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5846 - Code de la consommation - Domaine d’application - Légalité des actes réglementaires - Principe du contrôle

Nature : Synthèse
Titre : 5846 - Code de la consommation - Domaine d’application - Légalité des actes réglementaires - Principe du contrôle
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5846 (19 janvier 2024)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

DOMAINE D’APPLICATION - LÉGALITÉ DES ACTES RÉGLEMENTAIRES

PRINCIPE DU CONTRÔLE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2024)

 

Présentation. Selon le considérant n° 13 de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993, le contrôle du caractère abusif ne peut s’exercer sur les dispositions qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parties. Directive 93/13/CEE : Cerclab n° 3854. § La directive en tire une conséquence assez logique, même si elle est formulée davantage sous la forme d’une recommandation que d’une norme contraignante : les États membres doivent veiller à ce que des clauses abusives ne figurent pas dans leur législation, notamment parce que la présente directive s'applique également aux activités professionnelles à caractère public (considérant n° 14).

Les juridictions administratives, notamment le Conseil d’État, semblent avoir pris acte de ce souhait en acceptant de contrôler le contenu de certains actes de nature réglementaire au regard de la prohibition des clauses abusives (A). Ce contrôle de légalité présente certains particularismes (B) et il ne s’étend pas à tous les actes administratifs (C).

A. AFFIRMATION DU CONTRÔLE DE LA LÉGALITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS AU REGARD DE LA PROHIBITION DES CLAUSES ABUSIVES

Approvisionnement en eau. * Juridictions administratives. Application de la réglementation des clauses abusives aux textes réglementaires régissant l’approvisionnement en eau : une clause d’un règlement du service de distribution d’eau qui présente le caractère d’une clause abusive, au sens de l’art. 35 de la loi du 10 janvier 1978, est illégale dès son adoption. CE, 11 juillet 2001 : req. n° 221458 ; Rec. CE ; Cerclab n° 3057 ; JCP 2001. I. 370, n° 1 s., obs. Sauphanor-Brouillaud ; Resp. civ. et assur. 2002, n° 2, note Guettier ; Gaz. Pal. 22-23 février 2002, note Sylvestre ; RTD civ. 2001. 878, obs. Mestre et Fages ; RTD com. 2002. 51, obs. Orsoni ; RFD adm. 2001. 1124. - Amar, D. 2001. Chron. 2810 ; Contrats conc. consom. 2002. Chron. 2. § V. aussi : CE (3e et 8e ch.), 29 juin 2019 : req. n° 425935 ; Rec. Lebon (tables) ; Cerclab n° 7879 (règlement du service des eaux ; absence de caractère abusif de la clause imposant la pose d’un compteur général dans une copropriété), rejetant le pourvoi contre TA Nice, 30 octobre 2018 : req. n° 1802327 ; Dnd. § V. déjà dans le même sens, implicitement : CE (3e ch. 5e sect.), 29 juin 1994 : req. n° 128313 ; Cerclab n° 3217 (« les stipulations précitées ne peuvent, en tout état de cause, constituer des clauses qui seraient de nature à conférer un avantage excessif au fermier et que le conseil municipal n’aurait pu légalement approuver »), rejetant le recours contre TA Dijon, 16 juillet 1991 ; Dnd.

Dans le même sens pour les juridictions administratives du fond : TA Amiens (1re ch.), 13 octobre 2008 : req. n° 08/02015 ; Cerclab n° 1643 ; Juris-Data n° 2008-006666 (règlement du service des eaux), sur question préjudicielle de TGI Saint-Quentin, 20 mars 2008 : Dnd - TA Nice (1re ch.), 28 avril 2006 : req. n° 0202584 ; Cerclab n° 3065 ; Juris-Data n° 2006-300017 (règlement du service des eaux) - CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : req. n° 03NT00250 ; Cerclab n° 2883 (règlement du service des eaux), sur appel de TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : req. n° 99-1674 ; Cerclab n° 3066 - CAA Douai (2e ch.), 22 octobre 2019 : req. n° 17DA02130 ; Cerclab n° 8136 (absence de caractère abusif d’une clause d’un règlement de service des eaux, repris par le contrat d’abonnement), sur appel de TA Amiens, 15 septembre 2017 : req. n° 1501031 ; Dnd. § Rappr. sous l’angle de protection de la liberté contractuelle : CAA Paris (4e ch.), 17 mars 2009 : req. n° 07PA01173 ; Cerclab n° 3346 (règlement d’une concession de fourniture de chaleur), sur appel de TA Paris, 16 janvier 2007 : req. n° 0113200/6-1 ; Dnd - TA Grenoble (1re ch.), 29 juillet 2022 : req. n° 1905463 ; jugt n° 43338 ; Cerclab n° 9741 (analyse d’une clause d’un règlement de service des eaux, à l’occasion de la contestation du refus de la communauté de communes d’en supprimer une clause jugée abusive selon le requérant, la contestation directe du règlement n’étant plus possible plus de deux mois après sa publication) - TA Saint-Martin (2e ch.), 30 novembre 2023 : req. n° 2300108 ; Cerclab n° 10637 (examen d’une question préjudicielle).

Pour la prise en compte des particularités des recours administratifs, dans le cadre d’une demande d’annulation de la décision de rejet d’une réclamation gracieuse tendant à ce que soient modifiées les clauses réglementaires illégales et abusives du règlement d'abonnement au service d'eau potable annexé au contrat d'affermage du service de distribution de l'eau potable : la décision d’une commune refusant d'abroger ou de modifier des dispositions réglementaires, en l’espèce un règlement d'abonnement au service d'eau potable annexé au contrat d'affermage du service de distribution de l'eau potable, doit elle-même être regardée comme ayant un caractère réglementaire, n’ayant par suite pas à être motivée. TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : précité (décision formellement régulière, même si le maire a estimé devoir au préalable consulter sur cette demande le fermier du service des eaux et a joint à sa décision copie de la réponse de ce dernier, circonstance ne démontrant pas que le maire se serait considéré à tort comme lié par cet avis), sur appel CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : précité.

* Commission des clauses abusives. La Commission des clauses abusives, dans deux recommandations consacrées aux fournitures d’eau a examiné sa compétence, dans un sens extensif, tout en faisant une distinction entre les dispositions contractuelles « classiques » et celles s’appuyant sur des dispositions réglementaires pour lesquelles la Commission s’est appuyée sur l’art. 38 alinéa 2 de la loi du 10 janvier 1978 disposant que « la commission établit chaque année un rapport de son activité et propose éventuellement les modifications législatives ou réglementaires qui lui paraissent souhaitables ».

Pour la recommandation n° 85-01 : le service public de distribution d'eau est à la charge des communes qui assurent ce service public industriel et commercial sous la forme de régie directe, de régie intéressée, de gérance, de concession ou d'affermage. Quel que soit le mode juridique de distribution, les relations entre l'usager et le service chargé de la distribution d'eau résultent d'un contrat d'abonnement appelé « règlement du service d'eau ». Ce contrat se trouve, du fait de sa nature même, soumis, en ce qui concerne l'ensemble de ses stipulations, au régime du droit privé. Les clauses de ces règlements du service d'eau peuvent faire l'objet de recommandations de la part de la Commission des clauses abusives. Dans l'hypothèse où certaines des clauses insérées dans le règlement du service d'eau ne feraient que reprendre une disposition de nature réglementaire insérée dans un cahier type de concession (V. décret n° 47-1554 du 13 août 1947) ou d'affermage (V. décret du 17 mars 1980) régissant les relations entre la commune et le service des eaux, il appartient à la Commission des clauses abusives, après avoir formulé sa recommandation de proposer, conformément à l'art. 38 de la loi précitée, les modifications réglementaires qui lui paraissent souhaitables. Recomm. n° 85-01 : Cerclab n° 2176 (considérants 1 et 2).

Dans sa recommandation n° 01-01, la Commission a fait évoluer sa position, pour tenir compte des lois de décentralisation qui, en posant le principe de libre administration des collectivités locales, ont eu pour conséquence d’autoriser les collectivités locales à adopter leur « règlement » de service des eaux, quel qu’en soit le mode d’exploitation (régie directe ou délégation), sans être tenues de reprendre, comme par le passé, des dispositions prévues par des décrets relatifs à des cahiers des charges type pour l’exploitation par affermage ou concession du service de distribution. Selon la Commission, le document habituellement appelé « règlement du service de distribution d’eau », et destiné à être remis aux consommateurs lors de la demande d’abonnement, fait partie intégrante du contrat d’abonnement dont il constitue des conditions générales. Dès lors, la suppression de toutes les clauses présentant un caractère abusif dans de tels documents peut être directement recommandée, en application de l’art. L. 132-4 du Code de la consommation, sans qu’il soit nécessaire désormais de proposer la modification de décrets. Recomm. n° 01-01 : Cerclab n° 2195 (considérant n° 1). § N.B. L’ancien art. L. 132-4 C. consom. a été transféré à l’ancien art. L. 534-3 C. consom., puis à l’art. L. 822-6 C. consom. par l’ordonnance du 14 mars 2016.

* Juridictions judiciaires. Le règlement de service en matière de distribution d'eau potable est l'acte pris par la commune ou la collectivité en charge du service public de distribution d'eau, en application de l'article L. 2224-12 CGCT ; si ce règlement entre dans le champ contractuel et s'impose aux parties du fait même du contrat d'abonnement, il n'en reste pas moins que ce règlement constitue un acte administratif dont il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier le caractère abusif de tout ou partie de ses clauses. CA Caen (1re ch. civ.), 25 juin 2019 : RG n° 16/02716 ; Cerclab n° 7776 (le tribunal a statué sur un moyen ne relevant pas de la compétence des juridictions judiciaires en violation de l’art. 49 CPC), infirmant TGI Coutances, 28 avril 2016 : RG n° 14/00133 : Dnd. § V. aussi : CA Toulouse (1re ch. sect. 1), 3 mai 2021 : RG n° 19/01091 ; Cerclab n° 8935 (fourniture d’eau ; inopposabilité d’une clause du règlement qui impose une charge disproportionnée et est impossible à mettre en œuvre en mettant à la charge de l’abonné l’entretien du réseau sous le domaine public), sur appel de TGI Saint-Gaudens, 8 février 2019 : RG n° 17/00508 ; Dnd.

Normes Afnor. Par sa nature de norme, l'art. 22.2.1 de la norme Afnor NFP 03-001 échappe au domaine d'application des dispositions de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. relatives aux clauses abusives. CA Versailles (14e ch.), 13 novembre 2013 : RG n° 12/08848 ; Cerclab n° 4578 ; Juris-Data n° 2013-026127 (contrat faisant référence à la norme prévoyant la résiliation de plein droit d’un contrat de louage d’ouvrage en cas de décès, sauf accord librement donné par l’entrepreneur de continuer le contrat avec les héritiers), sur appel de TGI Nanterre (réf.), 27 novembre 2012 : RG n° 12/02254 ; Dnd. § En sens contraire : CA Montpellier (1re ch. B), 5 juin 2013 : RG n° 11/08733 ; Cerclab n° 4521 ; Juris-Data n° 2013-024275 (déménagement ; élimination d’une clause qualifiée d’abusive par une recommandation, peu important que le contrat soit inspiré de la norme Afnor X50-811-1), sur appel de TI Perpignan, 12 décembre 2011 : RG n° 11-11-000116 ; Dnd

N.B. 1 Les normes Afnor soulèvent plusieurs problèmes. Le premier concerne celui de la nature juridique de la clause du contrat résultant d’une référence à cette norme. Les décisions recensées semblent estimer qu’il s’agit d’une véritable clause, compte tenu du fait qu’une telle norme n’est applicable que si les parties s’y sont référéees volontairement (contrairement à un contenu réglementaire qui s’imposerait même en l’absence de manifestation de volonté des contractants). Dans ce cas, le fait qu’il s’agisse d’une « norme » soulève la question de savoir si celle-ci peut servir de référence empêchant le juge d’en examiner le caractère abusif : une réponse négative paraît s’imposer dès lors qu’il ne s’agit pas d’une norme impérative. En tout état de cause, même en adoptant une position opposée, le contenu de ces normes pourrait être contrôlé par les juridictions administratives, y compris après saisine par une question préjudicielle (qui n’est pas abordée par les décisions précitées). § V. plus généralement, Cerclab n° 5846.

N.B. 2 En tout état de cause, la question du contrôle ne se pose que si les parties ont entendu se référer à ces normes Afnor. V. par exemple : cassation pour dénaturation de l’arrêt estimant, pour juger que la norme Afnor NF P 03 001 s'applique aux relations entre les parties en ses dispositions relatives aux délais de vérification et de notification du décompte général définitif, retient que les parties ont entendu, à l'article 4 du cahier des clauses générales, s’y référer, alors que l'article 4.2 du cahier des clauses générales stipule que « ne sont pas applicables au marché les normes NF P 03 001 et, plus généralement, celles établissant un cahier des clauses générales ou des dispositions contraires au présent CCG. Cass. civ. 3e, 4 mars 2021 : pourvoi n° 19-16952 ; arrêt n° 233 ; Cerclab n° 8842, cassant CA Versailles (4e ch.), 25 mars 2019 RG n° 17/04328 ; Cerclab n° 7725.

Décisions de l’ARJEL. Les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation, en l’espèce l’ARJEL (Autorité de régulation des jeux en ligne), dans l'exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu'ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ; ces actes peuvent également faire l'objet d'un tel recours lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent ; dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité de régulation. CE (5e et 6e réun.), 24 mars 2021,: req n° 431786 ; Rec Lebon (tables) ; Cerclab n° 8870 (contrôle opéré en l’espèce au regard des dispositions du Code de la consommation sur les clauses abusives et les pratiques commerciales déloyales). § Sur les limites du contrôle, V. ci-dessous.

Pari mutuel (PMU). V. pour une décision excluant l’application de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom., en raison de la nature du contrat du contrat de pari PMU - solution au demeurant erronée - et non sur le fait que les conditions générales de ce contrat résultent d’un arrêté fixant le règlement du jeu. CA Bastia (ch. civ.), 16 février 2004 : RG n° 02/00308 ; arrêt n° 133 ; Cerclab n° 863 ; Juris-Data n° 2004-268377, sur appel de TGI Bastia (2e ch. civ.), 7 juin 2001 : RG n° 99/02162 ; Cerclab n° 862 (problème non abordé).

Manutention portuaire. Cassation pour manque de base légale de l’arrêt admettant la responsabilité d’une commune, pour les dommages causés à un navire en réparation, au titre d’une obligation de résultat et de sécurité concernant la stabilité du bateau, en écartant la clause d’exclusion de responsabilité, figurant dans le règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause litigieuse ne présentait pas un caractère réglementaire, de sorte que les juridictions judiciaires ne pouvaient en apprécier la légalité et que dans l'hypothèse d'une difficulté sérieuse et en l'absence d'une jurisprudence établie, il lui appartenait de saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle. Cass. civ. 1re, 1er juin 2022 : pourvoi n° 21-13021 ; arrêt n° 447 ; Cerclab n° 10630, cassant CA Montpellier (4e ch. civ.), 13 janvier 2021 : RG n° 17/05036 ; Dnd et sur renvoi CA Aix-en-Provence (ch. 3-1), 14 décembre 2023 : RG n° 22/10736 ; arrêt n° 2023/192 ; Cerclab n° 10619 (question préjudicielle sollicitée ; N.B. le navire était celui d’un marin pêcheur professionnel), sur appel de TGI Montpellier, 5 septembre 2017 : Dnd.

Transport : contrats-type (LOTI). Possibilité de contrôler le caractère abusif des dispositions des contrats-types approuvés par décret en application de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 (dite loi LOTI). CE (10e et 9e sous-sect. réun.), 6 juillet 2005 : req. n° 261991 ; Cerclab n° 3349 (rejet de la demande d’annulation des art. 21 et 22 de décret du 6 avril 1999).

Rappr. : si le contrat type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat, tel n’est pas le cas de l’ancien L. 442-6-I-5° [L. 442-1-II] C. com., qui instaure une responsabilité de nature délictuelle. Cass. com., 23 septembre 2014 : pourvoi n° 12-27387 ; Cerclab n° 4947 (la cour d’appel en a justement déduit que la question préjudicielle formée à ce titre n’était pas sérieuse), rejetant le pourvoi contre CA Versailles, 13 septembre 2012 : Dnd§ Après avoir rappelé que le principe d’égalité n’interdit pas que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes, l’arrêt, après avoir relevé que le décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 approuve le contrat type issu des négociations conduites par les organisations professionnelles concernées et le Conseil national des transports, en déduit à juste titre que les règles ainsi instituées, qui s’appliquent à la situation particulière des sous-traitants de transports publics routiers de marchandises, ne caractérisent pas une rupture d’égalité, de sorte que la question préjudicielle soulevée sur ce fondement n’est pas sérieuse. Cass. com., 23 septembre 2014 : pourvoi n° 12-27387 ; Cerclab n° 4947, rejetant le pourvoi contre CA Versailles, 13 septembre 2012 : Dnd

Transport : « tarif » SNCF. V. pour la Commission des clauses abusives : les clauses insérées par les transporteurs professionnels dans les contrats de transport de voyageurs entrent dans le champ d'application de la loi du 10 janvier 1978. Recomm. n° 84-02 : Cerclab n° 2175 (contrats de transport terrestres de voyageurs ; considérant n° 1 ; recommandation ne distinguant pas selon la nature du transport, routier ou ferroviaire et évoquant les « tarifs » spécifiques au transport ferroviaire de voyageurs). § Examen du caractère abusif de l’art. 55 A alinéa 1er du tarif général des voyageurs par lequel la SNCF s’exonére en cas de vol des bagages à mains. TI Paris (9e arrdt), 23 avril 1992 : RG n° 1754/91 ; jugt n° 1134/92 ; Cerclab n° 435 (caractère abusif admis), infirmé par CA Paris (8e ch. A), 23 novembre 1993 : RG n° 92/21697 ; Cerclab n° 1298 (caractère abusif examiné mais rejeté).

En sens contraire : la réglementation relative aux clauses abusives n’est pas applicable aux dispositions des tarifs voyageurs SNCF qui constituent un acte administratif réglementaire, à caractère général et impersonnel, visant à aménager, dans le cadre d'une situation d'ensemble, les droits et obligations d'un nombre indéterminé de personnes. CA Riom (ch. com.), 16 mai 2012 : RG n° 11/01399 ; arrêt n° 255 ; Cerclab n° 4504 (arrêt confortant l’application des tarifs par le fait qu’en tout état de cause, la contestation relèverait du juge administratif et que les dispositions critiquées ne sont pas abusives), sur appel de TI Clermont-Ferrand, 20 avril 2011 : Dnd.

B. RÉGIME DU CONTRÔLE

Application dans le temps. Le contrôle de la légalité des actes réglementaires soulève un problème spécifique d’application dans le temps, compte tenu de leur applicabilité permanente jusqu’à leur abrogation, alors que l’instauration d’un contrôle des clauses abusives peut leur être postérieur (V. Cerclab n° 5813).

Limites de la saisine des juridictions administratives : caractère éventuellement professionnel du contrat. Il incombe au juge administratif, dès lors qu’il est lui-même compétent pour en connaître, de répondre à la question préjudicielle posée par le juge judiciaire, sans que puisse être discutée devant lui la question de l’applicabilité de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. CE (3e ch. 8e sect.), 30 décembre 2015 : req. n° 387666 ; Rec. Lebon (tables) ; Cerclab n° 5460 (motif répondant sans doute à la contestation de la qualité de professionnel de l’abonné, une société de production et distribution de café), réformant TA Marseille, 16 décembre 2014 : req. n° 1103577 ; Dnd, sur demande de T. com. Marseille, 21 avril 2010 : RG n° 2008F02130 et n° 2008F02334 ; Dnd.

Limites de la saisine des juridictions administratives : non usage d’une simple faculté. S'il est loisible à une autorité administrative de prendre, ainsi qu'y a procédé le collège de l'autorité par l'acte attaqué, un acte à caractère général visant à faire connaître l'interprétation qu'elle retient de l'état du droit, elle n'est jamais tenue de le faire ; par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la délibération litigieuse serait illégale, faute de s'être prononcée sur l'application aux paris en ligne des dispositions de l’art. R. 212-3 C. consom. relatives aux clauses qui sont, de manière irréfragable, réputées abusives. CE (5e et 6e réun.), 24 mars 2021 : req n° 431786 ; Rec Lebon (tables) ; Cerclab n° 8870.

Limites de la saisine des juridictions administratives : respect de la question préjudicielle transmise par la juridiction judiciaire. En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l'instance judiciaire. TA Saint-Martin (2e ch.), 30 novembre 2023 : req. n° 2300108 ; Cerclab n° 10637 (conséquence : respect strict de la question préjudicielle portant sur le « caractère abusif des clauses du règlement du service de l'eau du 23 mars 2006 au sens du code de la consommation » et irrecevabilité du moyen soutenant l’inapplicabilité de ce règlement ou visant une responsabilité extracontractuelle).

Estoppel. Ne contrevient pas au principe de l’estoppel le fait, pour la capitainerie d’un port, de soulever une exception d’incompétence devant le tribunal administratif, s'agissant de l'entier litige, et de soutenir devant la juridiction judiciaire un moyen réclamant une question préjudicielle, nécessairement limitée à un point de débat, en l’occurrence le caractère abusif de certaines dispositions du règlement de fonctionnement du port. CA Aix-en-Provence (ch. 3-1), 14 décembre 2023 : RG n° 22/10736 ; arrêt n° 2023/192 ; Cerclab n° 10619.

Nature de la sanction. Dans un contrat, les clauses abusives sont réputées non écrites. En revanche, dans le cadre d’un contrôle de légalité, la mesure prise par les juridictions administratives est l’annulation de la disposition contestée (V. Cerclab n° 5735 et n° 5736). Certaines décisions enjoignent même aux personnes publiques une mise en conformité de l’acte. V. par exemple : il n'appartient pas au tribunal d'annuler directement les clauses litigieuses du contrat-type d'abonnement devenu définitif. TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : req. n° 99-1674 ; Cerclab n° 3066 (décision enjoignant à la commune de modifier son règlement dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement).

Portée de l’annulation. Un acte illégal ne devient inapplicable qu'à partir de sa déclaration d'illégalité par le juge administratif ; un contrat d'affermage pour la distribution d’eau potable déclaré illégal ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet de priver la société fermière de bonne foi de son droit à conserver, à titre d'indemnités, les redevances perçues sur les abonnés calculées sur la base du contrat imparfait. TI Aubenas, 15 juin 2001 : Dnd (contrat signé le 16 mars 1982 ; illégalité constatée par le TA de Lyon le 31 mai 2000 ; litige concernant l'exécution du contrat d'abonnement pour la période d'avril 1993 à septembre 1995 ; contestation du mode de tarification par une association d’usagers devant la juridiction administrative ; N.B. le jugement est ambigu, puisqu’il évoque l’absence d’effet rétroactif de la déclaration d’illégalité, tout en considérant que la conservation des redevances se fait à titre d’indemnité), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 30 juin 2004 : pourvoi n° 02-10393 et n° 02-10394 ; arrêt n° 1133 ; Bull. civ. I, n° 197 ; Cerclab n° 2007 (un tribunal d’instance juge, à bon droit, que la déclaration d’illégalité du contrat d’affermage et de ses avenants n’a aucune incidence sur le litige qui a pour objet l’exécution du contrat d’abonnement, contrat de droit privé juridiquement distinct).

Comp. pour le Conseil d’État : dès lors qu’une clause d’un règlement du service de distribution d’eau présente le caractère d’une clause abusive, au sens de l’art. 35 de la loi du 10 janvier 1978, elle est illégale dès son adoption. CE, 11 juillet 2001 : req. n° 221458 ; Cerclab n° 3057 ; précité.

C. LIMITES DU CONTRÔLE

Impossibilité de contrôler une disposition mettant en œuvre une disposition législative. La juridiction administrative est tenue de se prononcer sur les questions préjudicielles qui lui sont renvoyées par l'autorité judiciaire, sauf au cas où elle serait elle-même incompétente pour connaître de la question préjudicielle soumise à son examen. CE (2e et 7e sect. réun.), 24 mars 2004 : req. n° 255317 ; Cerclab n° 3348. § Ainsi, le Conseil d'État n'est pas compétent pour connaître d’une question préjudicielle concernant un texte de nature législative. CE (2e et 7e sect. réun.), 24 mars 2004 : précité (art. L. 8 C. post. télécom. fixant le montant maximum des indemnités susceptibles d’être allouées).

Impossibilité de contrôler une délibération d’un conseil municipal : cantines scolaires. V. pour l’hypothèse, la demande étant rejetée pour d’autres raisons, la contestation - assez surprenante - par un administré de la délibération d’un conseil municipal décidant d’instaurer un menu végétarien hebdomadaire pour tous, au-delà de l'option végétarienne quotidienne, dans le menu des restaurants scolaires de la ville, aux motifs qu’elle rendrait obligatoire ce que la loi ne fait que proposer, qu’elle porterait atteinte à la liberté de choix et à la vie privée des élèves et qu’elle constituerait « une clause abusive car elle crée[rait] un déséquilibre significatif entre consommateur et fournisseur ». CAA Toulouse, 12 mai 2023 : req. n° 22TL21814 ; Cerclab n° 10186, sur appel de TA Montpellier, 14 juin 2022 : RG n° 2005308 ; Dnd.

Accueil de demandeurs d’asile. Les dispositions de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. relatives aux clauses abusives figurant « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs », ne sont pas applicables aux rapports entre les demandeurs d’asile et les gestionnaires des centres d’accueil ». CE (2e et 7e ss. sect. réun.), 17 octobre 2012 : req. n° 353576 ; tabl. Lebon ; Cerclab n° 3988 (solution également applicable aux modèles de contrats de séjour annexés à la circulaire).

Manutention portuaire. Absence d’application de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. à une clause de non responsabilité d’un contrat de manutention dans un port de plaisance conclu entre la régie gérant le port et l’usager du service public industriel et commercial, dès lors le règlement de police dont est issu le contrat est un acte administratif unilatéral réglementaire qui s’impose à tous les usagers du port. CA Montpellier (1re ch. B), 4 septembre 2001 : RG n° 99/01529 ; arrêt n° 3470 ; Cerclab n° 935 ; Juris-Data n° 2001-170748, infirmant TGI Narbonne, 8 octobre 1998 : RG n° 97/180 ; jugt n° 1452/98 ; Cerclab n° 388 (jugement estimant que le consommateur est usager d'un service public industriel et commercial, géré par la régie du Port de la Commune et que son action en responsabilité, à la suite de la chute de son bateau alors que celui-ci était stationné dans la zone, ne met pas en cause l'aménagement, l'entretien du port ou la police des accès qui relèvent du service public administratif ; clause jugée abusive).

Comp. dans le cadre de l’art. 1171 C. civ. : le grand port maritime est un établissement public de l'État (anc. art. L 101-2 C. ports maritimes, devenu l’art. L. 5312-1 C. transp.) ; son règlement d'exploitation qualifie l'utilisateur des installations de client (notamment le préambule de l'article 2 - Pôle de réparation et de construction navale et l'article 2.1.3 relatif aux « responsabilités générales des clients ») et emploie le terme de facturation (notamment l'article 2.2.4.3 et l'article 2.2.16.1 relatif à « la facturation de l'occupation de l'aire de carénage dès le lendemain de la levée du navire ») ; il en résulte que le GPMLR est un établissement public à caractère industriel et commercial et que ses relations avec ses « clients » relèvent du droit privé ; dès lors, si le règlement d'exploitation du GPMLR est de nature administrative, en ce qu'il définit les droits et obligations du port et du client, il a, dans leurs relations, une nature contractuelle. CA Poitiers (1re ch. civ.), 16 mars 2021 : RG n° 19/01194 ; Cerclab n° 8856 (arrêt estimant significatif que le port n’ait soulevé aucune exception d'incompétence de la juridiction judiciaire), sur appel de T. com. La Rochelle, 18 janvier 2019 : Dnd.

Occupation du domaine public. Les autorisations d’occupation du domaine public dont bénéficient les forains à l’occasion de la foire de Noël de Cannes constituent des permis de stationnement accordés par décisions unilatérales du maire en vertu de ses pouvoirs de police du domaine public, de nature réglementaire et non contractuelle, pour lesquelles il ne peut être soutenu qu’une des dispositions de l’arrêté serait contraire aux dispositions de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. CAA Marseille (5e ch.), 28 juin 2004 : req. n° 02MA00349 ; Cerclab n° 3345, confirmant TA Nice, 4 décembre 2001 : req. n° 96/159 ; Dnd. § Rappr. l’exclusion de l’anvien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. pour le contrat de location d’un emplacement du domaine public conclu avec la SNCF par Novatrans pour son activité de ferroutage, en raison de son caractère professionnel. CA Douai (3e ch.), 23 novembre 1995 : RG n° 93/06124 ; Cerclab n° 1691 (critère de la compétence), sur appel de TGI Lille, 19 février 1993 : Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 17 mars 1998 : pourvoi n° 96-11942 ; arrêt n° 535 ; Cerclab n° 2060 (problème non abordé ; rejet « brévissime » fondé sur une mauvaise formulation du moyen qui vise deux textes, les art. 1382 et L. 132-1 ancien [212-1 nouveau], qui n’étaient pas ceux appliqués par la cour d’appel).

La location d'un emplacement dans un port ne répond pas à la notion de service public industriel et commercial, dès lors que les plaisanciers ne payent pas un prix en contrepartie d'un service, mais une redevance pour occupation du domaine public. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 23 octobre 2014 : RG n° 11/14550 ; arrêt n° 2014/508 ; Cerclab n° 4979 ; Juris-Data n° 2014-028732 (incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur l’action en responsabilité du propriétaire d’un bateau endommagé par un feu d’artifice contre la commune l’ayant organisé et son assureur ; examen, en revanche, de l’action contre la communauté de commune, concédante de l’emplacement, dès lors que celle-ci n’a pas soulevé l’exception d’incompétence in limine litis ; clause jugée non abusive), sur appel de TI Toulon, 30 juin 2011 : RG n° 11/09/2496 ; Dnd.

Comp. sans indication explicite du fondement du caractère abusif : n’est ni abusive, ni léonine la clause d’un contrat de concession d’emplacement dans une gare précisant que l’occupant ne peut entamer les travaux de construction, de modification, d’aménagement et de décoration de l’emplacement concédé qu’après consentement préalable et écrit de la société, filiale de la SNCF, chargée de la commercialisation et de la gestion des emplacements commerciaux en gare, qui se réserve le droit d’en contrôler la réalisation. CAA Paris (1re ch.), 31 juillet 2012 : req. n° 11PA03379 ; Cerclab n° 3989, sur appel de TA Paris, 24 mai 2011 : req. n° 1004566/3-3 ; Dnd.

Redevance de stationnement. La redevance d’utilisation du domaine public, légalement fixée par le maire dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’art. L. 2213-6 C. gén. collect. territ., échappe au Code de la consommation et ne s’impose qu’au seul usager désireux d’utiliser l’aire de stationnement réglementée qui est ainsi tenu de se conformer aux modalités établies par l’autorité publique. Cass. crim., 23 janvier 2013 : pourvoi n° 12-84164 ; Cerclab n° 4291 (stationnement automobile ; validité du système mis en place à Paris d’un paiement obligatoire de la redevance au moyen d’une carte prépayée), rejetant le pourvoi contre Jur. proxim. pol. Paris, 13 mars 2012 : Dnd.