CA GRENOBLE (1er pdt. - réf.), 26 septembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3961
CA GRENOBLE (1er pdt. - réf.), 26 septembre 2012 : RG n° 12/00071
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu qu'il apparaît que la condamnation à la publication d'un jugement non définitif dans deux journaux locaux et à son insertion sur la page d'accueil du site Internet de la CA Consumer Finance risque de causer cette dernière une atteinte irréversible à son image et à sa notoriété et de provoquer par la perte de clientèle qui s'ensuivrait, un préjudice financier très important ; que le préjudice serait d'autant plus inéquitable en cas d'infirmation du jugement. Qu'ainsi, l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives. Attendu qu'il convient en conséquence de faire droit la demande de suspension d'exécution provisoire sur ce chef. »
2/ « Attendu ensuite [que la société CA Consumer Finance] n'a pas évalué, même approximativement, le coût du travail requis par la suppression des clauses estimées abusives ; qu'elle n'établit donc pas que cette charge soit de nature à mettre en péril l'équilibre financier de l'entreprise ; qu'elle le prouve d'autant moins qu'elle convient que le dommage subi est celui résultant de la mise en exécution du jugement pendant la période estivale - qui est passée -, durant laquelle le personnel se trouve en état de sous-effectif. Que de même, elle n'a pas explicité les problèmes techniques et informatiques auxquels elle se trouvera confrontée en cas d'exécution du jugement. Qu'enfin, elle s'est contentée d'alléguer sans le démontrer le préjudice financier né de la suppression de la clause de cession du contrat notamment durant la période de conjoncture économique difficile ; qu'elle n'a fait aucune évaluation du coût d'une telle opération. Que dès lors, elle ne démontre pas que l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives.
Attendu qu'il convient en conséquence de débouter la société CA Consumer Finance de ce chef de demande.
Attendu en revanche qu'il y a lieu de donner acte à l'association UFC Que Choisir de l'Isère de qu'elle acceptait de laisser à la société CA Consumer France un délai supplémentaire de trois mois pour exécuter la décision de modification forcée de l'offre de contrat. ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 26 SEPTEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00071.
ENTRE :
DEMANDERESSE :
SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la société FINAREF,
représentée par la SCP GRIMAUD, avocats postulants au barreau de GRENOBLE, plaidant par Maître Elodie LARAIZE, avocat au barreau de PARIS
ET :
DÉFENDERESSE :
Association L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE - UFC 38
représentée par Maître Christian BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE
DÉBATS : A l'audience publique du 29 août 2012 tenue par Gérard MEIGNIÉ, premier président, assisté de M.A. BARTHALAY, greffier
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement le 26 SEPTEMBRE 2012 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signée par Gérard MEIGNIÉ, premier président et par M.A. BARTHALAY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La CA Consumer Finance a relevé appel d'un jugement du 28 juin 2012 du tribunal d'instance de Grenoble qui a :
- dit que la demande d'ouverture de compte Mistral k2 comporte des clauses incomplètes ou imprécises et des clauses abusives ;
- déclaré abusives 12 clauses ;
- ordonné la suppression de ces clauses dans le modèle type du contrat et ce dans un délai de un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- constaté que la CA Consumer Finance avait procédé à la suppression de plusieurs clauses en cours de procédure ;
- dit que l'usage de ces clauses sera interdit dans les stipulations contractuelles ;
- condamné la société CA Consumer Finance à verser à l'association UFC Que Choisir de l'Isère une somme de 8.000 euros au titre du préjudice collectif et une somme de 5.000 euros au titre du préjudice associatif ;
- autorisé l'association UFC Que Choisir de l'Isère à publier le jugement par extrait inventoriant les clauses écartées dans deux journaux locaux et ce aux frais du défendeur à concurrence de 500 euros par insertion ;
- ordonné la publication en tête de page d'accueil du site Internet de la société CA Consumer Finance pendant un mois du même extrait ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- condamné la société CA Consumer Finance à verser à l'association UFC Que Choisir de l'Isère 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 9 juillet 2012, la société CA Consumer Finance, soutenant que l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, a fait assigner en référé l'association UFC Que Choisir de l'Isère pour ordonner l'arrêt partiel de l'exécution provisoire en ce qu'il :
- l'a condamnée à supprimer de son offre de contrat de crédit des clauses jugées abusives ;
- a autorisé la publication du jugement.
Sur la modification du contrat de crédit sous astreinte, elle met en évidence la complexité de modifier une offre de contrat de crédit dans un délai aussi court et le fait qu'une modification du contrat de crédit actuellement distribué entraînerait la mobilisation du personnel et des moyens affectés à la rédaction et l'élaboration des autres contrats de crédit, mais aussi la destruction des liasses des autres contrats de crédit déjà imprimés et a fortiori l'impression de nouvelles liasses ; qu'elle génèrerait des coûts financiers considérables parfaitement inopportuns dans le contexte économique actuel et aurait un impact économique et organisationnel irréversible qui pourrait s'avérer inutile si la cour d'appel statuant au fond devait infirmer, même partiellement, le jugement rendu.
Sur la mesure de publication, elle allègue également les conséquences manifestement excessives en cas d'infirmation même partielle du jugement et les conséquences qui en résulteraient indirectement, dans un système concurrentiel bancaire particulièrement actif et sensible ; qu'une telle publication pourrait présenter une atteinte irréversible à son image, à sa notoriété et à celle du groupe auquel elle appartient ; qu'une éventuelle contre publication ne permettrait pas d'effacer le préjudice causé par la publication initiale.
Elle précise enfin qu'elle n'entend pas solliciter la suspension de l'exécution provisoire concernant les condamnations financières prononcées à son encontre.
Par conclusions, elle souligne notamment :
- que la décision du tribunal d'instance de Grenoble de suppression des clauses n'est pas précise en ce sens qu'elle considère illicites une clause relative à la « suspension des remboursements », alors que celle-ci n'existe pas ;
- que la modification d'une offre de contrat de crédit dans le délai très court imparti par le tribunal revêt une grande complexité ; qu'elle implique la mobilisation de nombreux services, la mise en œuvre de nombreuses réunions de travail, insusceptibles d'être organisées durant la période d'été ; que de plus les modèles d'offres de contrat de crédit étaient informatisés ; que donc leur suppression posait d'importants problèmes techniques, surtout dans le délai imparti ;
- qu'elle a toutefois mis en place une structure spéciale pour exécuter le jugement ;
- qu'il n'en demeure pas moins qu'il faudrait détruire des liasses d'offres de contrats déjà imprimés ; que cette opération générerait des coûts financiers considérables ;
- que le préjudice serait d'autant plus important en cas d'infirmation du jugement ; qu'il en était ainsi notamment en cas de suppression de la clause permettant la cession du contrat à un tiers.
À titre subsidiaire, elle a sollicité un délai de trois mois supplémentaires pour modifier l'offre de crédit.
L'association UFC Que Choisir de l'Isère a conclu au rejet de la demande ainsi qu'au paiement de la somme de 2.300 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile en faisant valoir :
- qu’interdire un abus ne pouvait avoir des conséquences excessives ;
- que la société CA Consumer Finance avait seulement un modèle type à modifier ;
- que le jugement du 28 juin 2012 n'avait pas ordonné la modification des contrats en cours ;
- que la modification d'un contrat type ne constituait pas une charge lourde tant en travail qu’en coût ;
- que la publication du jugement s'imposait dans un but d'information du consommateur ; qu'elle ne pouvait porter atteinte à la notoriété et l'image de la demanderesse.
À l'audience, l'association UFC Que Choisir de l'Isère a demandé qui lui soit donné acte de ce qu'elle acceptait de prolonger de trois mois à compter de l'ordonnance à intervenir le délai de mise exécution dudit jugement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :
- Sur les mesures financières :
Attendu que la société CA Consumer Finance n'entend pas solliciter la suspension de l'exécution provisoire concernant les condamnations financières prononcées à son encontre.
Qu'il convient de le constater.
- Sur les mesures de publication :
Attendu qu'il apparaît que la condamnation à la publication d'un jugement non définitif dans deux journaux locaux et à son insertion sur la page d'accueil du site Internet de la CA Consumer Finance risque de causer cette dernière une atteinte irréversible à son image et à sa notoriété et de provoquer par la perte de clientèle qui s'ensuivrait, un préjudice financier très important ; que le préjudice serait d'autant plus inéquitable en cas d'infirmation du jugement.
Qu'ainsi, l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives.
Attendu qu'il convient en conséquence de faire droit la demande de suspension d'exécution provisoire sur ce chef.
- Sur la modification sous astreinte du contrat :
Attendu tout d'abord que l'association UFC Que Choisir de l'Isère ne saurait invoquer un préjudice né de la décision de suppression de la clause de suspension de remboursement qui n'existe pas.
Attendu ensuite qu'elle [N.B. erreur matérielle, l’ordonnance visant ici le professionnel et non l’association] n'a pas évalué, même approximativement, le coût du travail requis par la suppression des clauses estimées abusives ; qu'elle n'établit donc pas que cette charge soit de nature à mettre en péril l'équilibre financier de l'entreprise ; qu'elle le prouve d'autant moins qu'elle convient que le dommage subi est celui résultant de la mise en exécution du jugement pendant la période estivale - qui est passée -, durant laquelle le personnel se trouve en état de sous-effectif.
Que de même, elle n'a pas explicité les problèmes techniques et informatiques auxquels elle se trouvera confrontée en cas d'exécution du jugement.
Qu'enfin, elle s'est contentée d'alléguer sans le démontrer le préjudice financier né de la suppression de la clause de cession du contrat notamment durant la période de conjoncture économique difficile ; qu'elle n'a fait aucune évaluation du coût d'une telle opération.
Que dès lors, elle ne démontre pas que l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives.
Attendu qu'il convient en conséquence de débouter la société CA Consumer Finance de ce chef de demande.
Attendu en revanche qu'il y a lieu de donner acte à l'association UFC Que Choisir de l'Isère de qu'elle acceptait de laisser à la société CA Consumer France un délai supplémentaire de trois mois pour exécuter la décision de modification forcée de l'offre de contrat.
Attendu enfin qu'en l'état de la procédure, aucune considération d'équité ne justifie la demande de l'association UFC Que Choisir de l'Isère sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Nous, Gérard Meignié, premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant en référé, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Suspendons l'exécution provisoire du jugement du 28 juin 2012 du tribunal d'instance de Grenoble en ce qu'il a ordonné la publication du jugement dans deux journaux locaux et sur le site Internet de la société CA Consumer Finance.
Déboutons la société CA Consumer Finance du surplus de ses demandes.
Donnons acte à l'association UFC Que Choisir de l'Isère de ce qu'elle accepte de laisser à la société CA Consumer Finance un délai supplémentaire de trois mois à compter de la présente ordonnance pour exécuter les dispositions de la décision relatives à la suppression de l'offre de contrat de crédit des clauses jugées abusives.
Déboutons l'association UFC Que Choisir de l'Isère de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société CA Consumer Finance aux entiers dépens.
Le greffier Le premier président
M.A. BARTHALAY G. MEIGNIÉ