CAA VERSAILLES (plén.), 16 juillet 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4219
CAA VERSAILLES (plén.), 16 juillet 2012 : requête n° 10VE03618
Publication : Legifrance
Extraits : 1/ « qu’il ressort clairement du texte même, précité, de l’article L. 141-1 du code de la consommation, que les pouvoirs conférés à l’administration par son V s’analysent en réalité comme la possibilité pour l’administration d’adresser à un professionnel dont les agissements sont critiqués une mise en demeure de se conformer aux dispositions dudit code, et qu’ils peuvent être exercés indépendamment de l’engagement d’une procédure devant une juridiction civile dans le cadre du VI du même article ; que cette injonction présente ainsi le caractère d’une décision administrative, détachable des procédures judiciaires susceptibles d’être par ailleurs engagées en vue de faire cesser les agissements ou les manquements des professionnels en matière de protection des consommateurs ;
Considérant qu’en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique ; qu’il ne ressort pas des dispositions précitées de l’article L. 141-1 du code de la consommation, ni d’ailleurs d’aucune autre disposition dudit code, que la compétence pour apprécier la légalité des actes administratifs pris en application du V de cet article aurait été transférée, par exception au principe sus rappelé, aux juridictions de l’ordre judiciaire ;
Considérant, par suite, que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté, comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, la demande présentée par la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et par la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION ; que ces dernières sont donc fondées à en demander l’annulation ».
2/ « Considérant que, au sens et pour l’application des dispositions précitées de l’article L. 121-27 et du V de l’article L. 141-1 du code de la consommation, doit être regardée comme possédant la qualité de professionnel la personne physique ou morale qui, dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, conclut avec le consommateur un contrat en vue de lui vendre un bien ou de lui assurer une prestation de service ; que les agissements susceptibles de faire l’objet, après procédure contradictoire, du pouvoir d’injonction conféré à l’autorité administrative par ces dispositions ne peuvent ainsi être commis que dans le cadre de la relation contractuelle formée avec le consommateur ; qu’il s’ensuit que l’administration ne peut rendre destinataire de telles injonctions que la seule personne effectivement auteur des agissements qu’elle entend faire cesser ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, nonobstant les circonstances que la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE détient la totalité du capital de la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, que ces deux sociétés font également partie du même groupe, qu’elles ont en commun certains services et ont le même siège social, lesdites sociétés constituent néanmoins des personnes morales distinctes ; qu’il est établi que les agissements critiqués par l’administration et qui l’ont conduite à prendre l’injonction contestée sont directement imputables à la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, en charge de la commercialisation des abonnements à distance, et seule engagée dans une relation contractuelle avec les consommateurs concernés ; que, par suite, la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION doit être regardée comme seule possédant la qualité de professionnel au sens des dispositions précitées ; que, dès lors, les requérantes sont fondées à soutenir que l’injonction litigieuse, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux, sont entachées d’une erreur de droit et doivent être annulées ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE VERSAILLES
FORMATION PLÉNIÈRE
ARRÊT DU 16 JUILLET 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Requête n° 10VE03618.
REQUÉRANTES :
SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE
SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION
Mme de BOISDEFFRE, président. M. Stéphane DIÉMERT, rapporteur. Mme COURAULT, rapporteur public. FOURGOUX, avocat(s)
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE, dont le siège social est sis [adresse] et pour la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, dont le siège social est sis [adresse], par Maître Fourgoux ;
Les sociétés requérantes demandent à la Cour :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 0812605 en date du 13 septembre 2010 par laquelle le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision en date du 10 juin 2008 par laquelle le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine a, sur le fondement du V de l’article L. 141-1 du code de la consommation, adressé à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE une injonction de n’engager le consommateur dans une relation contractuelle qu’à la suite du recueil de sa signature lorsqu’il a été démarché par téléphone, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la même autorité sur le recours gracieux formé le 8 août 2008 par la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION ;
2°) d’annuler lesdites décisions ;
3°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les sociétés requérantes soutiennent :
- que l’injonction attaquée possède bien le caractère d’un acte administratif faisant grief, tant en raison de la qualité de son auteur que de son caractère décisoire, impératif et unilatéral ; que l’administration l’a d’ailleurs présentée comme telle, dès lors qu’elle a indiqué, dans la notification à laquelle elle a procédé, les voies et délais de recours applicables devant la juridiction administrative et qu’elle s’est référée à l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; que le contentieux de sa légalité ressortit dès lors à la compétence du juge administratif, lequel accueille d’ailleurs les recours dirigés contre les décisions administratives en matière de répression des fraudes ; que l’appréciation de la légalité d’un acte administratif ne relève jamais de la compétence du juge civil ; que l’injonction attaquée a été expressément prise sur le fondement du V de l’article L. 141-1 du code de la consommation, qui permet à l’administration de prendre des mesures contraignantes pour obliger une entreprise à respecter les obligations légales dans ses relations avec les consommateurs ; qu’il n’est prévu l’intervention préalable d’aucun juge dans cette procédure d’injonction pour laquelle il n’est pas non plus prévu de validation ou d’homologation ultérieures ; qu’en revanche, le VI du même article, dont l’administration se prévaut à tort, institue une procédure différente, et autonome, qui permet d’obtenir d’un juge, qu’il soit civil ou administratif, la suppression d’une clause illicite ou abusive dans un contrat destiné au consommateur ou d’obtenir des professionnels la cessation de certaines pratiques ; qu’en ce qu’elle subordonne la possibilité d’un recours contre la décision attaquée, à la seule voie de l’exception d’illégalité, l’ordonnance attaquée est contraire à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; que l’ordonnance contestée est donc irrégulière en tant qu’elle a rejeté la demande des requérantes comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
- qu’en outre, l’ordonnance attaquée est intervenue en violation du caractère contradictoire de la procédure, dès lors qu’elle a été prise avant que ne soit enregistré le mémoire en réplique des requérantes en réponse au mémoire en défense de l’administration ;
- que l’injonction attaquée n’est pas opposable à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE, qui constitue une personne morale distincte de la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, laquelle commercialise les offres de programme et se trouve ainsi seule engagée dans une relation contractuelle avec les clients ; que l’injonction ne saurait être valablement adressée qu’à la personne morale dont le comportement est critiqué ;
- que l’injonction attaquée, qui doit être regardée comme posant une règle générale et sans durée limitée d’application, est entachée d’incompétence, en ce qu’il n’appartenait pas à l’administration d’enjoindre à la requérante d’adopter un comportement contractuel et commercial en dehors de toute disposition législative l’y fondant, l’article L. 141-1 du code de la consommation ne lui attribuant pas cette compétence, et l’article L. 121-27 du même code n’étant pas applicable en l’espèce ;
- que l’injonction attaquée, qui doit être regardée comme une décision individuelle défavorable, rédigée en termes généraux, est insuffisamment motivée en fait comme en droit, faute de comporter les éléments mentionnés à l’article 3 de la loi du 11 juillet 1979, lequel est bien applicable dès lors que l’administration s’est elle-même placée, pour prendre la décision attaquée, dans le cadre de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu’elle ne précise pas pourquoi le V de l’article L. 141-1 du code de la consommation serait applicable, ni pourquoi une violation de l’article L. 121-27 du même code serait caractérisée ; qu’elle ne prend pas en compte les situations de fait différentes selon les destinataires de l’offre d’abonnement, notamment entre les nouveaux abonnés et ceux qui le sont déjà, ni n’établit de distinction entre les procédures de vente, alors que, dans le domaine du contentieux économique, les décisions administratives doivent être particulièrement motivées ;
- que l’injonction attaquée repose sur une erreur de fait ; qu’elle mentionne en effet un appel téléphonique adressé au consommateur par un conseiller clientèle, alors que c’est le consommateur lui-même qui appelle la société afin de manifester sa volonté de souscrire un abonnement ; que le fait générateur du contrat est donc bien l’appel du client et qu’aucun abonnement n’est souscrit si le consommateur n’appelle pas la société ;
- que l’injonction attaquée est entachée d’erreur de droit et repose sur une qualification des faits erronée ; que l’article L. 121-27 du code de la consommation ne s’applique pas aux opérations de marketing auprès des abonnés, mais seulement à la recherche de clients ou de cocontractants nouveaux et qu’il présuppose qu’il n’y ait pas eu d’accord préalable pour le même objet, et que la personne démarchée n’ait pas eu de réelle intention de contracter ; que l’avenant à un contrat se caractérise comme opérant la modification d’un contrat préexistant et qu’il fait donc l’objet non d’un démarchage mais de pourparlers entre les cocontractants initiaux ; que l’accès à des services complémentaires, qui se traduit par la conclusion d’un avenant à un contrat de service préexistant, n’est pas soumis aux dispositions de l’article L. 121-27 du code de la consommation puisqu’il ne constitue pas un démarchage ; que le même article ne s’applique pas non plus lorsque l’abonnement est à l’initiative du consommateur ; qu’en effet, ce dernier peut prendre, s’il le souhaite, et après avoir pris connaissance de l’offre, l’initiative d’appeler la société pour souscrire le service offert qui est ensuite activé alors qu’à l’inverse l’article L. 121-27 a pour finalité de protéger le consommateur qui n’a pas été en mesure d’examiner l’offre ; qu’en réalité, la pratique dont s’agit doit être regardée comme une vente faite à distance, soumise à ce titre aux articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation ; que, dès lors, la vente est parfaite dès l’échange des consentements à distance, à charge pour le vendeur d’en adresser au consommateur les modalités précises au plus tard au moment de la livraison, le consommateur disposant d’un délai de rétractation de sept jours ; qu’en qualifiant toute commercialisation téléphonique d’abonnement de démarchage téléphonique, sans s’interroger sur le fait que c’est le consommateur qui est à l’origine de l’appel, l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation qu’elle a portée sur la qualification juridique des faits ;
- que l’injonction attaquée porte atteinte au principe de liberté du commerce et de l’industrie et qu’elle ne s’inscrit même pas dans le cadre des mesures destinées à la protection de l’ordre public ; qu’elle a en effet pour conséquence de restreindre l’activité de vente à distance de la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION et de la priver du principal mode de recrutement de ses abonnés ; que l’injonction est rédigée de manière générale et absolue et qu’elle ne respecte pas le principe de proportionnalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 juillet 2012 :
- le rapport de M. Diémert, président assesseur,
- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,
- et les observations de Maître Fourgoux, pour la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et pour la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant que, par une lettre en date du 10 juin 2008, le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine a, sur le fondement du V de l’article L. 141-1 du code de la consommation, adressé à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE une injonction de se conformer à l’obligation posée par l’article L. 121-27 du même code et de « n’engager le consommateur dans une relation contractuelle qu’à la suite du recueil de sa signature, lorsqu’il a été démarché par téléphone » pour la souscription d’un abonnement aux programmes de Canal + et de Canal Sat ; que la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION a formé, le 8 août 2008, à l’encontre de cette injonction, un recours gracieux auprès du directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine, lequel recours a fait l’objet d’une décision implicite de rejet née du silence gardé par cette autorité ; que la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION ont demandé, devant le Tribunal administratif de Versailles, l’annulation de cette injonction et de cette décision implicite de rejet ;
Considérant que, par l’ordonnance attaquée, dont la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION relèvent appel, le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande dont il était saisi comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif que l’injonction litigieuse n’est pas détachable de la procédure judiciaire instituée par l’ensemble des dispositions de l’article L. 141-1 du code de la consommation et que, par suite, la légalité des décisions attaquées peut être contestée, le cas échéant, par voie d’exception devant la juridiction judiciaire saisie, mais ne peut l’être directement devant le juge administratif ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 141-1 du code de la consommation : « I. - Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1 à L. 450-4, L. 450-7, L. 450-8, L. 470-1 et L. 470-5 du code de commerce, les infractions ou manquements prévus aux dispositions suivantes du présent code : (...) 2° Les sections 1, 2, 3, 8, 9 et 12 du chapitre Ier du titre II du livre Ier ; (...) / V.- Les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux obligations mentionnées aux I, II et III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite. / VI.- L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut également demander à la juridiction civile ou, s’il y a lieu, à la juridiction administrative d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d’une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur. Elle peut, après en avoir avisé le procureur de la République, agir devant la juridiction civile, pour demander au juge d’ordonner, au besoin sous astreinte, toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements à des obligations contractuelles ou aux agissements illicites mentionnés aux I, II et III. (...) » ;
que la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du même code est consacrée au démarchage ; qu’elle comprend notamment l’article L. 121-27, relatif aux dispositions particulières applicables au démarchage par téléphone ; qu’il ressort clairement du texte même, précité, de l’article L. 141-1 du code de la consommation, que les pouvoirs conférés à l’administration par son V s’analysent en réalité comme la possibilité pour l’administration d’adresser à un professionnel dont les agissements sont critiqués une mise en demeure de se conformer aux dispositions dudit code, et qu’ils peuvent être exercés indépendamment de l’engagement d’une procédure devant une juridiction civile dans le cadre du VI du même article ; que cette injonction présente ainsi le caractère d’une décision administrative, détachable des procédures judiciaires susceptibles d’être par ailleurs engagées en vue de faire cesser les agissements ou les manquements des professionnels en matière de protection des consommateurs ;
Considérant qu’en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique ; qu’il ne ressort pas des dispositions précitées de l’article L. 141-1 du code de la consommation, ni d’ailleurs d’aucune autre disposition dudit code, que la compétence pour apprécier la légalité des actes administratifs pris en application du V de cet article aurait été transférée, par exception au principe sus rappelé, aux juridictions de l’ordre judiciaire ;
Considérant, par suite, que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté, comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, la demande présentée par la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et par la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION ; que ces dernières sont donc fondées à en demander l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu, pour la Cour, d’annuler l’ordonnance rendue par le premier juge et de statuer immédiatement, par la voie de l’évocation, sur l’ensemble du litige ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Sur le moyen tiré de ce que l’injonction litigieuse a été adressée à tort à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu’en enjoignant à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE de n’engager le consommateur dans une relation contractuelle, pour la souscription d’un abonnement aux programmes de Canal + et de Canal Sat, qu’à la suite du recueil de sa signature lorsqu’il a été démarché par téléphone, l’administration s’est fondée sur l’article L. 121-27 du code de la consommation, aux termes duquel : « A la suite d’un démarchage par téléphone ou par tout moyen technique assimilable, le professionnel doit adresser au consommateur une confirmation de l’offre qu’il a faite. Le consommateur n’est engagé que par sa signature. Il bénéficie alors des dispositions prévues aux articles L. 121-18, L. 121-19, L. 121-20, L. 121-20-1 et L. 121-20-3 » ;
Considérant que, au sens et pour l’application des dispositions précitées de l’article L. 121-27 et du V de l’article L. 141-1 du code de la consommation, doit être regardée comme possédant la qualité de professionnel la personne physique ou morale qui, dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, conclut avec le consommateur un contrat en vue de lui vendre un bien ou de lui assurer une prestation de service ; que les agissements susceptibles de faire l’objet, après procédure contradictoire, du pouvoir d’injonction conféré à l’autorité administrative par ces dispositions ne peuvent ainsi être commis que dans le cadre de la relation contractuelle formée avec le consommateur ; qu’il s’ensuit que l’administration ne peut rendre destinataire de telles injonctions que la seule personne effectivement auteur des agissements qu’elle entend faire cesser ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, nonobstant les circonstances que la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE détient la totalité du capital de la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, que ces deux sociétés font également partie du même groupe, qu’elles ont en commun certains services et ont le même siège social, lesdites sociétés constituent néanmoins des personnes morales distinctes ; qu’il est établi que les agissements critiqués par l’administration et qui l’ont conduite à prendre l’injonction contestée sont directement imputables à la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, en charge de la commercialisation des abonnements à distance, et seule engagée dans une relation contractuelle avec les consommateurs concernés ; que, par suite, la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION doit être regardée comme seule possédant la qualité de professionnel au sens des dispositions précitées ; que, dès lors, les requérantes sont fondées à soutenir que l’injonction litigieuse, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux, sont entachées d’une erreur de droit et doivent être annulées ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, par application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat (préfecture des Hauts-de-Seine) à verser à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et à la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION une somme globale de 2.000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, l’État, qui est la partie perdante dans la présente instance, n’est pas fondé à invoquer le bénéfice de ces dispositions ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : L’ordonnance n° 0812605 rendue le 13 septembre 2010 par le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles est annulée.
Article 2 : La décision en date du 10 juin 2008 par laquelle le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine a, sur le fondement du V de l’article L. 141-1 du code de la consommation, adressé à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE une injonction de n’engager le consommateur dans une relation contractuelle qu’à la suite du recueil de sa signature lorsqu’il a été démarché par téléphone, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la même autorité sur le recours gracieux formé le 8 août 2008 par la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION, sont annulées.
Article 3 : L’État versera à la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et à la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION une somme globale de 2.000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du préfet des Hauts-de-Seine et le surplus des conclusions de la SOCIÉTÉ CANAL + FRANCE et de la SOCIÉTÉ CANAL + DISTRIBUTION tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.