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CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 15 novembre 2010

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 15 novembre 2010
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 09/07267
Date : 15/11/2010
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/10/2009
Décision antérieure : TI HAZEBROUCK (ch. civ.), 16 septembre 2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2661

CA DOUAI (1re ch. 1re sect.), 15 novembre 2010 : RG n° 09/07267

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article L. 121-22 du Code de la consommation énonce que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 réglementant la vente par démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Le contrat de vente a été souscrit par la société du TIR ANGLAIS en sa qualité de professionnelle et dans un but professionnel puisqu'il s'agissait de diversifier les ressources tirées de l'exploitation agricole. »

2/ « Le manquement à une obligation précontractuelle d'information suffit à caractériser le dol par réticence à condition que s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci. En ne révélant que postérieurement à la signature du contrat des éléments substantiels d'information, à savoir la nécessité d'aménager un local technique dont le coût allait s'ajouter à celui de l'acquisition de la machine elle-même, les conditions dans lesquelles les glaces étaient susceptibles d'être commercialisées et les indications précises relatives aux prix de revient et aux prix de vente, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a intentionnellement dissimulé à la société du TIR ANGLAIS des informations en sa possession, qui étaient indispensables pour que cette société soit renseignée de manière complète sur l'ampleur des investissements à réaliser au regard de la rentabilité escomptée. Le manquement intentionnel du vendeur à son obligation d'information a entraîné pour la société du TIR ANGLAIS une erreur déterminante quant au coût global de l'opération dans laquelle elle s'est engagée en signant le contrat, de sorte que la preuve de la réticence dolosive commise par la société MRM BV GLACE DE LA FERME est rapportée. Il convient en conséquence de prononcer la nullité du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/07267. Jugement R.G. n° 08/00054 rendu le 21 septembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de HAZEBROUCK.

 

APPELANTE :

EARL DU TIR ANGLAIS

ayant son siège social [...], représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour, assistée de Maître Hugues FEBVAY, avocat au barreau de DUNKERQUE

 

INTIMÉE :

Société MRM BV GLACE DE LA FERME

ayant son siège social [...], représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, assisté Maître GUILLEMINOT, avocat substituant Maître Philippe HERBECQ, avocat au Barreau de PARIS

 

DÉBATS à l'audience publique du 23 septembre 2010 tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile ). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 juin 2010

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par bon de commande en date du 7 juin 2007, l'EARL du TIR ANGLAIS a acquis auprès de la société de droit néerlandais MRM BV GLACE DE LA FERME une machine à fabriquer des glaces, moyennant le prix de 82.024,07 euros TTC.

La livraison a été fixée au 25 août 2007.

Le 19 octobre 2007, la société du TIR ANGLAIS a informé la société MRM BV GLACE DE LA FERME de ce qu'elle entendait annuler le contrat.

Après avoir informé la société du TIR ANGLAIS de ce qu'elle n'acceptait pas cette demande d'annulation, la société MRM BV GLACE DE LA FERME l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'HAZEBROUCK, par acte d'huissier en date du 21 décembre 2007, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 82.024,07 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 1 % par mois à compter du 12 novembre 2007, ainsi que la somme de 12.303,61 euros au titre de la pénalité conventionnelle de retard, et celle de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement en date du 21 septembre 2009, le tribunal a :

- condamné l'EARL du TIR ANGLAIS à payer à la société MRM BV GLACE DE LA FERME la somme de 82.024,07 euros correspondant au prix TTC de la machine Natureis 60, avec intérêts au taux de 1 % par mois à compter du 22 novembre 2007 jusqu'à parfait paiement

- condamné celle-ci à verser en outre à la société MRM BV GLACE DE LA FERME la somme d'un euro à titre de clause pénale, outre une indemnité de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure pénale

- condamné la société du TIR ANGLAIS aux dépens

- rappelé que les intérêts produits par les précédentes sommes donnent lieu à capitalisation de plein droit dès lors qu'ils seront échus pour une année au moins

- dit que la société MRM BV GLACE DE LA FERME devra procéder à la livraison de la machine susmentionnée le lendemain du versement effectif de son prix

- débouté pour le surplus des demandes tant principales que reconventionnelles.

L'EARL du TIR ANGLAIS a interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour le 13 octobre 2009.

Dans ses conclusions en date du 4 mai 2010, elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement

- de dire que la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil, notamment dans sa partie précontractuelle

- de dire que ce non-respect constitue une réticence dolosive ayant vicié son consentement

- en conséquence, de dire nul et de nul effet le contrat du 7 juin 2007 et de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de l'ensemble de ses demandes

- à titre subsidiaire, de dire qu'il y a absence de cause à son obligation de contracter et qu'en conséquence, l'obligation ne peut avoir aucun effet

- en toute hypothèse, de constater que le contrat invoqué par la société MRM BV GLACE DE LA FERME contient un engagement d'approvisionnement exclusif sans limitation de durée, ni détermination du prix, emportant nullité du contrat

- de débouter en conséquence la société MRM BV GLACE DE LA FERME de l'ensemble de ses demandes

- plus subsidiairement, de dire que la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'a pas respecté ses obligations précontractuelles et contractuelles et d'ordonner, conformément aux dispositions des articles 1183, 1184 et suivants du Code civil, la résolution du contrat

- en conséquence, de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de ses demandes

- bien plus subsidiairement, de constater la nullité du contrat de vente du 7 juin 2007, compte-tenu du refus de financement bancaire de l'opération globale portant sur la création des locaux et le financement de la machine

- en conséquence, de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de ses demandes

- à titre reconventionnel, de condamner la société MRM BV GLACE DE LA FERME au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire

- de condamner cette société au paiement d'une somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société du TIR ANGLAIS fait valoir que la société MRM BV GLACE DE LA FERME, en tant que vendeur professionnel, n'a pas respecté son obligation de renseignements et ne lui a communiqué aucune information avant de lui faire signer le bon de commande, notamment en ce qui concerne les réglementations applicables, au regard des quotas de ventes directes de produits laitiers frais, de la création de locaux adaptés ou de l'exclusivité territoriale accordée.

Elle explique que le montant de l'investissement proposé, déjà très élevé, supposait d'y ajouter le coût de l'aménagement de locaux spécifiques, soit un investissement total d'environ 160.000 euros, ce qu'elle n’a découvert que postérieurement.

Elle indique que la société MRM BV GLACE DE LA FERME reconnaît elle-même n'avoir transmis le classeur d'information que le 2 juillet 2007, soit un mois après la signature du bon de commande, que ce classeur ne contenait aucune précision sur l'exclusivité territoriale dont elle devait bénéficier.

Elle soutient que, dans ces conditions, elle ne pouvait fournir un consentement éclairé et valable.

Elle fait observer qu'il s'agissait pour elle de mettre en place une activité nouvelle qu'elle n'avait jamais pratiquée, soumise à des normes contraignantes, qu'elle doit ainsi être considérée comme profane en la matière, qu'à supposer qu'elle ne le soit pas, le vendeur professionnel n'est pas dispensé d'un devoir d'information et de conseil au profit de l'acquéreur.

Elle précise qu'aucun plan d'aménagement du local n'a été annexé au bon de commande, que ce plan ne lui a été adressé qu'ultérieurement.

La société du TIR ANGLAIS invoque ensuite les dispositions de l’article 1131 du Code civil, en exposant qu'elle n'a jamais eu l'intention de se reconvertir dans la fabrication des glaces, qu'elle a simplement reçu la visite d'un démarcheur à domicile de la société MRM BV GLACE DE LA FERME et signé au cours de ce rendez-vous le bon de commande, qu'il s'agissait de trouver un revenu complémentaire pour pallier les difficultés liées à la baisse des prix des produits laitiers, que ce n'est que postérieurement à cette signature qu'elle s'est aperçue qu'il faudrait en outre effectuer un investissement supplémentaire très élevé d'aménagement de locaux, qu'ainsi, la rentabilité d'un tel investissement était très incertaine, qu'aucune précision ne lui a été donnée quant à l'exclusivité géographique conférée, tandis qu'elle a appris que des exploitations voisines productrices de lait avaient été démarchées par la même société pour acquérir la même machine postérieurement à la date de signature de son bon de commande, qu'ainsi, il n'y a avait plus de mobile déterminant et donc une absence de cause.

Elle soutient qu'en tout état de cause, la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'a pas respecté son obligation de définir à son profit une zone d'exclusivité géographique, que le contrat doit dès lors être annulé au titre de l'exception d'inexécution.

La société du TIR ANGLAIS précise que le CREDIT MUTUEL a refusé son concours bancaire dans le cadre du projet de fabrication de glaces, que, si elle avait la possibilité de financer sans concours bancaire l'achat de la machine, tel n'était pas le cas pour le financement de la totalité de l'opération, qu'ainsi, même en l'absence de clause de financement à crédit dans le contrat, l'obligation de financer des locaux adaptés pour utiliser la machine constituait une opération connexe, de sorte que le refus de prêt bancaire a entraîné la nullité de l'ensemble de l'opération.

En dernier lieu, la société du TIR ANGLAIS considère qu'il s'agit, non seulement d'un contrat de vente d'une machine à fabriquer des glaces, mais encore d'un engagement de fournitures exclusives sans limitation de durée, ni détermination du prix,

que, faute de pouvoir utiliser les recettes et ingrédients de la société MRM BV GLACE DE LA FERME, la machine n'est d'aucune utilité, que le contrat est dès lors entaché de nullité, en application de l’article 1591 du Code civil, le prix des fournitures n'étant ni déterminé, ni déterminable.

Elle conclut au rejet de l'appel incident.

Dans ses conclusions en date du 29 mars 2010, la société MRM BV GLACE DE LA FERME qui a relevé appel incident, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société du TIR ANGLAIS à lui payer la somme de 82.024,07 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel à compter du 22 novembre 2007, avec le bénéfice de la capitalisation

- le réformant,

- de condamner la société du TIR ANGLAIS à lui payer les sommes de 12.303,61 euros, au titre de la pénalité conventionnelle de retard et de 15.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

- de débouter cette société de ses demandes

- de la condamner à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société MRM BV GLACE DE LA FERME expose qu'elle a pour activité la fabrication et la vente de machines à glaces et qu'elle vend également des produits, emballages et étiquettes sous la marque « Glace de la Ferme », ainsi que les ingrédients nécessaires à la fabrication des glaces, qu'elle a créé un concept original consistant à encourager les producteurs de lait à fabriquer des glaces « maison » avec des fruits et du lait de la ferme, sans colorant, ni additifs, permettant aux agriculteurs d'obtenir une meilleure rentabilité du prix du lait et de diversifier leurs ressources en créant une nouvelle source de revenus.

Elle soutient que la vente est parfaite après accord sur la chose et sur le prix, que les parties s'étaient mises d'accord sur le fait que la vente était souscrite sans bénéfice d'une condition suspensive, une telle condition ne figurant pas dans le contrat de vente et la société du TIR ANGLAIS ayant confirmé ce point dans deux télécopies distinctes qu'elle lui a adressées le 11 juin 2007.

Elle affirme qu'il n'existe aucune connexité entre la vente et la demande de crédit effectuée par l'acquéreur, que celui-ci ne peut pas imposer à son vendeur un principe d'interdépendance entre deux contrats dès lors que la vente a un caractère définitif conformément à la volonté des parties.

Elle fait valoir que la société du TIR ANGLAIS n'a pas fait l'objet d'un démarchage et qu'elle ne saurait être considérée comme un consommateur profane, s'agissant d'une société agricole professionnelle, que la vente d'une machine à fabriquer les glaces est en rapport direct avec la production de lait, et la vente de produits laitiers, que la société du TIR ANGLAIS ne rapporte pas la preuve de la prétendue technicité de l'activité de fabrication de glaces, qu'étant spécialiste du lait, elle ne saurait prétendre ignorer la réglementation et les méthodes de conservation des produits laitiers, qu'ainsi, elle-même n'était astreinte à aucune obligation précontractuelle d'information spécifique à l'égard de cette société.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'acquéreur a bénéficié d'une information complète, que les relations précontractuelles ont duré trente jours et qu'il s'est passé plus de sept jours entre la présentation commerciale qui a eu lieu le 30 mai 2007 chez des agriculteurs de la région de DUNKERQUE et la signature du contrat, que le commercial qui s'est déplacé le 7 juin 2007 pour la signature du contrat a réalisé un plan sur mesure des pièces du nouveau local qui devait être aménagé par la société, que le croquis, daté du 7 juin 2007, est annexé au contrat, que le bon de commande fait également référence aux éléments techniques liés à l'installation de la machine, que la société ne lui a jamais fait le moindre grief au sujet de l'information relative à la nécessité d'aménager un local technique, que la preuve du coût de cet aménagement n'est pas rapportée, aucun devis n'étant versé aux débats.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de cause au contrat, la société MRM BV GLACE DE LA FERME fait observer qu'en matière de vente et de distribution, l'exclusivité ne se présume pas et qu'en l'absence d'écrit, il appartient à la partie qui se prétend bénéficiaire d'une telle clause d'exclusivité d'en rapporter la preuve au moyen de documents contractuels non équivoques, que l'exclusivité n'est d'ailleurs pas la cause objective du contrat, que la contrepartie du paiement du prix par l'acquéreur est l'acquisition de la machine et une liste de points de vente potentiels, qu'enfin, l'exclusivité territoriale n'a jamais fait partie du périmètre contractuel des parties, que les documents publicitaires remis à la société du TIR ANGLAIS n'ont aucune valeur contractuelle.

À l'appui de son appel incident, la société MRM BV GLACE DE LA FERME explique que le paiement par le débiteur des intérêts de retard ne saurait nullement compenser le préjudice qu'elle a subi lié à la résiliation du contrat.

Elle précise que le refus de paiement lui cause un préjudice économique, qu'elle a subi en effet un manque à gagner puisqu'une fois la machine vendue, elle aurait fourni tous les produits dérivés liés à la vente des glaces, tels que les ingrédients, les emballages, les étiquettes et les éléments de décoration, l'acquéreur étant tenu de s'approvisionner auprès du vendeur pour les produits additionnels à l'exception du lait.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer.

En application de l’article 1583 du Code civil, elle est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé.

Le 7 juin 2007, l'EARL du TIR ANGLAIS a signé avec la société MRM BV GLACE DE LA FERME un contrat intitulé « demande de livraison conformément aux conditions générales de vente et de livraison » relatif à une machine AGRAR COAG avec l'imprimeur et la commande NL 610 ou Naturels 60, pour le prix de 68.582 euros (hors taxe), le délai de livraison étant fixé au 25 août 2007, étant précisé que le règlement s'effectue à la livraison (un jour avant la livraison).

Les prestations suivantes étaient également stipulées au contrat, définies de la manière suivante : « 300 à 400 recettes et quelques recettes spéciales, conseils pour la préparation d'un plan de marché. Conseils pour préparer divers produits de crème glacée. Il est toujours obligatoire de faire figurer le nom et le logo de la Glace de la Ferme. Des modifications ou nouvelles recettes ne sont autorisées qu'avec l'accord par écrit de MRM sa. En-dehors du lait, crèmes et autres produits de votre ferme, vous serez obligés d'utiliser sans exception les produits additionnels livrés par MRM SA ».

L'article L. 121-22 du Code de la consommation énonce que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 réglementant la vente par démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

Le contrat de vente a été souscrit par la société du TIR ANGLAIS en sa qualité de professionnelle et dans un but professionnel puisqu'il s'agissait de diversifier les ressources tirées de l'exploitation agricole.

Mais le vendeur professionnel, même en présence d'un acquéreur professionnel, est tenu d'une obligation d'information et de conseil et il doit s'assurer de l'adaptation de la chose vendue aux besoins de l'acquéreur, et ce d'autant plus que la fabrication et la vente de glaces ne constitue pas une activité habituelle et connexe de celle d'exploitant agricole producteur de lait, les glaces fussent-elles fabriquées à base de lait de ferme produit sur place ;

Le contrat qui a été signé comporte l'identification de la machine et des indications générales en ce qui concerne l'installation électrique et l'alimentation en eau, le prix de la machine et le délai de livraison.

Il ressort cependant des termes du contrat que ce n'est pas seulement une machine à fabriquer des glaces qui a été vendue, mais qu'ont également été vendus des produits accessoires et des fournitures, ainsi que l'engagement de vendre les produits sous la marque Glace de la Ferme.

Le contrat ne peut dès lors être assimilé à un contrat de vente de matériel pur et simple.

Précisément, il était vendu à la société du TIR ANGLAIS un « concept » nouveau, qui nécessitait une information particulière et détaillée, notamment quant à la création et l'aménagement d'une salle de fabrication spécifique, la zone géographique de vente concernée, les prévisions budgétaires de l'opération et plus généralement les gains à retirer de cette activité annexe.

Il n'est pas démontré qu'à la date de signature du contrat, l'acquéreur avait bénéficié d'une telle information, alors qu'il avait simplement assisté à une séance de présentation et de démonstration chez un autre agriculteur huit jours plus tôt.

En effet, ce n'est que postérieurement à la signature du contrat que la société MRM BV GLACE DE LA FERME a fait parvenir à la société du TIR ANGLAIS des documents d'information relatifs à la nécessité de disposer d'un local technique adapté à l'installation de la machine et à la fabrication des glaces, ainsi qu'à la possibilité de bénéficier d'une zone d'exclusivité territoriale, ces documents étant constitués d'articles de presse et publicitaires, dont certains rédigés en allemand, lesquels n'ont effectivement aucune valeur contractuelle mais qui, s'agissant d'éléments d'information substantiels sur l'utilisation de la machine et le revenu à retirer de la fabrication des glaces auraient dû être portés à la connaissance du client avant la signature du contrat et non après.

La société MRM BV GLACE DE LA FERME indique dans ses conclusions que la configuration du local devant accueillir la machine et ses spécificités techniques ont bien été communiquées à la société du TIR ANGLAIS, puisqu'un croquis daté du 7 juin 2007 est annexé au contrat.

Il s'agit du plan sommaire d'une pièce ainsi que ses dimensions, comportant trois parties dénommées l'une laboratoire, l'autre magasin, la troisième réserve.

Dans une lettre du 11 juin 2007 postérieure au contrat, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a informé la société du TIR ANGLAIS que, lorsque la clause d'absence de recours à un financement de la banque serait signée, elle lui enverrait les documents nécessaires (« confirmation définitive de votre secteur et plan du local »).

Puis, par lettre du 9 août 2007, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a communiqué à la société du TIR ANGLAIS les nouvelles dates prévues pour la livraison et la démonstration et a ajouté « vous trouverez ci-joint le plan de votre local », ce qui signifie bien que le plan annexé au contrat n'était pas suffisant.

Par ailleurs, le coût d'aménagement d'un tel local ne ressort d'aucune pièce contractuelle.

Aucune obligation à la charge du vendeur de concéder à l'acquéreur un secteur géographique exclusif ne figure au contrat.

La société MRM BV GLACE DE LA FERME précise néanmoins sur ce point que le client bénéficie d'une liste de 75 à 100 points de distribution susceptibles d'être prospectés, et que, si la société du TIR ANGLAIS s'était acquittée de son obligation de paiement, elle aurait reçu cette liste, différente de celle des autres exploitations mitoyennes, pour faciliter le démarrage de son activité.

Dans sa lettre en date du 1er novembre 2007, la société MRM BV GLACE DE LA FERME explique encore qu'un secteur exclusif de ventes est réservé à chaque client signant un contrat et qu'il ne lui est envoyé qu'après la livraison de la machine, sauf si le client en fait la demande écrite, qu'elle ne préserve pas un secteur de 40 kilomètres pour chaque client mais un secteur comprenant entre 75 et 100 points de distribution (restaurants, hôtels, supermarchés).

Or, le contrat ne contient pas de clause à ce sujet.

Aux termes d'une lettre en date du 9 août 2007, la société MRM BV GLACE DE LA FERME écrit qu'elle a besoin d'une confirmation bancaire lui signifiant que le montant total de la machine et du « paquet » est bien disponible sur son compte et sera payé le jour de la livraison des produits.

La définition précise et le prix de ce « paquet » ne figurent pas aux clauses du contrat.

En outre, il n'a été fourni au client, antérieurement ou de manière concomitante à la signature du contrat, aucune estimation chiffrée quant à la rentabilité de l'activité induite par la machine de fabrication de glaces, compte-tenu du prix de revient des produits autres que le lait et la crème entrant dans la fabrication des glaces, lesquels devaient être fournis exclusivement par le vendeur de la machine, de l'entretien de la machine, de son fonctionnement, du nombre de glaces pouvant être fabriquées et vendues, du prix de vente des glaces.

En effet, le contrat ne contient pas d'indication de prix.

Il n'a pas été joint au contrat de budget prévisionnel de l'activité de fabrication de glaces permettant d'établir que l'exploitant agricole a bien reçu ces informations avant de signer le contrat ou au moment de cette signature.

La durée du contrat d'approvisionnement et de l'engagement de vendre des glaces sous la marque de la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'est pas mentionnée non plus au contrat.

La société du TIR ANGLAIS soutient que, la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'ayant pas rempli son obligation d'information précontractuelle, elle a commis une réticence dolosive et qu'en conséquence, le contrat est nul, en application des dispositions de l’article 1116 du Code civil selon lesquelles le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume et doit être prouvé.

Le manquement à une obligation précontractuelle d'information suffit à caractériser le dol par réticence à condition que s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

En ne révélant que postérieurement à la signature du contrat des éléments substantiels d'information, à savoir la nécessité d'aménager un local technique dont le coût allait s'ajouter à celui de l'acquisition de la machine elle-même, les conditions dans lesquelles les glaces étaient susceptibles d'être commercialisées et les indications précises relatives aux prix de revient et aux prix de vente, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a intentionnellement dissimulé à la société du TIR ANGLAIS des informations en sa possession, qui étaient indispensables pour que cette société soit renseignée de manière complète sur l'ampleur des investissements à réaliser au regard de la rentabilité escomptée.

Le manquement intentionnel du vendeur à son obligation d'information a entraîné pour la société du TIR ANGLAIS une erreur déterminante quant au coût global de l'opération dans laquelle elle s'est engagée en signant le contrat, de sorte que la preuve de la réticence dolosive commise par la société MRM BV GLACE DE LA FERME est rapportée.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité du contrat.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné l'EARL au paiement du prix de la machine litigieuse, ce qui impliquait la livraison de celle-ci le lendemain du versement de son prix, outre les intérêts conventionnels et la clause pénale.

Les demandes formées par la société MRM BV GLACE DE LA FERME ont été jugées fondées en première instance de sorte que la faute qu'aurait commise par cette société en introduisant une procédure tendant à l'exécution forcée du contrat n'est pas démontrée.

La demande en dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Il y a lieu de mettre à la charge de la société MRM BV GLACE DE LA FERME qui succombe en cause d'appel, les frais irrépétibles supportés par la société du TIR ANGLAIS, à hauteur de 2.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement

STATUANT À NOUVEAU,

PRONONCE la nullité du contrat pour réticence dolosive du vendeur

DÉBOUTE la société MRM BV GLACE DE LA FERME de ses demandes

DÉBOUTE la société du TIR ANGLAIS de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

CONDAMNE la société MRM BV GLACE DE LA FERME aux dépens de première instance et d'appel, avec pour les dépens d'appel droit de recouvrement direct pour la SCP THERY et LAURENT, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile

CONDAMNE la société MRM BV GLACE DE LA FERME à payer à la société du TIR ANGLAIS la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier,                           Le Président,

Nicole HERMANT               Evelyne MERFELD.