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5788 - Code de la consommation - Régime de la protection - Administration - Injonction

Nature : Synthèse
Titre : 5788 - Code de la consommation - Régime de la protection - Administration - Injonction
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5788 (29 septembre 2023)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME

INTERVENTION DE L’ADMINISTRATION - INJONCTION (ART. L. 141-1 C. CONSOM.)

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2023)

 

Information sur les clauses abusives. V. dans la circulaire créant France Services, pour les illustrations données lorsqu’un consommateur fait face à un litige de consommation, fixant comme un des objectifs le fait de « délivrer une information de premier niveau » et « Vous orienter face à un litige pour faciliter la mise en relation directe avec le bon interlocuteur : * Lors d'une mauvaise exécution d'un contrat, (livraison tardive d'un produit ou erreur dans le produit livré), vous orienter vers les associations de consommateurs locales, médiateurs (en précisant les conditions de leur saisine), conciliateurs, etc. * Cela permettra de signaler un non-respect du droit de la consommation (une clause abusive, le non-respect du délai de rétractation) aux services en charge de la consommation au sein des directions départementales en charge de la protection des populations (DDPP ou DDCSPP) ». Circulaire (1er ministr.), 1er, juillet 2019 : n° 6094-SG ; Cerclab n° 9132 (circulaire relative à la création de France Services).

Demande de prise de position formelle préalable de l’administration (non). La prise de position formelle de l’administration à la demande d’un professionnel, prévue par l'art. L. 122-5 C. consom., a pour objet de prémunir le demandeur d'un changement d'appréciation de l'autorité administrative qui serait de nature à l'exposer à la sanction administrative prévue aux art. L. 131-5 et L. 131-6 ; elle n'a aucunement pour vocation de valider des stipulations d'un contrat au regard des dispositions relatives aux clauses abusives, mais concerne uniquement la conformité aux art. L. 112-1 à L. 112-4 C. consom. des modalités de l'information sur les prix de vente au consommateur qu'un professionnel envisage de mettre en place. TA Rennes (2e ch.), 15 mars 2023 : req. n° 2000309 ; Cerclab n° 10383 (point n° 14 ; jugement notant au préalable que la preuve de cette saisine n’est pas rapportée).

A. RÉGIME DE L’INJONCTION

Recherches et constatations. * Droit antérieur à l’ordonnance du 14 mars 2016. Aux termes de l’ancien art. L. 141-1 C. consom., dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 : « I. - Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent code : (...) 5° Le chapitre II du titre Ier du livre III ». Ce chapitre concerne les clauses abusives (art. L. 132-1 à L. 132-2 C. consom.).

Cette disposition offre donc aux agents de l’Administration différents pouvoirs visant à constater l’existence, dans les contrats proposés par les professionnels, de clauses abusives ou illicites : pouvoirs d’enquête (ancien L. 450-1), accès aux locaux et communication des documents (ancien L. 450-3 à L. 450-4), impossibilité de se voir opposer le secret professionnel (ancien L. 450-7) et sanctions pénales en cas d’opposition à l’exercice de ces prérogatives ancien (L. 450-8). § Sur les textes d’application, V. anciens art. R. 141-1 s. C. consom. (décret n° 2014-1109 du 30 septembre 2014).

* Droit postérieur à l’ordonnance du 14 mars 2016. Selon le « Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation » (JORF n°0064 du 16 mars 2016, texte n° 28 ; NOR: EINC1602822P), la loi d'habilitation a autorisé le gouvernement à aller plus loin qu’une recodification à droit constant en matière de pouvoirs d'enquête des agents de contrôle, en lui permettant de regrouper, harmoniser et unifier les dispositions relatives aux pouvoirs d'enquête en vue de créer un régime unique de pouvoirs propres au code de la consommation ainsi qu'à procéder à l'harmonisation et aux adaptations nécessaires des autres codes renvoyant à ces dispositions. Elle est réalisée par le nouveau livre V (art. L. 512-1 s. C. consom.) qui, « par une réécriture substantielle des dispositions », simplifie et harmonise les dispositions antérieures, ce qui constitue un facteur de sécurité juridique pour les entreprises.

Possibilité d’injonction. * Version initiale (ancien L. 141-1-V). Dans sa version initiale, l’ancien art. L. 141-1-V C. consom. autorisait les agents de l’administration à adresser des injonctions aux professionnels : « les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux obligations mentionnées aux I, II et III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite. »

* Loi du 17 mars 2014 (ancien L. 141-1-V). La loi du 17 mars 2014 a considérablement renforcé ce pouvoir, notamment en autorisant l’Administration à sanctionner par des amendes deux types de manquements.

Selon l’ancien art. L. 132-2 C. consom., « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, la présence d'une ou de plusieurs clauses abusives relevant du décret pris en application du troisième alinéa de l'article L. 132-1 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. » Le texte se limite donc aux clauses « noires », irréfragablement présumées abusives et donc interdites par l’ancien art. R. 132-1 C. consom.

L’alinéa 2 du même texte ajoutait que « l'injonction faite à un professionnel, en application du VII de l'article L. 141-1, tendant à ce qu'il supprime de ses contrats ou offres de contrat une ou plusieurs clauses mentionnées au premier alinéa du présent article peut faire l'objet d'une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».

* Ensuite, selon l’ancien art. L. 141-1-VII. « Les agents habilités à constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées aux I à III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.

Lorsque le professionnel concerné n'a pas déféré à cette injonction dans le délai imparti, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer à son encontre, dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2, une amende administrative dont le montant ne peut excéder :

1° 1.500 € pour une personne physique et 7.500 € pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une amende au plus égale à celle prévue pour une contravention de la cinquième classe ou par une amende administrative dont le montant est au plus égal à 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale ;

2° 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une peine délictuelle ou une amende administrative dont le montant excède 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

Les agents habilités peuvent mettre en œuvre les mesures du présent article sur l'ensemble du territoire national. »

* Ordonnance du 14 mars 2016. En matière de clauses abusives, c’est désormais l’art. L. 241-2 alinéa 1 C. consom., anciennement L. 132-2 C. consom., qui dispose « dans les contrats mentionnés à l'article L. 212-1, la présence d'une ou de plusieurs clauses abusives relevant du décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 212-1 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale. [alinéa 1] Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. [alinéa 2] »

L’ordonnance du 14 mars 2016 a regroupé aux articles L. 521-1 s. consom. le régime générale des « injonctions de mise en conformité ». Selon l’art. L. 521-1 C. consom., « lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations ».

Selon l’art. L. 521-2 C. consom., « Les agents habilités peuvent, dans les mêmes conditions, enjoindre à tout professionnel de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. [alinéa 1] L'injonction mentionnée au premier alinéa peut faire l'objet d'une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. [alinéa 2] Dans ce cas, le professionnel est informé, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l'injonction, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. La publicité est effectuée aux frais du professionnel qui fait l'objet de l'injonction. [alinéa 3]

Selon l’art. L. 522-1 C. consom., « l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 et l'inexécution des mesures d'injonction relatives à des manquements constatés avec les pouvoirs mentionnés aux mêmes articles. »

Selon l’art. R. 522-1 C. consom., « L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 522-1, L. 522-5 et L. 522-6 est le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou le directeur de la direction départementale chargée de la protection des populations. [alinéa 1] Ces autorités administratives peuvent déléguer leurs signatures aux fonctionnaires de catégorie A placés sous leur autorité. [alinéa 2] »

Procédure. Les articles L. 522-2 et s. précisent les règles applicables (V. antérieurement l’ancien art. L. 141-1-2 C. consom.). Quelques éléments méritent d’être précisés.

* Selon l’art. L. 522-2 C. consom., « l'action de l'administration pour la sanction d'un manquement passible d'une amende administrative excédant 3.000 euros pour une personne physique ou 15.000 euros pour une personne morale se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n'a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de ce manquement ». Pour les amendes inférieures, le délai est d’un an (L. 521-3 C. consom.).

S’agissant de la présence d’une clause abusive ou illicite, deux points de départ sont concevables : la conclusion d’un contrat précis contenant la clause ou l’offre au public d’un tel contrat telle qu’elle aura pu être constatée lors d’une enquête préalable.

* L’ancien art. L. 141-1-2 C. consom. disposait « III. - Les manquements passibles d'une amende administrative sont constatés par procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire. Une copie en est transmise à la personne mise en cause ». L’ordonnance duy 14 mars 2016 a coupé le texte en deux. C’est désormais l’art. L. 512-2 C. consom. qui précise : « Les infractions et les manquements sont constatés par des procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire », alors que le nouvel art. L. 522-4 C. consom. dispose « une copie du procès-verbal constatant les manquements passibles d'une amende administrative en est transmise à la personne mise en cause. »

* Selon l’art. L. 522-5 C. consom., anciennement L. 141-1-2-IV C. consom. : « Avant toute décision, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans un délai précisé par le décret mentionné à l'article L. 522-10, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. [alinéa 1] Passé ce délai, elle peut, par décision motivée, prononcer l'amende. [alinéa 2] »

* L’ancien art. L. 141-1-2-VI disposait : « VI. - Lorsqu'une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé. VII. - Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours passibles d'amendes dont le montant maximal excède 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale, ces sanctions s'exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé ».

Ce texte a été abrogé et remplacé par l’art. L. 522-7 C. consom. « Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours passibles d'amendes dont le montant maximal excède 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale, ces sanctions s'exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé.

S’agissant de la présence d’une clause abusive ou illicite, l’expression de « manquements en concours » méritera d’être explicitée, car elle pourrait concerner soit toutes les clauses d’un même contrat, soit chaque clause isolément.

Destinataire de l’injonction. Pour l’application des anciens art. L. 121-27 et de l’art. L. 141-1-V C. consom., doit être regardée comme possédant la qualité de professionnel la personne physique ou morale qui, dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, conclut avec le consommateur un contrat en vue de lui vendre un bien ou de lui assurer une prestation de service ; les agissements susceptibles de faire l’objet, après procédure contradictoire, du pouvoir d’injonction conféré à l’autorité administrative par ces dispositions ne pouvant ainsi être commis que dans le cadre de la relation contractuelle formée avec le consommateur, il s’ensuit que l’administration ne peut rendre destinataire de telles injonctions que la seule personne effectivement auteur des agissements qu’elle entend faire cesser ; doit être annulée la mesure d’injonction prise, non à l’encontre de la société distribuant des abonnements télévisuels, mais à l’égard de la société mère en détenant la totalité du capital, qui n’en constitue pas moins une personne morale distincte. CAA Versailles (plén.), 16 juillet 2012 : req. n° 10VE03618 ; Cerclab n° 4219 (annulation de la décision du directeur de la DDCRF des Hauts-de-Seine du 10 juin 2008 faisant injonction de n’engager le consommateur dans une relation contractuelle qu’à la suite du recueil de sa signature lorsqu’il a été démarché par téléphone).

Amende civile : cumul des sanctions. V. pour le principe, le problème ne se posant apparemment pas pour les clauses abusives : il découle de l'art. 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts ; le contrôle de la conformité d'un cumul de poursuites à ce principe impose de déterminer les faits qui sont poursuivis et sanctionnés, les intérêts sociaux qui sont protégés par l'instauration des sanctions et la nature de ces dernières. Cons. constit., 14 juin 2019 : déc. n° 2019-790 QPC ; Cerclab n° 8147 (points n° 5 à 9), sur demande de Cass. crim., 2 avril 2019 : pourvoi n° 19-90008 ; arrêt n° 841 ; Cerclab n° 8146. § Pour que le Conseil constitutionnel puisse, dans le cadre d'une QPC, contrôler la conformité à ce principe d'une disposition législative instituant une sanction ayant le caractère de punition, il est nécessaire que le requérant désigne, au cours de la procédure, la disposition instituant l'autre sanction entraînant le cumul dénoncé, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors que, si les pratiques commerciales trompeuses des art. L. 121-2 à L. 121-4 C. consom. sont, aux termes de l’art. L. 132-2, réprimées pénalement, l’art. L. 522-1 C. consom. se borne à donner compétence à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation pour prononcer des amendes administratives sans avoir pour objet ou pour effet d'instituer une sanction administrative. Cons. constit., 14 juin 2019 : précité (non lieu à statuer).

Amende justifiée, en raison de l’insertion d’une clause exonératoire abusive, la circonstance que dans la pratique aucun client n’ait été privé de son droit à réparation étant indifférente. TA Rennes (2e ch.), 15 mars 2023 : req. n° 2000309 ; Cerclab n° 10383 (entreprise de rénovation de constructions ; point n° 15).

Pour une illustration : si ces amendes présentent un caractère incontestablement sévère, elles sanctionnent des manquements multiples au code de la consommation, qui ont donné lieu à de nombreuses plaintes de la clientèle, et qui reflètent dans l’hypothèse la plus favorable l’amateurisme d’un professionnel de la vente à distance qui semble ignorer les obligations légales qui régissent son activité ; elles sanctionnent également le retard injustifié mis par la société à corriger les manquements qui lui avaient été signalés ; si, au regard de la gravité des manquements, la sanction ne présente pas de caractère disproportionné, il convient toutefois de retenir également qu’à la date à laquelle la sanction lui a été infligée, la société s’était mise en conformité avec la loi et, surtout, qu’en raison de sa fragilité financière, la survie de la société serait compromise si l’amende était maintenue à son niveau initial. CAA Paris (3e ch.), 7 juillet 2020 : req. n° 19PA00697 et  n° 19PA01207 ; Cerclab n° 8503 (vente à distance sur catalogue général de tous types de produits par correspondance ou par internet ; point n° 16 ; réduction de 54.000 euros à 15.000, l’arrêt notant aussi que la société a été placée en redressement à la suite de l’arrêt de son activité provoquée par la crise sanitaire), annulant TA Paris, 11 décembre 2018 : req. n° 1711938 et n° 1806257 ; Dnd.

B. CONTESTATION DES INJONCTIONS

Compétence du juge administratif : principe. Il ressort clairement du texte même de l’ancien art. L. 141-1-V C. consom., que les pouvoirs conférés à l’administration s’analysent comme la possibilité pour l’administration d’adresser à un professionnel dont les agissements sont critiqués une mise en demeure de se conformer aux dispositions dudit code, et qu’ils peuvent être exercés indépendamment de l’engagement d’une procédure devant une juridiction civile dans le cadre du VI du même article ; cette injonction présente ainsi le caractère d’une décision administrative, détachable des procédures judiciaires susceptibles d’être par ailleurs engagées en vue de faire cesser les agissements ou les manquements des professionnels en matière de protection des consommateurs ; en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, posé par l’art. 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, dès lors qu’il ne ressort pas des dispositions de l’ancien art. L. 141-1 C. consom, ni d’ailleurs d’aucune autre disposition dudit code, que la compétence pour apprécier la légalité des actes administratifs pris en application du V de cet article aurait été transférée, par exception au principe sus rappelé, aux juridictions de l’ordre judiciaire. CAA Versailles (plén.), 16 juillet 2012 : req. n° 10VE03618 ; Cerclab n° 4219, annulant TA Versailles (pdt 1re ch.), 13 septembre 2010 : ord. n° 0812605 : Dnd (ordonnance estimant que la demande avait été portée devant un ordre de juridiction incompétent).

Compétence du juge administratif : limites. Les conditions générales de vente des tickets pour un saison de football représentent un contrat de billetterie conclu entre la société exploitant le club sportif, personne morale de droit privé, et le spectateur, généralement une personne physique, qui est aussi une personne privée ; par ailleurs, le club n'est pas chargé, à titre délégataire, de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif ; les conditions générales de vente en litige ont ainsi le caractère d'obligations contractuelles découlant d'un contrat de droit privé ; il s'ensuit que l'appréciation par la voie de l'exception de la licéité des stipulations des CGV au regard des art. L. 212-1 et R. 212-1 C. consom. ressortit à la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire. TA Marseille, 8 novembre 2022 : req. n° 2000337 ; rôle n° 49186 ; Cerclab n° 9935 (points n° 6 et 7 ; eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie, et alors que la commission des clauses abusives n'a pas rendu d'avis, au demeurant purement consultatif, il convient de surseoir à statuer).

Procès équitable. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) ne sont pas une autorité administrative indépendante, mais un service déconcentré de l'Etat ; elles n'exercent aucune fonction de jugement et ne peuvent être regardées, ni par leur composition, ni par la procédure suivie pour prononcer les sanctions en cause, comme des tribunaux au sens des stipulations de la Conv. EDH ; en outre, la sanction prononcée est susceptible d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, dont les procédures sont conformes aux exigences de l'art 6 Conv. EDH ; il en résulte que la société contrôlée n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe de séparation des fonctions des poursuites et de sanctions. CAA Marseille (6e ch.), 29 mars 2021 : RG n° 18MA03850 ; rôle n° 21174 ; Cerclab n° 8880 (contrôle au titre de l’anc. art. L. 441-6 C. com. des prestations de notes d’urbanisme annexées à des actes authentiques de vente par le notaire pour satisfaire à son obligation de conseil), annulant TA Marseille, 3 juillet 2018 : req. n° 1603377 ; Dnd.

Question préjudicielle. A l’occasion de la contestation d’une décision prise dans le cadre d’une procédure d’injonction, le juge administratif peut être amené à se prononcer sur le caractère abusif ou illicite d’une clause au regard notamment de règles relevant du droit de la consommation et traditionnellement interprétées par le juge judiciaire. Si ce dernier sollicite fréquemment le juge administratif lorsque la légalité d’un acte administratif est en cause (solution obligatoire), l’hypothèse inverse peut désormais se poser. Il est probable que le juge administratif estimera celle-ci inutile, ce qui peut éventuellement conduire à des contrariétés de solutions entre les deux ordres de juridiction.

* Principe. Il ne peut y avoir matière à question préjudicielle que si la question posée relève d’un autre ordre de juridiction, soulève une difficulté sérieuse et est nécessaire à la solution du litige. CAA Nancy (3e ch.), 16 juin 2016 : req. n° 15NC00637 ; Cerclab n° 5675, sur appel de TA Nancy, 3 février 2015 : req. n° 1200754 ; Dnd.

* Illustrations : refus de question préjudicielle. Dès lors que le litige pose uniquement la question de savoir si, aux termes de l’art. 5 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction antérieure à sa modification issue de la loi du 24 mars 2014, seule la rémunération des intermédiaires intervenant sur le marché locatif pour la prestation de rédaction de bail pouvait être partagée par moitié entre le bailleur et le locataire, à l’exclusion de toute autre prestation, cette question exige seulement, pour être résolue, l’interprétation d’un texte législatif pour laquelle la juridiction administrative est compétente. CAA Nancy (3e ch.), 16 juin 2016 : req. n° 15NC00637 ; Cerclab n° 5675 (annulation partielle du jugement et renvoi de l’affaire au tribunal pour qu’il statue au fond ; N.B. il existe sur Legifrance un arrêt identique n° 00638), sur appel de TA Nancy, 3 février 2015 : req. n° 1200754 ; Dnd.

Relevé d’office : respect du contradictoire. Les dispositions de l’art. R. 611-7 C. just. adm. prévoyant l’information des parties lorsque la décision de justice paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office impliquent qu’un délai suffisant leur soit laissé pour présenter utilement des observations avant que l’instruction soit close. CAA Bordeaux (2e ch.), 23 août 2016 : req. n° 14BX00872 ; Cerclab n° 5671 (injonction de retirer plusieurs clauses abusives ou illicites d’un modègle de contrat de location sur le fondement de l’ancien l’art. L. 141-1-V C. consom. ; droits de la défense jugés en l’espèce respectés dès lors que les parties ont été informées le 21 novembre et invitées à présenter leurs observations jusqu’au 23 novembre minuit, que ce délai n’était pas impératif, que la société a pu présenter ses observations par télécopie le 22 avec régularisation par courrier ordinaire le 25, avant la clôture de l’instruction le 25 à minuit ; N.B. le délai accordé semblait pourtant en l’espèce extrêmement bref), sur appel de TA Saint-Denis de la Réunion, 9 janvier 2014 : req. n°1200578 ; Dnd. § Sur le relevé d’office et le respect du contradictoire, comp. pour les instances judiciaires Cerclab n° 5726.

Suspension de la mesure de sanction. Il résulte des dispositions de l’art. L. 521-1 C. just. adm. que le prononcé d'une ordonnance de suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonné à la réunion cumulative de l'existence d'une situation d'urgence et d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. TA Marseille (réf.), 5 décembre 2022 : req. n° 2209191 ; Cerclab n° 9959.

Modification des clauses à la suite de l’injonction. Les modifications apportées suite au contrôle opéré par le DECCTE, postérieurement aux décisions contestées, sont sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse. CAA Bordeaux (2e ch.), 23 août 2016 : req. n° 14BX00872 ; Cerclab n° 5671 (rappel de la chronologie : pré-injonction le 5 décembre 2011, injonction le 21 décembre 2011, recours gracieux le 24 février 2012, rejet implicite le 25 avril 2012), sur appel de TA Saint-Denis de la Réunion, 9 janvier 2014 : req. n°1200578 ; Dnd. § La circonstance que les nouveaux contrats aient été rectifiés après édiction de la sanction est sans incidence. CAA Paris (3e ch.), 18 octobre 2022 : req n° 21PA01108 ; Cerclab n° 9884 (société de vente et d’installation, notamment de pompes à chaleur, chauffe-eaux, et matériels photovoltaïques ; clause abusive de dédit et absence d’indication du médiateur : 2.400 euros ; N.B. la société invitait à la « clémence » en raison d’un débat juridique complexe), rejetant le recours contre TA Paris, 30 décembre 2020 : req. n° 1907923/2-1 ; Dnd.

Pour des illustrations : CAA Bordeaux (2e ch.), 23 août 2016 : req. n° 14BX00872 ; Cerclab n° 5671 (suppression d’une clause, mais modification jugée insuffisante pour deux autres), sur appel de TA Saint-Denis de la Réunion, 9 janvier 2014 : req. n°1200578 ; Dnd.

Délai de modification. Admission d’un délai suffisant pour mettre en conformité les conditions générales, dès lors que l’injonction du 8 octobre 2015 pour le 14 novembre 2015 a été précédée par une lettre de pré-injonction du 26 aout 2015 et que les modifications n’étaient toujours pas faites au 3 février 2016. CAA Paris (3e ch.), 7 juillet 2020 : req. n° 19PA00697 et  n° 19PA01207 ; Cerclab n° 8503 (vente à distance sur catalogue général de tous types de produits par correspondance ou par internet ; point n° 14), annulant TA Paris, 11 décembre 2018 : req. n° 1711938 et n° 1806257 ; Dnd.

Moyens de défense du professionnel. Le professionnel ayant illégalement conditionné le délai de rétractation prévu par l’art. L. 221-18 C. consom. à un « motif valable », le manquement est établi et le fait que « l’écrasante majorité » des clients ait pu bénéficier d’un droit de rétractation conforme à la loi ou que les conditions générales de vente aient été modifiées, est indifférent. CAA Paris (3e ch.), 7 juillet 2020 : req. n° 19PA00697 et  n° 19PA01207 ; Cerclab n° 8503 (vente à distance sur catalogue général de tous types de produits par correspondance ou par internet ; point n° 10), annulant TA Paris, 11 décembre 2018 : req. n° 1711938 et n° 1806257 ; Dnd. § De même, s’agissant d’une clause abusive, est indifférente la circonstance que la clause aurait été « rédigée de manière ambigüe et maladroite par un petit professionnel non juriste », et celle que dans la pratique aucun client n’aurait été privé de son droit à réparation. CAA Paris (3e ch.), 7 juillet 2020 : préc. ; Cerclab n° 8503 (point n° 12).

Publicité. Selon l’art. R. 522-3 C. consom., « La publication prévue à l'article L. 522-6 s'effectue par voie de presse, par voie électronique ou par voie d'affichage. La diffusion et l'affichage peuvent être ordonnés cumulativement. [alinéa 1] Les modalités de la publication sont précisées dans la décision prononçant l'amende. [alinéa 2] ».

L’art. R. 522-4 C. consom. dispose quant à lui « La publication peut porter sur l'intégralité ou sur une partie de la décision, ou prendre la forme d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de cette décision. La diffusion de la décision est faite au Journal officiel de la République française, par une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique. [alinéa 1] Les publications ou les services de communication au public par voie électronique chargés de cette diffusion sont désignés dans la décision. Ils ne peuvent pas s'opposer à cette diffusion. [alinéa 2] ».

Enfin, l’art. R. 522-5 C. consom. ajoute que « L'affichage s'effectue dans les lieux et pour la durée indiqués par la décision ; il ne peut excéder deux mois. [alinéa 1] En cas de suppression, dissimulation ou lacération des affiches apposées, il est de nouveau procédé à l'affichage [alinéa 2] ».

N.B. Le texte reprend, en le découpant, le contenu de l’ancien art. R. 141-6-II C. consom. (décret n° 2014-1109 du 30 septembre 2014).

La réalité des manquements mentionnés dans le communiqué publié sur les sites de l’administration ayant été confirmée par la Cour, la présentation qu’en donne le communiqué, qui n’est ni parcellaire ni trompeuse, cette publicité est suffisante ; cette publication, outre sa valeur pédagogique, a notamment pour objet d’informer le public qu’il a été susceptible d’avoir été lésé par les pratiques de la société et ne saurait être supprimée aux motifs que le professionnel aurait entretemps remédié aux manquements dont il a été fait état. CAA Paris (3e ch.), 7 juillet 2020 : req. n° 19PA00697 et  n° 19PA01207 ; Cerclab n° 8503 (vente à distance sur catalogue général de tous types de produits par correspondance ou par internet ; point n° 20), annulant TA Paris, 11 décembre 2018 : req. n° 1711938 et n° 1806257 ; Dnd.