CA LYON (8e ch.), 15 janvier 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4173
CA LYON (8e ch.), 15 janvier 2013 : RG n° 10/06716
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que les relevés d'intempéries établis par le maître d'œuvre ne [sauraient] être écartés en l'espèce du seul fait qu'il existe des relations d'affaires entre la SNC BELLEVILLE ROSSELLI et ce maître d'œuvre, dès lors que le contrat se réfère lui-même aux éléments retenus par ce dernier en exigeant au surplus une justification par des relevés de la station météorologique ; Que la notion de clause abusive évoquée à cet égard par monsieur X. ne peut être prise en considération compte tenu de toutes les exigences contractuelles pour établir la preuve des intempéries ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
HUITIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 15 JANVIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/06716. Décision du Tribunal d'Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, Au fond, du 30 juillet 2010 : R.G. n° 11-09-001046.
APPELANTE :
SNC BELLEVILLE ROSSELLI
représentée par ses dirigeants légaux, représentée par la SELARL LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON (toque 502)
INTIMÉ :
M. X.
né le [date] à [ville], représenté par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (toque 1813), assisté de la SELARL SELARL ROUSSET-BERT TERESZKO LAVIROTTE, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE,
Date de clôture de l'instruction : 23 avril 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 octobre 2012
Date de mise à disposition : 11 décembre 2012 prorogé au 15 janvier 2013 (les avocats ayant été avisés)
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Pascal VENCENT, président - Dominique DEFRASNE, conseiller - Françoise CLEMENT, conseiller, assistés pendant les débats de Aurore JACQUET, greffier
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Pascal VENCENT, président, et par Aurore JACQUET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte authentique du 15 mai 2007, monsieur X. a acquis en l'état futur d'achèvement auprès de la société BELLEVILLE ROSSELLI un appartement situé dans l'ensemble immobilier [...], moyennant le prix de 126.500 euros.
Il était stipulé dans cet acte que le vendeur s'obligeait à mener les travaux de telle manière que les ouvrages soient achevés et livrés au troisième trimestre 2008 au plus tard, sauf survenance d'un cas de force majeure et/ou d'une cause légitime de suspension de délai de livraison.
En réalité, la livraison a été retardée à plusieurs reprises par le vendeur et n'est finalement intervenue que le 15 juin 2009.
Par acte d'huissier du 19 novembre 2009, monsieur X. a fait assigner la SNC BELLEVILLE ROSSELLI devant le tribunal d'instance de VILLEFRANCHE SUR SAÔNE pour obtenir réparation de son préjudice consécutif au retard de livraison et la société a fait valoir de son côté une cause légitime de suspension du délai de livraison en raison des intempéries.
Par jugement du 30 juillet 2010, le tribunal d'instance, ayant écarté, faute de preuve, cette cause de suspension à condamné la SNC BELLEVILLE ROSSELLI à payer à monsieur X. la somme réclamée par lui de 7.733 euros en réparation de son préjudice, outre la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 1.000 euros en l'application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 20 septembre 2010 la SNC BELLEVILLE ROSSELLI a interjeté appel de cette décision.
L'appelante demande à la cour ;
- d'infirmer le jugement querellé et de débouter monsieur X. de ses prétentions,
- de lui donner acte de son offre de verser à titre commercial à monsieur X. la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- de condamner monsieur X. à lui payer sur le même fondement la somme de 4.000 euros.
Elle fait valoir que parmi les causes de suspension du délai de livraison indiquées à l'acte de vente figurent les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d'œuvre et qu'elle a été effectivement confrontée à ces intempéries qui ont entraîné la suspension du chantier durant 207 jours, ce qui représente neuf mois et demi de retard.
Elle prétend justifier de ces circonstances par des relevés météo, et des explications du maître d'œuvre, notamment une deuxième notice qui vise pour chaque jour d'intempéries, le motif de l'intempérie, les valeurs correspondantes et l'état d'avancement du chantier.
Monsieur X. demande de son côté à la cour ;
- de lui donner acte qu'il accepte la prise en compte de quinze jours seulement d'intempéries et de rejeter l'offre non satisfactoire du vendeur,
- de confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour résistance abusive et de porter ce dernier à 1.500 euros,
- de condamner la société BELLEVILLE ROSSELLI aux dépens ainsi qu'au paiement de 2.500 euros conformément à l’article 700 du code de procédure civile.
Il indique d'abord que la société BELLEVILLE ROSSELLI a tardé à informer ses clients sur les raisons exactes du retard de livraison.
Il fait valoir en second lieu que cette société n'apporte pas d'éléments probants sur les intempéries alléguées, la production d'un certificat établi par le maître d'œuvre ne pouvant constituer qu'une preuve faite à soi-même compte tenu des liens évidents du maître d'œuvre avec le vendeur et les relevés météo produits en cause d'appel n'étant que de simples statistiques inopposables aux acquéreurs.
Il ajoute que le décompte effectué par le vendeur de 207 jours d'intempéries est très contestable ; aucune justification pour la période du 3ème trimestre 2007, motifs fallacieux d'arrêt de chantier, incohérences au niveau chronologique et qu'il n'est pas démontré par des éléments extrinsèques que le chantier a été effectivement arrêté.
Il explique que son préjudice lié au retard est constitué par des frais de déplacement supplémentaires entre son lieu de travail et son ancien domicile, une consommation électrique supplémentaire de l'ancien domicile, des intérêts intercalaires et des frais d'assurance supplémentaires sur son prêt personnel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'il est constant que le vendeur avait l'obligation contractuelle de livrer l'appartement de monsieur X. au troisième trimestre 2008 au plus tard, sauf survenance d'un cas de force majeure et/ou d'une cause légitime de suspension du délai de livraison ;
Que parmi ces causes légitimes de suspension de délais de livraison sont notamment visées ;
« les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d'œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique le plus proche du chantier. » ;
Attendu que la livraison est intervenue le 15 juin 2009, soit avec huit mois et demi de retard par rapport à l'échéance convenue ;
Attendu que pour affirmer l'existence de 207 jours ouvrés d'intempéries, la SNC BELLEVILLE ROSSELLI verse aux débats un relevé établi par monsieur A. directeur adjoint maîtrise d'œuvre pour la période de juillet 2007 à mars 2009, un tableau commenté correspondant à cette même période ainsi qu'un suivi météorologique quotidien de Météo France pour la période de janvier 2008 à mars 2009 ;
Que monsieur X. qui sollicite une indemnisation pour divers frais engagés dans la période d'octobre 2008 à juin 2009 produit lui aussi un relevé commenté sur la période de juillet 2008 à mars 2009 ainsi que des cartes météorologiques de météo France ;
Attendu que les relevés d'intempéries établis par le maître d'œuvre ne [sauraient] être écartés en l'espèce du seul fait qu'il existe des relations d'affaires entre la SNC BELLEVILLE ROSSELLI et ce maître d'œuvre, dès lors que le contrat se réfère lui-même aux éléments retenus par ce dernier en exigeant au surplus une justification par des relevés de la station météorologique ;
Que la notion de clause abusive évoquée à cet égard par monsieur X. ne peut être prise en considération compte tenu de toutes les exigences contractuelles pour établir la preuve des intempéries ;
Attendu qu'il y a lieu de constater que l'appelante comptabilise dans son décompte 70 samedis et dimanches lesquels, sauf preuve contraire, ne sont pas des jours ouvrés dans le bâtiment ainsi que des jours féries comme noël 2007, pâques et toussaint 2008 ; qu'il est aussi décompté pendant cette période le nombre considérable de 122 jours d'intempéries (ou 78 jours sans compter les jours non ouvrés et les jours fériés) de sorte qu'il est permis sérieusement de s'interroger sur la productivité de l'entreprise de gros œuvre et d'émettre des doutes sur l'arrêt effectif du chantier pendant une durée aussi longue, cette entreprise n'ayant pas fourni d'explications ; que la Cour estime devoir retenir seulement la moitié des jours d'intempéries en cause ;
Qu'il apparaît aussi que postérieurement à la mise en place de l'étanchéité, en août 2008, les équipes intervenantes à l'intérieur du bâtiment ne pouvaient être gênées par les précipitations, de sorte que les sept jours ouvrés comptabilisés à cause de la pluie depuis cette époque ne peuvent être retenus ;
Que de même, les entreprises de second œuvre étant abritées, ne pouvaient être empêchées de travailler par des températures comprises entre + 1 et -1 degrés pendant l'hiver 2008 et 2009 et qu'il y a lieu à cet égard d'écarter dix jours ouvrés retenus par l'appelante pour cause des températures pendant cette période ;
Attendu qu'au vu des éléments de la cause s'il existe en l'espèce une cause légitime de suspension des délais de livraison en raison des intempéries mais que cette suspension ne saurait excéder quatre-vingt huit jours, de sorte que la livraison effective aurait du intervenir au plus tard le 27 décembre 2008 ;
Que le retard de livraison apparaît donc caractérisé ;
Attendu que monsieur X. qui réclame réparation du préjudice occasionné par ce retard verse aux débats plusieurs documents (factures d'électricité, documents bancaires) pouvant démontrer qu'il a dû supporter un surcoût de dépense d'électricité, des frais intercalaires et des frais d'assurances à compter du mois d'octobre 2008 ; que monsieur X. justifie également des frais de déplacement (essence, autoroute) qu'il a dû exposer plus longtemps que prévu entre son ancien domicile de [ville S.] et son lieu de travail à [ville B.] ;
Que sur la période effective de retard de janvier 2009 à juin 2009, il convient de lui allouer la somme de 4.948 euros à titre de dommage et intérêts ;
Attendu que si l'action en réparation de monsieur X. est jugée fondée, la contestation formulée par la SNC BELLEVILLE ROSSELLI ne peut être qualifiée d'abusive ou de fautive et qu'il n'y a donc pas lieu d'allouer à monsieur X. des dommages et intérêts supplémentaires ;
La SNC BELLEVILLE ROSSELLI qui succombe supportera les entiers dépens ; qu'il convient d'allouer à monsieur X. la somme de 2.000 euros conformément à l’article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité déjà allouée sur ce même fondement par le premier juge ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Dit l'appel recevable.
Confirme le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Le reformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SNC BELLEVILLE ROSSELLI à payer monsieur X. la somme 4.948 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts à taux légal à compter du présent arrêt.
Dit que conformément à la demande ces intérêts pourront être capitalisés dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil.
Déboute monsieur X. de sa demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires pour résistance abusive.
Y ajoutant,
Condamne la SNC BELLEVILLE ROSSELLI à payer à monsieur X. la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SNC BELLEVILLE ROSSELLI aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.