CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 19 septembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4517
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 19 septembre 2013 : RG n° 12/01008
Publication : Jurica
Extrait : « Mme Y. ne peut en outre utilement se prévaloir des dispositions relatives aux clauses abusives dès lors que le contrat litigieux a un rapport direct avec son activité professionnelle de vente de jouets en bois. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 12/01008. ORIGINE : DÉCISION en date du 7 novembre 2011 du Tribunal d'Instance de LISIEUX - RG n° 10-000719.
APPELANT :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], représentée et assistée de Maître Jean TESNIERE, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉ :
LA SAS PARFIP
N° SIRET : 411 XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP LADEVEZE PRADO, avocat au barreau de LISIEUX, assistée de Maître Nathalie SAGNES-JIMENEZ, avocat au barreau de BOURG EN BRESSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, Président, Madame BEUVE, Conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, rédacteur,
DÉBATS : A l'audience publique du 13 juin 2013
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2013 et signé par Monsieur CHRISTIEN, Président, et Mme LE GALL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme Y. est appelante du jugement rendu le 7 novembre 2011 par le Tribunal d'instance de Lisieux qui a :
- constaté que le contrat de licence d'exploitation conclu le 22 avril 2008 est résilié pour défaut de paiement des mensualités prévues.
- condamné Mme Y. à payer à la SAS Parfip France les sommes :
* de 2.525,28 euros au titre des échéances impayées à la date de mise en demeure,
* de 252,47 euros au titre des intérêts de retard contractuels,
* de 3.988,66 euros au titre de l'indemnité de résiliation,
* de 398,87 euros au titre de la clause pénale, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2010
- débouté la SAS Parfip France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
- condamné Mme Y. aux dépens.
Par conclusions du 13 mai 2013, Mme Y. demande à la Cour de :
- déclarer la société Parfip France irrecevable en son action pour défaut de qualité à agir.
- lui déclarer inopposables et en tout cas non écrites les dispositions de l'article 1 des conditions générales du contrat d'exploitation de licence de site internet.
- constater qu'elle n'a pas la qualité de professionnelle.
- constater que la forclusion de l'action de la société Parfip est acquise.
- prononcer la nullité du contrat de licence du 22 avril 2008 pour vice de consentement.
- prononcer à tout le moins la nullité du contrat de licence pour défaut de cause.
- constater l'inexécution des obligations souscrites par la société Cortix.
- constater la résolution du contrat aux torts des sociétés Parfip et Cortix.
- débouter la société Parfip de ses demandes.
- réformer en conséquence le jugement entrepris et y additant, condamner la société Parfip à lui restituer en sommes qu'elle a réglées au titre du contrat litigieux, la condamner au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les sommes réclamées au titre de la clause pénale.
- condamner la société Parfip France au paiement d'une indemnité de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
- lui accorder les plus larges délais de paiement.
Par conclusions du 6 mai 2013, la SAS Parfip France demande à la Cour de la déclarer recevable en son action, de juger irrecevables les demandes de nullité soulevées par Mme Y., de dire l'ensemble des arguments dirigés contre la société Cortix inopposable à la société Parfip France, de débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes, de constater la résiliation du contrat de licence du 22 avril 2008 pour défaut de paiement des échéances et de condamner Mme Y. à lui payer les sommes suivantes :
- 2.525,28 euros au titre des échéances impayées,
- 252,47 euros au titre des intérêts de retard contractuels,
- 3.988,66 euros au titre de l'indemnité de résiliation,
- 398,87 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2010.
- de condamner Mme Y. au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Par acte sous seing privé du 22 avril 2008, Mme Y. exerçant une activité de vente de jouets en bois, a conclu avec la société Cortix, un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée de 48 mois moyennant le règlement de mensualités de 115 euros HT.
Le même jour, Mme Y. a signé un bon de commande portant sur la création de ce site et comprenant hébergement, administration, maintenance, demande de référencement sur les principaux moteurs de recherche et dépôt du nom de domaine www-XX.com.
Elle a également signé à la même date un procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement.
Le contrat prévoyait la possibilité pour le fournisseur de céder les droits au contrat à un cessionnaire, et le client acceptait ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire.
Le 2 mai 2008, la société Cortix a émis à l'intention de la société Parfip, cessionnaire du contrat, une facture d'un montant de 4.277,33 euros.
Par courrier du 22 avril 2008, la société Parfip France a adressé à Mme Y. un échéancier prévoyant le règlement à son profit de 48 échéances entre le 1er mai 2008 et le 1er avril 2012.
Par courrier du 17 juin 2008, Mme Y. a sollicité la résiliation du contrat au motif qu'elle n'avait pas souhaité s'engager pour une durée de 48 mois.
Par courrier recommandé du 5 août 2008, la société Parfip France, prenant acte de la cessation d'activité de Mme Y., lui a rappelé que le contrat était d'une durée irrévocable de 48 mois et que la résiliation anticipée entraînait le versement d'une indemnité égale à la totalité des loyers restant dus jusqu'au terme du contrat.
Elle acceptait toutefois de réduire l'indemnité de résiliation à la somme de 5.386,98 euros dans le cadre d'une proposition amiable.
En l'absence de règlement, la société Parfip France a adressé à Mme Y. une mise en demeure, par courrier recommandé du 30 novembre 2009, qui n'a pas été réclamé par celle-ci ; pour avoir paiement des loyers échus, et l'informant qu'à défaut de règlement le contrat serait résilié et qu'elle serait redevable de la somme de 7.165,28 euros.
La société Parfip a alors obtenu du juge d'instance de Lisieux une ordonnance en date du 19 mai 2010 enjoignant à Mme Y. de lui régler la somme de 2.525,28 euros au titre de l'arriéré, de 3.988,66 euros au titre de l'indemnité de résiliation, de 4,70 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de 1 euro au titre de la clause pénale.
Le 26 juillet 2010, Mme Y. a formé opposition à cette ordonnance.
La société Parfip France a repris l'intégralité de ses demandes.
C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.
En cause d'appel, Mme Y. conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de la société Parfip France pour défaut de qualité à agir.
Elle soutient que la clause qui reconnaît au fournisseur la possibilité de céder ses droits serait abusive, et qu'en toute hypothèse les dispositions de l’article 1690 du code civil n'ont pas été respectées.
L'article 1er des conditions générales du contrat stipule que le client reconnaît au fournisseur la possibilité de céder les droits résultant du contrat au profit d'un cessionnaire et qu'il accepte le transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire.
Il précise que le client est informé de la cession par tout moyen notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l'avis de prélèvement qui sera émis.
Les dispositions contractuelles n'imposent pas le recours aux formalités de la signification de cession. Mme Y. ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l’article 1690 du code civil qui ne sont pas d'ordre public.
La première page du contrat fait expressément référence aux bailleurs potentiels au nombre desquels figure la société Parfip France.
Le 22 avril 2008, la société Parfip France a adressé à Mme Y. une facture échéancier l'avertissant de ce qu'elle suivrait la gestion financière du contrat.
La clause contractuelle relative à la cession du contrat a donc été respectée.
Mme Y. a reconnu avoir pris connaissance des conditions générales du contrat en apposant sa signature sous la mention le précisant.
Mme Y. ne peut en outre utilement se prévaloir des dispositions relatives aux clauses abusives dès lors que le contrat litigieux a un rapport direct avec son activité professionnelle de vente de jouets en bois.
La société Parfip France cessionnaire du contrat est donc recevable à agir.
Mme Y. invoque en second lieu les dispositions de l’article L. 311-37 au code de la consommation, et conclut à la forclusion de l'action au motif que le premier impayé non régularisé date du 19 mai 2008 et que l'ordonnance d'injonction de payer n'a été signifiée que le 20 juin 2010.
Les dispositions de l’article L. 311-37 du code de la consommation ne sont cependant pas applicables en l'espèce dès lors que le contrat liant les parties n'est pas au contrat de crédit mais un contrat de licence d'exploitation.
Mme Y. soutient en troisième lieu qu'elle a été amenée à signer le contrat le jour même où elle a été démarchée à son domicile, et que le démarcheur de la société Cortix a exercé sur elle une première morale en lui laissant entendre qu'elle risquait de perdre la possibilité d'utiliser le nom de domaine qu'elle souhaitait, si elle se ménageait un délai de réflexion. Elle prétend également qu'il aurait usé de manœuvres dolosives en lui laissant croire qu'elle ne s'engageait que pour une simple réservation et que la création du site était gratuite tandis que l'hébergement était payant.
La société Parfip France réplique que les agissements de la société Cortix lui sont inopposables dès lors qu'elles sont des entités juridiques distinctes et qu'en tout état de cause le dol n'est pas rapporté en l'espèce.
Le dol n'est une cause de nullité de convention que lorsqu'il émane de la partie envers laquelle l'obligation a été contractée.
En l'espèce le dol invoqué émanerait du représentant de la société Cortix qui n'a pas été appelée dans la cause.
En l'absence du fournisseur à l'instance, les manœuvres dolosives alléguées ne peuvent être opposées à la société Parfip France contre laquelle aucun grief de cette nature n'est formé.
En toute hypothèse, Mme Y. n'apporte aucun élément de nature à établir les manœuvres dont elle se plaint.
Mme Y. soutient, en quatrième lieu, que la mise en place du site s'est avérée non conforme à sa demande, que la présentation du site est inadéquate et qu'il est impossible de l'utiliser, la société Cortix ne lui ayant jamais envoyé les éléments lui permettant de créer une boîte de réception.
Elle invoque la nullité du contrat pour défaut de cause.
L'objet du contrat consiste en la mise en place d'un site internet. L'obligation au paiement est causée par la mise en place du site qui est attesté par le courrier recommandé adressé à Mme Y. le 5 mai 2008 par la société Cortix. Ce courrier précisant l'adresse du site www.XX.com et rappelant que pour le cas où elle souhaitait des modifications, elle disposait d'un délai de 15 jours, à l'issue duquel le site serait considéré comme définitivement validé.
Si Mme Y. prétend que le site n'est pas conforme à sa demande, elle ne produit aucun courrier adressé au fournisseur attestant des difficultés qu'elle invoque, alors que le contrat en son article 2-2 stipule que l'obligation de délivrance du site internet est exécutée par le fournisseur, et que l'article 11-2 précise que le cessionnaire ne peut être tenu pour responsable des anomalies de fonctionnement du site internet qu'elles qu'en puissent être la cause, ces clauses trouvant leur contrepartie dans le mandat d'ester en justice donné par la société Parfip à son client.
Le contrat mettant à la charge exclusive du fournisseur l'obligation de délivrance et la responsabilité des anomalies de fonctionnement,
Mme Y. n'est pas fondée à agir en résolution du contrat pour ces motifs à l'encontre de la société Parfip qui n'a fait qu'assurer le financement de l'opération.
Les moyens soulevés par Mme Y. seront donc écartés.
S'agissant des sommes réclamées par la société Parfip France en exécution de l'article 16-3 du contrat, elles sont relatives aux loyers impayés avant la résiliation qui s'élèvent à 2.525,28 euros, outre 252,47 euros au titre des intérêts de retard.
Il est également sollicité la somme de 3.988,66 euros au titre de l'indemnité de résiliation correspondant aux échéances contractuelles restant à courir jusqu'à la fin du contrat, outre 398,87 euros au titre d'une clause pénale de 10 %.
Les sommes réclamées par la société Parfip France, bien que présentées comme étant composées d'une indemnité de résiliation et d'une clause pénale de 10 %, ont cependant toutes le caractère de clause pénale puisque les parties ont ainsi évalué forfaitairement et d'avance, à une somme égale au montant de la totalité des échéances restant dues le montant de l'indemnité à laquelle la société Parfip pourrait prétendre en cas d'inexécution de l'obligation contractée par Mme Y.
Il résulte des pièces versées aux débats que la société Parfip a réglé à la société Cortix une somme de 4.277,33 euros en règlement de la cession du contrat.
Au regard des sommes exposées par la société Parfip et du dommage qu'elle subit, les sommes réclamées au titre de la clause pénale apparaissent manifestement excessives et il y a lieu de la réduire à la somme de 2.000 euros.
Mme Y. sera en conséquence condamnée à régler à la société Parfip France la somme de 4.777,75 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2010.
En équité, chacune des parties conservera la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés sur la procédure.
Mme Y. ne justifiant pas de sa situation financière actuelle, et ne démontrant pas être en mesure d'acquitter sa dette dans le délai légal de 2 ans, il ne peut être fait droit à sa demande de délais de paiement.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme Y. qui succombe pour l'essentiel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme Y. au paiement des sommes de 3.988,66 euros au titre de l'indemnité de résiliation et de 398,87 euros au titre de la clause pénale.
En statuant à nouveau de ce chef,
Réduit à la somme de 2.000 euros le montant de la clause pénale.
Condamne en conséquence Mme Y. à payer à la Société Parfip France la somme de 4.777,75 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2010.
Déboute la société Parfip France de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute Mme Y. de sa demande de délais de paiements.
Condamne Mme Y. aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL J. CHRISTIEN
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