T. COM CRÉTEIL (1re ch.), 13 décembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 4295
T. COM CRÉTEIL (1re ch.), 13 décembre 2011 : RG n° 2009F01017
Publication : Lexbase
Extrait : « Attendu que, le 13 mai 2011, le Conseil Constitutionnel a dit conforme à la Constitution le second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, sous réserve que l'autorité publique, qui engage une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public, informe au préalable les parties au contrat, Attendu qu'à la suite de cette décision, le Ministre a modifié sa demande initiale, en renonçant à faire déclarer nulles les clauses qu'il considérait comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société SYSTÈME U, ne sollicitant plus désormais que la cessation des pratiques litigieuses,
Attendu que le Tribunal ne peut pas se prononcer sans faire référence a des faits précis, que le Ministre pour justifier sa demande verse aux débats 72 contrats relatifs à 56 fournisseurs, demandant au Tribunal de statuer sur « l'Annexe I de l'accord cadre annuel 2009 » de manière générale indiquant que plus de 2.500 fournisseurs pourraient être concernés, alors que chacune des Annexes I est individualisée avec le nom du fournisseur, que, même si ces 72 contrats comportent des clauses identiques, le Tribunal ne peut généraliser a l'ensemble des fournisseurs sur la base des 72 contrats en statuant de manière générale sans référence a des contrats précis et donc a des fournisseurs précis, Attendu, néanmoins, que le Tribunal peut se limiter à statuer sur les 72 contrats versés aux débats,
Attendu que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 13 mai 2011 a dit l'action du Ministre conforme à la Constitution, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action, Et attendu que le Ministre a indiqué, lors des débats, avoir informé les fournisseurs, mais ne pouvoir le justifier, Attendu, qu'en conséquence, le Tribunal ne pouvant ni statuer de manière générale ni statuer sur les 72 contrats versés aux débats relatifs aux 56 fournisseurs, en l'absence de preuve que lesdits fournisseurs ont été informés de l'action du Ministre, dira l'action du Ministre irrecevable et le déboutera de l'ensemble de ses demandes. »
TRBUNAL DE COMMERCE DE CRÉTEIL
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2009F01017.
DEMANDEUR :
Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI, aujourd'hui MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
[adresse], Représenté dans la région Île-de-France par M. X., Directeur de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (Dl RECCTE), [adresse], conformément à l'article R. 470-1-1 du Code de commerce, comparant en personne conformément aux dispositions de l'article L. 470-5 du Code de commerce
DÉFENDEUR :
SOCIÉTÉ SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE
[adresse], comparant par Maître Nicole DELAY PEUCH [adresse] et par Maître RENAUDIER [adresse]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : La présente affaire a été débattue à l'audience de plaidoirie du 18 octobre 2011, où siégeaient M. Xavier du VACHAT, Président, M. Didier RENOULT M. Jean-François GRANET, Juges, lesquels ont clos les débats et mis en délibéré.
Décision contradictoire en premier ressort.
Délibérée par M. Xavier DU VACHAT, Président, M. Didier RENOULT, M. Jean-François GRANET, Juges.
Prononcée ce jour par la mise à disposition au Greffe de ce Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. Minute signée par M. Xavier du VACHAT Président du délibéré, et Mme Maryse DEN I EL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES FAITS
Le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI, aujourd'hui MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a introduit une action à rencontre de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, après avoir examiné les contrats et annexes, fixant les relations commerciales entre la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE, enseigne de la grande distribution, et ses fournisseurs, son enquête ayant porté sur 72 accords commerciaux, conclus en 2009, avec 56 fournisseurs référencés nationalement auprès de cette enseigne, dont 44 sont des fournisseurs à prédominance alimentaire. Le Ministre, considérant que la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE fait supporter à ses fournisseurs des clauses qui caractérisent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de chacun, a introduit la présente instance en vue de rétablir un équilibre entre les partenaires commerciaux et prévenir la réitération de ces pratiques.
La société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE, ayant soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant la notion de déséquilibre significatif, à laquelle l'article L. 442-6-1-2° se réfère, cette question a été soumise au Conseil Constitutionnel.
Suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 13 janvier 2011 qui a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du second alinéa du paragraphe I de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'instance a été reprise.
LA PROCÉDURE
Par acte en date du 30 octobre 2009, délivré à personne, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI a assigné la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE devant le Tribunal de Commerce de Créteil, en nous demandant de :
- dire que les clauses 5.4.1, 5.5, 6.3.a et 6.3.c de l'annexe 1 de l'accord cadre annuel 2009 créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de SYSTÈME U,
- dire que ces clauses contreviennent donc aux dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce,
- constater, en conséquence, la nullité de ces clauses dans l'accord SYSTÈME U,
- prononcer à l'encontre de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE une amende civile de 2.000.000,00 € pour avoir contrevenu à l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce,
- condamner la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE à lui verser 3.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE aux entiers dépens.
Les dernières conclusions des parties étant récapitulatives, seules les demandes formulées dans lesdites conclusions ont été reprises.
Par conclusions récapitulatives déposées le 18 octobre 2011, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES et de L'INDUSTRIE nous demande de :
- le dire valablement représenté à l'instance,
- dire et juger que la distorsion de traitement qui résulte des modalités de mise en œuvre des pénalités pour livraisons tardives qui résulte des clauses 5.4.1 et 5.5 de l'accord cadre annuel 2009, créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE,
- dire et juger que l'imposition de pénalités pour retard de livraisons de produits en promotion, telle que prévue à la clause 6.3.a de l'accord cadre annuel 2009 crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE,
- dire et juger que l'imposition de pénalités forfaitaires pour non-conformité du GTIN Unité consommateur, telle que prévue à la clause 6.3.c de l'accord cadre annuel 2009, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE,
- dire que les pratiques susvisées contreviennent aux dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce,
- [minute page 3] enjoindre à la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE de cesser pour l'avenir les pratiques susvisées,
- prononcer à l'encontre de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE une amende civile de 2.000.000,00 €,
- condamner la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE à lui verser 3.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées le 18 octobre 2011, la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE nous demande de :
A titre principal,
- constater que les reproches qui lui sont adressés par le Ministre se limitent à des généralités et ne contiennent aucune analyse in concreto concernant l’un ou l'autre des 56 fournisseurs concernés par l'enquête de la DGCCRF,
- les rejeter en conséquence sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, qui appelle une analyse fournisseur par fournisseur,
- lui donner acte, qu'à l'issue de l'enquête de la DGCCRF réalisée en 2009 portant sur l'intégralité de ses accords commerciaux pour 2009, sur plus de 50 fournisseurs, le Ministre n'a de reproches à lui adresser que sur quatre clauses de pénalités figurant dans l'annexe 1 « Conditions générales' logistiques et d'approvisionnement »,
- dire et juger que les clauses de pénalités reprochées (articles 5.4.1, 5.5, 6.3.a et 6.3.c de l'annexe 1 « Conditions générales logistiques et d'approvisionnement ») ne constituent pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce en faveur de la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE,
- en conséquence, débouter le Ministre de sa demande de cessation des pratiques, car mal fondée,
- en conséquence du rejet des demandes, rejeter la demande tendant à la condamnation de la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE à payer une amende civile de 2.000.000,00 €,
A titre subsidiaire,
- rejeter la demande de nullité de clauses figurant dans les contrats signés entre la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE et les fournisseurs visés dans la présente procédure, en application de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, au motif que le Ministre est dans l’incapacité de démontrer qu'il a informé préalablement lesdits fournisseurs de l'introduction de la présente procédure,
- constater que le Ministre demande au Tribunal d'enjoindre à la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE de cesser pour l'avenir les pratiques susvisées, c'est-à-dire de supprimer de ses contrats les clauses dénoncées dans la convention commerciale annuelle, et ce de manière générale, donc à l'égard de l'ensemble de ses fournisseurs,
- dire et juger que cette demande du Ministre devra être rejetée pour la même raison, mais également car le Ministre demande ainsi au Tribunal de se prononcer, par voie de disposition générale et réglementaire, en contradiction avec l'article 5 du Code civil,
A titre plus subsidiaire,
- constater le caractère injustifié et disproportionné de l'amende civile de 2.000.000,00 € sollicitée par le Ministre et, en conséquence, rejeter la demande de condamnation du Ministre ou à tout le moins ramener le montant de l'amende civile à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
- rejeter la demande du Ministre au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner le Ministre aux entiers dépens.
L'affaire a été plaidée à l'audience de plaidoiries du 18 octobre 2011, puis le Tribunal a clos les débats, mis l'affaire en délibéré et dit qu'un jugement serait rendu le 13 décembre 2011 par mise à disposition au greffe.
LES MOYENS DES PARTIES
La partie demanderesse expose :
[minute page 4] Que l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce est issu de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, qui, tout en apportant une liberté nouvelle aux négociations entre fournisseurs et opérateurs de la grande distribution, a créé la notion de déséquilibre financier dans les droits et obligations entre les parties afin d'encadrer celle-ci,
Que des abus, du fait du rapport de force déséquilibré, peuvent exister dans le secteur de la grande distribution, en particulier alimentaire, qui totalise une part conséquente du marché en valeur tous produits confondus,
Que, selon les avis de la CEPC (Commission d'Examen des Pratiques Commerciales) et une partie de la doctrine, la notion de déséquilibre significatif est caractérisée par trois conditions la première, le déséquilibre atteint le contrat dans sa globalité, la seconde, l'une des deux parties a exercé une contrainte ou des pressions à l'égard de l'autre et, la troisième, l'ampleur du déséquilibre est important,
Qu'avant d'introduire son action, elle a procédé à une analyse globale des contrats, en appréciant les obligations imposées au fournisseur, non pas en tant que telles, mais au regard des droits et obligations du distributeur par rapport à l'économie générale du contrat,
Qu'elle n'a retenu que les clauses significativement déséquilibrées, qui sont au nombre de quatre.
Que les critères de qualification de déséquilibre significatif sont réunis, en l'espèce, puisque les clauses déséquilibrées au détriment des fournisseurs ne sont pas compensées par d'autres clauses, des mêmes contrats, qui seraient déséquilibrées à leur tour au détriment du distributeur,
Que la condition prévue par l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce de « tenter de soumettre » est établie, puisque ce n'est qu'après la signature du contrat par le fournisseur, que l'accord cadre annuel lui est remis qu'il n'y a donc pas de négociation avant signature, que l'enquête révèle que 9 fournisseurs ont revendiqué la primauté de leurs conditions générales de vente et 15 fournisseurs ont réussi à amender celui-ci sur 56 étant souligné que les 15 fournisseurs précités représentent les entreprises les plus notoires, ce qui laisse supposer que les fournisseurs, qui ont un faible poids économique, ne modifieront pas l'accord cadre, subissant un rapport de dépendance résultant de la puissance d'achat du distributeur,
Que ces contrats se présentent comme des contrats-types intangibles, cadre unique pour tous, desquels les conditions générales de vente des fournisseurs sont exclues, puisque, a priori, ces dernières ne sont ni reprises, ni signées par le distributeur, que ce qui compte, c'est que les clauses incriminées constituent une tentative de soumettre le partenaire, même si, par la suite, elles ne donnent pas lieu à une application effective au cours des relations commerciales,
Que l'ampleur du déséquilibre résulte du fait que les 56 fournisseurs, objet des contrats examinés, représentent 72 accords signés, lesquels comprennent 4 clauses illicites et que dans la mesure où on dénombre 2.500 fournisseurs sur le plan national, cela laisse supposer 10.000 clauses condamnables,
Que les quatre clauses retenues comme condamnables, car pouvant causer dans le patrimoine des fournisseurs un important impact financier et ce, sans qu'il existe de réciprocité vis-à-vis du distributeur, concernent les pénalités de retard pour livraison tardive figurant aux articles 5.4.1 et 5.5, les pénalités encourues en cas de vente en prix franco de la clause 5.5 ponctualité et prise de rendez-vous, les pénalités résultant de la clause retard pour livraison des produits en promotion 6.3.a et les pénalités pour code GTIN Unité consommateur non conforme.
Qu'elle modifie ses précédentes écritures, indiquant qu'elle renonce à sa demande tendant à constater, la nullité des quatre clauses précitées dans l'accord SYSTÈME U, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel du 13 mai 2011 qui a considéré que le respect du contradictoire et du droit au recours, imposait l'information du distributeur lésé de l'action en justice intentée par l'autorité publique pour faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public, afin qu'il soit à même de donner son assentiment et de conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts.
Elle verse aux débats :
- Conditions Générales Logistiques et d'Approvisionnement (Annexe I) 72 annexes
- Divers courriers de fournisseurs à SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE
- Jurisprudence et doctrine
[minute page 5] La partie défenderesse oppose :
Qu'elle est un groupement coopératif de commerçants indépendants qui commercialisent des produits de grandes consommation dans les magasins à leurs enseignes,
Qu'elle est une centrale de services et de référencement du groupement les produits étant achetés par les Centrales Régionales Système U,
Que conformément a l'article L. 441-7 du Code de commerce, elle a conclu avec chacun de ses fournisseurs un accord commercial écrit, qui définit l'ensemble des relations entre les parties et complète les conditions générales de vente des fournisseurs,
Que, contrairement à ce que soutient le Ministre, le contrat-cadre prévoit que les conditions de référencement ont pour objet de déterminer les principes et conditions régissant les relations entre SYSTÈME U et les fournisseurs afin d'établir une collaboration efficace et équilibrée et ont pour objet de compléter les conditions générales de vente du fournisseur
Que la contestation porte uniquement sur quatre clauses de l'annexe I des conditions générales logistiques et d'approvisionnement alors que raccord commercial qui fixe les conditions de référencement des fournisseurs et les conditions tarifaires, comporte deux annexes qui en font partie intégrante, à savoir l'annexe I précité et l'annexe 2 « schéma commercial » portant sur les conditions de vente des produits du fournisseur,
Que le Ministre a lancé son action sans avoir interrogé préalablement les fournisseurs pour connaître les conditions de négociation ou leur poser des questions sur l'exécution de cet accord commercial de même, la société SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE n'a pas été sollicitée pour donner des informations complémentaires ou pour faire part de ses observations sur les clauses figurant dans l'accord commercial,
Que cette action fait partie d'une vaste action médiatique du gouvernement qui a engagé des actions judiciaires du même type contre 9 grands distributeurs et ce, afin de faire de la jurisprudence sur cette notion de déséquilibre significatif issue de la loi LME,
Que le Ministre a renoncé à ses demandes de nullité à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 13 mai 2011, faute d'avoir informé les fournisseurs concernés de l'introduction de la procédure,
Que la demande du Ministre est désormais présentée de manière très générale, a enjoindre a SYSTÈME U de cesser pour l'avenir ses pratiques (…) au motif qu'elles créeraient un déséquilibre dans les droits et obligations des parties »,
Qu'une telle demande devra être rejetée car elle se heurte à la prohibition des arrêts de règlement consacrée par l'article 5 du Code Civil qui interdit au juge de fixer des règles en dehors des causes qui lui sont soumises et d'imposer pour l'avenir la règle retenue au fondement de sa décision,
Qu'en l'espèce, on lui reproche d'avoir prévu contractuellement à l'annexe I des pénalités à la charge du fournisseur pour sanctionner, le cas échéant, quatre types de manquements, soit le retard du fournisseur lors de la mise à disposition de la marchandise en cas de vente prix au départ, le retard des transporteurs lors de la livraison de marchandises en prix franco, le retard de livraison, de produits faisant l'objet de promotion et la non-conformité du code GTIN unité consommateur,
Que cependant, l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce appelle à une analyse des relations avec chacun des fournisseurs et ne permet pas une prohibition de clauses abusives que cet article n'a pas pour vocation de sanctionner telle ou telle clause, qu'une interprétation large de celui-ci conduirait a permettre une ingérence excessive du juge dans le contrat et à une incertitude juridique,
Qu'il convient, dès lors, de faire une analyse de l'économie générale du contrat pour apprécier le déséquilibre significatif de l’article L. 442-6-I-2° du Code de commerce et qu'il convient pour cela de prouver, au cas par cas, l'existence de pressions ou de contraintes, ce que le Ministre ne fait pas,
Que le Ministre reconnaît lui-même que 15 fournisseurs représentant 23 accords signés avec SYSTÈME U ont modifié ou souhaité amender l'accord commercial que, de plus, ceux-ci ne sont pas que des fournisseurs puissants, comme prétendu par le Ministre, puisqu'ils représentent aussi bien des multinationales que des PME,
Qu'en outre, pour que le déséquilibre soit caractérisé comme significatif, il doit' être d'une certaine ampleur notamment en prenant en compte l'impact, notamment financier, des pratiques reprochées or, le Ministre n'apporte aucun élément concret et chiffré, permettant d'apprécier la réalité et encore [minute page 6] moins de caractériser l'ampleur, donc le caractère significatif de ce déséquilibre,
Qu'en ce qui concerne la livraison prix départ, elle indique qu'elle ne fait supporter les pénalités au fournisseur que si elle supporte elle-même une pénalité de la part de ses transporteurs et ne tire aucun profit au titre des pénalités,
Qu'il appartiendra au juge de distinguer le déséquilibre acceptable, comme étant la conséquence de la négociation, du déséquilibre significatif, qui doit réunir les trois conditions exposées, que le juge ne peut retenir de simples présomptions, sans prendre en considération l'incidence pratique des clauses figurant dans les contrats et sans se préoccuper de la globalité de la relation commerciale.
Elle verse aux débats :
- Jurisprudence et doctrine
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande d'irrecevabilité de la demande suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 13 mai 2011 :
Attendu que, le 13 mai 2011, le Conseil Constitutionnel a dit conforme à la Constitution le second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, sous réserve que l'autorité publique, qui engage une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public, informe au préalable les parties au contrat,
Attendu qu'à la suite de cette décision, le Ministre a modifié sa demande initiale, en renonçant à faire déclarer nulles les clauses qu'il considérait comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société SYSTÈME U, ne sollicitant plus désormais que la cessation des pratiques litigieuses,
Attendu que le Tribunal ne peut pas se prononcer sans faire référence a des faits précis, que le Ministre pour justifier sa demande verse aux débats 72 contrats relatifs à 56 fournisseurs, demandant au Tribunal de statuer sur « l'Annexe I de l'accord cadre annuel 2009 » de manière générale indiquant que plus de 2.500 fournisseurs pourraient être concernés, alors que chacune des Annexes I est individualisée avec le nom du fournisseur, que, même si ces 72 contrats comportent des clauses identiques, le Tribunal ne peut généraliser a l'ensemble des fournisseurs sur la base des 72 contrats en statuant de manière générale sans référence a des contrats précis et donc a des fournisseurs précis,
Attendu, néanmoins, que le Tribunal peut se limiter à statuer sur les 72 contrats versés aux débats,
Attendu que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 13 mai 2011 a dit l'action du Ministre conforme à la Constitution, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action,
Et attendu que le Ministre a indiqué, lors des débats, avoir informé les fournisseurs, mais ne pouvoir le justifier,
Attendu, qu'en conséquence, le Tribunal ne pouvant ni statuer de manière générale ni statuer sur les 72 contrats versés aux débats relatifs aux 56 fournisseurs, en l'absence de preuve que lesdits fournisseurs ont été informés de l'action du Ministre, dira l'action du Ministre irrecevable et le déboutera de l'ensemble de ses demandes.
Sur l'article 700 du CPC :
Attendu qu'il n'estime pas nécessaire de faire application de l'article 700 du CPC, le Tribunal déboutera le Ministre de sa demande de ce chef.
Sur les dépens :
Attendu que l'action du Ministre sera déclarée irrecevable, le Tribunal le condamnera aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant en premier ressort par un jugement contradictoire,
Dit irrecevable l'action du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, et le déboute de l'ensemble de ses demandes,
Déboute LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,
Condamne LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE aux dépens,
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe a la somme de 164,33 euros TTC (dont 19,60 % de TVA).
Septième et dernière page