CAA VERSAILLES (2e ch.), 11 avril 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4490
CAA VERSAILLES (2e ch.), 11 avril 2013 : req. n° 11VE02877
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « qu’il en résulte que compte tenu de la cessation par l’association requérante de la gestion de la MECS dans le cadre de laquelle les ateliers pédagogiques objet du bail emphytéotique litigieux ont été développés aux fins de scolarisation des enfants accueillis dans cette structure, et quand bien même l’autorisation de transfert de son activité à une autre structure n’est intervenue qu’en décembre 2008, la commune de Saint-Chéron était bien fondée à résilier le bail emphytéotique, qui avait perdu son objet en l’absence d’exploitation de l’immeuble donné à bail conformément à la destination contractuelle prévue ; qu’ainsi et contrairement à ce que soutient l’association requérante, la résiliation intervenue l’a été pour un motif légitime ».
2/ « que rien ne s’oppose à ce que des stipulations prévoient l’exclusion, en cas de cessation anticipée du bail emphytéotique, de toute indemnisation du cocontractant privé de l’administration à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique ; qu’il en est d’autant plus ainsi, et sans qu’un quelconque abus puisse être invoqué, lorsque comme en l’espèce les biens en cause ne sont pas financés par ledit cocontractant mais par une collectivité publique ; que l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE n’est donc fondée d’aucune manière à solliciter la condamnation de la commune de Saint-Chéron à lui verser l’indemnité susvisée sur ce fondement ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE VERSAILLES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 11 AVRIL 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Req. n° 11VE02877.
APPELANT :
Association ACCUEIL EDUCATION CULTURE (AEC)
INTIMÉ :
Commune de SAINT-CHÉRON
Composition : M. BOULEAU, président, Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI, rapporteur, Mme AGIER-CABANES, rapporteur public, SCP ANCEL ET COUTURIER-HELLER, avocat(s).
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la requête, enregistrée le 2 août 2011, présentée pour l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE (AEC), dont le siège est [adresse], par la SCP Ancel-Couturier-Meier, avocat ; l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE demande à la Cour :
1° d’annuler le jugement n° 0908689 en date du 30 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Chéron à lui verser la somme de 240.411 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du bail emphytéotique que la commune lui a consenti, la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires pour résistance abusive et la somme de 1.000 euros au titre des frais d’audit qu’elle a engagés ;
2° de condamner la commune de Saint-Chéron à lui verser lesdites sommes à titre de dommages-intérêts ;
3° de mettre à la charge de la commune de Saint-Chéron la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la commune ne peut se prévaloir de l’origine du financement pour échapper à son obligation d’indemniser les conséquences d’une résiliation unilatérale avant le terme du bail emphytéotique qu’elle lui a consenti ; qu’en effet la subvention accordée par le département de l’Essonne est entrée dans son patrimoine et que la commune l’ayant privée d’une immobilisation, elle en doit réparation pour sa valeur non amortie ; qu’à défaut il y aurait transfert indirect de la subvention au mépris de la décision créatrice de droits du département ;
- que le jugement querellé la prive d’un élément de son patrimoine mais permet aussi un enrichissement sans cause de la commune ; que la commune ne peut opposer, quelle que soit la nature du contrat, les clauses contractuelles abusives ;
* * *
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mars 2013 :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune de Saint-Chéron ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1. Considérant que l’association Maisons d’Enfants de [ville X.], devenue l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE, ayant pour objet « toute action permettant l’accueil et l’éducation d’enfants et adolescents dont les parents ne sont pas en mesure de s’occuper » et de pourvoir, « dans la mesure du possible, pendant une période plus ou moins longue, à leurs besoins psycho-affectifs en vue de leur réinsertion familiale, scolaire et sociale », gérait une Maison d’Enfants à Caractère Social (MECS) sise [adresse] à [ville X.] dans le cadre d’une convention conclue le 22 janvier 1991 avec le département de l’Essonne et prenait à ce titre en charge des enfants placés par les services de l’aide sociale à l’enfance ; que par un acte authentique en date du 9 mai 1998, la commune de Saint-Chéron lui a donné à bail emphytéotique un terrain situé au lieu-dit « les V. » pour une durée de 99 ans en vue d’y édifier un bien « exclusivement destiné à l’accueil et l’éducation des enfants et adolescents dont les parents ne sont pas en mesure de s’occuper », moyennant un loyer symbolique de 1 franc ; que c’est dans ces conditions que l’association requérante a édifié sur ce terrain « un immeuble à usage d’atelier pédagogique », conformément à l’engagement qu’elle a souscrit aux termes des stipulations de ce bail emphytéotique ; que par délibération du 13 septembre 2007, le conseil municipal de la commune de Saint-Chéron, après avoir relevé que le bail emphytéotique était destiné à recevoir un bâtiment affecté à l’accueil et l’éducation des enfants et adolescents dont les parents ne sont pas en mesure de s’occuper et que l’association requérante s’était vue reprendre la gestion de ce service par le département de l’Essonne, a constaté que les conditions du bail n’étaient plus remplies et décidé, par suite, d’en prononcer la résiliation ; que par lettre en date du 25 septembre 2007, le maire de la commune de Saint-Chéron a dès lors notifié à l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE sa décision de résilier pour ce motif ladite convention ; que la commune de Saint-Chéron ayant rejeté implicitement la demande de l’association requérante tendant à être indemnisée des conséquences de la résiliation du bail emphytéotique avant son terme, l’intéressée a saisi le Tribunal administratif de Versailles afin que la commune de Saint-Chéron soit condamnée à lui verser la somme de 240.411 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture fautive du bail emphytéotique, la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires pour résistance abusive et la somme de 1.000 euros au titre des frais d’audit qu’elle a engagés ; que par jugement en date du 30 mai 2011 dont l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’enrichissement sans cause de la commune de Saint-Chéron :
2. Considérant que les conclusions de l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE tendant à la condamnation de la commune de Saint-Chéron au titre de l’enrichissement sans cause de cette collectivité sont nouvelles en appel et ne font pas suite à une déclaration de nullité d’une convention ; qu’elles sont, dès lors, irrecevables ;
Sur la responsabilité contractuelle de la commune de Saint-Chéron :
3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, en particulier du projet pédagogique de l’association requérante établi en février 2006, que les ateliers pédagogiques, dont il est constant que la construction a été financée par le département de l’Essonne, ont été mis en œuvre par l’association requérante dans le cadre de son activité d’accueil et d’éducation d’enfants en difficulté pour des raisons d’ordre social et familial ; qu’il résulte également de l’instruction, en particulier du courrier en date du 3 juillet 2008 du cabinet D. à l’association requérante, et n’est pas contesté, qu’à la suite de la scolarisation au sein des écoles de la commune des enfants auparavant accueillis dans les ateliers pédagogiques édifiés par l’association requérante dans le cadre du bail emphytéotique susvisé et de la décision du département de l’Essonne de ne plus participer au financement de cette activité, l’association requérante n’a plus accueilli aucun enfant dans ces locaux à compter de janvier 2007 ; que, concomitamment, compte tenu des difficultés internes rencontrées par cette association, le département de l’Essonne a entrepris, ainsi que cela résulte notamment de la lettre du 25 mai 2007 qu’il a adressée à la commune de Saint-Chéron et de celle adressée le même jour à l’association requérante, de faire reprendre son activité par une autre structure ; que c’est dans ces conditions que le département de l’Essonne a indiqué à la commune de Saint-Chéron, par la lettre susvisée, que le bail emphytéotique devait faire l’objet d’une rupture anticipée ; qu’il en résulte que compte tenu de la cessation par l’association requérante de la gestion de la MECS dans le cadre de laquelle les ateliers pédagogiques objet du bail emphytéotique litigieux ont été développés aux fins de scolarisation des enfants accueillis dans cette structure, et quand bien même l’autorisation de transfert de son activité à une autre structure n’est intervenue qu’en décembre 2008, la commune de Saint-Chéron était bien fondée à résilier le bail emphytéotique, qui avait perdu son objet en l’absence d’exploitation de l’immeuble donné à bail conformément à la destination contractuelle prévue ; qu’ainsi et contrairement à ce que soutient l’association requérante, la résiliation intervenue l’a été pour un motif légitime ;
4. Considérant, en tout état de cause, que si l’association requérante fait valoir que le préjudice qu’elle a subi et dont elle demande réparation à hauteur de la somme de 240.411 euros correspond à la valeur non amortie de l’immeuble qu’elle a édifié en vertu du bail emphytéotique et que sa demande indemnitaire est bien fondée, quel que soit le motif de la cessation anticipée du bail emphytéotique, à raison du retour anticipé dudit immeuble dans le patrimoine de la collectivité publique, il résulte des stipulations du 13° des conditions générales du bail emphytéotique relatives à la propriété des constructions, que les parties ont en l’espèce entendu exclure toute indemnisation du preneur dans cette hypothèse ; qu’en effet, aux termes desdites stipulations, « le preneur laissera et abandonnera au bailleur ou à ses représentants toutes les constructions et augmentations qui existeront lors de la cessation du présent bail pour quelque cause qu’elle arrive, sans aucune espèce d’indemnité » ; que ces stipulations, qui visent toute hypothèse de cessation du contrat qu’elle qu’en soit la cause, doivent être regardées comme visant tant la cessation anticipée du contrat que sa cessation à l’expiration du terme prévu ; que rien ne s’oppose à ce que des stipulations prévoient l’exclusion, en cas de cessation anticipée du bail emphytéotique, de toute indemnisation du cocontractant privé de l’administration à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique ; qu’il en est d’autant plus ainsi, et sans qu’un quelconque abus puisse être invoqué, lorsque comme en l’espèce les biens en cause ne sont pas financés par ledit cocontractant mais par une collectivité publique ; que l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE n’est donc fondée d’aucune manière à solliciter la condamnation de la commune de Saint-Chéron à lui verser l’indemnité susvisée sur ce fondement ; qu’il résulte de ce qui précède que l’association requérante n’est pas davantage fondée à soutenir que la commune de Saint-Chéron se serait opposée de manière abusive à sa demande indemnitaire et à solliciter la somme de 15.000 euros en raison d’une supposée résistance abusive de ladite collectivité, ni à solliciter l’indemnisation des frais d’audit qu’elle soutient avoir engagés afin de déterminer le montant de l’indemnité qu’elle estimait lui être due ;
5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Chéron, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l’association requérante, de la somme qu’elle demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande présentée par la commune de Saint-Chéron sur ce même fondement ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l’association ACCUEIL EDUCATION CULTURE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Chéron présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.