TI HAZEBROUCK (ch. civ.), 16 septembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 4125
TI HAZEBROUCK (ch. civ.), 16 septembre 2009 : RG n° 08/00054 ; jugt n° 09/00053
(sur appel CA Douai (1re ch. sect. 1), 15 novembre 2010 : RG n° 09/07267)
Extrait : « Attendu que l'EARL du T. A. développe un premier moyen de nullité en ce sens que le vendeur professionnel n'aurait pas respecté son devoir de conseil et d'information à l'endroit de l'acquéreur profane en matière de fabrication de glaces, ce qui caractériserait aux dires du défendeur une rétention dolosive viciant son consentement à la date de la signature du bon de commande ; […] ; Qu'il est constant que la fabrication en question utilise entre autres le lait que l'EARL produit de sorte que c'est à raison que la société Glace de la ferme peut y voir à la fois une extension de l'activité courante de l'EARL et une diversification de ses activités, l'élément sensible d'un point de vue de santé publique que constitue le lait et les règles strictes gouvernant sa conservation faisant de cette personne morale un professionnel de cette denrée, et l'activité de production de glace à partir de ce lait une activité connexe sans qu'il soit concevable de considérer l'acquéreur comme profane, ce que serait au contraire à coup sûr un producteur céréalier ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’HAZEBROUCK
CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 21 SEPTEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/00054. Jugement n° 09/00053.
DEMANDERESSE :
SOCIETE MRM BV GLACE DE LA FERME
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité [adresse] représentée par la SCP DEBAISIEUX-LATOUR et BELVAL, avocat au barreau d'HAZEBROUCK, et par la SCP THOMAS- HERBECQ & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDERESSE :
EARL DU T. A.,
prise en la personne de ses représentants légaux Messieurs X. et Y. domiciliés en cette qualité [adresse] représentée par Maître Hugues FEBVAY, avocat au barreau d'Hazebrouck.
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ : Benoît PETY, Vice-Président du Tribunal de Grande Instance d'Hazebrouck statuant en Juge Unique conformément aux articles 801 et suivants du Code de Procédure Civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Corinne WILLAEY, Adjoint Administratif Principal faisant fonctions de Greffier
DÉBATS : A l'audience du 15 juin 2009 devant Monsieur Benoît PETY, Magistrat,
DÉLIBÉRÉ : le prononcé du jugement a été fixé au 21 septembre 2009.
JUGEMENT : CONTRADICTOIRE, en premier ressort, prononcé publiquement le 21 septembre 2009 par Benoît PETY, Président du Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui a signé la minute avec Corinne WILLAEY, Adjoint Administratif Principal faisant fonctions de Greffier.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 1er juin 2009
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Exposé du litige :
Par exploit du 21 décembre 2007, la société MRM BV Glace de la Ferme a fait assigner l'EARL du T. A. devant le tribunal de grande instance d'Hazebrouck aux fins de voir cette juridiction :
- Condamner cette personne morale à lui verser les sommes de:
* 82.024,07 euros majorée des intérêts conventionnels au taux de 1 % par mois à compter du 12 novembre 2007,
* 12.303,61 euros au titre de la pénalité conventionnelle de retard,
* 15.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- Dire que ces sommes produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter du 22 novembre 2007,
- Ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamner l'EARL du T. A. à payer à la société requérante la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, sans préjudice des entiers dépens de l'instance.
En l'état de ses dernières écritures par lesquelles elles réitère ses demandes initiales, la société Glace de la Ferme expose qu'en lien avec son activité de fabrication et de vente de machines à glaces, elle a proposé courant mai 2007 aux co-gérants de l'EARL du T. A., Messieurs X et Y, de participer à une présentation commerciale de ses machines, réunion qui s'est tenue le 30 mai 2007 chez la famille Z , agriculteurs exploitant déjà le concept des glaces de la ferme. Ils ont par la suite reçu la visite d'un commercial et, le 7 juin 2007, une machine à glaces « Natureis 60 » a été vendue à l'EARL moyennant le prix de 68.582 euros HT, la livraison de la machine étant fixée au 25 août 2007, le paiement du prix devant intervenir un jour avant la livraison.
A la demande des gérants de l'EARL, la livraison de la machine a été reportée à deux reprises, la date finalement retenue étant le 5 novembre 2007. La société Glace de la Ferme était rendue destinataire le 19 octobre 2007 d'une télécopie du Crédit Mutuel d'Hazebrouck refusant tout financement à l'EARL pour la réalisation de son projet d'acquisition de la machine en question.
[minute page 3] Devant le refus de l'EARL de prendre livraison de celle-ci, la société Glace de la Ferme mettait en demeure le 22 novembre 2007 l'EARL d'avoir à lui régler la somme de 82.024,07 euros dans le délai de dix jours, en vain. C'est ainsi qu'elle prenait l'initiative d'engager la présente action en justice.
La société requérante fait d'abord valoir que le bon de commande signé le 7 juin 2007 par les deux parties traduit leur volonté de s'accorder sur la chose et le prix. Le bien vendu était clairement défini au même titre que le prix de vente, la date de livraison et celle du règlement. La vente était donc ferme et définitive, aucune condition suspensive n'ayant été mentionnée au contrat. Par deux télécopies du 11 juin 2007, l'EARL du T. A. confirmait qu'elle n'avait contracté aucune condition suspensive et qu'elle renonçait à toute condition de ce type.
Il ne saurait être question dans l'esprit de la personne morale demanderesse d'annuler la vente qui est parfaite. Les arguments développés par l'EARL à cette fin n'ont pas cessé d'être modifiés et certains sont même abandonnés à ce jour.
Relativement à l'argument de la rétention dolosive d'informations de la part du vendeur, la société Glace de la Ferme maintient que l'EARL n'a pas été démarchée et elle ne peut être considérée de surcroît comme un consommateur profane. L'EARL est une société agricole professionnelle dont l'activité consiste dans la production et la vente de produits laitiers. La fabrication de glaces a forcément un rapport au moins connexe avec cette activité principale laitière.
En conséquence, la société Glace de la Ferme n'était tenue à l'égard de l'EARL d'aucune obligation d'information précontractuelle. En toute hypothèse, la signature du contrat querellé ne s'est pas faite immédiatement. Il y a d'abord eu une prospection téléphonique avec invitation à participer à une réunion d'information chez un agriculteur de la région. Une seconde prise de contacts par [téléphone] a ensuite eu lieu 48 heures après cette démonstration et les co-gérants ont confirmé leur intention de rencontrer un commercial de la société qui s'est déplacé au siège de l'EARL le 7 juin 2007 et a conclu avec eux le contrat écrit après un échange de renseignements.
La société Glace de la Ferme a repris contacts avec l'EARL le 11 juin 2007 pour avoir confirmation de ce qu'aucune condition suspensive n'avait été prise au titre d'un concours bancaire pour financer l'opération. Il lui était alors confirmé qu'aucune condition de ce type n'avait être convenue. Les appels du 2 juillet 2007 n'avaient pas pour objet d'annuler la vente de la machine mais simplement d'en [minute page 4] reporter la livraison. L'EARL connaissait donc parfaitement ses engagements lorsqu'elle les a souscrits de même que les investissements impliqués par la production envisagée conformément au concept. Il n'y a pas de démarchage à domicile à retenir, le Code de la consommation ne l'envisageant d'ailleurs pas entre deux professionnels d'une même activité ou d'activités connexes.
Pour ce qui est de l'absence de cause alléguée et de l'exclusivité géographique, la société Glace de la Ferme rappelle que par cause, on entend la contrepartie attendue et reçue par chaque partie. En l'occurrence, la contrepartie du paiement du prix est la livraison de la machine et la fourniture d'une liste de points de vente potentiels pour faciliter le développement commercial. Si l'EARL avait réglé le prix, elle aurait reçu une liste de prospects pour faciliter le démarrage de son activité. Le contrat à ce titre est bien régulier et parfaitement causé.
Par ailleurs, si l'EARL voit dans les documents commerciaux produits aux débats la justification d'une exclusivité commerciale, il doit être rappelé qu'il s'agit là de documents publicitaires sans aucune valeur contractuelle, seuls le bon émanant de la société requérante et contresigné par l'EARL ainsi que les conditions générales de vente constituant les deux seuls documents contractuels. Et aucun de ces documents ne mentionne une quelconque clause d'exclusivité à la charge de l'une ou l'autre des parties ni aucun territoire exclusif concédé par une partie à l'autre. Toute cette argumentation développée par l'EARL démontre sa particulière mauvaise foi, laquelle ne saurait pour autant l'exonérer de ses obligations.
En outre, I'EARL a confirmé à deux reprises l'absence de tout concours bancaire et il est donc incompréhensible qu'elle prétende aujourd'hui y faire appel pour tenter d'obtenir l'annulation du contrat. Par ailleurs, aucune mention n'est prévue dans le contrat quant à l'aménagement des locaux techniques pour l'exploitation de la machine.
En défense, l'EARL du T. A. sollicite de la juridiction qu'elle :
- Dise que la société Glace de la Ferme n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil, et notamment dans sa partie précontractuelle,
- Dise que ceci constitue une réticence dolosive viciant son consentement,
- [minute page 5] En conséquence, dise nul et de nul effet le contrat du 7 juin 2007 et déboute la société requérante de toutes ses prétentions,
A titre subsidiaire, dise qu'il y a absence de cause à l'obligation de contracter prise par la personne morale défenderesse, cette obligation ne pouvant donc avoir aucun effet,
- Déboute la société Glace de la Ferme de toutes ses demandes,
- Plus subsidiairement encore, dise que la société requérante n'a pas respecté ses obligations précontractuelles et contractuelles et prononce la résolution du contrat conformément aux dispositions des articles 1183, 1184 et suivants du Code civil,
- Déboute en conséquence la partie requérante de toutes ses demandes,
- A titre infiniment subsidiaire, constate la nullité du contrat de vente compte tenu du refus de financement de l'opération globale portant sur la création des locaux et l'acquisition de la machine et déboute la partie requérante de toutes ses demandes,
- Pour le cas où, par extraordinaire, la juridiction estimerait qu'il n'y a pas lieu à annulation ou résolution du contrat, réduise le préjudice invoqué à de plus justes proportions et correspondant au préjudice réel prétendument subi par la société Glace de la Ferme,
- Dise en ce cas n'y avoir lieu à application en la cause d'une clause pénale et, à tout le moins, la réduise à l'euro symbolique,
- Déboute la société requérante de sa demande de dommages et intérêts complémentaires au titre d'un prétendu préjudice économique,
- Reconventionnellement, condamne la société MRM Glace de la ferme à payer à la partie défenderesse une somme de 2.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- La condamne en outre à verser à l'EARL du T. A. une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, sans préjudice des entiers frais et dépens de l'instance.
La personne morale défenderesse énonce qu'elle exploite une affaire familiale de moyenne superficie et produisant du lait. Elle a reçu la visite d'un commercial de la société Glace de la Ferme sans même avoir sollicité cette venue, un bon de commande ayant été signé dès ce premier contact pour le prix d'achat d'une machine de 82.024,07 euros TTC. Autant dire que cette signature est intervenue sans qu'aucune information véritable n’ait été donnée par la société de démarchage à sa cocontractante, notamment sur la question de l'exclusivité. Le classeur d'informations pour l'essentiel en langue allemande n'a été transmis que le 2 juillet 2007, soit bien après la signature du bon de commande. L'EARL a de surcroît contacté son banquier afin de financer l'opération, ce que le Crédit Mutuel d'Hazebrouck a en l'occurrence refusé de faire.
[minute page 6] Par ailleurs, sans information probante sur la question de l'exclusivité géographique, l'EARL a signifié à la société hollandaise son intention de voir annuler purement et simplement la livraison de la machine, ce qu'apparemment le vendeur refuse catégoriquement.
L'EARL rappelle dans un premier temps que la société Glace de la Ferme, en tant que vendeur professionnel s'adressant qui plus est à un acquéreur profane, doit respecter son obligation précontractuelle d'information et de conseil. La société du T. A. produit certes du lait mais elle n'est aucunement un professionnel de la production de glaces, ce qu'elle n'a jamais fait. La société vendeuse ne lui a jamais précisé les réglementations applicables à la production de denrées alimentaires, notamment au regard des quotas de vente directe de produits laitiers frais, de l'investissement requis, des conditions de mise en œuvre notamment pour la création de locaux adaptés (ce qui majore considérablement le coût de l'opération) ou encore au titre de l'exclusivité territoriale accordée.
Dans ce contexte, l'EARL défenderesse considère qu'elle n'a aucunement pu émettre un consentement éclairé lors de la signature du bon de commande, la partie vendant la machine se livrant manifestement à une rétention d'informations capitales sans s'informer au surplus des besoins réels du candidat acquéreur ni des contraintes techniques de la chose vendue ou de son aptitude à atteindre le but recherché, ce qui doit conduire à annuler la vente.
Par ailleurs, l'EARL défenderesse développe que la cause du contrat de vente de cette machine à fabriquer des glaces réside notamment dans le mobile déterminant qui doit conduire l'acquéreur à prendre engagement. En cela, il n'a jamais été question pour l'EARL du T. A. de se reconvertir en producteur de glaces. Par ailleurs, les éléments relatifs à la zone d'exclusivité géographique sont particulièrement obscurs. Les exploitations voisines ont également été démarchées par la société Glace de la Ferme alors que le bon avec l'EARL du T. A. avait été signé. L'exclusivité promise mais aucunement garantie par le vendeur constitue bien une cause objective du contrat. Si cette exclusivité géographique doit être transformée en la remise d'une liste de points de vente et de clients potentiels, il y a là aux yeux de la partie défenderesse une véritable tromperie qui doit être sanctionnée.
Par ailleurs, l'EARL tient à préciser que s'il est exact que le bon de commande ne faisait aucunement référence à un quelconque concours bancaire en vue de l'achat de la machine, il était inconcevable qu'elle se passe d'une aide au financement pour l'ensemble du projet, aménagement d'un local de production [minute page 7] compris comme il était suggéré par le classeur reçu postérieurement à la signature du bon de commande. Il est constant que ce local doit respecter des règles d'hygiène strictes, ce qui engendre un surcoût qui n'était pas envisagé au départ puisque les gérants de l'EARL envisageaient dans un premier temps d'installer la machine à glace dans leur salle de traitement de lait. Il est ainsi apparu que, sans cette création de local spécifique, la production de glace n'était plus envisageable et l'acquisition d'une machine à cet effet parfaitement inutile.
A supposer par extraordinaire que son obligation envers la société hollandaise soit valide et qu'il n'y ait pas matière à annulation, il importerait d'analyser le préjudice allégué par le vendeur. En cela, il incombe à la société Glace de la Ferme d'établir qu'elle a fabriqué elle-même ou acquis une machine à fabriquer de la glace et que, le cas échéant, elle n'est pas parvenue à la vendre à un autre client. En toute hypothèse, la pénalité de 15 % s'avère excessive au même titre que les intérêts de 1 % par mois. Quant au préjudice économique distinct auquel la partie adverse fait référence, force est de constater qu'aucun élément n'est à ce sujet établi, la société Glace de la Ferme ne pouvant sérieusement prétendre à un quelconque contrat d'approvisionnement exclusif au titre des matières premières.
Reconventionnellement, l'EARL défenderesse entend voir sanctionner le comportement particulièrement agressif de la société requérante à l'égard d'une petite exploitation laitière, confrontée à de difficultés économiques dans un contexte de réglementation draconienne des quotas laitiers et de tassement des prix. L'opération préconisée par la société requérante présente un coût qui ne saurait être chiffré à moins de 115.000 euros TTC, qui plus est pour une production envisagée dont la rentabilité n'est aucunement garantie, et donc avec le risque pour l'EARL de disposer d'une machine en tant que telle invendable.
Aussi, la partie défenderesse entend voir sanctionner l'action de la société adverse qu'elle qualifie d'abusive et de vexatoire, sans préjudice de l'indemnisation de ses frais irrépétible
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 8] Motifs du jugement :
- Sur la nullité alléguée du contrat de vente de la machine à glace :
Attendu que l'EARL du T. A. développe un premier moyen de nullité en ce sens que le vendeur professionnel n'aurait pas respecté son devoir de conseil et d'information à l'endroit de l'acquéreur profane en matière de fabrication de glaces, ce qui caractériserait aux dires du défendeur une rétention dolosive viciant son consentement à la date de la signature du bon de commande ;
Attendu qu'il résulte de la lecture des pièces respectives des parties que les documents portant leurs signatures s'apparentent au bon de commande signé le 7 juin 2007 et aux conditions générales de vente jointes à ce bon, documents qui décrivent la machine à fabriquer la crème glacée, les branchements électriques et d'eau, le type de courant électrique utile, le prix HT de la machine, la date de livraison, les conditions de paiement, les instances que l'acquéreur doit contacter pour être autorisé à préparer la crème glacée avec du lait cru ainsi que les coordonnées respectives des parties avec leurs signatures, outre les conditions générales de vente et de livraison ;
Qu'il est constant que la fabrication en question utilise entre autres le lait que l'EARL produit de sorte que c'est à raison que la société Glace de la ferme peut y voir à la fois une extension de l'activité courante de l'EARL et une diversification de ses activités, l'élément sensible d'un point de vue de santé publique que constitue le lait et les règles strictes gouvernant sa conservation faisant de cette personne morale un professionnel de cette denrée, et l'activité de production de glace à partir de ce lait une activité connexe sans qu'il soit concevable de considérer l'acquéreur comme profane, ce que serait au contraire à coup sûr un producteur céréalier ;
Qu'en conséquence, il ne peut être exigé par l'EARL défenderesse l'application en la cause de toute la réglementation relative à la protection de l'acquéreur profane ayant affaire à un vendeur professionnel, l'obligation précontractuelle d'information et de conseil ou la réglementation particulière sur le démarchage n'étant en cela d'aucun secours pour l'EARL ;
Qu'il sera d'ailleurs rappelé à titre complémentaire que si le bon de commande porte la date non contestée du 7 juin 2007, les premiers contacts pris entre les [minute page 9] parties, certes à l'initiative de la société Glace de la Ferme, remontent à courant mai 2007 et il n'a pas été réfuté par les consorts X et Y qu'ils ont été conviés le 30 mai 2007 à une démonstration à Killem par le représentant du vendeur, réunion d'information à laquelle ils se sont rendus, le représentant de la société hollandaise ayant repris contact avec l'EARL du T. A. deux jours plus tard, la signature du bon intervenant donc plusieurs jours encore après ;
Qu'il est difficile dans ce contexte de lire dans les développements de la partie défenderesse que son consentement aurait été surpris au point qu'il aurait été vicié, les gérants de cette personne morale n'ayant dans cette perspective pas clairement saisi la portée de leur engagement ;
Attendu qu'il faut encore préciser à ce titre que si la production de glaces dans les conditions décrites suppose un minimum de locaux adaptés, outre la circonstance que ce point a forcément dû être abordé lors de la démonstration à Killem le 30 mai 2007, force est de constater qu'un plan annexé au bon de commande a bien été dressé par le représentant, ce qui signifie que les co-gérants de l'EARL savaient pertinemment que des travaux étaient utiles pour aménager les conditions d'exploitation de la machine en question, ce qui écartait immanquablement la perspective d'une exploitation dans la salle de production de lait ;
Qu'en conséquence, la circonstance que le banquier de l'EARL ait ultérieurement refusé tout concours au financement de leur projet est indifférente dès lors que la nécessité d'un tel concours n'a pas donné lieu de la part des acquéreurs à la négociation d'une condition suspensive, aucune clause de ce type n'apparaissant au bon de commande ;
Qu'il faut croire que les consorts X et Y, qui confirmaient le 11 juin 2007 par écrit l'absence de tout concours bancaire, n'avaient alors pas estimé utile nonobstant les informations reçues de recourir à un tel financement, circonstance qui ne peut sérieusement être reprochée aujourd'hui à la société requérante ;
Attendu, sur le moyen de nullité tiré de l'absence de cause du contrat, que c'est à bon droit que la société Glace de la ferme a entendu faire le constat de ce qu'après lui avoir fait le reproche de ne pas respecter ses engagements d'exclusivité, l'EARL du T. A. vient désormais lui faire le grief de ce que cette exclusivité ne serait pas comprise dans le champ contractuel ;
Que, pour autant, la cause du contrat de vente s'apparente en l'espèce à la contrepartie que l'EARL pouvait espérer obtenir du paiement du prix, à savoir [minute page 10] la livraison d'une machine dans la perspective d'une exploitation rentable au titre de laquelle le vendeur s'est engagé à titre commercial à faciliter la manifestation par la diffusion d'une liste de sites de vente et de clients potentiels, aucune obligation du vendeur n'ayant été libellée dans les pièces contractuelles au titre d'une quelconque exclusivité géographique par laquelle le vendeur s'interdirait tout démarchage dans un rayon de 20 kilomètres autour du domicile de l'acquéreur ;
Qu'à tout le moins, un tel engagement d'exclusivité constituerait une modalité de garantie de la rentabilité de l'opération, point qui ne peut juridiquement être présumé à la seule lecture de la documentation publicitaire transmise après coup à l'acquéreur ;
Qu'en outre, la circonstance que l'acquéreur ne puisse apparemment accroître sa production de lait est indifférente au vendeur dès lors que le contrat mentionne explicitement que c'est l'acquéreur qui doit faire son affaire des autorisations données par les instances compétentes pour la préparation de crème glacée avec du lait cru, à supposer d'ailleurs qu'une telle augmentation de sa production de lait par l'EARL soit justifiée, ladite exploitation pouvant consacrer à sa nouvelle activité partie de sa production laitière actuelle ;
Qu'en définitive, aucun des moyens de nullité du contrat de vente soulevés par l'EARL ne saurait être déclaré bien-fondé, la partie défenderesse devant être déboutée de ses prétentions à ce titre ;
- Sur la demande en résolution du contrat de vente :
Attendu qu'au vu de ce qui précède, il n'est aucunement démontré de la part de la société Glace de la ferme une quelconque méconnaissance de ses propres obligations à l'égard de l'acquéreur de sorte que c'est à bon droit que le vendeur entend voir condamner l'EARL au paiement du prix de la machine litigieuse, ce qui implique la livraison de celle-ci le lendemain du versement de son prix ;
Qu'il importera en outre de condamner l'EARL au paiement des intérêts conventionnels sur le prix, soit au taux de 1 % par mois à compter de la mise en demeure de payer du 22 novembre 2007 jusqu'à parfait paiement ;
[minute page 11] Que ces intérêts produiront eux-mêmes des intérêts dès lors qu'ils seront échus pour une année entière comme le prévoient les dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
- Sur la demande en paiement de la clause pénale :
Attendu que les conditions générales de vente fixent explicitement une indemnité de 15 % du principal dû en cas de défaut de paiement du prix, ce que la partie requérante qualifie dans ses propres écritures d'« indemnité de retard » mais qu'il importe de réduire à un euro compte tenu de son caractère manifestement excessif tiré de son cumul avec les précédents intérêts dont le taux conventionnel est particulièrement élevé (12 % l'an depuis novembre 2007) ;
Qu'il faut donc constater que le retard de paiement par le débiteur de sa dette est déjà amplement compensé par ce calcul d'intérêts, ce qui justifie la réduction judiciaire telle que susvisée en application des dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du Code civil ;
- Sur l'indemnisation du préjudice économique du vendeur :
Attendu que s'il est exact qu'aux termes du contrat, l'acquéreur s'engage à s'approvisionner auprès du vendeur en produits additionnels à l'exception du lait, des crèmes et autres produits fournis par l'EARL, une telle obligation n'apparaît pas établie pour ce qui est de la fourniture des étiquettes ou logos bien que l'appellation « Glace de la Ferme » doive figurer sur tous les produits ;
Qu'en cela, en communiquant la tarification de toutes ses denrées ainsi que de sa documentation publicitaire ou encore de tous autres matériels pouvant être utiles à la chaîne de fabrication, et en y joignant une estimation moyenne rédigée par ses soins, la société requérante ne justifie pas utilement de son préjudice économique en lien avec le comportement de l'EARL dont nul ne connaît par définition le niveau espéré d'activité ;
Qu'ainsi, le montant de chiffre d'affaires de 1.400 euros par mois et par client avancé par la société requérante est forcément théorique et ne peut étayer l'indemnisation d'un préjudice particulier dont le montant demeure en l'état des seuls éléments transmis indéterminable ;
- Sur l'exécution provisoire :
Attendu que le caractère particulièrement contesté de ses obligations par l'EARL défenderesse ne saurait justifier malgré l'ancienneté relative du litige le prononcé de l'exécution provisoire, le présent jugement devant acquérir un caractère définitif avant toute exécution ;
- Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il serait en l'état de la cause inéquitable de laisser à la charge exclusive de la société requérante les frais qu'elle a dû engager pour les besoins de la cause et qui ne sont pas compris dans les dépens, ce qui suggère de faire application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile mais à concurrence d'une somme qui ne saurait excéder 2.500 euros, ce qui tient compte des frais inhérents à l'incident de mise en état ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
- Condamne l'EARL du T. A. à payer à la société MRM BV Glace de la Ferme la somme de 82.024,07 (quatre-vingt-deux mille vingt-quatre euros et sept centimes) euros correspondant au prix TTC de la machine Natureis 60, avec intérêts au taux de 1 % par mois à compter du 22 novembre 2007 jusqu'à parfait paiement ;
- La condamne en outre à verser à la société MRM B. Glace de la Ferme 1 (un) euro à titre de clause pénale outre une indemnité de 2.500 (deux mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- [minute page 13] La condamne enfin en tous les frais et dépens de l'instance ;
- Rappelle que les intérêts produits par les précédentes sommes donnent lieu à capitalisation de plein droit dès lors qu'ils seront échus pour une année au moins ;
- Dit que la société MRM BV Glace de la Ferme devra procéder à la livraison de la machine susmentionnée le lendemain du versement effectif de son prix ;
- Déboute pour le surplus des demandes, tant principales que reconventionnelles.
Le Greffier Le Président