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CA GRENOBLE (1er pdt.), 27 novembre 2013

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1er pdt.), 27 novembre 2013
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1er Pdt
Demande : 13/00114
Date : 27/11/2013
Nature de la décision : Refus de suspension
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/09/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4611

CA GRENOBLE (1er pdt.), 27 novembre 2013 : RG n° 13/00114

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'il n'appartient pas au premier président de se prononcer sur la régularité ou le bien fondé de la décision frappée d'appel et sur le caractère illicite ou abusif de certaines clauses du contrat ; […] ; Attendu que cette société a interjeté appel pour solliciter de la cour l'infirmation du jugement sur quatre stipulations contractuelles (clauses 5, 6, 9 et 27 du jugement) ;

Attendu que s'agissant des clauses 5 et 6, l'une relative à la ré-épreuve décennale, l'autre sur l'entretien des appareils d'équipement et les accessoires, notamment le détendeur et le limiteur de pression, seule la cour saisie du fond du litige pourra dire si les obligations de sécurité qui pèsent sur Antargaz en sa qualité de distributeur de gaz justifient que certaines obligations soient imposées au consommateur même si ce dernier est propriétaire de la citerne ; que cette société n'établit pas que l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives ;

Que s'agissant de la clause 9 qui impose de confier toute réparation à Antargaz ou à des prestataires désignés, l'exécution provisoire ouvrirait certes au client la possibilité de faire effectuer toute réparation à un prestataire de son choix ; que toutefois ce seul fait ne suffit pas à établir l'existence d'un risque, le prestataire désigné étant réputé professionnel, et donc à générer des conséquences manifestement excessives pour le fournisseur d'énergie ;

Qu'enfin, s'agissant de la clause 27 par laquelle le client s'engage à confier l'exclusivité d'approvisionnement à Antargaz, l'exécution provisoire pourrait certes entraîner la décision du consommateur de se faire livrer en GPL par une société concurrente ; que toutefois, ce seul fait ne saurait davantage suffire à établir l'existence d'un risque, la fourniture continuant à être opérée par un professionnel, et donc à générer l'existence de conséquences manifestement excessives ».

2/ « Attendu que le tribunal a ordonné l'exécution provisoire à l'exception des mesures de publicité ; Attendu que dès lors que la société Antargaz ne conteste pas la décision du tribunal sur 17 clauses, il importe que les consommateurs soient avertis du caractère illicite ou abusif de certaines clauses des contrats les liant à la société Antargaz ; qu'il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire des mesures de publicité ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 27 NOVEMBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/00114.

 

ENTRE :

DEMANDERESSE suivant assignation en référé du 19 septembre 2013 :

SA ANTARGAZ

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Maître VAN CAUWELAERT, avocat au barreau de PARIS

 

ET :

DÉFENDERESSES :

Association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L’ISÈRE - UFC 38

représentée par Maître Christian BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité française, non comparante, ni représentée

 

DÉBATS : A l'audience publique du 23 octobre 2013 tenue par Gérard MEIGNIÉ, premier président, assisté de M.A. BARTHALAY, greffier

ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement le 27 NOVEMBRE 2013 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signée par Gérard MEIGNIÉ, premier président et par M.A. BARTHALAY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par un jugement du 6 mai 2013, le tribunal de grande instance de Grenoble, statuant sur la validité des modèles types du contrat établi par la société Antargaz :

- a déclaré Mme X. recevable en son intervention volontaire ;

- a déclaré abusives ou illicites 21 clauses des modèles types de contrat ;

- a ordonné la suppression de ces clauses déclarées abusives ou illicites dans le délai de six mois à compter de la signification du jugement, sous peine d'une astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard pendant deux mois ;

- a condamné la société Antargaz à payer à l'association UFC - Que Choisir 38 la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice collectif et la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice associatif ;

- a ordonné la publication du jugement par extraits dans les Affiches de Grenoble, le Dauphiné Libéré et Paru Vendu, dans la limite de 1.800 euros par publication ;

- a déclaré non écrites et donc inopposables les clauses du contrat de Mme X. jugées illicites ou abusives ;

- a condamné la société Antargaz à payer à Mme X. la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts ;

- l'a condamnée à payer à l'association UFC Que Choisir 38 la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Ce jugement a été assorti de l'exécution provisoire à l'exception des dispositions relatives à la publicité par voie de presse ; la société Antargaz a acquiescé pour partie au jugement et en a interjeté appel pour quatre stipulations contractuelles, celles portant les numéros 5, 6, 9 et 27.

Considérant que l'exécution provisoire du jugement aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, la société Antargaz a fait assigner en référé par acte du 19 septembre 2013 Mme X. et l'association UFC Que Choisir 38 pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il a ordonné la suppression des modèles de contrat des clauses 5, 6, 9 et 27.

A l'appui de sa demande, elle fait valoir :

- que le jugement a toute chance d’être infirmé ; que la justification tenant aux règles de sécurité a toujours été admise par la jurisprudence ; que rompre ce lien justifié par la dangerosité du produit emporterait des conséquences néfastes pour la sécurité des consommateurs ;

- que la suppression des clauses porte une atteinte injustifiée à la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle constitutionnellement garantie ; qu'elle aurait pour effet d'augmenter considérablement le risque de voir sa responsabilité engagée en cas de sinistre, sans qu'aucune faute n'ait été commise de sa part ; que de même l'aggravation des risques conduirait à remettre en cause le modèle économique de développement choisi par elle et à générer des coûts supplémentaires ;

- que la suppression des clauses aurait pour elle des conséquences irréversibles, même dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement ; que dans ce cas elle ne pourrait revenir unilatéralement sur des relations contractuelles nouées dans l'intervalle avec le consommateur.

L'association UFC 38 conclut au rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire des 4 clauses visées dans l'acte d'appel.

Reconventionnellement, elle sollicite l'exécution provisoire des mesures de publication ordonnée et la condamnation de la société Antargaz à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle répond :

- que le fait que le jugement ne soit pas définitif est inopérant ; qu'il n'appartient pas au premier président d'apprécier le fond de l'affaire, et notamment la régularité et le bien fondé de la décision ;

- que la présente juridiction ne peut statuer que sur des preuves du risque de conséquences excessives telles qu'apportées par le demandeur ; qu'en l'espèce, aucune preuve n'est apportée de l'existence des risques invoqués ;

- que la suppression de clauses illicites ou abusives d'un contrat ne peut avoir de conséquences excessives pour un professionnel ; que s'agissant des clauses illicites, c'est le moins qu'elles soient immédiatement supprimées ; qu'en l'espèce, deux clauses faisant l'objet de l'appel ont été jugées illicites : celle qui impose au consommateur de confier à Antargaz la ré-épreuve décennale quand il est propriétaire de la citerne, et celle qui impose au consommateur de confier toute réparation à la société dans ce cas ;

- que s'agissant des clauses abusives, même si la notion d'équilibre peut être appréciée à nouveau, il reste que les professionnels ont l'interdiction de profiter de leur puissance économique pour imposer aux consommateurs des contrats contenant des clauses qui créent « un déséquilibre significatif » ; que la décision qui ordonne la suppression de clauses abusives a pour effet de rétablir l'équilibre et l'exécution provisoire n'emporte que la cessation immédiate de ce déséquilibre ; qu'en l'espèce, deux clauses sont visées : celle qui laisse à la charge du consommateur l'entretien des « détendeurs et limiteurs de pression », et celle qui en préambule lie nécessairement l'exclusivité d'approvisionnement et les prestations de maintenance, voire de fourniture de la citerne.

L'association ajoute que l'affirmation selon laquelle l'exécution provisoire relative aux clauses qui lui réservent l'entretien du matériel créerait un risque en cas de carence du consommateur ou de multiple intervenants, ne repose sur rien puisque ce professionnel n'est pas le seul à pouvoir intervenir sur le matériel ou l'entretenir.

Elle fait valoir en outre qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'entreprendre et que la liberté contractuelle n'est pas débridée mais est au contraire encadrée par des textes d'ordre public.

Enfin, elle soutient qu'à partir du moment où la société accepte le jugement sur la grande majorité des clauses, il y a urgence à ce que les consommateurs en soient informés, et notamment ceux qui ont un contrat en cours.

Mme X. n'a pas comparu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

Attendu que la société Antargaz n'entend pas solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire concernant les condamnations financières prononcées à son encontre ;

Attendu qu'il n'appartient pas au premier président de se prononcer sur la régularité ou le bien fondé de la décision frappée d'appel et sur le caractère illicite ou abusif de certaines clauses du contrat ;

Attendu que par jugement du 6 mai 2013 le tribunal de grande instance de Grenoble a notamment déclaré illicites ou abusives 21 clauses contenues dans les contrats-types proposés par la société Antargaz, ordonné la suppression de ces clauses sous astreinte, condamné la société Antargaz au paiement de la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice collectif et celle de 4.000 euros au titre du préjudice associatif, ordonné la publicité du jugement et l'exécution provisoire à l'exception des mesures de publicité par voie de presse ;

Attendu que cette société a interjeté appel pour solliciter de la cour l'infirmation du jugement sur quatre stipulations contractuelles (clauses 5, 6, 9 et 27 du jugement) ;

Attendu que la clause 5 impose au consommateur, propriétaire de sa citerne, de faire assurer par la société Antargaz la ré-épreuve décennale de celle-ci ; que la clause 6 prévoit que l'entretien des appareils d'équipement autres que le stockage et les accessoires de ce dernier (notamment le détendeur et le limiteur de pression) reste à la charge du client ; que la clause 9 stipule que toute réparation ne pourra être faite que par les soins d'Antargaz ou par l'un de ses prestataires désignés ; qu'enfin, la clause 27 impose au consommateur de confier l'exclusivité de l'approvisionnement en propane à Antargaz ;

Attendu que la société Antargaz considère que l'exécution immédiate du jugement sur ces quatre stipulations aurait des conséquences manifestement excessives ;

Attendu que s'agissant des clauses 5 et 6, l'une relative à la ré-épreuve décennale, l'autre sur l'entretien des appareils d'équipement et les accessoires, notamment le détendeur et le limiteur de pression, seule la cour saisie du fond du litige pourra dire si les obligations de sécurité qui pèsent sur Antargaz en sa qualité de distributeur de gaz justifient que certaines obligations soient imposées au consommateur même si ce dernier est propriétaire de la citerne ; que cette société n'établit pas que l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives ;

Que s'agissant de la clause 9 qui impose de confier toute réparation à Antargaz ou à des prestataires désignés, l'exécution provisoire ouvrirait certes au client la possibilité de faire effectuer toute réparation à un prestataire de son choix ; que toutefois ce seul fait ne suffit pas à établir l'existence d'un risque, le prestataire désigné étant réputé professionnel, et donc à générer des conséquences manifestement excessives pour le fournisseur d'énergie ;

Qu'enfin, s'agissant de la clause 27 par laquelle le client s'engage à confier l'exclusivité d'approvisionnement à Antargaz, l'exécution provisoire pourrait certes entraîner la décision du consommateur de se faire livrer en GPL par une société concurrente ; que toutefois, ce seul fait ne saurait davantage suffire à établir l'existence d'un risque, la fourniture continuant à être opérée par un professionnel, et donc à générer l'existence de conséquences manifestement excessives ;

 

Sur la demande reconventionnelle :

Attendu que le tribunal de grande instance de Grenoble a déclaré illicites ou abusives 21 clauses et ordonné leur suppression des modèles types de contrat ; que la société Antargaz a interjeté appel pour solliciter de la cour l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré illicites ou abusives les clauses 5, 6, 9 et 27 du jugement ; que la société Antargaz ne sollicite pas l'infirmation du jugement quant aux autres clauses ;

Attendu que le tribunal a ordonné l'exécution provisoire à l'exception des mesures de publicité ;

Attendu que dès lors que la société Antargaz ne conteste pas la décision du tribunal sur 17 clauses, il importe que les consommateurs soient avertis du caractère illicite ou abusif de certaines clauses des contrats les liant à la société Antargaz ; qu'il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire des mesures de publicité ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'association UFC 38 des frais non compris dans les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Nous, Gérard Meignié, premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant en référé, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 6 mai 2013,

Ordonnons l'exécution provisoire des mesures de publicité se rapportant aux clauses jugées définitivement irrégulières,

Condamnons la société Antargaz à payer à l'association UFC 38 la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens à la charge de la société Antargaz.

Le greffier                             Le premier président

M. A. BARTHALAY                        G. MEIGNIÉ