CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 16 mai 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4472
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 16 mai 2013 : RG n° 11/21851
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'en l'état de ces éléments, il ressort donc que le premier juge a statué ultra petita en condamnant la société MÉDIATIS au remboursement des intérêts réglés au titre du contrat de crédit, alors qu'il n'était saisi que d'une demande de suspension provisoire de l'obligation de remboursement du crédit en cause ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 16 MAI 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/21851. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 octobre 2011 - Tribunal d'Instance d'AUXERRE - RG n° 11-11-000244.
APPELANTE :
SA LASER COFINOGA venant aux droits et obligations de la société MEDIATIS,
représentée par son Président du Conseil d'Administration, son Directeur général et tous représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité. Représentée par la SCP MIREILLE GARNIER en la personne de Maître Mireille GARNIER (avocats au barreau de PARIS, toque : J136), Assistée de Maître Rudy FARIA (avocat au barreau de SENS)
INTIMÉE :
Madame X.
Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES en la personne de Maître Benoît HENRY (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, Madame Joëlle CLÉROY, Conseillère, Madame Patricia GRASSO, Conseillère, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Léna ETIENNE
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia LEFEVRE, faisant fonction de président et par Mme Léna ETIENNE, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant acte sous seing privé du 2 juin 2002 Madame X. a souscrit auprès de la société MÉDIATIS, un contrat de crédit utilisable par fractions d'un montant de 9.000 euros dans la limite d'un montant maximum autorisé de 12.500 euros, un avenant ayant été régularisé en date du 26 février 2006 augmentant à 10.000 euros la fraction disponible dans un montant maximum de crédit autorisé de 21.500 euros.
Par jugement réputé contradictoire du 27 octobre 2011 le tribunal d'instance d'Auxerre, indiquant avoir été saisi par déclaration au greffe du 20 mai 2011 de Madame X. « aux fins d'obtenir des détails sur les sommes exactes qu'elle devait aux organismes CÉTELEM et MÉDIATIS ainsi que le cas échéant obtenir des délais de paiement », a au terme de son dispositif statué comme suit :
«- constate le désistement de Madame X. à l'égard de CÉTELEM aux droits duquel vient BNP PARIBAS.
- constate que MÉDIATIS n'a pas respecté les dispositions des articles L. 311-13, R. 311-6, R 311-7 et L. 311-33 du code de la consommation en ne produisant pas une offre préalable comportant un bordereau de rétractation et des clauses conformes aux dispositions sus-citées.
- prononce dès lors la déchéance des droits aux intérêts de la société MÉDIATIS eu égard au contrat conclu avec Madame X.
- constate que MÉDIATIS ne s'avère créancier que du seul capital prêté, déduction faite des remboursements déjà effectués par l'emprunteur.
- condamne en conséquence MÉDIATIS à rembourser Madame X. la somme totale payée au titre des intérêts du prêt depuis l'origine du contrat.
- ordonne qu'à l'avenir le prêteur ne sera plus autorisé à percevoir d'intérêts au titre de ce contrat conclu le 2 juin 2002 avec Madame X.
- rejette le surplus des prétentions principales.
- ordonne l'exécution provisoire de la décision
- condamne MÉDIATIS aux dépens de l'instance. »
Par déclaration d'appel en date du 7 décembre 2011, la société LASER COFINOGA, venant aux droits de la société MÉDIATIS, a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 11 septembre 2012 elle fait valoir que le premier juge a dénaturé les termes du litige, ayant pour seul objet la suspension temporaire des obligations de remboursement du prêt sollicitée par Madame X. dans sa déclaration au greffe, et qu'il a statué « extra petita » en prononçant la déchéance du droit aux intérêts, et au demeurant selon un mode de calcul erroné, puisqu'en l'état d'un montant de financements accordé supérieur aux remboursements effectués par l'intimée, la condamnation prononcée à son encontre au titre du remboursement des intérêts du crédit litigieux n'est pas fondée.
Elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation de l'intimée à lui payer au titre du solde du crédit la somme de 20.699,06 euros, avec intérêts au taux de 6,67 % l'an à compter du 10 octobre 2009 sur la somme de 19.563,60 euros, et les intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 13 novembre 2011, ainsi que le paiement de la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de cette demande, elle indique que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue, Madame X. ayant reconnu avoir pris connaissance des conditions de l'offre et avoir eu la remise d'un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation, que la clause permettant à l'établissement prêteur de prononcer la déchéance du terme dés le premier impayé ne constitue pas une clause abusive, laquelle n'est en tout état de cause pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et que l'offre préalable respecte l'article R. 311-6 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige, lequel imposait que l'offre soit rédigée en caractères dont la hauteur ne peut être inférieur à celle du corps huit.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse de l'application de la déchéance du droit aux intérêts, elle conclut à la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 5.911,40 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir.
Par écritures déposées le 5 avril 2012 Madame X. demande de déclarer la société LASER COFINOGA « tant irrecevable que mal fondée en son appel » et de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Elle conclut également à la condamnation de la société LASER COFINOGA à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, outre le remboursement de la somme de 682,40 euros (au titre de ses frais et débours correspondant aux 2 journées indiquées perdues pour comparaître à l'audience du tribunal d'instance et aux frais de signification du jugement), ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.272,40 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses conclusions elle expose qu'elle a expliqué à la barre du tribunal que les offres étaient irrégulières au regard des dispositions du code de la consommation, et que dans le cadre d'une procédure orale les parties peuvent adopter à l'audience des positions différentes de celles de leurs écritures, que c'est donc à juste titre que le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, compte tenu de l'absence d'exemplaire de l'offre lui ayant été remis, de l'absence de bordereau détachable de rétractation, d'une taille des lettres de l'offre de prêt ne dépassant pas 2 millimètres, ne respectant pas les dispositions impératives de l'article R. 311-6 du code de la consommation et du caractère abusif de la clause du contrat au terme de laquelle la déchéance du terme n'est subordonnée qu'au défaut de paiement d'une échéance impayée
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que l'irrecevabilité de l'appel visée dans le dispositif des conclusions de Madame X. n'est aucunement explicitée dans les motifs de ses écritures et qu'à défaut de tout fondement juridique invoqué, cette fin de non recevoir non motivée ne peut qu'être rejetée par la cour ;
Considérant que la déclaration établie le 17 mai 2011 par Madame X., dont une copie était notifiée à la société LASER COFINOGA par le greffe, saisissait le tribunal d'instance d'une demande de suspension provisoire de remboursement de crédits et de l'arrêt des pénalités de retard, au motif d'un endettement personnel ne la mettant plus en mesure d'en régler les mensualités respectives, et que la société LASER COFINOGA expose ne pas avoir jugé utile de comparaître en l'état de cette seule demande formulée par Madame X. ;
Qu'indépendamment du renvoi ordonné par le tribunal le 7 juillet 2011 à l'audience du 22 septembre 2011 pour comparution personnelle des sociétés CÉTELEM et MÉDIATIS, Madame X. ne justifie pas avoir notifié à la société MÉDIATIS un changement d'objet de sa demande préalablement à l'audience de renvoi de 22 septembre 2011, à laquelle l'appelante n'a à nouveau pas comparu, et que d'autre part cette modification de la prétention initiale de suspension provisoire de remboursement du crédit en demande de condamnation à remboursement d'intérêts depuis l'origine du contrat ne résulte aucunement de l'énoncé des demandes analysées par le jugement critiqué comme tendant à « obtenir des détails sur les sommes exactes qu'elle devait, ainsi que le cas échéant de délais de paiement » ;
Qu'en l'état de ces éléments, il ressort donc que le premier juge a statué ultra petita en condamnant la société MÉDIATIS au remboursement des intérêts réglés au titre du contrat de crédit, alors qu'il n'était saisi que d'une demande de suspension provisoire de l'obligation de remboursement du crédit en cause ;
Qu'en conséquence, en application de l’article 5 du code de procédure civile imposant au juge de ne se prononcer que sur ce qui est demandé, le jugement rendu le 27 octobre 2011 par le tribunal d'instance d'Auxerre doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que dans le cadre de son appel la société LASER COFINOGA, se prévalant de la déchéance du terme prononcée le 8 novembre 2011, forme une demande reconventionnelle de paiement du solde du crédit exigible ;
Que conformément aux articles 567 et 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ne sont néanmoins recevables en cause d'appel que dés lors qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;
Qu'en l'espèce ce lien est inexistant, la demande reconventionnelle de la société LASER COFINOGA en paiement du solde du crédit étant la conséquence du prononcé de la déchéance du terme intervenue postérieurement au jugement rendu, alors que la prétention originaire de Madame X. émise en application de l'article L. 313-12 du code de la consommation consistait en une demande de suspension des échéances du crédit impliquant que la déchéance du terme n'ait pas été préalablement acquise ;
Que la cour doit en conséquence constater que la demande de la société LASER COFINOGA constitue une prétention nouvelle en cause d'appel, laquelle doit être préalablement soumise au premier degré de juridiction, et soulever d'office en application de l’article 564 du code de procédure civile l'irrecevabilité de cette demande ;
Considérant qu'en application de l’article 16 du code de procédure civile, les débats doivent être rouverts aux fins de permettre aux parties de conclure sur ce point ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 octobre 2011 par le tribunal d'instance d'Auxerre ;
REJETTE l'exception d'irrecevabilité de l'appel soulevée par Madame X. ;
RÉVOQUE l'ordonnance de clôture et ordonne la réouverture des débats à l'audience du 11 septembre 2013 à 9h30
INVITE les parties à conclure avant le 30 juin 2013 sur l'irrecevabilité en cause d'appel de la demande de la société LASER COFINOGA en paiement du solde du crédit consenti le 2 juin 2002 ;
RÉSERVE les dépens ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT