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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 14 mars 2013

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 14 mars 2013
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 11/05192
Date : 14/03/2013
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/08/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4323

CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 14 mars 2013 : RG n° 11/05192

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le premier juge a considéré à juste titre qu'une telle clause insérée dans un contrat de crédit consenti sous la forme d'un découvert en compte prévoyant que le montant initial du crédit pourra être dépassé sans souscription d'une nouvelle offre, dans la limite du montant « dit du maximum autorisé » était abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors que, même si sa mise en œuvre était subordonnée à la demande expresse de l'emprunteur, elle laissait à l'appréciation discrétionnaire du prêteur professionnel le niveau de l'endettement de son cocontractant, sans qu'il y ait lieu à un réexamen de la situation économique de ce dernier ; qu'il en résultait un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment du non professionnel qui était privé du droit de rétractation attaché à la souscription d'une nouvelle offre.

Il s'ensuit qu'une clause de ce type, dite du double plafond, permet à l'organisme de crédit de s'affranchir de l'obligation légale de faire souscrire par l'emprunteur une nouvelle offre comportant les mentions prescrites par l’article L. 311-10 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce, lorsqu'il est envisagé de modifier le montant et /ou le taux du contrat. En application de l'article L. 311-9, tel que rédigé avant la loi du 1er juillet 2010, toute augmentation du crédit consenti nécessite en effet la rédaction d'une nouvelle offre préalable, de nature à rapporter la preuve de l'accord des parties sur l'ensemble des stipulations contractuelles, notamment sur le montant du crédit et le taux applicable. La clause susvisée doit en conséquence être réputée non écrite. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 14 MARS 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/05192. Rédacteur : Madame Catherine FOURNIEL, Président. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 avril 2011 (R.G. n° 11-10-004965) par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 4 août 2011.

 

APPELANTE :

LA SA CA CONSUMER FINANCE,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par Maître Nadine DESSANG, membre de la SCP Jean-Pierre PUYBARAUD - Sophie LEVY - Cyril DUBREUIL, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

 

INTIMÉS :

1°/ Monsieur X.,

de nationalité française,

2°/ Madame Y. épouse X.,

de nationalité française,

lesdits époux demeurant ensemble [adresse], Régulièrement assignés, non représentés,

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Madame Catherine FOURNIEL, Président, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Les époux X. et Y. ont accepté le 3 avril 2007 une offre de crédit renouvelable dénommée Compte CHALLENGER émise par la société FINAREF, et portant sur un montant de crédit utilisable de 4000 euros, le montant maximum du crédit autorisé étant de 10 000 euros.

La SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la SA FINAREF, a fait assigner le 19 novembre 2010 les époux X. sur le fondement des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation, à l'effet d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 11.200,11 euros au titre de ce contrat de crédit impayé, outre intérêts au taux de 17,64 % sur la somme de 8.977,02 euros à compter du 15 octobre 2010, et au taux légal pour le surplus, ainsi qu'au versement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 5 avril 2011, le tribunal d'instance de BORDEAUX, considérant que la clause insérée dans le contrat prévoyant que le montant initial du crédit pourrait être dépassé sans souscription d'une nouvelle offre dans la limite du montant dit « du maximum découvert autorisé » était abusive, et que le dépassement du découvert utile de 4.000 euros intervenu au mois d'août 2007 constituait le point de départ du délai de forclusion, a déclaré la SA CA CONSUMER FINANCE forclose en son action, en conséquence a rejeté la demande, et a condamné la demanderesse aux dépens.

La SA CA CONSUMER FINANCE a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 4 août 2011 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées.

Elle demande à la cour de dire et juger recevable son action, et de condamner solidairement monsieur et madame X. au paiement de la somme de 11.290,16 euros assortie des intérêts calculés au taux nominal contractuel de 17,640 % sur la somme de 8.997,02 euros à compter du 15 octobre 2010, date de la déchéance du terme, et au taux légal pour le surplus, ainsi qu'au versement d'une somme de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX.

La société appelante fait valoir que la clause dénoncée par le tribunal permet uniquement d'arriver par fraction jusqu'à la limite du montant du crédit consenti, mais en aucun cas de le dépasser sans qu'il soit émis une nouvelle offre, que l'article 2 des conditions générales prévoit bien l'obligation pour le prêteur d'émettre une nouvelle offre, ouvrant droit à rétractation pour l'emprunteur, en cas de dépassement des fractions du crédit consenti, que la clause litigieuse est parfaitement valable, que le point de départ du délai d'action biennale ne peut valablement être fixé à la date de dépassement du découvert utile, correspondant en l'espèce à l'échéance exigible au mois d'août 2007, que le premier incident de paiement non régularisé correspond à la mensualité exigible au mois de mai 2009, et que son action est recevable.

Monsieur X. et madame Y. épouse X., tous deux assignés à personne le 31 août 2011, n'ont pas constitué avoué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Selon l’article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, applicable au cas d'espèce compte tenu de la date d'acceptation de l'offre préalable, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent l'être dans le délai de deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; ce délai biennal court à compter du premier incident de paiement non régularisé.

Le contrat en cause stipule au paragraphe relatif aux modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit :

« FINAREF vous autorise à tirer sur le compte désigné ci-dessus dans la double limite du montant maximum de crédit utilisable et du montant maximum du crédit autorisé indiqués au recto. »

Les conditions générales du crédit contiennent les mentions suivantes :

« A l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'ouverture de votre contrat, le montant maximum de crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives, à votre demande ou sur proposition de FINAREF, dans la limite du montant maximum du crédit autorisé (*) et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visés à l'article 8 ci après. Toute utilisation de votre compte au-delà du montant maximum de crédit utilisable sera considérée comme une demande de mise à disposition d'une fraction supplémentaire de votre crédit consenti. »

Le premier juge a considéré à juste titre qu'une telle clause insérée dans un contrat de crédit consenti sous la forme d'un découvert en compte prévoyant que le montant initial du crédit pourra être dépassé sans souscription d'une nouvelle offre, dans la limite du montant « dit du maximum autorisé » était abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors que, même si sa mise en œuvre était subordonnée à la demande expresse de l'emprunteur, elle laissait à l'appréciation discrétionnaire du prêteur professionnel le niveau de l'endettement de son cocontractant, sans qu'il y ait lieu à un réexamen de la situation économique de ce dernier ;

qu'il en résultait un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment du non professionnel qui était privé du droit de rétractation attaché à la souscription d'une nouvelle offre.

Il s'ensuit qu'une clause de ce type, dite du double plafond, permet à l'organisme de crédit de s'affranchir de l'obligation légale de faire souscrire par l'emprunteur une nouvelle offre comportant les mentions prescrites par l’article L. 311-10 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce, lorsqu'il est envisagé de modifier le montant et /ou le taux du contrat.

En application de l'article L. 311-9, tel que rédigé avant la loi du 1er juillet 2010, toute augmentation du crédit consenti nécessite en effet la rédaction d'une nouvelle offre préalable, de nature à rapporter la preuve de l'accord des parties sur l'ensemble des stipulations contractuelles, notamment sur le montant du crédit et le taux applicable.

La clause susvisée doit en conséquence être réputée non écrite.

La mention figurant aux conditions générales du contrat souscrit par les époux X. en NB : « Il ne pourra donc vous être accordé d'augmentation de votre Montant Maximum de Crédit Autorisé dans le cadre du présent contrat, toute augmentation de ce montant devant être consentie dans les termes d'une nouvelle offre préalable et soumise à l'agrément de FINAREF », ne satisfait pas aux prescriptions du texte susvisé concernant l'augmentation du crédit effectivement consenti.

Dans le cadre des contrats de crédit renouvelable, l'augmentation du découvert utile ne peut résulter du seul emploi des moyens d'utilisation du compte, et le point de départ du délai de forclusion court à compter du défaut de régularisation du dépassement du découvert prévu par le contrat, devant être considéré comme un incident de paiement, ou du défaut de régularisation du dépassement d'une échéance impayée.

En l'espèce il n'est pas contesté que le dépassement du découvert utile de 4.000 euros intervenu au mois d'août 2007 n'a jamais été régularisé par la suite.

Il constitue donc le point de départ du délai de forclusion.

Le fait que les débiteurs aient pu s'acquitter du paiement des mensualités pendant plusieurs mois suivant cette date est dépourvu d'incidence.

Un délai de plus deux ans s'étant écoulé entre la date du dépassement et la date de l'assignation, l'action de la SA CA CONSUMER FINANCE a été à bon droit déclarée prescrite.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La condamnation aux dépens sera également confirmée.

La SA CA CONSUMER FINANCE qui succombe en ses prétentions devant la cour supportera les dépens de la présente procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour

Confirme le jugement

Condamne la SA CA CONSUMER FINANCE aux dépens de la présente procédure.

Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT