CA ANGERS (ch. civ. A), 5 novembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4594
CA ANGERS (ch. civ. A), 5 novembre 2013 : RG n° 12/01842
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-026541
Extrait : « A l'énoncé de l’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 2010, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques du bien ou du service et il lui appartient, en cas de litige, de prouver qu'il a exécuté cette obligation.
Pour ce qui est de l'étendue de cette obligation, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, la commission des clauses abusives recommande, recommandation n° 82-03 concernant les contrats d'installation de cuisine, que les contrats d'installation de cuisine comportent notamment les caractéristiques et les conditions d'exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes et s'il y a lieu des plans techniques par corps de métier ; la description détaillée des travaux qui sont indispensables à la réalisation et à l'utilisation de l'installation proposée et qui ne sont pas compris dans le prix ; la répartition de ces travaux entre ceux que l'installateur propose d'effectuer si le client en fait la demande - ainsi que, dans ce cas, l'estimation de leur coût - et ceux dont le client devra en tout état de cause faire son affaire.
Pour prétendre avoir exécuté son obligation, l'entreprise verse au débat un plan coté et un second plan dénommé « perspective de la cuisine ». […]
En l'absence de description détaillée de travaux indispensables à la réalisation et à l'utilisation de l'installation proposée, non compris dans le prix, et de la répartition de ces travaux entre ceux que l'installateur propose d'effectuer si le client en fait la demande - ainsi que, dans ce cas, l'estimation de leur coût - et ceux dont le client devra en tout état de cause faire son affaire, il est certain que l'entreprise n'a pas respecté les exigences de l'article L. 111-1, puisqu'elle n'a pas mis les époux Y. en mesure de connaître les caractéristiques de la cuisine proposée. C'est donc à raison que le premier juge, dont la décision sera approuvée, a prononcé la nullité de la vente et condamné l'entreprise à restituer l'acompte. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A CIVILE
ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01842. Tribunal de Grande Instance d'ANGERS du 12 juillet 2012, n° d'inscription au R.G. de première instance n° 11/00896.
APPELANTE :
Société CUISINE DE FRANCE
Prise […], Représentée par Maître Patrick BEUCHER de la SELARL LEXCAP-BDH, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13100488
INTIMÉS :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville]
Monsieur Y.
né le [date] à [ville]
Représentés par Maître PEDRON de la SCP SULTAN - SOLTNER - PEDRON - LUCAS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 101278
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 24 septembre 2013 à 14 H 00, Madame GRUA, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de : Monsieur HUBERT, Président de chambre, Madame GRUA, Conseiller, Madame MONGE, Conseiller, qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
ARRÊT : contradictoire, Prononcé publiquement le 5 novembre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ; Signé par Monsieur HUBERT, Président et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 18 avril 2010 à la foire d'Angers, Mme Y. et M. Y. (les époux Y.) ont signé une « confirmation de commande » d'une cuisine aménagée, d'un prix ramené à 20.000 euros, livrable par la société Cuisine de France en mai 2013 et versé un « acompte-caution » d'un montant de 6.000 euros.
Par un acte d'huissier délivré le 1er mars 2011, les époux Y. ont assigné cette société en annulation, ou à défaut, résiliation du contrat, restitution de la somme de 6.000 euros, paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité de procédure.
Par un jugement rendu le 12 juillet 2012, le tribunal de grande instance d'Angers y a fait droit, prononçant la nullité de la vente, condamnant la société Cuisine de France à la restitution de l'acompte et au paiement d'une indemnité de procédure, mais déboutant les époux Y. de leur demande de dommages et intérêts.
Pour considérer que le cuisiniste avait manqué à ses obligations de conseil et d'information, le premier juge a retenu que le « bon pour implantation » avait été établi sans métré, ses cotes étant imprécises voire inexistantes, et sans étude de faisabilité.
Selon une déclaration reçue au greffe de la cour le 4 septembre 2012, la société Cuisine de France a relevé appel de cette décision.
Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 août 2013.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les dernières conclusions, déposées les 26 février 2013 pour l'appelante, 1er mars 2013 pour les intimés, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
L'entreprise Cuisine de France (l'entreprise) demande de réformer le jugement en déboutant les époux Y. de l'ensemble de leurs demandes, de constater qu'elle a offert de réaliser la pose, de condamner les intimés au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 euros.
Elle fait valoir qu'elle a établi, outre la description précise de chacun des éléments vendus avec ses cotes, coloris et prix, deux plans d'implantation, le premier, coté pour sa largeur à 3 m, sur la base du plan coté dressé par les clients, le second, dénommé « perspective de la cuisine », permettant de voir les meubles et leur organisation en perspective, qui donnaient aux clients une connaissance précise et exacte de la cuisine achetée et de son intégration dans la pièce. Elle prétend que tous les équipements cotés figurent à l'échelle sur le plan et en perspective, sans que les époux Y. justifient de la moindre erreur, la prétendue erreur de 3 m² alléguée résultant de leur désir de réaliser un angle droit avec une contre cloison ramenant bien cette longueur à 3 m. Elle considère, sauf à interdire ce type de vente, qu'il ne peut être exigé une visite sur place, qu'il ne peut être affirmé que les travaux de plomberie et d'électricité ne seraient pas réalisables alors que les conditions générales de vente précisent bien que le forfait pose comprend la pose des éléments hauts et bas, le branchement de l'électroménager sur prises déjà existantes à 1,50 m de l'appareil, la pose de la hotte, le raccordement à l'évier. Concernant le prétendu vice du consentement, elle fait plaider qu'il n'est pas sérieux de prétendre que les époux Y., âgés de 56 ans, qui avaient déjà acheté une cuisine Mobalpa quelques années auparavant, ne savaient pas qu'ils signaient un bon de commande alors qu'ils bénéficiaient d'une remise de 30 à 40 % en prix foire et sont restés des heures au stand pour une prise de renseignements détaillés, en sachant qu'ils ne voulaient pas acheter avant trois années. Elle estime sa prétendue pratique commerciale agressive non justifiée et avoir parfaitement respecté ses obligations.
Les époux Y. demandent de confirmer le jugement et de condamner l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure de 2.500 euros, en cause d'appel.
Ils soutiennent que deux motifs justifient la confirmation de la décision :
- le premier, tiré de l’article L. 122-15 du code de la consommation, qui prévoit la nullité du contrat lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à sa conclusion, en prétendant que doit être qualifiée telle la pratique consistant à faire intervenir, sans discontinuer, trois collaborateurs pendant deux heures afin de les convaincre qu'ils feraient une excellente affaire en signant immédiatement, profitant ainsi des conditions liées à la foire, sans leur laisser le temps d'analyser sereinement l'offre et les conditions générales,
- le second, tiré du non respect de l'article L. 111-1 du même code, pour ne les avoir pas mis en mesure de connaître les caractéristiques essentielles de la cuisine. Ils précisent que le plan dont se prévaut l'appelante (sa pièce n°2) est celui, établi par la société Mobalpa il y a quelques années, qu'ils ont produit au débat en première instance, pièce n° 7 du bordereau annexé à leur assignation, et qu'ils n'avaient pas avec eux lorsqu'ils se sont rendus à la foire. Ils ajoutent que la comparaison de l'esquisse réalisée par l'appelante et du plan d'implantation de leur cuisine actuelle fait apparaître une modification de l'emplacement du plan de cuisson, donc de la hotte aspirante, des fours, donc de l'installation électrique, de l'emplacement de l'évier et donc des conduites d'eau et d'évacuation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A l'énoncé de l’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 2010, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques du bien ou du service et il lui appartient, en cas de litige, de prouver qu'il a exécuté cette obligation.
Pour ce qui est de l'étendue de cette obligation, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, la commission des clauses abusives recommande, recommandation n° 82-03 concernant les contrats d'installation de cuisine, que les contrats d'installation de cuisine comportent notamment les caractéristiques et les conditions d'exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes et s'il y a lieu des plans techniques par corps de métier ; la description détaillée des travaux qui sont indispensables à la réalisation et à l'utilisation de l'installation proposée et qui ne sont pas compris dans le prix ; la répartition de ces travaux entre ceux que l'installateur propose d'effectuer si le client en fait la demande - ainsi que, dans ce cas, l'estimation de leur coût - et ceux dont le client devra en tout état de cause faire son affaire.
Pour prétendre avoir exécuté son obligation, l'entreprise verse au débat un plan coté et un second plan dénommé « perspective de la cuisine ».
Il apparaît que le premier plan n'est autre que le plan de la cuisine actuelle des époux Y., établi par la société Mobalpa, qu'ils avaient produit en première instance (leur pièce n° 7) à l'appui de leur assignation. Le second plan, comparé au premier qui montre l'implantation actuelle de la cuisine, fait apparaître que les fours et la table de cuisson passait du mur Nord au mur Ouest, l'évier, du mur Est au centre de la pièce où un retour était aménagé, le réfrigérateur était déplacé d'au moins de 2 m. Les meubles devant être posés, page 4 du document « confirmation de commande », pour un montant de 1.411,37 euros, hors plomberie, hors électricité, hors pose faïence, suivant les conditions générales 3.3, ainsi rédigées : « Le forfait pose comprend : la pose des éléments bas et haut, le branchement de l'électroménager suivant bon de commande sur prise déjà existante à 1,50 m de l'appareil, la pose de la hotte, le raccordement de l'évier : arrivée et vidange à l'axe de la robinetterie sur collet battu existant », il est certain qu'en raison de leur déplacement les appareils électroménagers ne pouvaient être branchés « sur prise déjà existante » et que l'évier ne pouvait être raccordé sur l'existant.
En l'absence de description détaillée de travaux indispensables à la réalisation et à l'utilisation de l'installation proposée, non compris dans le prix, et de la répartition de ces travaux entre ceux que l'installateur propose d'effectuer si le client en fait la demande - ainsi que, dans ce cas, l'estimation de leur coût - et ceux dont le client devra en tout état de cause faire son affaire, il est certain que l'entreprise n'a pas respecté les exigences de l'article L. 111-1, puisqu'elle n'a pas mis les époux Y. en mesure de connaître les caractéristiques de la cuisine proposée. C'est donc à raison que le premier juge, dont la décision sera approuvée, a prononcé la nullité de la vente et condamné l'entreprise à restituer l'acompte.
L'entreprise, qui succombe, sera condamnée à payer aux époux Y. une indemnité de procédure de 2.500 euros, en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne l'entreprise Cuisine de France à payer à Mme Y. et M. Y. une indemnité de procédure de 2.500 euros, en cause d'appel ;
La condamne au paiement des entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAU L-D. HUBERT
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6481 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’ameublement - Cuisine intégrée (vente et installation) (1) - Formation et contenu du contrat