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CA PARIS (pôle 5 ch. 9), 7 février 2013

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 9), 7 février 2013
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 9
Demande : 12/01230
Date : 7/02/2013
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/01/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4240

CA PARIS (pôle 5 ch. 9), 7 février 2013 : RG n° 12/01230 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'au soutien de sa demande d'indemnité en réparation du dommage résultant du déséquilibre contractuel allégué consécutif au double emploi constitué par la double stipulation d'une indemnité de privation de jouissance et d'une indemnité de résiliation contractuelle, l'appelante invoque aussi l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce en soutenant qu'en imposant ces deux indemnités en cas de résiliation du contrat, le crédit-bailleur a créé un déséquilibre dans les droits et obligations des parties en imposant au crédit-preneur deux types d'indemnité faisant « manifestement » double emploi ;

Mais considérant que la société SPID ne démontre pas en quoi les deux stipulations critiquées font double emploi, puisque l'une d'elles répare le préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat par la faute du crédit-preneur tandis que l'autre répare le dommage résultant du défaut de restitution du bien loué dans les 8 jours de la résiliation du contrat, les deux dommages n'intervenant pas forcément cumulativement ;

Qu'en outre, les deux contrats litigieux de crédit-bail ont été souscrit les 6 et 27 janvier 2005 et que le texte invoqué par l'appelante a été postérieurement introduit dans le code de commerce par l’article 93 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite de « modernisation de l'économie », de sorte que la disposition légale invoquée n'est pas applicable à la cause ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/01230. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 novembre 2011 - Tribunal de Commerce de PARIS (10ème chambre) : RG n° 2010/024971.

 

APPELANTE :

SARL SPID COLIS SYSTEM

ayant son siège social [adresse], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège, représentée par : Maître François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS LEASE GROUP

ayant son siège social [adresse], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège, représentée par : Maître Patrick BETTAN de la AARPI DES DEUX PALAIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0078), assistée de : Maître Nicolas CROQUELOIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0098)

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, Monsieur François FRANCHI, Président, Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Gérard PICQUE dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER,

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT : - contradictoire, - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, - signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les 6 et 27 janvier 2005, la Sarl SPID COLIS SYSTEM (société SPID) a souscrit deux crédit-baux d'une durée chacun de 48 mois, auprès de la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP (société BNP LEASE) concernant :

- un véhicule Mercedes réceptionné le 10 février 2005, moyennant un loyer mensuel d'un montant de 836 euros HT, outre une valeur résiduelle d'un montant de 355,39 euros HT,

- un matériel de radio-télécommunication, réceptionné le 27 janvier 2005, moyennant un loyer mensuel d'un montant de 257,14 euros HT, outre une valeur résiduelle d'un montant de 109,56 euros HT.

Les loyers ayant cessé d'être honorés et les deux mises en demeure de payer, par lettres recommandées du 31 juillet 2008 étant restées vaines, la société BNP LEASE a notifié la résiliation des contrats par deux lettres recommandées du 22 octobre 2008 et a, le 19 mars 2010, attrait la société SPID devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de constater les résiliations contractuellement intervenues et l'entendre condamner le crédit-preneur défaillant à restituer le véhicule et le matériel en autorisant le crédit-bailleur à les appréhender par tout moyen en quelque lieu et quelque main qu'ils se trouveront et à lui payer :

- 11.267,75 euros au total au titre des indemnités de résiliation contractuelle et des loyers impayés,

- 14.475,44 euros au total au titre des indemnités de privation de jouissance depuis la résiliation des contrats,

outre 2.500 euros de frais irrépétibles.

Par jugement du 25 novembre 2011 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a constaté la résiliation des deux contrats et a condamné la société SPID à payer 10.888,10 euros (au lieu de 11.267,75 euros) au titre des indemnités de résiliation et 11.704 euros (au lieu de 14.475,44 euros) au titre des indemnités de privation de jouissance en ayant défalqué la TVA que les premiers juges ont estimée inapplicable à des indemnités, outre 2.500 euros de frais non compris dans les dépens, la restitution du véhicule (Mercedes Benz sprinter 413 CDI n° de châssis WW) étant ordonnée, la société BNP LEASE étant autorisée par le jugement à l'appréhender par tout moyen en quelque lieu qu'il se trouve.

Vu l'appel interjeté le 20 janvier 2012, par la société SPID et ses ultimes écritures signifiées le 9 août suivant poursuivant :

- à titre principal, la limitation de la condamnation à la somme globale de 12.500 euros, en ce compris l'indemnité de levée d'option en fin de contrat, en invoquant un accord global qui serait intervenu en cours de première instance, et priant la cour de dire que la société SPID ne sera pas tenue de restituer le véhicule,

- subsidiairement la condamnation de la société BNP LEASE à lui verser une indemnité de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du dommage résultant du déséquilibre contractuel, au sens de l’article L. 442-6 du code de commerce, consécutif au double emploi constitué, selon l'appelante, par la clause d'indemnité de privation de jouissance et de celle de résiliation contractuelle,

- plus subsidiairement la qualification de l'indemnité de jouissance de clause pénale et de la réduire à hauteur de 1.000 euros,

et en tout état de cause priant aussi la cour de réduire à hauteur de 1.000 euros, l'indemnité allouée par le tribunal au titre des frais irrépétibles de première instance et de dire que le paiement des loyers impayés au titre du contrat du 6 janvier 2005 « constitue la levée de l'option d'achat fixée à un euros » et que la société SPID « ne sera pas tenue de restituer les véhicules dont elle a payé la majorité du prix » ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 juin 2012, par la société BNP LEASE réclamant 2.500 euros de frais irrépétibles d'appel et poursuivant la confirmation du jugement sauf à le réformer en ce qu'il a exclu la TVA de l'indemnité de privation de jouissance en demandant le plein de sa demande de ce chef, soit 14.475,44 euros, en soutenant que la TVA est applicable dès lors que l'indemnité de privation de jouissance est la contrepartie de l'utilisation du bien ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, la Cour :

Considérant, liminairement, que la société SPID ne conteste pas que les deux crédits-baux ont été contractuellement résiliés à la date du 22 octobre 2008 ni qu'elle n'a pas restitué les matériels correspondants dans les 8 jours ;

Que pour prétendre qu'un accord serait intervenu, la société SPID expose que le 15 octobre 2010 elle a proposé un règlement forfaitaire de 12.500 euros en 10 versements mensuels de 1.250 euros chacun, à titre d'indemnité transactionnelle définitive englobant les deux options d'achat et les frais exposés par la société BNP LEASE, ce qui aurait été accepté le 9 novembre 2010 par le crédit-bailleur, un protocole d'accord rédigé par celui-ci ayant été signé par la société SPID et retourné à la société BNP LEASE avec une autorisation de prélèvement ;

Que l'appelante en déduit que l'accord transactionnel était acquis tout en précisant qu'entre temps, ayant changé d'avis, la société BNP LEASE a obtenu les condamnations objet du jugement dont appel ;

Mais considérant qu'il résulte des propres déclarations de la société SPID, que le protocole d'accord transactionnel ne lui a jamais été retourné signé par la société BNP LEASE et que cette dernière affirme, au contraire, qu'aucun accord n'est intervenu en cours de première instance entre les parties ;

Que dès lors, la société SPID succombe dans l'administration de la preuve, qui lui incombe, sur l'existence de l'accord allégué de sorte que toutes les demandes en découlant sont sans fondement ;

Considérant qu'au soutien de sa demande d'indemnité en réparation du dommage résultant du déséquilibre contractuel allégué consécutif au double emploi constitué par la double stipulation d'une indemnité de privation de jouissance et d'une indemnité de résiliation contractuelle, l'appelante invoque aussi l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce en soutenant qu'en imposant ces deux indemnités en cas de résiliation du contrat, le crédit-bailleur a créé un déséquilibre dans les droits et obligations des parties en imposant au crédit-preneur deux types d'indemnité faisant « manifestement » double emploi ;

Mais considérant que la société SPID ne démontre pas en quoi les deux stipulations critiquées font double emploi, puisque l'une d'elles répare le préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat par la faute du crédit-preneur tandis que l'autre répare le dommage résultant du défaut de restitution du bien loué dans les 8 jours de la résiliation du contrat, les deux dommages n'intervenant pas forcément cumulativement ;

Qu'en outre, les deux contrats litigieux de crédit-bail ont été souscrit les 6 et 27 janvier 2005 et que le texte invoqué par l'appelante a été postérieurement introduit dans le code de commerce par l’article 93 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite de « modernisation de l'économie », de sorte que la disposition légale invoquée n'est pas applicable à la cause ;

Que, de même, la société SPID n'explique pas en quoi l'indemnité de jouissance du bien qui aurait dû être restitué dans les 8 jours de la résiliation, serait une clause pénale dont le montant serait manifestement excessif ;

Qu'enfin en se bornant à affirmer, sans le démontrer au demeurant, qu'elle aurait « payé la majorité du prix des véhicules », pour en déduire que le paiement des loyers impayés au titre du contrat du 6 janvier 2005 « constitue la levée de l'option d'achat fixée à un euro » et, en conséquence qu'elle « ne sera pas tenue de restituer les véhicules dont elle a payé la majorité du prix », la société SPID ne justifie pas ses allégations de sorte que les demandes correspondantes ne sauraient être accueillies ;

Considérant par ailleurs qu'en se bornant à affirmer que l'indemnité de privation de jouissance est la contrepartie de l'utilisation du bien, la société BNP LEASE n'a pas pour autant démontré que celle-ci est soumise à la taxe à la valeur ajoutée, s'agissant d'une indemnité contractuellement stipulée en réparation du préjudice résultant, pour le crédit-bailleur, du défaut d'exécution de l'obligation du crédit-preneur de restitution du bien loué dans les 8 jours de la résiliation du crédit-bail ;

Que, dans les motifs de ses écritures [conclusions page 7] la société BNP LEASE réclame aussi les intérêts au taux légal à compter des mises en demeure du 22 octobre 2008 sans toutefois le reprendre expressément dans le dispositif des conclusions, de sorte que la cour n'est pas régulièrement saisie d'une demande de ce chef, étant surabondamment observé que le crédit-bailleur ne s'est pas expliqué sur le délai qui s'est inutilement écoulé entre la délivrance des mises en demeure et la saisine de la juridiction (19 mars 2010) ;

Que, de même, l'intimée demande aussi la restitution du matériel sous astreinte de « 1.500 euros par mois de retard » [conclusions page 7] sans reprendre l'astreinte dans le dispositif des conclusions de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande ;

Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Qu'en ayant octroyé une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, le tribunal a fait une juste appréciation des faits de la cause et qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la Sarl SPID COLIS SYSTEM aux dépens et à verser mille cinq cent euros (1.500 euros) de frais irrépétibles d'appel à la S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP,

Admet Maître Patrick BETTAN, avocat postulant, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,

B. REITZER                         P. MONIN-HERSANT