CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 14 février 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4244
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 14 février 2013 : RG n° 11/03588
Publication : Jurica
Extraits : « Considérant que l'article 4 de la convention de Rome dispose « Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits » ; Considérant que de tels liens existent avec le pays où le débiteur qui doit la prestation a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ; qu'à l'occasion d'un contrat de distribution, la prestation caractéristique du contrat est la distribution du produit ; qu'en l'espèce, la distribution a porté sur des produits Bridel, marque française dont la distribution a été réalisée par la société Lactalis, société ayant son siège social en France de sorte que les relations contractuelles présentent les liens les plus étroits avec la France ; qu'au surplus il résulte de l'article VII des conditions générales de vente figurant au verso des factures établies par la société Lactalis qu'en cas de litige, seule la loi française est applicable ; Considérant en conséquence que c'est à juste titre que les Premiers Juges ont retenu l'application de la loi française. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/03588. (9 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 janvier 2011 - Tribunal de Commerce de CRÉTEIL : RG n° 2009F00710.
APPELANTE :
SOCIÉTÉ DE DROIT ÉGYPTIEN PORT SAID MODERN TRADE DEVELOPPEMENT « SOUDANCO SAE »
prise en la personne de son représentant légal, Ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, Assistée de Maître Muriel LINARES, avocat au barreau de LYON, toque 1635
INTIMÉE :
SNC LACTALIS INTERNATIONAL
agissant poursuites et diligences de son gérant, Ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Assistée de Maître Hervé DARDY, avocat au barreau de SAINT BRIEUC
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 décembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Patricia POMONTI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente,Madame Patricia POMONTI, Conseillère, Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE :
La société Lactalis est un groupe laitier français qui détient un certain nombre de marques françaises dont la marque Bridel.
En 1996, à l'occasion de son développement en Egypte, elle a confié à la société Port Said Modern Trade Développement « Soudanco SAE » (la société Soudanco) l'importation et la distribution des produits de la marque Bridel ; les relations commerciales se sont poursuivies pendant 12 années sans donner lieu à l'établissement d'un contrat écrit.
Le 12 mai 2008, la société Lactalis a informé la société Soudanco de ce qu'à compter de la fin du mois de mai 2008, les produits Bridel seraient distribués par sa filiale.
La société Soudanco a demandé à la société Lactalis, au titre de la rupture abusive des relations commerciales, la somme de 800.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par acte du 30 juillet 2009, la société Soudanco a assigné la société Lactalis devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive.
Par un jugement en date du 18 janvier 2011, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- dit que la loi applicable dans la présente instance est la loi française et qu'il statuera en faisant application de l’article L. 442-6 du code de commerce,
- condamné la société Lactalis à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 70.000 euros à la société Soudanco,
- condamné la société Soudanco à payer à la société Lactalis la somme de 59.060,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2008 et ordonne la capitalisation de ces intérêts à compter de cette même date,
- ordonné la compensation entre les deux condamnations supra,
- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par la société Soudanco une caution bancaire, délivrée par un établissement bancaire notoirement solvable et de premier rang, égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,
- condamné la société Lactalis à payer à la société Soudanco la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute la société Lactalis de sa demande formée de ce chef.
Vu l'appel interjeté le 24 février 2011 par la société Soudanco contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 18 novembre 2011 par lesquelles la société Soudanco demande à la Cour de :
Sur la loi applicable :
- confirmer le jugement entrepris,
en conséquence,
- dire et juger que la loi française est applicable au présent litige,
Sur le caractère brutal et abusif de la rupture des relations commerciales :
- confirmer le jugement entrepris,
en conséquence,
- dire et juger brutale et abusive la rupture, par la société Lactalis, de ses relations commerciales établies avec la société Soudanco,
- dire et juger qu'il en est résulté un préjudice commercial et financier pour la société Soudanco dont elle est bien fondée à demander réparation,
En revanche,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Lactalis à régler à la société Soudanco la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts,
En conséquence,
- dire et juger que les préjudices de la société Soudanco peuvent être raisonnablement évalués à la somme de 800.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Lactalis à payer à la société Soudanco la somme de 800.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- prendre acte de ce que la société Soudanco reconnaît devoir à la société Lactalis la somme de 59.060,09 euros au titre de sa facture du 31 mars 2008,
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la compensation des créances réciproques,
- condamner la société Lactalis à payer à la société Soudanco la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Soudanco soutient que la loi de police du for s'impose au juge quelle que soit la loi applicable. Selon elle, seule la loi française peut régir le présent litige porté devant les juridictions françaises, étant donné que l'action de la société Soudanco est fondée sur une loi de police, à savoir l’article L. 442-6 du code de commerce. Au surplus, elle estime que le contrat présente les liens les plus étroits avec la France.
Elle prétend ensuite que la rupture des relations est brutale, notamment eu égard à l'ancienneté des relations commerciales, à l'excellence des actions menées durant 12 ans par la société Soudanco qui a permis à la société Lactalis de s'implanter sur le marché égyptien puis d'envisager de distribuer directement ses produits en Égypte et aux multiples investissements de la société Soudanco.
Enfin, elle estime avoir subi une perte de marge brute pour l'année 2007 qui a déséquilibré considérablement son économie, mais aussi son fonctionnement. Elle invoque des investissements à perte (en matériel, en personnel et en marketing), une désorganisation, une atteinte à l'image et la perte de chance de retour sur investissement.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 28 novembre 2012, par lesquelles la société Lactalis demande à la Cour de :
Réformant le jugement du chef des dispositions qui font grief à la société Lactalis et statuant de nouveau de ces chefs,
1) Principalement,
- dire et juger qu'en application de la règle de droit international privé, le droit applicable à la solution du litige est le droit égyptien,
- dire et juger que l'article L. 442-6, I, 5ème n'est pas applicable faute de lien de rattachement avec le territoire français,
En conséquence,
- déclarer mal fondée la société Soudanco en ses demandes,
2) Subsidiairement,
- dire et juger que la société Soudanco ne fait pas la preuve du caractère fautif de la rupture,
3) Très subsidiairement,
- dire et juge que la société Soudanco ne fait pas la preuve, ni du principe, ni du quantum de son préjudice,
En conséquence, dans les deux hypothèses :
- la débouter de sa demande d'indemnisation et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
4) En tout état de cause,
- confirmer le jugement du 18 janvier 2011 en ce qu'il a condamné la société Soudanco à payer à la société Lactalis la somme de 59.060,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2008 et ordonné la capitalisation de ces intérêts à compter de cette même date,
- condamner la société Soudanco à payer à la société Lactalis la somme de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Lactalis soutient que la demande d'indemnisation de la société Soudanco n'est pas fondée, dans la mesure où elle repose sur une disposition du droit français qui n'est pas applicable au litige. Selon elle, le critère de rattachement est le lieu de production du fait dommageable, autrement dit le lieu d'établissement du distributeur victime de la rupture brutale.
Subsidiairement, elle prétend qu'aucune faute ne peut lui être imputée. Selon elle, il est de l'essence d'un contrat à durée indéterminée de pouvoir être dénoncé par chacune des parties à tout moment et la durée de préavis raisonnable ne dépend pas exclusivement de la durée de la relation commerciale. Elle estime que la société Soudanco ne fait pas la preuve du caractère fautif de la rupture qui lui a été notifiée dès lors qu'elle a pu écouler ses stocks, qu'il lui a été offert de s'approvisionner auprès de la société Lactalis pour éviter toute rupture d'approvisionnement, qu'elle reconnaît elle-même qu'elle a pu se réorganiser afin de poursuivre son activité et enfin, qu'il lui a été offert de poursuivre la relation dans un cadre contractuel à durée déterminée.
Enfin, elle considère que la société Soudanco ne rapporte pas la preuve, ni du principe, ni du quantum du préjudice allégué.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la loi applicable :
Considérant que la société Lactalis n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.
Considérant que la société Lactalis soutient la réformation du jugement en ce qu'il a jugé que la loi applicable était la loi française, faisant valoir que le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et qu'il doit être fait application des règles de droit du territoire sur lequel la rupture de la relation a produit ses effets, principe auquel il ne peut être dérogé qu'à la condition de démontrer l'existence d'un lien suffisant entre le préjudice allégué et l'exécution des relations commerciales avec le territoire français.
Considérant que la société Soudanco fait valoir que la convention de Rome à laquelle la France est partie dispose en son article 7 que « Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable » ;
Considérant que l'article 4 de la convention de Rome dispose « Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits » ;
Considérant que de tels liens existent avec le pays où le débiteur qui doit la prestation a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ; qu'à l'occasion d'un contrat de distribution, la prestation caractéristique du contrat est la distribution du produit ; qu'en l'espèce, la distribution a porté sur des produits Bridel, marque française dont la distribution a été réalisée par la société Lactalis, société ayant son siège social en France de sorte que les relations contractuelles présentent les liens les plus étroits avec la France ; qu'au surplus il résulte de l'article VII des conditions générales de vente figurant au verso des factures établies par la société Lactalis qu'en cas de litige, seule la loi française est applicable ;
Considérant en conséquence que c'est à juste titre que les Premiers Juges ont retenu l'application de la loi française.
Sur la rupture des relations commerciales :
Considérant que l'article L. 442-6 du contrat dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : … de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale établie et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels» ;
Considérant que la société Soudanco a distribué pendant 12 ans la marque Bridel de sorte qu'il existait une relation commerciale établie, ce qui n'est pas contesté ;
Considérant que la société Lactalis fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute à l'occasion de cette rupture dans la mesure où par son courriel du 20 mai 2008, elle a expressément indiqué à la société Soudanco qu'elle l'informerait du transfert de l'activité au profit de sa filiale locale et qu'elle lui a offert de s'approvisionner en produits de la marque Bridel jusqu'à ce qu'elle trouve un fournisseur de substitution ;
Considérant que par ce courriel, la société Lactalis a mis fin aux relations commerciales à compter de la fin du mois de mai 2008 ; que, si elle a laissé entendre une possibilité d'approvisionnement en produits Bridel, ce n'était que dans l'attente de la date officielle de la distribution par sa filiale ce qui lui permettait d'éviter une rupture dans la distribution de ses produits ; que, si la décision par la société Lactalis d'assurer la distribution de ses produits en Egypte par l'intermédiaire d'une filiale n'est pas blâmable, il n'en demeure pas moins qu'elle devait donner un préavis d'une durée raisonnable à la société Soudanco qui était son partenaire local depuis 12 ans ; que la société Lactalis lui a clairement indiqué la fin des relations commerciales entre elles à compter de fin mai ; que le seul fait de lui indiquer qu'elle pourrait se réapprovisionner et distribuer les produits Bridel jusqu'à l'ouverture de sa filiale ne saurait constituer un allongement du délai résultant de la date fixée par la société Lactalis dès lors qu'il n'est pas démontré que les relations commerciales se sont poursuivies au delà de ce terme ; que d'ailleurs, la proposition de la société Lactalis de poursuite d'approvisionnement en ce qu'elle mentionne «et ce pour éviter que cela puisse poser des problèmes de produits périmés en fin de mois et aussi éviter que vous tombiez en rupture» a pour seule finalité d'éviter une rupture dans la distribution des produits à l'occasion de l'ouverture de sa filiale ; qu'il s'ensuit que la société Soudanco a bénéficié d'un délai de 10 jours ; qu'au regard d'une relation commerciale de 12 ans, ce délai était notoirement insuffisant pour permettre à la société Soudanco de se réorganiser et notamment de trouver un ou des produits de remplacement à ceux de la marque Bridel ; que, si la société Lactalis a proposé la conclusion d'un contrat écrit d'une durée d'un an pour encadrer l'activité de distribution, elle ne l'a fait qu'en avril 2009 soit un an après la rupture ce qui ne saurait pallier le caractère insuffisant du délai de 10 jours octroyé au moment de la rupture ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont qualifié la rupture des relations commerciales par la société Lactalis de rupture brutale ;
Considérant qu'au regard de la durée des relations commerciales entretenues entre les parties, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé la durée du préavis raisonnable dont la société Soudanco aurait dû bénéficier à 12 mois.
Sur le préjudice de la société Soudanco :
Considérant que, si la société Lactalis soutient que la société Soudanco n'a subi aucun préjudice dans la mesure où celle-ci a indiqué avoir été « contrainte de se réorganiser en quelques semaines », il s'agit de la constatation d'un état de fait auquel elle a dû faire face en raison de la rupture brutale, dont la cour ne saurait tirer la preuve de sa réorganisation de sorte qu'elle aurait suppléé à la perte de sa relation avec la société Lactalis ;
Considérant que la société Soudanco prétend que son préjudice est supérieur à la somme de 70.000 euros allouée par les premiers juges, faisant valoir que sa marge sur les produits Bridel a été de 30 % en 2007, ayant même atteint 40 % l'année suivante ; qu'elle indique avoir réalisé depuis 1996, au titre de la distribution des produits Bridel, un chiffre d'affaires supérieur à 3 millions d'euros et, entre le 1er janvier et novembre 2007, avoir importé pour 467.377,35 euros de marchandises Bridel ;
Considérant que la société Soudanco produit une attestation de M. X., ancien chef de zone de la société Lactalis au Moyen Orient qui indique que la marge de la société Soudanco serait « de l'ordre de 35 à 40 % brute » et précise qu'il correspond à celui pratiqué en général dans « le Modern Trade » ;
Que la société Soudanco indique ne pas produire les factures émises au cours de l'année 2007 car cela représenterait une communication avoisinant les 40.000 pièces au demeurant libellées en anglais ; qu'elle fournit seulement 5 factures pour attester de ses prix de revente et de sa marge ;
Considérant que la société Lactalis fait observer, à juste titre, le caractère parcellaire des pièces produites et de leur teneur en ce qu'elles concernent uniquement 4 clients GMS, qu'elles portent sur moins de 6 % de la quantité livrée par la société Lactalis en 2007 et moins de 17 % du montant total facturé par elle au cours de cette même année et qu'elles font apparaître des déductions sur factures non prises en compte par la société Soudanco dans son calcul de marge ;
Que s'agissant de son chiffre d'affaires, la société Soudanco ne produit qu'un tableau qu'elle a réalisé elle-même qui ne saurait être retenu comme probant, la société Soudanco ne pouvant invoquer le fait qu'étant une société de droit égyptien, son fonctionnement comptable et financier n'est pas comparable à celui d'une société de droit français ; qu'en toute hypothèse, il lui appartient de justifier de ses affirmations concernant son chiffre d'affaires par des éléments probants ce qu'elle ne fait pas ;
Que, de plus, il résulte du chiffre des exportations que la société Soudanco affirme avoir réalisées au cours de l'année 2007, soit 467.377,35 euros, que sa marge ne peut correspondre à la somme de 800.000 euros qu'elle a réclamée initialement au titre de la marge manquée ; qu'au demeurant, devant les Premiers Juges, la société Soudanco a fait état d'un chiffre d'affaires de 470.000 euros en 2007 alors qu'elle avait payé à la société Lactalis la somme de 400.000 euros ; que, dès lors, sa marge brute au cours de l'année 2007 a été de 70.000 euros ; qu'aucun élément ne permet de retenir une marge différente au cours des années antérieures ; que c'est donc à juste titre que les Premiers Juges ont condamné la société Lactalis à payer à la société Soudanco ce montant ;
Considérant que la société Soudanco prétend avoir réalisé des investissements en matériel, à savoir des camions réfrigérés et en personnel, chauffeurs et transporteurs, des commerciaux, des animateurs au sein des supermarchés et une équipe Marketing pour implanter et développer puis maintenir le marché Bridel en Egypte ;
Considérant que la société Lactalis fait valoir que la société Soudanco n'apporte aucune preuve de ces investissements ;
Considérant que la société Soudanco verse une photo de camions réfrigérés portant la mention Bridel ; que toutefois, elle ne justifie ni de la date d'achat de ceux-ci, ni de leur usage, ni de leur devenir après la rupture des relations commerciales ; que, de même pour le personnel, elle n'apporte aucun élément justifiant leur nombre, leur activité et ce qu'il en est advenu ; que si elle justifie de frais de marketing, ceux-ci concernent les années 2004 à 2007 et ont contribué à la marge réalisée par la société Soudanco à l'occasion des relations commerciales ; que ceux-ci ne sauraient être retenus comme un préjudice résultant de leur rupture brutale ;
Considérant que la société Soudanco fait valoir un préjudice d'image dans la mesure même où les réseaux de distribution avaient été informés avant elle de la rupture des relations commerciales ;
Considérant que la brutalité de la rupture à l'occasion d'une relation commerciale établie depuis 12 ans, et, alors que la société Soudanco avait été au cours de ces années le seul distributeur de la marque Bridel, a créé des doutes sur le sérieux de la société Soudanco auprès de ses clients, portant atteinte à son image ; qu'il y a lieu de réparer ce préjudice en condamnant la société Lactalis à lui payer la somme de 15.000 euros et de réformer en ce sens le jugement entrepris ;
Considérant que la société Soudanco fait valoir que les ventes ayant été en constante augmentation, elle a investi sur la marque Bridel en vue d'un retour sur investissement dont elle a été privée du fait de la brutalité de la rupture ;
Considérant que, si le marché égyptien était en pleine croissance, la société Lactalis demeurait libre de créer sa propre filiale sauf à assurer à son partenaire un délai de préavis raisonnable ; que la société Soudanco ne démontre pas que l'évolution du marché égyptien concernait exclusivement les produits Bridel ; que dès lors, si elle a réalisé des investissements dont au demeurant elle ne justifie pas, ceux-ci l'ont été à l'occasion de l'évolution générale du marché égyptien et ne justifie pas une indemnisation au delà du préavis d'un an fixé par les premiers juges et confirmé par la Cour ;
Sur la demande en paiement de la société Lactalis :
Considérant qu'en cause d'appel la société Soudanco reconnaît devoir à la société Lactalis la somme de 59 060,09euros selon sa facture en date du 31 mars 2008 ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Soudanco au paiement de cette somme.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne la demande de la société Soudanco au titre de son préjudice d'image,
Y ajoutant
CONDAMNE la société Lactalis à payer à la société Soudanco la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice d'image,
REJETTE toute autre demande,
DIT n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Lactalis aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREY C. PERRIN