TGI NICE (3e ch.), 16 décembre 1999

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 390
TGI NICE (3e ch.), 16 décembre 1999 : RG n° 97/02868 ; jugement n° 788
(sur appel CA Aix-en-Provence (15e ch. B), 24 mars 2005 : RG n° 00/05027 ; arrêt n° 190)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NICE
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 16 DÉCEMBRE 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/02868. Jugement n° 788. Par jugement de la 3ème Chambre civile en date du seize Décembre mil neuf cent quatre vingt dix neuf
COMPOSITION DU TRIBUNAL : M. BUFFONI Président, assisté de Mme PUIG, Greffier présente uniquement aux débats.
Vu les Articles 801 à 805 du Nouveau Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;
DÉBATS : À l'audience publique du 23 juin 1999, le prononcé du jugement étant fixé au 11 octobre 1999.
PRONONCÉ : À l'audience publique du 16 décembre 1999 après prorogation du délibéré, présidée par M. BUFFONI Président, assisté de Mme PUIG, Greffier.
NATURE DU JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, au fond.
[seconde page]
DEMANDEUR :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Eric DEMUN, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant, Maître Catherine PAUPORTE, avocat au barreau de NICE - CASE 460, avocat postulant.
DÉFENDERESSE :
SA ALLIANZ VIA VIE
[adresse], représentée par Maître Jacques EPINAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Maître Bernard DUPOUEY, avocat postulant.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1 – nouvelle pagination] FAITS :
M. X., footballeur professionnel à [Club], a adhéré le 12 mai 1991 au contrat d'assurance dit « plan de prévoyance famille du football », conclu entre l'association de prévoyance et d'aide du football et la compagnie ALLIANZ VIA.
Ce contrat prévoit notamment le versement d'une indemnité de 1.000 Francs par jour en cas d'incapacité temporaire de travail, ainsi que d'une indemnité en cas d'incapacité permanente partielle de plus de 10 %.
M. X., accidenté au cours d'un entraînement, le 26 août 1992, a été victime d'une entorse de la cheville droite avec élongation du tendon d'Achille.
PROCÉDURE ET POSITIONS DES PARTIES :
Par exploit de Maître A., huissier de justice à [ville], en date du 20 mars 1997, M. X. a assigné la compagnie ALLIANZ VIA VIE devant la présente juridiction pour obtenir :
- la condamnation d'ALLIANZ VIA VIE à lui payer la somme de 27.654,17 Francs, représentant les intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement des indemnités journalières du 31 mars 1993 au 10 janvier 1994, et du 13 avril 1995 au 20 octobre 1995 ;
- la condamnation d'ALLIANZ VIA VIE à lui payer la somme de 12.000 Francs, correspondant au solde de la franchise de 12 jours d'indemnités ;
- la condamnation d'ALLIANZ VIA VIE à lui payer la somme de 13.000 Francs, correspondant aux indemnités journalières du 10 janvier 1994 au 23 janvier 1994 ;
- la condamnation d'ALLIANZ VIA VIE à lui payer la somme de 180.000 Francs, correspondant à l'indemnisation de l'IPP ;
- la condamnation d'ALLIANZ VIA VIE à lui payer la somme de 342.000 Francs, correspondant à l'indemnité de perte de licence,
- la condamnation de la défenderesse aux intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation ;
- la condamnation d'ALLIANZ VIA VIE à lui payer la somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; et aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître PAUPORTE, avocat, y inclus les frais d'expertises du Dr B.
[minute page 2] En ce qui concerne l'indemnité journalière :
M. X. soutient :
- qu'il a reçu les indemnités journalières jusqu'en février 1993, date à laquelle l'assureur a suspendu arbitrairement les versements et a missionné le Dr C., aux fins d'expertise médicale concernant l'incapacité temporaire de travail, que suite à ses protestations, l'assureur a fait savoir que la régularisation se ferait à la clôture du dossier ;
- que sur le fondement du rapport non contradictoire du Dr C., qui a fixé la consolidation au 31 août 1993, l'assurance a cessé de verser les indemnités ;
- qu'après les rapports du professeur B., expert désigné par le juge des référés, à la demande de M. X., la consolidation a été admise au 31 décembre 1994 ;
- qu'après deux assignations en référé, l'assureur s'est acquitté d'une partie des sommes dues au titre des indemnités journalières pendant l'ITT ; que ces versements ont été effectués avec retard, par rapport aux obligations contractuelles (articles 9 et 9-1 de la police) ;
- qu'il doit par conséquent percevoir les intérêts moratoires sur les sommes dues, ainsi que le solde des indemnités pour les journées du 10 janvier 1994 au 23 janvier 1994 ;
- que la franchise applicable à son cas, pour les indemnités journalières, est de trois jours et non de quinze, comme le soutient l'assurance, puisqu'il a été hospitalisé en janvier 1994 pour plus de sept jours et qu'ainsi, la compagnie doit lui payer 12 jours de solde de franchise d'indemnités journalières.
En ce qui concerne l'IPP :
Le demandeur soutient que le taux d'IPP a été fixé par l'expert judiciaire à 18 %, ce qui correspond, en application de l'article 10-2 de la police, à une somme de 180.000 Francs.
Il soulève la nullité de l'exclusion soutenue par la défenderesse, en se fondant sur l'article L. 112-4 du code des assurances, qui dispose que les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractère très apparent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, selon M. X.
L'assureur invoque en effet l'article 10 de la police pour s'opposer au paiement. Cette disposition prévoit l'indemnisation de l'IPP sous réserve que le contrat ou l'adhésion à ce contrat soit en vigueur à la date de la reconnaissance de l'IPP. Or, il soutient qu'il a résilié le contrat à compter du 30 juin 1993 et que l'IPP a été reconnue le 7 novembre 1996, c'est à dire postérieurement à cette résiliation.
Subsidiairement, le demandeur indique que les parties sont liées par le contrat puisque le sinistre a été déploré alors que le contrat était en cours de validité.
[minute page 3] En ce qui concerne l'indemnité pour perte de licence :
M. X. sollicite l'application de l'article 11-1 de la police et ainsi le paiement de 1.000.000 Francs, indemnités journalières payées, soit la somme de 342.000 Francs.
Il soutient qu'à la date de l'accident, il était âgé de moins de 31 ans et qu'en conséquence, il peut prétendre à 100 % de l'indemnité.
En réponse, ALLIANZ VIA VIE conclut au débouté du demandeur tout en acceptant de payer le solde des indemnités journalières, soit 13.000 Francs.
La défenderesse conteste avoir payé avec retard les indemnités au titre de l'ITT, en soutenant qu'elle les a payés au fur et à mesure que les rapports de l'expert judiciaire précisaient la situation de M. X.
Elle conclut au rejet de la demande de paiement de 12 jours de solde de franchise en indiquant que la franchise se rapporte à l'arrêt de travail initial, alors que l'hospitalisation a eu lieu six mois plus tard. En outre, l'indemnité journalière n'est que de 500 Francs les 90 premiers jours.
Elle invoque l'exclusion de l'article 10 de la police pour refuser le paiement de l'IPP, en soulignant que le contrat était résilié à la date de la reconnaissance de l'IPP.
Elle soutient qu'en ce qui concerne l'indemnité pour perte de licence, M. X. ne peut prétendre qu'à 75% de l'indemnité de base, puisqu'il était âgé de 31 ans au moment de l'accident. La somme de 750 000 Francs est absorbée par les sommes déjà versées (791.500 Francs).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
1/ Sur le solde des indemnités journalières :
Il n'est pas contesté par les parties que la défenderesse doit payer à M. X. un reliquat d'indemnités journalières au titre de l'ITT, entre le 10 janvier 1994 et le 23 janvier 1994, soit la somme de 13.000 Francs. Il y a lieu de la condamner à payer cette somme.
2/ Sur les intérêts moratoires :
L'article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Il convient d'examiner les dispositions contractuelles afin de déterminer les obligations des parties. En l'espèce, l'article 9-1 de la police prévoit que l'indemnité est payable par mois échu, tant que l'assuré est en état d'incapacité, sans discontinuité...
M. X. justifie qu'entre le 31 mars 1993 et le 10 janvier 1994 et entre le 13 avril 1995 et le 20 octobre 1995, il se trouvait en incapacité de travail. L'assureur devait ainsi l'indemniser au mois échu, sans attendre les résultats des différentes expertises médicales.
[minute page 4] Au terme de l'article 1153 du code civil, les dommages et intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante.
Pour ce qui est des indemnités journalières du 31 mars 1993 au 10 janvier 1994, M. X. justifie avoir adressé par télécopie à l'assureur une demande de paiement des indemnités dès le 16 avril 1993, ce qui vaut sommation de payer. Les intérêts moratoires prévus à l'article 1153 du code civil commencent à courir à compter du 30 avril 1993. Avec un taux d'intérêt légal fixé à 10,40 % pour 1993 et 8,40 % pour 1994, 5,82 % pour 1995, 6,65 % pour 1996, la somme due au titre des intérêts moratoires sur cette période est fixée forfaitairement à 650 Francs, à la date de l'assignation.
Pour ce qui est de la période allant du 13 avril 1995 au 20 octobre 1995, le point de départ des intérêts au jour de l'assignation, puisque M. X. ne justifie pas avoir fait de sommation de payer antérieure. Or, à cette date, les indemnités avaient été payées. Ainsi, aucun intérêt moratoire n'est dû sur cette période.
Il y a lieu de condamner ALLIANZ VIA VIE à payer 650 Francs au titre des intérêts moratoires, au jour de l'assignation.
3/ En ce qui concerne le solde de la franchise des indemnités journalières :
L'article 9-1 de la police prévoit que la franchise est ramenée à 3 jours si l'arrêt de travail par suite d'accident à donné lieu à une hospitalisation au moins égale à sept jours. [N.B. conforme à la minute, lire sans doute « ayant donné lieu »]
Le texte ne distingue pas si l'hospitalisation a suivi immédiatement l'accident où si elle a eu lieu quelques mois après.
Il est établi par le demandeur que l'arrêt de travail a donné lieu à hospitalisation de plus de sept jours. En conséquence, la franchise doit être ramenée à trois jours. Il y a lieu de condamner l'assureur à payer à M. X. le solde de douze jours d'indemnités journalières. Si le montant de l'indemnité journalière au cours des 90 premiers jours d'arrêt de travail est de 500 Francs et non de 1.000 Francs, il y a lieu de condamner ALLIANZ VIA VIE à payer 12 indemnités journalières de 1.000 Francs, soit la somme de 12.000 Francs puisque l'assureur a déjà indemnisé 90 jours à 500 Francs.
4/ En ce qui concerne les sommes dues au titre de l'IPP :
L'article L. 112-4 du code des assurances dispose que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
En l'espèce, l'article 10 de la police, intitulé « GARANTIES EN CAS D'INVALIDITÉ PERMANENTE D'UN ASSURÉ », prévoit que « lorsque, par suite d'accident ou de maladie, l'assuré est atteint d'invalidité permanente totale ou partielle, l'assureur, sous réserve que le présent contrat ou l'adhésion au présent contrat soit en vigueur à la date de la reconnaissance, [minute page 5] lui verse tout ou partie du capital de base en fonction du degré d'invalidité déterminé selon les modalités ci-après. »
L'exclusion est intégrée au texte, sans être en caractères gras, ni en caractères différents du reste du texte. Elle n'est pas mentionnée en caractères très apparents, contrairement aux exigences de l'article L. 112-4 du code des assurances.
L'exclusion est par conséquent inapplicable. Il y a lieu de condamner l'assureur à payer à M. X. la somme de 180.000 Francs, représentant une IPP de 18 %, acceptée par les deux parties, conformément aux dispositions des articles 10 et suivants de la police.
5/ En ce qui concerne l'indemnité pour perte de licence :
L'article 11-2 de la police prévoit que l'âge pris en considération pour déterminer le capital « perte de licence », est l'âge au jour de l'accident. Il est établi, par les pièces du dossier, et notamment par les attestations de prise en charge de la sécurité sociale, que M. X. est né décembre 1961. Au moment de l'accident, il était âgé de 30 ans et 8 mois, c'est-à-dire, de moins de 31 ans. Il convient, ainsi, en application de l'article 11-2 de la police, de condamner ALLIANZ VIA VIE à lui payer 100 % du capital de base, c'est-à-dire 1.000.000 Francs, sous déduction des sommes dues au titre de l'indemnité journalière, en application de l'article 11-4 de la police, soit les sommes de 791.500 Francs déjà versées, auxquels s'ajoutent 12.000 Francs de solde de franchise et 13.000 Francs de solde d'indemnités journalières.
ALLIANZ VIA VIE doit donc payer à M. X. la somme de 183.500 Francs au titre de la perte de licence.
6/ Sur les intérêts au taux légal :
Il convient de condamner ALLIANZ VIA VIE à payer à M. X. les intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes au paiement desquelles l'assureur est condamné, à compter de la signification de l'assignation, soit le 20 mars 1997.
7/ Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande d'allouer à M. X. la somme de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner ALLIANZ VIA VIE aux entiers dépens, y compris les frais d'expertises médicales, avec distraction au profit de Maître PAUPORTE, avocat.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant en audience publique, contradictoirement et en premier ressort :
Condamne ALLIANZ à payer à M. X. la somme de 13.000 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 1997, au titre du reliquat des indemnités journalières liées à l'incapacité temporaire totale ;
Condamne ALLIANZ à payer à M. X. 650 Francs au titre des intérêts moratoires, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 1997 ;
Condamne ALLIANZ à payer à M. X. la somme de 12.000 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 1997, au titre de la franchise des indemnités journalières liées à l'incapacité temporaire totale ;
Condamne ALLIANZ à payer à M. X. la somme de 180.000 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 1997, au titre de l'invalidité permanente partielle ;
Condamne ALLIANZ à payer à M. X. la somme de 183.500 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 1997, au titre de l'indemnité pour perte de licence ;
Condamne ALLIANZ à payer à M. X. la somme de 8.000 Francs, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, y compris les frais d'expertises médicales, avec distraction au profit de Maître PAUPORTE, avocat.
Le Président Le Greffier.