CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CONSEIL D’ÉTAT (2e et 7e ch. réun.), 17 octobre 2012

Nature : Décision
Titre : CONSEIL D’ÉTAT (2e et 7e ch. réun.), 17 octobre 2012
Pays : France
Demande : 11/353576
Date : 17/10/2012
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 24/10/2011
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3988

CONSEIL D’ÉTAT (2e et 7e ch. réun.), 17 octobre 2012 : requête n° 353576 

Publication : Legifrance ; Tables Rec. Lebon

 

Extraits : 1/ « 14. Considérant, d’autre part, que les associations requérantes ne peuvent utilement se prévaloir, à l’appui du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la circulaire attaquée, des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives figurant « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs », qui ne sont pas applicables aux rapports entre les demandeurs d’asile et les gestionnaires des centres d’accueil ». »

2/ « 15. Considérant que la circulaire prévoit que le gestionnaire d’un centre doit établir avec chaque demandeur d’asile un contrat de séjour établi conformément à l’un des modèles annexés ; qu’eu égard à la particularité de la mission des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les modèles de contrat seraient illégaux faute de reprendre l’ensemble des éléments énumérés, pour la généralité des établissements sociaux et médico-sociaux, par le V de l’article D. 311 du code de l’action sociale et des familles, dès lors que certains de ces éléments sont sans objet dans le cas des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ; que l’auteur de la circulaire n’a commis aucune illégalité en s’abstenant de faire référence, dans les modèles de contrat, aux dispositions de l’article L. 111-3-1 du code qui prévoient que la demande d’admission dans un centre est réputée acceptée en l’absence de réponse du représentant de l’Etat dans un délai d’un mois ; que les associations requérantes ne peuvent, enfin, utilement se prévaloir, s’agissant de ces modèles de contrats, des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

CONSEIL D’ÉTAT

DEUXIÈME ET SEPTIÈME SOUS-SECTIONS RÉUNIES

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Requête n° 353576.

REQUÉRANTS : Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) - CIMADE

M. Jacques Arrighi de Casanova, président. Mme Stéphanie Gargoullaud, rapporteur. Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), représentée par sa présidente en exercice, dont le siège est [adresse] et par la Cimade, représentée par son président en exercice, dont le siège est [adresse] ; la FNARS et la Cimade demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire NOR IOCL1114301C du 19 août 2011 relative aux missions des centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) et aux modalités de pilotage du dispositif national d’accueil (DNA) et ses textes d’application ainsi que les relations entre les partenaires de la gestion du dispositif national d’accueil (DNA) ;

2°) d’enjoindre au ministre chargé de l’immigration d’adopter de nouvelles instructions conformes à la légalité ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, Maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur la légalité de la circulaire attaquée :

1. Considérant qu’en vertu des articles L. 348-1 et L. 348-2 du code de l’action sociale et des familles, les étrangers en possession d’un des documents de séjour mentionnés à l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile bénéficient, sur leur demande, de l’aide sociale pour être accueillis dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ; que ces centres leur assurent l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement social et administratif pendant la durée d’instruction de leur demande d’asile, jusqu’à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ; que, selon l’article L. 348-3 du même code, les décisions relatives à l’admission dans un centre d’accueil sont prises par le gestionnaire du centre avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat, qui est le préfet du département du lieu d’implantation du centre en vertu de l’article R. 348-2 du même code, l’Office français de l’immigration et de l’intégration étant, pour sa part, chargé de coordonner la gestion de l’hébergement dans les centres au moyen, notamment d’un traitement automatisé de données relatives aux capacités d’hébergement des centres d’accueil ; qu’en vertu du III de l’article L. 348-3, les personnes morales chargées de la gestion des centres sont tenues de déclarer, dans le cadre du traitement automatisé, les places disponibles à l’autorité compétente de l’Etat et à l’Office et de leur transmettre les informations, qu’elles tiennent à jour, concernant les personnes accueillies ;

 

En ce qui concerne les indicateurs de pilotage :

2. Considérant, en premier lieu, que le ministre a prévu, au point II.1 de la circulaire attaquée traitant du pilotage du dispositif national d’accueil dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, que les demandes d’accueil qui ne peuvent être satisfaites au plan départemental font l’objet d’un examen au niveau régional puis national ; qu’afin de pouvoir mettre en œuvre une péréquation nationale entre les centres, il a prescrit aux préfets, dans le but d’assurer le bon fonctionnement du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire national, de mettre à la disposition de l’administration centrale 30 % des places vacantes, sauf dans les régions Ile-de-France et Rhône-Alpes ; qu’en donnant, dans l’exercice de son autorité hiérarchique, de telles instructions aux préfets, dont l’accord est requis pour procéder à l’admission dans les centres d’accueil en vertu de l’article L. 348-3 du code de l’action sociale et des familles, le ministre chargé de l’immigration n’a pas excédé ses pouvoirs ;

3. Considérant, en second lieu, que si le ministre a également demandé aux préfets, dans la même partie de la circulaire, d’assurer un suivi permanent des indicateurs de pilotage des centres, portant notamment sur les taux d’occupation et de présence des demandeurs d’asile au-delà des périodes prévues par le code de l’action sociale et des familles, au moyen des bilans trimestriels établis par l’administration centrale et des tableaux de bord issus du traitement de données prévu à l’article L. 348-3 de ce code et s’il a fixé des indicateurs de pilotage « cibles » pour 2011, ces indicateurs sont destinés à assurer le bon fonctionnement du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile et non à fixer la tarification applicable aux centres d’accueil ; que, par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu’en retenant ces indicateurs de pilotage, la circulaire attaquée aurait adopté des indicateurs de référence prévus en matière de fixation du tarif des établissements sociaux et médico-sociaux par l’article R. 314-33-1 du code de l’action sociale et des familles, lequel charge un arrêté des ministres chargés de l’action sociale et de la sécurité sociale de les fixer ;

 

En ce qui concerne la transmission d’informations nominatives :

4. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 331-2 du code de l’action sociale et des familles qu’il doit être tenu, dans chaque établissement, un registre où sont portées les indications relatives à l’identité des personnes séjournant dans l’établissement, la date de leur entrée et celle de leur sortie et que ce registre doit être tenu en permanence à la disposition des autorités judiciaires et administratives compétentes ; qu’en vertu de l’article R. 314-157 du même code, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile doivent transmettre chaque mois la liste des personnes accueillies, entrées et sorties pendant le mois ainsi qu’une information relative au nombre de personnes qui ont fait l’objet d’une décision de refus d’accueil et aux motifs de ces refus et doivent faire connaître au préfet, sur sa demande, la liste des personnes présentes ; que la circulaire attaquée, en énonçant que le registre prévu à l’article L. 331-2 doit être tenu en permanence à la disposition des autorités judiciaires et administratives ainsi qu’une information relative aux nombres des personnes qui ont fait l’objet d’une décision de refus d’accueil et aux motifs de ces refus, s’est bornée à rappeler les termes des articles L. 331-2 et R. 314-157 et n’est pas entachée d’illégalité ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’en prévoyant que les centres d’accueil transmettent à l’autorité compétente de l’Office français de l’immigration et de l’intégration la liste des personnes admises au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire en vue d’organiser la sortie de ces personnes, de façon notamment à leur permettre de procéder à la visite médicale et les faire bénéficier du dispositif du contrat d’accueil et d’intégration, la circulaire n’a méconnu aucune disposition législative ou réglementaire applicable ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’en énonçant que les centres d’accueil informent les médecins de l’agence régionale de santé et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration des situations portées à leur connaissance susceptibles de présenter un risque de santé publique, la circulaire attaquée, qui a mis en œuvre les dispositions du code de la santé publique qui organisent la transmission d’informations aux autorités sanitaires, n’a pas eu pour objet ou pour effet de déroger aux dispositions applicables régissant le secret médical ou le secret professionnel ;

 

En ce qui concerne la convention d’objectifs et de moyens :

7. Considérant que le troisième paragraphe du point II.2.1 de la circulaire attaquée prescrit l’application des dispositions du premier alinéa de l’article 9 de la convention type annexée au décret n° 2011-861 du 20 juillet 2011, lesquelles ont été annulées par une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux, en date du 22 juin 2012 ; que, par suite, ce paragraphe de la circulaire doit être réputé caduc ; que dans ces conditions, les conclusions dirigées contre ce paragraphe sont devenues sans objet et qu’il n’y a pas lieu d’y statuer ;

 

En ce qui concerne la minoration de la dotation budgétaire :

8. Considérant qu’en vertu de l’article R. 314-52 du code de l’action sociale et des familles, l’autorité de tarification peut réformer le montant du résultat du budget d’un établissement social ou médico-social en écartant des dépenses manifestement étrangères, par leur nature ou par leur importance, à celles qui avaient été envisagées lors de la fixation du tarif et qui ne sont pas justifiées par la gestion normale de l’établissement ; qu’en invitant les préfets, après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 314-52, à « mettre en place des procédures visant à réformer d’office le montant du résultat financier annuel des centres en écartant les dépenses correspondant à l’hébergement des personnes en présence indue » et à examiner « de façon systématique l’opportunité de procéder à la minoration de la dotation budgétaire », la circulaire attaquée se borne, sans illégalité, à inviter les préfets à mettre en œuvre les dispositions de ce code, sans préjuger des décisions qui seront susceptibles d’être prises, au vu de chaque situation, par l’autorité de tarification ;

 

En ce qui concerne le retrait d’habilitation d’un centre :

9. Considérant qu’en vertu du 2° et du 5° de l’article L. 313-9 du code de l’action sociale et des familles, l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale peut être retirée, pour les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, d’une part en cas de méconnaissance d’une obligation substantielle de l’habilitation, d’autre part en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 348-1 et L. 348-2 du même code ; que selon ce dernier article, la mission des centres prend fin à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ;

10. Considérant, d’une part, que la circulaire attaquée, en prévoyant que la procédure de retrait d’habilitation devra être mise en œuvre à l’égard des centres qui « auront accepté, sans l’accord du préfet, de façon récurrente, le maintien (...) d’étrangers n’ayant plus la qualité de demandeurs d’asile » n’a pas modifié la portée des dispositions des articles L. 313-9 et L. 348-2 du code de l’action sociale et des familles ;

11. Considérant, d’autre part, que l’article L. 348-3 prévoyant l’obligation pour les centres de transmettre à l’autorité de l’Etat les informations tenues à jour concernant les personnes accueillies, la circulaire a pu, sans illégalité, estimer que l’inobservation récurrente de cette obligation était susceptible d’être regardée comme traduisant la méconnaissance d’une disposition substantielle de l’habilitation des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ;

 

En ce qui concerne le modèle de règlement de fonctionnement des centres annexé à la circulaire :

12. Considérant que figure en annexe à la circulaire un modèle de règlement de fonctionnement des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, dont les clauses doivent, ainsi que l’indique la circulaire, être reprises par le règlement de chaque centre tout en pouvant être complétées par le gestionnaire des centres ;

13. Considérant, d’une part, que si les associations requérantes soutiennent que le modèle annexé à la circulaire ne comporterait pas l’ensemble des éléments qui doivent figurer dans le règlement de chaque établissement en vertu des dispositions du code de l’action sociale et des familles, notamment ses articles R. 311-35 et R. 311-37, cette circonstance n’est, en tout état de cause, pas de nature à rendre illégale la circulaire, qui se borne à énumérer les clauses devant obligatoirement figurer dans les règlements sans interdire aux gestionnaires des centres de les compléter ;

14. Considérant, d’autre part, que les associations requérantes ne peuvent utilement se prévaloir, à l’appui du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la circulaire attaquée, des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives figurant « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs », qui ne sont pas applicables aux rapports entre les demandeurs d’asile et les gestionnaires des centres d’accueil ;

 

En ce qui concerne les modèles de contrats de séjour annexés à la circulaire :

15. Considérant que la circulaire prévoit que le gestionnaire d’un centre doit établir avec chaque demandeur d’asile un contrat de séjour établi conformément à l’un des modèles annexés ; qu’eu égard à la particularité de la mission des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les modèles de contrat seraient illégaux faute de reprendre l’ensemble des éléments énumérés, pour la généralité des établissements sociaux et médico-sociaux, par le V de l’article D. 311 du code de l’action sociale et des familles, dès lors que certains de ces éléments sont sans objet dans le cas des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ; que l’auteur de la circulaire n’a commis aucune illégalité en s’abstenant de faire référence, dans les modèles de contrat, aux dispositions de l’article L. 111-3-1 du code qui prévoient que la demande d’admission dans un centre est réputée acceptée en l’absence de réponse du représentant de l’Etat dans un délai d’un mois ; que les associations requérantes ne peuvent, enfin, utilement se prévaloir, s’agissant de ces modèles de contrats, des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ;

16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de la circulaire attaquée ;

 

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme demandée par les associations requérantes au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l’annulation du troisième paragraphe du point II. 2.1 de la circulaire du 19 août 2011 relative aux missions des centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) et aux modalités de pilotage du dispositif national d’accueil (DNA).

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale et de la Cimade est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, à la Cimade et au ministre de l’intérieur.