CA LIMOGES (ch. civ.), 14 novembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4562
CA LIMOGES (ch. civ.), 14 novembre 2013 : RG n° 11/00885
Publication : Jurica
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00885.
Le QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
APPELANT :
Monsieur X.
de nationalité Française, né le [date] à [ville], Profession : Magasinier(ère), demeurant [adresse], représenté par Maître Corinne ROUQUIE, avocat au barreau de CORREZE, APPELANT d'un jugement rendu le 7 AVRIL 2011 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE BRIVE
ET :
INTIMÉES :
SAS FAURIE
dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES, Maître Virgile RENAUDIE, avocat au barreau de CORREZE
SAS GAP AUTOMOTIVE
dont le siège social est [adresse], représentée par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES, Maître Cédric PARILLAUD, avocat au barreau de CORREZE
SARL VERON J.,
assignée en intervention forcée, n'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné.
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 26 septembre 2013 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 24 octobre 2013. L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 août 2013.
A l'audience de plaidoirie du 26 septembre 2013, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseiller a été entendue en son rapport, Maîtres ROUQUIE, RENAUDIE et COUDAMY, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 14 novembre 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR
Selon bon de commande du 8 juin 2009, M. X. a acquis de la SAS FAURIE un véhicule d'occasion FORD TRANSIT de 2004, moyennant la somme de 8.700 euros et le versement d'un acompte de 1.740 euros à la commande, le solde étant payable à la livraison.
Avant la livraison, le garage FAURIE s'engageait à réparer une rayure côté passager, à recoller le joint du pare-brise, à changer les plaquettes avant, à faire les vidanges complètes et vérifier l'embrayage.
La SAS FAURIE établissait une facture de ces prestations au 25 juin 2009, mais pour autant, M. X. n'a pu prendre livraison du véhicule que le 13 juillet 2009, date à laquelle le véhicule n'était toujours pas véritablement prêt puisqu'il manquait les caches roues, si bien que la SAS FAURIE a accepté de compenser ce préjudice par la remise d'un bon pour vidange d'une valeur de 500 euros.
Quinze jours plus tard, M. X. partait en vacances avec le véhicule, mais d'emblée, il rencontrait des problèmes, et notamment se déclenchait un bruit suspect accompagné d'une perte de puissance du véhicule.
Lorsqu'il a fait examiner son véhicule par un professionnel, il lui a été déclaré que le collecteur d'admission était cassé, et le garage relevait également que le filtre à air n'était pas conforme au véhicule.
M. X. a alors fait effectuer un devis de réparation auprès du garage FORD qui s'est élevé à la somme de 468,91euros.
Après maints appels téléphoniques, la SAS FAURIE a finalement accepté de prendre à sa charge cette réparation en contrepartie de l'annulation du bon pour vidange de 500 euros qui avait été remis au moment de l'achat.
Mais dès le mois d'octobre, à la suite de pluies importantes, M. X. constatait des fuites au niveau du pare-brise, et des problèmes de moteur sont à nouveau survenus.
Il faisait examiner le fourgon par un professionnel qui décelait un arrachement de l'anneau d'arrimage et une dégradation du berceau.
Ne parvenant pas à solutionner amiablement le litige, et excédé par l'enchaînement des difficultés et la non-conformité du véhicule livré à celui commandé, M. X. a sollicité un cabinet d'expertise.
L'expert Monsieur A. a alors contacté FAURIE SAS et le vendeur précédent du véhicule, la SARL VERON J..
La SARL VERON J. écrira à l'expert qu'elle ne s'estime plus concernée par ce véhicule qu'elle a vendu à un professionnel, la SAS FAURIE, et confirmera qu'effectivement des dégâts ont été causés au crochet d'arrimage lors d'un remorquage avec un tracteur à la suite d'un embourbement.
Quant à la SAS FAURIE, elle faisait écrire par son conseil qu'elle n'assisterait pas à cette expertise, et que M. X. n'avait qu'à saisir la juridiction pour solliciter une expertise judiciaire.
Ayant convoqué contradictoirement les parties, l'expert a vaqué à sa mission et il a rendu un rapport d'expertise le 9 février 2010.
L'expert a constaté que le véhicule n'était pas conforme à la commande et qu'il était affecté de vices apparents pour un professionnel mais non décelables pour un profane.
Il a chiffré le total des réparations à 2.348,14 euros TTC et a décrit les vices dont ce fourgon était affecté.
Pendant tout ce temps, le véhicule a été immobilisé car il ne pouvait rouler.
Ne parvenant toujours pas à trouver une solution amiable au litige, M. X. s'est vu contraint de saisir le tribunal de grande instance de BRIVE pour solliciter la résolution du contrat et la restitution du véhicule, ainsi que le remboursement du prix payé et l'indemnisation de son préjudice.
Par un jugement du 7 avril 2011, le tribunal d'instance de BRIVE a :
- condamné la SAS FAURIE à payer à M. X., la somme de 100 euros au titre de son préjudice de jouissance, outre celle de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. X. de ses autres demandes,
- condamné les deux parties au partage des dépens.
M. X., qui a acheté 8.700 euros un fourgon auprès d'un professionnel qu'il ne peut toujours pas utiliser et que ce dernier refuse de réparer, a estimé devoir relever appel de ce jugement.
Par une ordonnance du 15 février 2012 et faisant droit à la demande de M. X., le Conseiller de la mise en état a ordonné une expertise confiée à Monsieur B. qui a déposé son rapport le 31 décembre 2012.
Au terme de ses écritures datée du 18 juin 2013, M. X. demande à la cour :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil et les articles 16 et 134 du code de procédure civile,
- de juger que la clause exonératoire de responsabilité contenue sur le bon de commande constitue une clause abusive au sens des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation et ne peut exonérer la SAS FAURIE de sa responsabilité,
- de prononcer la résolution du contrat de vente du véhicule FORD TRANSIT du 8 juin 2009, et lui donner acte du fait qu'il tient le véhicule à la disposition de la SAS FAURIE,
- de condamner la SAS FAURIE à la restitution du prix de vente soit 8.700 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 10 mars 2010,
- de condamner la SAS FAURIE à lui payer les sommes suivantes :
* 320 euros au titre des frais de mutation de carte grise,
* 1.322,64 euros au titre des frais d'assurance sur 36 mois,
* 2.000 euros au titre du trouble de jouissance et à celle de 854,94 euros au titre des frais d'expertise amiable A.,
* 598 euros + 239,20 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
* 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront tous les frais d'expertise (A. et B.).
Au terme de ses conclusions en date du 2 juillet 2013, la SAS FAURIE sollicite voir :
- confirmer le jugement du tribunal d'instance de BRIVE en date du 7 avril 2011, sauf en ce qu'il la condamne à prendre en charge le coût de la réparation du joint de pare-brise et à payer les frais irrépétibles exposés par M. X., ainsi que les dépens.
Et rejugeant et y rajoutant :
- constater son intervention sur le joint du pare-brise, et la déclarera satisfactoire,
- débouter M. X. de ses demandes au motif que les conditions tant de l'action en garantie des vices cachés, que de l'action en délivrance conforme, ne sont pas réunies,
- à titre subsidiaire et en cas de condamnation, condamner la société GAP AUTOMOTIVE à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation à intervenir, et à défaut, à garantir les préjudices annexes, c'est à dire autres que la reprise du véhicule et son remboursement,
- condamner M. X. à lui payer une indemnité supplémentaire de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions en date du 24 avril 2013, la SAS GAP AUTOMOTIVE sollicite voir :
- constater qu'aucune faute ne lui ait reprochée et qu'elle sera en conséquence, mise hors de cause,
- débouter toute partie de toute demande pouvant être présentée à son encontre,
- condamner la société FAURIE, outre aux dépens, à lui payer la somme de 2.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile compte tenu des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager dans le cadre de l'expertise et de la présente instance pour un litige qui ne la concernait pas.
La SARL VERON Jérôme bien que régulièrement assignée en intervention forcée le 26 avril 2012 en la personne de son gérant, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu que l'expert A. désigné à la demande de M. X. conclut que lors de la vente, le véhicule acquis par M. X. auprès de la SAS FAURIE était affecté des désordres suivants listés (page 5 de son rapport d'expertise) :
- absence d'adhésion du joint sur le pare-brise,
- légère fuite d'huile au niveau du joint SPY de la boîte de vitesse,
- arrachement de l'anneau d'arrimage,
- dégradation du berceau,
- pipe d'admission fissurée (ceci apparaissant après la vente)
- joint du pare-brise non étanche.
Que l'expert judiciaire M. B. confirme ces constatations, précisant que les défauts affectant ce véhicule qui a 8 ans d'âge et parcouru 72.515 km, le rendaient impropre à l'usage auquel il était destiné (rapport page 23) ;
Que c'est ainsi que l'expert explique en page 16 et 17 :
- que l'entrée d'eau au niveau du pare-brise fait suite à une réparation défectueuse faite la SAS FAURIE, et que celui-ci pouvait se décoller en roulant, alors même que sur ce type de véhicule, le pare-brise participe à la rigidité de l'habitacle si bien qu'il ne pouvait pas rouler dans ces conditions,
- que l'arrachement de l'anneau de remorquage ne pose de problème particulier pour l'utilisation du véhicule, sauf en cas de panne,
- que l'arrachement du crochet d'arrimage de la traverse résultant d'un enlisement avec traction, impose son remplacement, s'agissant d'un organe de sécurité,
- que la destruction de la tubulure (début de fusion) et la fissure importante repérée au niveau de son assemblage, apparues après dépose, constituent un désordre important, ne permettant pas une utilisation normale du véhicule et rendant celui-ci inutilisable (cette pièce avait été déjà remplacée par FORD en août 2009), ce désordre trouve son origine dans un mauvais fonctionnement du clapet de la vanne EGR suite à une immobilisation importante du véhicule (page 23), la cour relevant à cet égard, qu'il est constant que ce véhicule est resté immobilisé une très longue période sur le parking de la SAS FAURIE,
- une fuite du joint spy entre le moteur et la boîte de vitesses.
L'expert indique clairement que ces défauts n'étaient pas décelables par un non professionnel (page 17), qu'ils étaient antérieurs à la vente, même si pour certains ils se sont révélés après la vente (destruction tubulure, notamment).
Attendu qu'il s'évince de la nature et origine des désordres ainsi relevés par l'expert judiciaire, que lorsque M. X. a acquis ce véhicule, il n'était pas conforme à sa destination et présentait même une certaine dangerosité ;
Que même si l'expert chiffre les réparations pour le rendre conforme à sa destination à la somme totale de 2.114,63 euros, soit à un montant inférieur à sa valeur vénale s'élevant à 6.000 euros, et qu'il est, de ce fait, économiquement réparable, il sera néanmoins fait droit à la demande de M. X. tendant à la résolution de la vente dans la mesure où dès son acquisition le 13 juillet 2009, M. X. a enchaîné des pannes, et que depuis, ce véhicule n'est plus utilisé, s'agissant, il convient de le relever d'un fourgon qui n'a parcouru que 75.000 km et qui a déjà subi des réparations et en nécessite d'autres encore pour être rendu utilisable, permettant ainsi légitimement faire douter de sa fiabilité à venir ;
Que par voie de conséquence, la SAS FAURIE sera condamnée à restituer à M. X. la somme de 8.700 euros à compter du 10 mars 2010 (date de l'assignation), ainsi que des frais afférents à la carte grise déboursés en pure perte ;
Qu'en revanche, et s'agissant de la demande faite au titre de l'assurance, M. X. sera débouté de cette demande dans la mesure où l'expert note (page 16) que le camion suite à la panne n'est plus assuré, de sorte que les primes qu'a pu acquitter M. X. étaient justifiées sur la période d'utilisation.
Attendu que M. X. a subi incontestablement un préjudice du fait de la privation de ce véhicule acquis en juillet 2009 pour une somme pourtant non négligeable de 8.700 euros ; qu'il a dû subir également de très nombreux tracas (dépannages, réparations, réunions d'expertises, rachat d'un autre véhicule utilitaire, etc.. ; qu'il lui sera alloué en réparation la somme de 1.500 euros.
Attendu que l'appel en garantie formé par la SAS FAURIE à l'encontre de la SAS GAP AUTOMOTIVE ne saurait prospérer dans la mesure où il s'agit d'une vente entre professionnels de l'automobile, la SAS FAURIE ayant les compétences pour apprécier l'état d'un véhicule qu'il acquiert ; qu'il sera débouté de ce chef de demande.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR ;
Statuant par décision rendue par défaut par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,
Et STATUANT à nouveau,
VU l'expertise de M. B.,
DIT que le véhicule Ford Transit acquis par M. X. auprès de la SAS était atteint de nombreux défauts antérieurs à la vente,
DIT que ces défauts rendent en l'état, et sauf réparations, le véhicule impropre à sa destination,
PRONONCE la résolution judiciaire du contrat de vente, signé le 8 juin 2009,
DIT que M. X. devra restituer le véhicule à la SAS FAURIE,
CONDAMNE la SAS FAURIE à payer à M. X. la somme de 8.700 euros majorée des intérêts à compter du 10 juillet 2010 (date de l'assignation), outre celles de 320 euros au titre des frais de mutation de carte grise et 1.500 euros en réparation de son préjudice subi,
CONDAMNE la SAS FAURIE à rembourser à M. X. le coût de l'expertise de M. A.,
CONDAMNE la SAS FAURIE à payer à M. X. la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La CONDAMNE également aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.