CA BESANÇON (1re ch. civ. A), 26 juin 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4497
CA BESANÇON (1re ch. civ. A), 26 juin 2013 : RG n° 13/00824
Publication : Jurica
Extraits (arguments des appelants) : « Ils soutiennent notamment que la déchéance du terme ne saurait être considérée comme acquise, faute de mise en demeure préalable. Ils ajoutent que la nécessité d'une telle mise en demeure, résultant de l’article 1146 du code civil, ne peut être écartée par une clause de l'acte de prêt, qui serait abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation. »
Extraits (motifs) : « Attendu que le contrat de prêt comporte la clause suivante ; « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier. […] »
Mais attendu que cette clause subordonne la mise en œuvre, par le prêteur, de sa faculté de résiliation du prêt, à l'envoi d'un avertissement à l'emprunteur, fût-ce par lettre simple ; Attendu que la banque CIC Est ne conteste pas que cet avertissement devait être préalable à la mise en œuvre de la déchéance du terme, puisqu'elle prétend y avoir satisfait par l'envoi de plusieurs courriers antérieurs à celui du 30 avril 2012 ; Attendu que la cour estime qu'un tel « avertissement » devait en outre, pour permettre ensuite au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme, informer clairement les emprunteurs du risque qu'ils encouraient de perdre le bénéfice du terme, donc de l'intention du prêteur d'exiger, à défaut de régularisation dans un certain délai, le remboursement anticipé de la totalité du solde du prêt ;
Or, attendu que les courriers adressés par le prêteur aux emprunteurs les 17 novembre 2010 et 1er décembre 2010 étaient de simples lettres de rappel demandant aux emprunteurs de régulariser leur situation et ne faisant aucune allusion au risque de déchéance du terme ; que les courriers des 13 décembre 2011 et 12 janvier 2012 avaient pour objet l'inscription de l'incident de paiement au FICP et ne mentionnaient pas l'intention du prêteur de se prévaloir, à défaut de régularisation de l'incident, de la déchéance du terme ; Attendu que ces différents courriers ne constituaient donc pas l'avertissement prévu par la clause précitée ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu par le prêteur, celui-ci, en notifiant le 30 avril 2012 la déchéance du terme aux emprunteurs, n'a pas respecté les conditions de forme imposées par le contrat ».
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 26 JUIN 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00824. Réputé Contradictoire. Audience publique du 29 mai 2013. S/appel d'une décision du juge de l'exécution de BELFORT en date du 2 avril 2013 [R.G. n° 12/00042]. Code affaire : 78A. Demande tendant à la vente immobilière et à la distribution du prix.
PARTIES EN CAUSE :
SA BANQUE CIC EST
dont le siège est sis [adresse], APPELANTE, Représentée par Maître Caroline L. (avocat au barreau de BESANCON) et Maître Sylvie M.-C. (avocat au barreau de BELFORT)
ET :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [...]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
Madame Y.
née le [date] à [ville], demeurant [...]
INTIMÉS, Représentés par la SCP D.-P. (avocat au barreau de BESANÇON) et la SCP D.-S.-O.-B. (avocats au barreau de BELFORT)
TRÉSORERIE PRINCIPALE DE BELFORT
dont le siège est sis [adresse], INTIMÉE, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame V. GAUTHIER et Monsieur J. COTTERET Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame V. GAUTHIER et Monsieur J. COTTERET Conseillers
L'affaire, plaidée à l'audience du 29 mai 2013 a été mise en délibéré au 26 juin 2013. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte notarié en date du 13 mai 2008, la banque CIC Est a consenti à M. X. et à Mme Y. deux prêts d'un montant total de 232.150 euros, destinés à financer l'acquisition d'une maison et garantis par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque sur cette maison.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 avril 2012, le prêteur a informé les emprunteurs qu'il se prévalait de la déchéance du terme, au motif que des échéances du prêt étaient demeurées impayées.
Par acte d'huissier en date du 26 juillet 2012 annulant et remplaçant un précédent acte du 10 juillet 2012, la banque CIC Est a fait signifier à M. X. et à Mme Y. un commandement de payer valant saisie de l'immeuble hypothéqué.
Par jugement en date du 2 avril 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Belfort a annulé ce commandement de payer et ordonné sa radiation.
* * *
La banque CIC Est a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2013.
Elle demande à la cour de constater que sa créance est certaine, liquide et exigible, de déclarer en conséquence la procédure de saisie immobilière bien fondée et de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution pour que celui-ci fixe le montant de la créance et la date d'adjudication de l'immeuble saisi. Elle réclame en outre une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, l'appelante fait valoir que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, elle a respecté les formes prévues par le contrat de prêt pour se prévaloir de la déchéance du terme, ayant préalablement adressé aux emprunteurs plusieurs courriers leur annonçant l'exigibilité immédiate du solde du prêt.
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M. X. et Mme Y. concluent à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à leur payer une somme de 1.500 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
Ils soutiennent notamment que la déchéance du terme ne saurait être considérée comme acquise, faute de mise en demeure préalable. Ils ajoutent que la nécessité d'une telle mise en demeure, résultant de l’article 1146 du code civil, ne peut être écartée par une clause de l'acte de prêt, qui serait abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation.
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Bien que régulièrement assignée à personne par acte d'huissier en date du 29 avril 2013, la trésorerie principale de Belfort, titulaire d'une inscription d'hypothèque sur l'immeuble saisi, n'a pas constitué avocat. En application des dispositions de l’article 473, alinéa 2, du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions des parties, transmises
- le 27 mai 2013 pour l'appelante (conclusions d'appelant n° 2),
- le 28 mai 2013 pour les intimés (conclusions récapitulatives).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que le contrat de prêt comporte la clause suivante ;
Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier.
- si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt,
- en cas d'incident de paiement sur chèques déclaré à la Banque de France ou d'incident de paiement caractérisé inscrit au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
Attendu qu'à la date du 30 avril 2012, il existait des échéances impayées depuis plus d'un mois ; qu'en outre, le prêteur avait, le 12 janvier 2012, déclaré l'incident de paiement au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ; que, par conséquent, le prêteur était en droit de se prévaloir de la déchéance du terme, en vertu de la clause précitée ;
Mais attendu que cette clause subordonne la mise en œuvre, par le prêteur, de sa faculté de résiliation du prêt, à l'envoi d'un avertissement à l'emprunteur, fût-ce par lettre simple ;
Attendu que la banque CIC Est ne conteste pas que cet avertissement devait être préalable à la mise en œuvre de la déchéance du terme, puisqu'elle prétend y avoir satisfait par l'envoi de plusieurs courriers antérieurs à celui du 30 avril 2012 ;
Attendu que la cour estime qu'un tel « avertissement » devait en outre, pour permettre ensuite au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme, informer clairement les emprunteurs du risque qu'ils encouraient de perdre le bénéfice du terme, donc de l'intention du prêteur d'exiger, à défaut de régularisation dans un certain délai, le remboursement anticipé de la totalité du solde du prêt ;
Or, attendu que les courriers adressés par le prêteur aux emprunteurs les 17 novembre 2010 et 1er décembre 2010 étaient de simples lettres de rappel demandant aux emprunteurs de régulariser leur situation et ne faisant aucune allusion au risque de déchéance du terme ; que les courriers des 13 décembre 2011 et 12 janvier 2012 avaient pour objet l'inscription de l'incident de paiement au FICP et ne mentionnaient pas l'intention du prêteur de se prévaloir, à défaut de régularisation de l'incident, de la déchéance du terme ;
Attendu que ces différents courriers ne constituaient donc pas l'avertissement prévu par la clause précitée ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu par le prêteur, celui-ci, en notifiant le 30 avril 2012 la déchéance du terme aux emprunteurs, n'a pas respecté les conditions de forme imposées par le contrat ;
Attendu que, dès lors, la somme ayant fait l'objet du commandement de payer du 26 juillet 2012 n'était pas exigible ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a annulé le commandement ;
Attendu que l'appelante, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les intimés en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'appelante tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme Y. ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel de la banque CIC Est recevable, mais non fondé ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 avril 2013 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Belfort ;
Ajoutant au dit jugement,
CONDAMNE la banque CIC Est à payer à M. X. et à Mme Y., ensemble, la somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;
REJETTE la demande de la banque CIC Est formée en cause d'appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme Y. ;
CONDAMNE la banque CIC Est aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP D. P., avocat, de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été signé par Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Madame F. MERIAU, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,