère exécutoire, en Italie, de cette décision, a été établie le 9 mars 2009 par le juge et le greffier en chef du tribunal de San Remo ; que le 5 mai 2009, M. X. a déposé, devant le tribunal de grande instance de Nice, une requête aux fins de constatation de la force exécutoire, en France, de ladite décision ; que le 21 octobre 2009, le greffier en chef de ce tribunal a accueilli cette requête ; que M. Y. a formé contre cet acte un recours fondé sur l’article 43 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles 1) ;

 

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que ce moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

Mais sur le deuxième moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 15, 16, 35 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles 1) ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour refuser de contrôler la compétence de la juridiction de l’Etat membre d’origine, l’arrêt retient qu’en application de l’article 35 du Règlement (CE) n° 44/2001, ce contrôle ne peut être exercé « sauf pour des contrats d’assurance, des contrats conclus par des consommateurs, ou pour certaines compétences spéciales, et que ce n’est pas le cas en l’occurrence s’agissant d’un contrat portant sur la réalisation de travaux de rénovation immobilière » ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en se déterminant par de tels motifs qui ne suffisent pas à expliquer en quoi la réalisation de ces travaux au bénéfice de M. Y. était exclusive de la reconnaissance de la qualité de consommateur de celui-ci, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

 

Et sur le troisième moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 34 § 2, 38 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles 1) ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour rejeter le recours formé contre la décision du greffier en chef du tribunal constatant que la décision litigieuse avait force exécutoire en France, l’arrêt retient, d’abord, que cette décision avait fait l’objet d’une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 21 juin 2008 à M. Y., à son adresse en France, ainsi que l’établit le rapport de notification signé par l’officier judiciaire du tribunal de San Remo, puis, que cette forme de notification était conforme à l’article 14 du Règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007, enfin, qu’une attestation du caractère exécutoire en Italie avait été établie le 9 mars 2009 par le juge et le greffier en chef du tribunal de San Remo ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme il le lui avait été demandé, si la décision du 9 juin 2008, rendue sur la requête unilatérale de M. X., avait été notifiée à M. Y. en un temps et selon des modalités propres à lui permettre d’exercer effectivement un recours contre celle-ci, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 mai 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne M. X. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X. et le condamne à payer à M. Y. la somme de 2.500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze. 

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. Y.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté le moyen d’irrecevabilité des conclusions d’appel de Monsieur X. ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs qu’« au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile M. Y. conteste le défaut d’indication des date, lieu de naissance et du domicile effectif au niveau de la constitution d’avoué et des conclusions d’appel de M. X. ; que ce moyen est inopérant en l’absence de justification d’un grief » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors que le non-respect des prescriptions de l’article 960, alinéa 2, du code de procédure civile n’est pas sanctionné par la nullité des conclusions d’appel mais par leur irrecevabilité ; que cette irrecevabilité n’est pas subordonnée à l’exigence d’un grief ; qu’en exigeant cependant que M. Y. établisse que le défaut de mention de la date, du lieu de naissance et du domicile effectif de M. X. dans ses conclusions d’appel lui ait causé un grief pour accueillir l’irrecevabilité de ses écritures d’appel, la cour d’appel a violé l’article 961 du code de procédure civile.

 

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’acte de déclaration de constatation de la force exécutoire du 21 octobre 2009 du greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice constatant que la décision rendue le 9 juin 2008 par le tribunal de San Remo (Italie) entre M. X. et M. Y. avait force exécutoire en France ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « sur la compétence du juge italien par application de l’article 35 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l’Etat membre d’origine, sauf pour des contrats d’assurances, des contrats conclus par des consommateurs ou pour certaines compétences spéciales ; que ce n’est pas le cas en l’occurrence s’agissant d’un contrat portant sur la réalisation de travaux de rénovation immobilière par M. X., entreprise Ligure Scavi, au profit de M. Y. ; que l’autorité française qui constate la force exécutoire de cette décision judiciaire italienne rendue en cette matière n’est pas autorisée à vérifier la compétence du juge italien »

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors que la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision rendue dans un Etat membre de la Communauté européenne doit être révoquée lorsqu’il apparaît que le juge d’origine n’était pas compétent pour connaître d’un contrat conclu par un consommateur ; que pour les contrats conclus par un consommateur avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelle dans l’Etat membre sur le territoire duquel ce consommateur a son domicile et que le contrat entre dans le cadre des activités, l’action intentée par ce dernier contre le consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l’Etat membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur ; que l’article 15 du règlement (CE) n°44/2001 définit le consommateur comme la personne qui contracte « pour un usage qui peut être considéré comme étranger à son activité professionnelle » ; que pour l’appréciation de la compétence du juge d’origine, le juge requis est lié par les constatations de fait sur lesquelles le juge d’origine a fondé sa compétence ; qu’il résulte de la décision du juge de San Remo du 9 juin 2008 que la créance dont M. X., titulaire de l’entreprise de construction Ligure Scavi, se prévalait était fondée sur un marché de travaux conclu en septembre 2007 avec M. Y. portant sur la rénovation de sa maison d’habitation ; qu’en refusant de contrôler la compétence indirecte du juge italien s’agissant d’un contrat de réalisation de travaux de rénovation immobilière, cependant que les énonciations du juge italien, qui s’imposaient à elle, faisaient apparaître que le contrat litigieux avait été conclu par M. Y. pour ses besoins personnels avec M. X. qui exerce la profession d’entrepreneur de travaux publics, ce dont résultaient la compétence impérative de la juridiction française du domicile du consommateur et l’incompétence corrélative du juge italien du domicile du demandeur professionnel, la cour d’appel a méconnu les articles 15, 16, 35 et 45 du règlement du 22 décembre 2000.

 

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’acte de déclaration de constatation de la force exécutoire en date du 21 octobre 2009 du greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice constatant que la décision rendue le 9 juin 2008 par le tribunal de San Remo (Italie) entre M. X. et M. Y. avait force exécutoire en France ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « par application de l’article 38 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée ; que pour être exécutoire en France, la décision italienne litigieuse dont s’agit doit être exécutoire en Italie selon la procédure italienne ; que la décision judiciaire italienne du 9 juin 2008 a fait l’objet d’une notification à M. Y., demeurant [adresse], ainsi que l’établit le document intitulé « relata di notifica », rapport de notification établi par l’officier judiciaire près le bureau unique des notifications près le tribunal de San Remo du 16 octobre 2008 ; qu’il y est mentionné qu’un courrier recommandé avec accusé de réception a été adressé le 21 juin 2008 à M. Y., à son adresse en France ci-dessus rappelée ; que cette forme de notification est conforme à l’article 14 du règlement CE du 13 novembre 2007 ; qu’à la suite de cela une attestation du caractère exécutoire en Italie a été établie le 9 mars 2009 par « Il cancelliere » le greffier en chef du tribunal de San Remo et par le juge Gianfranco Roccolate qui avait rendu la décision du 16 octobre 2008 ; que cette décision exécutoire en Italie pouvait valablement faire l’objet d’une déclaration de constatation de force exécutoire en France » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors que selon l’article 34 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, une décision n’est pas reconnue si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire ; qu’en l’espèce M. Y. contestait avoir reçu le courrier du 21 juin 2008 provenant de la juridiction italienne lui notifiant la décision rendue le 9 juin 2008 et lui ordonnant de payer la somme principale de 51.370,00 € sauf à former opposition dans un délai de 50 jours, délai au-delà duquel le jugement serait susceptible d’exécution forcée ; qu’en confirmant la constatation de la force exécutoire de la décision du juge italien au seul motif que le rapport de notification de l’officier judiciaire italien mentionnait qu’un courrier recommandé avec accusé de réception avait été adressé le 21 juin 2008, sans constater, ainsi qu’elle y était invitée, que ce dernier avait effectivement reçu la lettre qui lui avait été adressée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 34, 38 et 45 du règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000.