CA CHAMBÉRY (2e ch.), 24 octobre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4484
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 24 octobre 2013 : RG n° 12/02384
Publication : Jurica
Extrait : « Monsieur et madame X. ont accepté l'offre préalable en apposant leur signature à gauche d'une formule selon laquelle ils reconnaissent « rester en possession d'un exemplaire doté d'un bordereau détachable de rétractation ». Cette clause est effectivement pré-imprimée, mais elle ne peut passer inaperçue dans la mesure où elle se trouve dans un espace intitulé « acceptation de l'offre préalable » et où l'on demande à l'emprunteur d'y apposer sa signature ainsi que la date.
Cette formule approuvée et signée suffit à établir la régularité de l'offre au regard des dispositions de l'ancien article L. 311-15 précité, par la remise d'un bordereau de rétractation à l'emprunteur, et entraîne un renversement de la charge de la preuve quant à la remise du bordereau avec les mentions obligatoires prévues par l’article R. 311-7 du Code de la consommation et le modèle type figurant à l'annexe 6, IV de ce Code ; il appartient, dans un tel cas, à l'emprunteur s'il invoque l'inexactitude d'une telle formule ou l'irrégularité du bordereau de rétractation de permettre à la juridiction saisie d'observer la discordance existante sur l'exemplaire resté en sa possession qu'il est le seul à détenir à l'exclusion de toute autre pièce qui ne serait pas le document contractuel qui lui a été remis, sauf au juge à soulever cette non conformité d'office s'il l'observe sur le document remis au client. La non communication par le créancier d'un document qu'il ne détient plus ne pouvant être sanctionnée par une non conformité non vérifiée par le juge.
Les débiteurs contestent la portée de la clause qu'ils qualifient d'abusive, en ce qu'elle renverse la charge de la preuve quant à la réception du bordereau de rétractation. La définition d'une clause abusive se trouve dans les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, elle a pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant non pas de la création ou de la portée d'une obligation mise à la charge des emprunteurs, mais de l'établissement par signatures, du contenu d'un contrat et de sa portée. Cette clause a une portée probatoire, elle ne crée pas de déséquilibre dans les obligations des parties, sauf à soutenir que toute signature donnée par un consommateur crée un déséquilibre dans ses engagements ce qui pourrait être étendu sans limite, de manière inappropriée à la reconnaissance de réception des fonds, de la remise du formulaire d'assurance, de la connaissance des conditions financières du contrat. L'argumentaire ne peut donc être retenu. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02384. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de BONNEVILLE en date du 11 juillet 2012 : RG 11-10-0935.
Appelante :
SA LASER COFINOGA,
dont le siège social est [adresse] prise en la personne de son représentant légal, assistée de Maître Joël CAILLET, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimés :
M. X.
né le [date] à [ville],
et
Mme Y. épouse X.
née le [date] à [ville],
demeurant ensemble [adresse], assistés de la SCP FORQUIN REMONDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 24 septembre 2013 par Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,
Et lors du délibéré, par : - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, qui a procédé au rapport - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, - Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le 31 mai 2007, la société LASER COFINOGA a consenti à monsieur X. et son épouse, X. un prêt personnel de 21.500 euros remboursable en 84 mensualités de 399,11 euros assurance comprise au taux d'intérêt nominal de 7,55 % l'an.
A la suite d'impayés, la société créancière a saisi le Tribunal d'instance de Bonneville, qui par jugement du 11 juillet 2012, a :
- condamné solidairement les époux X. à payer la somme de 5.389.55 euros avec intérêts légal à compter du 20 décembre 2010 outre la somme de un euro au titre de l'indemnité forfaitaire légale, avec intérêts au taux légal à compter de la décision prononcée,
- fixé à la somme de 4.589.76 euros le montant des échéances couvertes par la compagnie d'assurances CARDIF,
- condamné solidairement monsieur et madame X. à supporter les dépens,
- rejeté le surplus des demandes en particulier de délais de paiement,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le Tribunal a prononcé une déchéance du droit aux intérêts en raison de l'absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire produit par le créancier.
La société LASER COFINOGA a fait appel de la décision par déclaration au greffe en date du 6 novembre 2012.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 9 septembre 2013, elle demande à la Cour de :
Vu l’article 1134 du Code Civil,
- juger que la déchéance du terme a été valablement prononcée à la date du 31 décembre 2009,
- dire qu'en tout état de cause et plus tard, c'est la date du 22 décembre 2010, date de l'assignation, qu'il convient de retenir comme date de mise en œuvre de la déchéance du terme,
Réformer le jugement déféré,
- condamner solidairement les époux X. Y. à lui payer la somme principale de 10.256,83 euros, outre intérêts au taux contractuel de 7,55 % sur la somme de 5.663,55 euros à compter du 6 novembre 2012 jusqu'à parfait paiement,
- condamner solidairement les mêmes à payer à la société LASER CCFINOGA la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, et application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Joël CAILLET.
Elle soutient que le non paiement des échéances a entraîné la déchéance du terme à compter du 31 décembre 2009, et qu'elle a exercé sa faculté de se prévaloir des impayés pour mettre fin au contrat. Elle admet n'avoir pas envoyé au préalable de lettre de mise en demeure, mais dans ce cas, subsidiairement, soutient que l'assignation vaut mise en demeure de payer et qu'au plus tard, la déchéance du terme aura lieu à cette date, le 20 décembre 2010. Concernant le bordereau de rétractation, la société LASER COFINOGA expose qu'il n'est annexé qu'au contrat destiné aux emprunteurs, elle même n'en ayant aucune utilisation, alors que le formulaire du double n'est pas obligatoire de ce titre et que les époux X., lors de la signature ont admis en avoir été destinataires. De toute façon, la déchéance du droit aux intérêts ne serait pas applicable en ce cas. Elle précise avoir déduit de sa créance la somme de 4.589.76 euros versée entre ses mains par la compagnie d'assurances CARDIF en exécution du jugement de première instance. Elle s'oppose à la réduction de la clause pénale qui n'est pas excessive.
Monsieur X. et son épouse Y. ont exposé leurs moyens et prétentions dans des écritures du 5 septembre 2013, dans lesquelles, ils demandent à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement déféré,
Y ajoutant,
- condamner la société LASER COFINAGO à leur rembourser un trop perçu de 1.096.13 euros,
- la condamner à leur payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'ils restent redevables de la somme de 8.099.84 euros envers la société LASER COFINOGA,
- débouter celle ci des demandes de frais irrépétibles.
Ils prennent acte du fait que la compagnie d'assurances CARDIF a versé la somme mise à sa charge pour le jugement au titre de la garantie perte d'emploi. Ils indiquent ne pas avoir gardé leur exemplaire de prêt et soutiennent l'absence de bordereau de rétractation sur le contrat qu'ils ont souscrit et donc la déchéance du droit aux intérêts dans la mesure où ce contrat synallagmatique est soumis à la formalité du double. Ils considèrent comme abusive la clause selon laquelle ils ont reconnu rester en possession du bordereau de rétractation car elle renverse la charge de la preuve. Ils demandent la déduction sur la créance, d'une somme de 548,02 euros d'indemnités de retard non justifiées et la réduction à un euro de la clause pénale. Ils affirment compte tenu des sommes versées jusqu'en fin d'année 2012 d'un total de 22.717.13 euros, qu'il existe un trop versé dont ils demandent remboursement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motivation de la décision :
A l'appui de ses demandes en paiement, la société LASER COFINOGA produit une offre de prêt personnel en date du 31 mai 2007, consentie à monsieur et madame X. pour un montant de 21.500 euros remboursable en 84 échéances mensuelles de 330,30 euros hors assurance au taux effectif global de 8 % l'an et nominal de 7,55 % l'an.
* Sur la nécessité d'une mise en demeure :
L'article I-4 de la convention stipule conformément aux dispositions d'ordre public de la loi sur le crédit à la consommation, qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, et que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues portent intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
Il n'y a pas eu de mise en demeure de payer, préalable à la déchéance du terme, mais celle ci résulte de l'existence de mensualités impayées et de la volonté du prêteur, qui à tout le moins par l'assignation délivrée en justice le 20 décembre 2010, devant le Tribunal d'instance a manifesté son intention de se prévaloir de la déchéance du terme.
* Sur le bordereau de rétractation :
En application de l'ancien article L. 311-15 du Code de la consommation, un formulaire détachable de rétractation doit être joint à l'offre préalable.
Ce bordereau ne figure pas sur l'exemplaire du contrat produit en original par la société LASER COFINOGA mais il s'agit de l'exemplaire prêteur, elle n'en avait aucune utilisation.
Monsieur et madame X. ont accepté l'offre préalable en apposant leur signature à gauche d'une formule selon laquelle ils reconnaissent « rester en possession d'un exemplaire doté d'un bordereau détachable de rétractation ».
Cette clause est effectivement pré-imprimée, mais elle ne peut passer inaperçue dans la mesure où elle se trouve dans un espace intitulé « acceptation de l'offre préalable » et où l'on demande à l'emprunteur d'y apposer sa signature ainsi que la date.
Cette formule approuvée et signée suffit à établir la régularité de l'offre au regard des dispositions de l'ancien article L. 311-15 précité, par la remise d'un bordereau de rétractation à l'emprunteur, et entraîne un renversement de la charge de la preuve quant à la remise du bordereau avec les mentions obligatoires prévues par l’article R. 311-7 du Code de la consommation et le modèle type figurant à l'annexe 6, IV de ce Code ; il appartient, dans un tel cas, à l'emprunteur s'il invoque l'inexactitude d'une telle formule ou l'irrégularité du bordereau de rétractation de permettre à la juridiction saisie d'observer la discordance existante sur l'exemplaire resté en sa possession qu'il est le seul à détenir à l'exclusion de toute autre pièce qui ne serait pas le document contractuel qui lui a été remis, sauf au juge à soulever cette non conformité d'office s'il l'observe sur le document remis au client.
La non communication par le créancier d'un document qu'il ne détient plus ne pouvant être sanctionnée par une non conformité non vérifiée par le juge.
Les débiteurs contestent la portée de la clause qu'ils qualifient d'abusive, en ce qu'elle renverse la charge de la preuve quant à la réception du bordereau de rétractation.
La définition d'une clause abusive se trouve dans les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, elle a pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant non pas de la création ou de la portée d'une obligation mise à la charge des emprunteurs, mais de l'établissement par signatures, du contenu d'un contrat et de sa portée. Cette clause a une portée probatoire, elle ne crée pas de déséquilibre dans les obligations des parties, sauf à soutenir que toute signature donnée par un consommateur crée un déséquilibre dans ses engagements ce qui pourrait être étendu sans limite, de manière inappropriée à la reconnaissance de réception des fonds, de la remise du formulaire d'assurance, de la connaissance des conditions financières du contrat. L'argumentaire ne peut donc être retenu.
Aucune irrégularité n'étant admise ; la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue par la société LASER COFINOGA.
* Sur le montant des sommes dues :
Le décompte produit par la société LASER COFINOGA est le suivant :
- Impayés, indemnités de retard, intérêts de retard : 2.327,09 euros
- Assurances : 415,59 euros
- Capital à échoir : 15.791,42 euros
- Indemnité de 8 % du capital à échoir : 1.263,31 euros
- Intérêts de retard au 5 novembre 2012 : 3.329,97 euros
23.127,38 euros
- A déduire versements : - 12.870,55 euros
10.256.83 euros
Monsieur et madame X. contestent à hauteur de 548.02 euros les indemnités de retard qui leur ont été régulièrement décomptées. Il ressort toutefois des stipulations contractuelles, qu'en cas d'impayés, si le prêteur n'invoque pas immédiatement la déchéance du terme, il peut décompter une indemnité de 8 % de l'impayé, soit 31.93 euros pour chaque échéance. Il n'y a donc pas lieu de supprimer ce montant.
Par application de l’article 1152 du code civil, il convient de retenir que la clause pénale est manifestement excessive au regard du taux d'intérêt pratiqué, de la perception d'indemnités sur les impayés, et de l'exécution partielle de la convention par monsieur et madame X. Le montant réclamé sera donc réduit à un euro, comme le sollicitent les époux X.
Concernant les montants des sommes payées, les époux X. visent dans leurs conclusions les pièces établies par le créancier, en particulier l'historique de compte dans lequel les paiements partiels figurent tous, de même que l'indemnité versée à hauteur de 4.589,76 euros au titre de l'assurance.
Après réduction de la clause pénale à un euro, la dette est donc de 10.256,83 euros moins 1.262,31 euros soit 8.994,52 euros outre intérêts de retard au taux nominal de 7,55 % l'an à compter du 6 novembre 2012 sur la somme de 5.663,55 euros comme le sollicite le créancier dans ses écritures.
* Sur les autres demandes :
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l'instance, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile .
La partie perdante supporte les dépens, ils seront mis à la charge de monsieur et madame X., condamnés au paiement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
INFIRME la décision déférée,
Statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à déchéance des intérêts,
CONDAMNE solidairement monsieur X. et son épouse, X. à payer à la société LASER COFINOGA la somme de 8.994,52 euros (huit mille neuf cent quatre vingt quatorze euros et cinquante deux cents) outre intérêts de retard au taux nominal de 7,55 % l'an à compter du 6 novembre 2012, sur la somme de 5.663,55 euros,
DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles,
CONDAMNE les époux X. solidairement aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître CAILLET.
Ainsi prononcé publiquement le 24 octobre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.